jeudi 18 août 2022

Par ici la bonne saupe

Effectivement très bonne, cette saupe, avec sa chair aux saveurs iodées… Mais avec aussi un goût de trop peu.

En effet ce sont deux saupes de 500 g qui devaient arriver chez moi, mais suite à je ne sais quel imbroglio au moment de l’expédition, je n’ai découvert qu’une seule pièce en ouvrant le colis. Et de plus je suis tombé sur une saupe naine : 363 g.

saupe
L'heure de la saupe

Une seule petite pièce pour deux ! Pour ce repas, ma feuille de route sera-t-elle saupe à l’un – mais pas à l’autre ? Ben non, il faudra se contenter d’un repas frugal et se consoler en se disant qu’un quart d’heure de régime, c’est supportable.

Je pare donc la bête, enfin, la bestiole, en la débarrassant de ses nageoires. Je ne l’écaille pas, car posée sur la plancha la peau formera une croûte qui permettra à la chair de cuire sans s’assécher : l’autopapillote, en quelque sorte.

Je parsème extérieur et intérieur de fleur de sel, je fourre de thym, romarin, laurier, persil, quartier de citron vert et relève d’une pincée de piment d’Espelette.

Sur un feu termine de cuire une poêlée de courgettes du jardin. Sur l’autre je pose mon petit (format adapté !) gril en fonte huilé au pinceau d’un soupçon d’huile d’olive. J’étends ma saupe quand mon ustensile est bien chaud, je saisis les deux faces du poisson, puis baisse la flamme, tourne et retourne plusieurs fois ma pièce jusqu’à ce qu’au feeling - c’est-à-dire à l’aspect et au toucher – je puisse la retirer cuite à point. Ce qui prend environ une douzaine de minutes.

saupe
Saupe victime de ma sécheresse


Je soulève la peau. 

saupe
Sous les peaux, la chair

Mission accomplie, il ne me reste plus qu’à lever les filets et les déposer sur les assiettes à côté de mes courgettes sautées.

« C’est bon, n’est-ce pas… Dire que certains journaleux titrent La Saupe, un poisson hallucinogène pour se défoncer ! »

Ben pour moi, il n’y a que le prix qui soit hallucinant en regard d’aussi petites parts.

Mais que l’on se rassure : fort marri de sa bévue, le mareyeur m’a depuis remboursé. Un si délicieux produit gratuit, j’hallucine !

Saupe
Plateau d'Hallu-Ciné


En tout cas, il faudrait rendre la saupe populaire, telle est la morale que je tire de mon aventure.


Le lendemain, c’est encore dans les eaux de la Méditerranée – ou plus précisément de la Camargue – que je trouve notre pitance. Il s’agit de moules d’agriculture bio et de couteaux pêchés au sel. Afin de préserver la saveur spécifique de ces moules qui ne sont pas de la même espèce que celles de l’Atlantique, mais appartiennent à la variété méditerranéenne Mytilus Galloprovincialis, je me contente de les laisser s’ouvrir au fond d’un sautoir avec simplement une cuillerée d’eau destinée à les envelopper de vapeur. Je procède de même pour les couteaux dans une petite casserole. Pour eux, quelques secondes suffisent pour qu’ils s’épanouissent.

Je dresse dans deux assiettes en ajoutant une petite coupelle de kimchi coréen destinée à servir de condiment émoustille papille.

Je n’étais pas certain du résultat, mais cette association fonctionne très bien : la force et la délicatesse se donnent la réplique sur la table, partie de ping-pong entre yin et yang où le seul vainqueur est le juge de bouche qui les applaudit.

moules de Méditerranée, couteaux
Moules à couteaux tirés


Suit une salade de tomates du jardin, arrosées d’un petit filet de jus de citron et d’une bonne rasade d’huile aux notes herbacées des Baux-de-Provence, et parsemées de feuilles de basilic cueilli dans la matinée.

tomates du jardin
Théâtre des variétés

 

On dirait le Sud…

 

vendredi 12 août 2022

La farce des poivrons

Au moment de réaliser les morrones relienos destinés à faire bon usage de poivrons récoltés dans mon jardin me voici confronté au même dilemme que le capitaine Haddock.


En effet parmi les diverses variétés de poivrons farcis à la mode argentine j’ai choisi la version consistant à casser un œuf à l’intérieur d’un demi-poivron et y adjoindre du fromage, en l'occurence de la mozzarella. Ce qui me complique la vie, c'est que j’en ai découvert deux recettes : la première, où l’on recouvrait l’œuf par le fromage, et la seconde ou l’on enfonçait le fromage avant de casser l’œuf par-dessus. 

Alors fromage dessus ou fromage dessous ? À vrai dire, je pencherais plutôt vers la seconde solution. Car ainsi, dans la cuisson sur la plancha le fromage devrait fondre plus facilement, et la cuisson de l’œuf non caché devrait être facile à surveiller.

Mais voilà, il y a un problème : mes poivrons sont de la variété d’origine hongroise Pusztagold, aux fruits fort savoureux mais de taille relativement petite. Restera-t-il une place suffisante ? À vue d'œil j'en doute.

Aussi je m’oriente vers une tierce recette – des déchirures de mozzarella déposées au fond vers les deux extrémités et laissant un creux où pourra se nicher l’œuf, et quelques autres ajoutées après avoir versé l’œuf et laissant apparaître le jaune. Parfait pour le suivi, mais aussi le visuel…

 

Je me lance. C’est une grande poêle en acier qui me servira de plancha. Pour ne pas trop cramer prématurément mes poivrons à la surface avant que la chair et la farce ne soient cuites, je la place sur une flamme moyenne. Puis j’y dépose les demi-poivrons côté découpe vers le bas.

La chaleur de la poêle s’est propagée jusqu’au sommet des dômes légumiers. Je retourne chaque pièce. Les bords de découpe sont bien caramélisés, mais pas brûlés. Je commence mon montage fromage/œuf/fromage en y ajoutant quelques pincées de sel Je parsème de feuilles d’origan arrachées à leur tige par un sournois passage à rebrousse-poil.

Après une douzaine de minutes, j’estime que le moment est venu de retirer les morrones relienos et de les transférer par paire sur les assiettes. Je les orne de sommités fleuries d’origan et de basilic.

 

morrones relienos , poivrons farcis
Sur la route fleurie


Mon dilemme fut résolu promptement, sans insomnies. Cependant force est de reconnaître qu’il m’est plus aisé de déchirer ma mozzarella que pour le capitaine Haddock de lacérer sa barbe.

mardi 9 août 2022

Le thon qu'il fallait

 

N’ayant aucune envie de transformer la cuisine en succursale des Enfers en allumant le four ou en me lançant dans de longs mijotages, je me suis tourné vers la réalisation d’un rapide plat de pâtes.

En effet dans mon placard se morfondait un sachet de spaghetti déjà entamé. Mais surtout dans le réfrigérateur il y avait ce qu’il fallait pour qu'une telle banalité se transforme en régal : un morceau de poutargue de thon rouge.

 





Tout d’abord une rapide mise en place :

-  prélever les 2/3 du morceau de poutargue, soit environ 100 g, conserver le reste pour une utilisation ultérieure

-  en découper une moitié en fines tranches et émietter l’autre moitié

-  prélever le zeste d’un citron jaune avec un zesteur, puis partager l’agrume et en exprimer le jus

-  éplucher et hacher finement quatre gousses d’ail

 

Je mets à chauffer une grande casserole d’eau. En attendant l’ébullition, j’en profite pour verser deux cuillerées d’huile d’olive au fond d’une poêle que je place sur un feu moyen. J’y fais tomber l’ail, puis les zestes de citron et les miettes de poutargue. Je verse le jus de citron et laisse réduire de moitié. Je réserve.

Bon, ça y est, l’eau est en ébullition. J’y fais tomber une poignée de gros sel, puis les 150 g de spaghetti. Il Signore Rummo m’a prescrit 11 minutes de cuisson pour ces grossi spaghetti n° 5, mais je me contenterai de 9 minutes, la cuisson se poursuivra dans la poêle que j’ai remise sur la flamme en y versant une louche d’eau de cuisson des pâtes.

Bip, bip… Je sors les spaghetti que je dépose dans la poêle où bloubloute la sauce à la poutargue en pleine réduction, dont l’amidon apporté par les pâtes va parachever la liaison. Je brasse afin que ces dernières s’imprègnent de tous les parfums et se barbouillent gentiment. Deux minutes sont passées, les spaghetti sont al dente. Je n’oublie pas deux ou trois tours de moulin de poivre noir de Wayanad aux notes fruitées.

Je m’empare d’une pince pour transférer le contenu de la poêle au sein de deux assiettes creuses. Je répartis les tranches de poutargue. Je termine en arrosant d’un filet d’huile d’olive des Baux-de-Provence – celle aux arômes de fruits noirs maturés. Enfin, dans le même élan que l’alpiniste plantant son fanion au sommet qu’il vient de conquérir de haute lutte, je dresse une feuille triomphale : le parfum du basilic s’alliera à celui de la victoire.

poutargue de thon rouge
Nid de ponte d'un thon rouge

Et, c’est vrai, victoire que cette poutargue point trop salée qui se délite savoureusement dans la bouche en exhalant de plaisantes notes iodées, que ce citron dont la présence est discrète, mais assumée, tout comme pour l’ail qui se résout à rester en arrière-plan, que ces pâtes al dente mais imprégnées de toutes ces saveurs. Le thon qu’il fallait – et juste le temps qu’il fallait pour que le cuisinier ne soit pas cuit.

 

vendredi 5 août 2022

Very Nice ?

 

La vue du feuillage encore bien vert de blettes venant d’être arrachées au jardin – c’était avant cette canicule qui me tourna plus vers la sieste que vers l’écriture, fut-ce au sein de ce blog… - m’avait incité à me lancer dans la réalisation d’une tourte de blette. Et que l’on ne me reproche pas de faire du grand n’importe quoi en m’aventurant sur des terres qui me sont étrangères. Car si je n’ai pas la moindre goutte de sang niçois ni même provençal dans les veines, je tire ma recette du journal Nice-Matin qui l’a extraite des Carnets de cuisine du comté de Nice par Alex Benvenuto en collaboration avec le Comité Technique du label « Cuisine Nissarde ». Pas authentique, ma tourte ? Ben si, autant que l’aligot que j’ai vu jadis battu vigoureusement par un jeune chinois sous l’œil reconnaissant, mais vigilant, de la bougnate enfin déchargée de cette tâche ingrate. Comme quoi en gastronomie les origines régionales ou ethniques du cuisinier n’apportent aucune valeur ajoutée au résultat final – surtout si le gourmet dégustateur en reste dans l’ignorance… En témoigne d’ailleurs le label STG (spécialité traditionnelle garantie), pour lequel, dans leur grande sagesse, les législateurs n’ont pas intégré les hacheurs, les touilleurs, les pétrisseurs, les cuiseurs ou les démouleurs parmi les ingrédients : ainsi une Vieille Gueuze peut être brassée aussi bien par un gueux réfugié moldave que par un père noble flamand.

Je fais le faraud, mais je n’en mène pas large en préparant la pâte. En effet il s’agit d’une de ces pâtes sucrées délicates à étaler et surtout à transporter. Dans les 500 g de farine j’incorpore 2 œufs, 250 g de beurre pommade et 200 g de sucre semoule. Je n’oublie pas la pincée de sel. Je pétris délicatement, j’ajoute la cuillerée d’eau qui manquait pour le façonnage d’une boule homogène qu’une fois obtenue j’enferme dans un film transparent avant de la réserver au froid.

Je passe à la confection de la garniture. Je prélève les côtes que je blanchis rapidement avant de les transférer dans une boîte où elles attendront au réfrigérateur leur tour pour être cuisinées. Oublions-les pour aujourd’hui ! Ce sont les feuilles vertes qui m’intéressent. Je les découpe en fines lanières et les lave trois ou quatre fois jusqu’à ce que l’eau ne soit plus teintée. Je les passe à l’essoreuse à salade. Je pèse : j’ai obtenu approximativement un kilo de verdure.

Dans une grande bassine je mélange 75 g de cassonade avec 1 œuf, 25 g de parmesan râpé (je n’ai pu me procurer le sbrinz recommandé) ainsi que 30 g de raisins secs qui se gonflent d’importance sous l’ivresse du petit verre du rhum dans lequel je les ai plongés une heure auparavant. J’incorpore 80 g de pignons qui, sous l’influence des raisins, réclament leur part alcoolisée. Je noie leurs braillements sous un demi-verre d’eau-de-vie de prune. J’ose espérer que la cuillerée d’huile d’olive que je déverse évitera la gueule de bois à cette bande d’ivrognes. Surtout, mais ça, c’est pour le parfum d’anis, que j’ajoute une petite cuillerée d’arak…

Je déverse les lanières de blette bien égouttées, donne quelques tours de moulin de poivre noir et brasse le tout. Ma garniture est prête. 

tourte aux blettes
L'art et la lanière

Il me reste à découper des tranches fines dans une pomme Golden. Elles seront disposées à la surface de mon mélange.

tourte aux blettes
pomme pomme pomme

Mais le plus délicat reste à faire. Je partage ma pâte sortie du réfrigérateur en formant deux boules égales. Je les étale entre deux feuilles de papier siliconé légèrement fleurées. Avec moult précautions en m’aidant d’une spatule j’arrive à décoller la feuille supérieure. Transport vers la tourtière, brusque retournement, victoire, le disque de pâte est centré sur le moule. Nouvelle opération de séparation du papier restant, piquage et étalement de la garniture… Mes lamelles de pommes sont réparties à la surface.

Je me livre aux mêmes opérations de transfert pour le second disque de pâte que j’avais réservé au frais le temps de mener à bien la construction du soubassement et d’élever les étages. Mais là c’est pour recouvrir l’édifice. Puis, en bon artisan, je fignole les jointures. Il me faut piquer la pâte. À la fourchette ? Non, car je trouve ces alignements disgracieux. Je préfère utiliser un pique pomme de terre dont les trois pointes disposées en triangle offrent un graphisme plus harmonieux.

tourte aux blettes
Comme des pattes d'oiseau

Et zou, au four pour une quarantaine de minutes à 180 °C. Quand elle sort, cette tourte de blette a plutôt bonne allure. Je la saupoudre de sucre semoule.

tourte aux blettes
Non, pas de sucre glace !

Elle est désormais tiède et j’entreprends anxieusement de la démouler. Eh bien, mes craintes étaient injustifiées. Tout se déroule facilement, ma Nissarde vient s'allonger en douceur sur le plat aussi facilement qu’une Anglaise en promenade le ferait sur un transat.

Une enfant de la perfide Albion qui se poserait comme moi la question « Dessert or not dessert ? »

J’avoue que si nous n’avions pas eu une invitée au repas, cette tourte aux blettes aurait fait office de plat unique. Mais comme je veux mettre les petits plats dans les grands, j’ajoute au menu des grillades de porc accompagnées de haricots verts du jardin.

Les tranches de porc ont mariné dans une sauce au sirop d’érable et piment chipotle. 


Je les dépose sur le gril en fonte, chaud mais pas trop. J’effectue de nombreux retournements, donnant des coups de pinceau imbibé de la sauce à chaque fois. J’enlève la viande du gril quand sa surface est bien caramélisée, renfermant une chair encore juteuse.

Pour les légumes, j’ai plongé sept minutes les haricots violets qui en ont verdi de stupéfaction dans l’eau bouillante salée. Ils en sont sortis al dente. Ils étaient même un peu en sous cuisson, ce que je souhaitais pour qu’ils supportent le passage dans le beurre fondu.

Comme la récolte du jour de haricots était maigre, j’y ai adjoint quelques pommes de terre primeur de Noirmoutier dont la cuisson en robe des champs a pris, quant à elle une quinzaine de minutes. Elles vont rouler au fond d’une poêle dans une grosse noix de beurre demi-sel mousseux. Deux ou trois minutes pour les laisser se vautrer dans le stupre normand et sa dorure, et je leur adjoins les haricots vioverts qui semblent en éprouver une brillante satisfaction.

Il est temps que je vire tout ce petit monde de la poêle orgiaque pour les encadrer sur un sévère plat en inox par un trio dopé à la sauce américaine.

grillades de porc, haricots violets, pommes de terre de Noirmoutier
Le début des haricots

Nous nous en régalons


Enfin l'instant du dessert : je tranche la tourte de blette. 


tourte aux blettes
Aux Niçois qui mal y pensent

Les parts sont belles et de bonne tenue

Mais si mes compagnes de table m’affirment se régaler, pour ma part je prends un plaisir mitigé à cette dégustation. Serait-ce que je n’aime pas la VRAIE tourte nissarde ? Ou bien Nice-Matin aurait-il abusé de ma naïveté en ne dévoilant pas les secrets de préparation qui sont l’apanage des seuls résidants dans le countea de Nissa depuis plusieurs générations ? Dire que sur place je n’ai jamais eu l’idée de déguster ce produit afin de me créer une référence… Je m’en veux, je m’en veux, de m’être contenté de la pissaladière et du pan-bagnat ! Crétin de touriste que je fus…

 

jeudi 28 juillet 2022

Filet en douce

  

C’est décidé, cuisson douce à la vapeur pour les deux filets de poulets du Gers achetés le matin chez le marchand de produits du Sud-Ouest des Halles de ma bonne ville.

Mais pour autant je ne souhaite pas une viande insipide. Aussi je fais mariner mes deux morceaux sous vide pendant une nuit.

Je saupoudre les filets avec générosité, recto et verso,  d’une poudre toute prête, mélange de paprika, ail, thym, romarin, piment de cayenne. Je me permets même la familiarité de les masser quelques instants avant de les déposer sur un lit d’herbes du jardin (origan, marjolaine, thym citronnelle, romarin) et d'oignon blanc finement haché. Je les recouvre ensuite du même mélange avant de les arroser d’un bon trait d’huile d’olive et du jus d’un demi-citron. Et puis pompons, pompons… À vrai dire je ne fais pas trop le Shadok, car c’est la machine qui me pompe l’air, ou plus précisément l’air enfermé dans la boîte. En effet, en ce qui me concerne, il n'y a nul besoin d'assistance mécanique pour me pomper l’air - j'en ai fait l'expérience maintes fois.

filet de poulet
Le vide n'a pas horreur de la nature


Le lendemain je sors le récipient du réfrigérateur et autorise Dame Atmosphère à réintégrer sa place, ce qu’elle attendait avec une impatience manifeste - je la sentais sous pression.

Pendant que mon poulet revient à température ambiante, je lance la cuisson durant une vingtaine de minutes d’un verre de boulgour dans le double d’eau salée en ébullition. D’autre part je fais sauter à l’huile d’olive rapidement dans une poêle une courgette du jardin taillée en paysanne. Enfin je recouvre des rondelles d’oignon blanc d’un grand verre de vinaigre de cidre additionné d’un trait de vinaigre d’alcool, une cuillerée de mélasse de grenade et une pincée de sel afin d’obtenir des pickles.

Le boulgour est cuit à point, j’y incorpore le taillage de courgette encore légèrement al dente. Je réserve.

Je vois que la vapeur sort abondamment des trous de la plaque en inox perforée. J’y verse le contenu de ma boîte, filets et herbes mélangés. Je laisse cuire une vingtaine de minutes. Je sors les filets à la pince pour les faire colorer quelques secondes sur le gril en fonte barbouillé d’huile d’olive.

Après avoir remis le boulgour en température je passe au dressage pour lequel j’ajoute quelques olives, un brin de menthe du jardin et une pincée de piment d’Espelette. J’arrose le boulgour d’un filet d’huile d’olives maturées des Baux-de-Provence aux parfums de tapenade.

filet de poulet, boulgour, pickles d'oignon
Poulet parfumé


Ouf, en dépit de la cuisson à la vapeur, l’assiette ne donne pas l’impression d’une désolante dérive vers la tyrannique diététique de l'hygiénisme ambiant… Un seul regret : que le passage sur le gril, bien que fort bref, ait légèrement desséché la chair du poulet. J’aurais dû préférer le chalumeau pour colorer. Mais je voulais des stries… Voilà ce que ça donne, quand on fait le zébreur !

 

 

 

lundi 25 juillet 2022

Amour en mer

 

Par une nuit de pleine lune, non loin de Quiberon, Siegfried Homard – que ses amis surnommaient affectueusement Zig – remarqua, cachée timidement derrière un gros rocher tapissé de goémon, Bernadette Langouste. C’était une grosse bretonne rougeaude, néanmoins il en pinça pour elle. « Mais non, elle n’est pas grosse, elle est simplement bien en chair… » la défendait-il auprès de ses copains ricaneurs.

Quelques semaines plus tard, il lui passait la bague. Il y avait fait graver les lettres CRPMEM, ce qui signifiait Câlins, Romance, Passion, Mon Éternellement Mienne.

L’union fut proclamée : Bernadette était devenue Madame B.H.L, ce qu’elle prit avec philosophie. Elle n’était pas d’un tempérament enflammé, mais, après tout, sans doute passera-t-elle des jours heureux auprès de son Zig Homard…

En quoi elle se trompait. L’erreur, ce fut de partir en voyage de noces. Les antennes du couple auraient dû pourtant les dissuader d’entreprendre un tel périple…

Quand ils arrivèrent à Versailles où ils avaient retenu chambre et couvert chez l’habitant, le voyage, pourtant sous climatisation, les avait éreintés. Surtout Monsieur Homard, moins fringant que de coutume. « Remets-toi, mon pauvre Zig, tu la reverras, ta mer ! » s’exclama sa compagne en lui caressant gentiment la queue.

langouste, homard
B.H.L. et Zig Homard

Compatissant, le maître des lieux leur proposa une séance de sauna –  parfumé aux algues, s’il vous plaît… Ils en sortirent encore un peu dans les vapes.

«  Qu’en penses-tu ma Nadette ? Quant à moi je me sens un peu partagé…

-  Moi itou…

-  Et maintenant ne souhaiterais-tu pas passer à table ?

- Oh oui, mon Zig, oui oui ! »

Ils passèrent - sur la table. Le couple fut arrosé de beurre salé fondu, breton, c’était la moindre des choses, relevé d’un trait de jus de citron. Pour leur tenir compagnie, il y avait quelques pommes de terre primeurs de l’île de Noirmoutier cuites à l’anglaise, roulées à feu moyen au fond d’une poêle dans une noix du même beurre puis parsemées de curry – curry breton bien entendu.

 

langouste, homard
En tête à tête

Voyage de noces sans retour... L’Ogre des Yvelines avait encore sévi…

jeudi 30 juin 2022

En eaux douces




Eaux douces…


Tout d’abord l’eau à 11,7 °C provenant des sources de la rivière Oron dans laquelle évoluent les truites farios de la pisciculture Charles Murgat.

Quand j’allonge mes deux magnifiques truites dans la plaque en inox, je constate que je n’ai pas grand-chose à faire, sinon les parsemer de fleur de sel et les passer dans la farine pour ma préparation meunière.

truite fario
L'oeil vif et toute ouïe

En guise d’accompagnement, je fais tomber dans une noix de beurre demi-sel un oignon rouge de Tropea découpé en petits dés et y ajoute des grosses girolles de Sologne tranchées en deux. Je parfume d’une feuille de sauge ciselée finement et d’un tour de moulin de poivre blanc de Muntok.

Sur le feu voisin réglé à flamme moyenne je dépose la poêle à poisson barbouillée d’une cuillerée d’huile d’olive et d’une noix de beurre. J’introduis au sein de mes enfarinées une pincée de gros sel et quelques grains de poivre noir de Tellichery que j’enfouis sous une feuille de menthe et une branche de persil. Je dépose les poissons que je retournerai plusieurs fois – sans difficulté, car les bêtes sont bien roides - jusqu’à ce que sous la peau croûtée une chair à la fois brillante et laiteuse ne demande qu’à se séparer de l’arête, ce qui nécessite un peu moins d’une dizaine de minutes.

Je dresse sur des assiettes chaudes, ajoutant un éclat et une demi-tranche de citron jaune.

truite fario
Une truite bien élevée

Un régal ! Pas étonnant que ce produit ait été sélectionné comme ingrédient pour un Bocuse d’Or. Mon seul regret, c’est de ne pas avoir pu préparer ces farios au bleu, à peine sorties de l’épuisette…

 

 

Puis, douce elle aussi, l’eau du lac alpin où ont été pêchées les ferias que je viens d’allonger sur une planche afin d’en lever les filets.

fera du lac
Fera attristée par son sort

Une tâche bien délicate avec ces écailles si envahissantes, cette chair si fragile et ces arêtes si fines. Je m’en acquitte tant bien que mal, me promettant cependant d’acheter la fera du lac sous forme de filets le jour où l’envie me reprendra de la cuisiner.

Je choisirai la vapeur pour la cuisson de cette chair délicate que je raidis par un séjour sous le sel.

Mais auparavant je commence la garniture. Je recouvre des radis rouges équeutés d’une saumure bouillante fortement vinaigrée et parfumée de clous de girofle, de cannelle, afin d’obtenir des pickles.

Une demi-heure s’est écoulée. J’en ai profité pour écosser les petits pois récoltés le matin même au jardin. Je les mets à cuire à l’anglaise en compagnie de quelques tranches de carotte. Huit minutes me suffisent pour obtenir des légumes légèrement al dente, encore gorgés de leurs parfums. Exactement le même temps qu’il me faut pour nacrer la chair des filets étendus sur une feuille de papier siliconé et déposés dans un bac perforé placé dans l’appareil de cuisson à la vapeur.

Simultanément à ces cuissons – on ne peut plus diététiques, on le reconnaîtra – je monte un beurre blanc à partir d’échalotes grises du jardin hachées finement un verre de gros-plant, un trait de vinaigre blanc et 200 g de beurre d’Échiré, sans oublier la pincée de sel fin et le tour de moulin de poivre blanc de Penja.

Je dresse en recouvrant partiellement de ce beurre blanc dont une saucière sera posée sur la table.

fera du lac
Vapeur du lac


Cette assiette est très bonne, et offre sans doute une recette plus raffinée que celle de ma banale fario meunière. N’empêche que je m’étais davantage régalé avec cette truite ! Je me console en savourant les goûteux petits pois agrémentés d’un soupçon de sauce onctueuse, songeant qu’être bien élevé peut vous permettre de damer le pion à un sauvage, fût-il même un bon sauvage…

lundi 27 juin 2022

Dans un panier de crabes

 

Ah, la vilaine bête ! C’est qu’il m’a pincé, ce salopard de crabe vert ! Puisqu’il en est ainsi, il va voir avec ses copains du même acabit de quel gaz je me chauffe…

Ma gentillesse me perdra. J’avais voulu allonger délicatement ces Méditerranéens pour une dernière sieste. Mais non, il leur fallait me narguer en gigotant, en escaladant les parois de leur impeccable retraite, en voulant jouer les saute-murailles pour s’en échapper, bref en sonnant le branle-bas de combat.

crabes verts
Allez les Verts !

Quoi que… Finalement, considéré sous un autre angle, cette agitation, c’est plutôt sympa : chacun me présente un certificat de bonne vie (et mœurs, je ne sais pas ? ) qui me rassure sur la comestibilité. Dont acte. Allez, tout le monde sous la douche ! Puis l’on va s’égoutter au fond d’une passoire, et en vrac cette fois-ci, non mais.

 

crabes vert
Sortie de bain

J’attends quelques minutes que tout ce petit monde commence à se calmer, apaisé par la fraîcheur ambiante. Dans un but humanitaire – ou plutôt crabataire – j’attends que le petit verre d’huile d’olive que j’ai versé au fond du rondeau soit très chaud, presque fumant, avant d’y basculer le contenu de la passoire. Trois minutes plus tard, feus les crabes sont passés au rouge.

crabes verts
Ils en rougissent, les traîtres...

J’éteins la flamme et attends un refroidissement tout relatif – mes doigts s’en souviennent… - pour me consacrer à une opération fastidieuse, mais nécessaire : débarrasser chaque crabe de son octuor de petites pattounettes et son duo de mini-pinces afin d'autoriser une dégustation aisée de mes spaghetti aux crabes verts et éviter le coincement d’un dactyle ou autre propodite entre deux molaires. Eh oui, j’avais oublié de dire qu’un plat de pâtes était l’objectif final de toutes ces manœuvres… Voici, c’est chose faite : l’on sait désormais que mon entreprise crabicide ne relève nullement d’un sadisme gratuit, même si vu du côté des crustacés ça ne change pas grand-chose à leur vécu. D’autant plus que je me permets de fendre leur carapace d’un coup de ciseau qui facilitera leur dégustation et permettra à leurs entrailles de parfumer la sauce.

Je remets les crabes désormais géométrisés dans le rondeau en y ajoutant un gros oignon blanc haché et une branche de livèche. Je rallume le feu, désormais à puissance moyenne. Je laisse l’oignon compoter un couple de minutes. 

crabes verts
Plus faciles à ranger...

Je dépose une bonne cuillerée de concentré de tomate que je relève de deux gousses d’ail écrasées et d’une pincée de piment d’Espelette. À ce moment les crabes réclament du vin blanc. Je n’ai pas la cruauté de leur rétorquer « Pas de bras, pas de pinard ! » et leur verse un grand verre de sauvignon. Je laisse réduire du quart en récupérant les sucs collés au fond du rondeau décollés à l’aide d’une maryse. Je mouille ensuite à hauteur avec de l’eau du robinet, introduis un nouet enfermant les pattes et pinces concassées, et je laisse bloublouter à feu moyen jusqu’à ce que la sauce atteigne la consistance voulue, ce qui me prend une vingtaine de minutes. 

crabes verts
Nouet d'ivresse

J’extrais le nouet dont le contenu devrait désormais avoir exprimé tous ses sucs.

Il ne me reste plus qu’à rectifier l’assaisonnement par deux ou trois tours de moulin de poivre blanc de Penja et quelques pincées de fleur de sel.

Je fais glisser le contenu du rondeau dans une boîte et réserve toute une nuit au frais afin de permettre une osmose des parfums.


Le lendemain, un peu avant de passer à table, je change mon fusil d’épaule. Réflexion faite, le remplacement des spaghetti par des fusilli rendra la dégustation du plat plus facile. Je réchauffe ma sauce dans laquelle se vautrent les crabes apodes au fond d’une poêle. J’y transfère les pâtes sorties de l’eau bouillante salée à l’aide d’une araignée. Une ou deux minutes en secouant pour enrober les fusilli et les laisser s’imprégner du parfum marin : je m’empare d’une louche et répartis mes fusilli aux crabes verts entre les assiettes.

fusilli aux crabes verts
Crabes montés sur ressorts


C’était bon, nous nous sommes léché les babines et surtout les doigts. Demain, grande lessive de serviettes…

Mais je ne me suis pas fait pincer pour rien.

samedi 25 juin 2022

En fixant la ligne rouge des Vosges

 

La semaine dernière, j’ai eu les yeux fixés sur la ligne rouge des Vosges.

Une première fois avec le ponceau de côtelettes de sanglier, et quatre jours plus tard avec l’andrinople de pavés de chevreuil.

 

En ce qui concerne le sanglier, la cuisson fut on ne peut plus simple. Les côtelettes, ayant reposé une heure sur un lit de thym et d’origan, sont allées dorer rapidement sur un gril barbouillé de saindoux. Je les ai accompagnées de fèves cueillies le matin même au jardin. Je les ai fait baigner quelques secondes dans un beurre demi-sel mousseux avec trois feuilles de menthe ciselées finement avant de les répartir entre les assiettes à côté de galettes de pommes de terre (tubercules râpés mélangés avec une grosse pincée de sel, de nombreux tours de moulin de poivre noir de Sarawak et nettement moins de noix de muscade, puis pressés dans une toile à beurre pour en exprimer l’eau de végétation). Enfin une cuillerée de chipotle ketchup m’a semblé faire l’affaire en tant que condiment émoustilleur de papilles.

sanglier
Sanglier sauvage des Vosges


Mission accomplie. J’ai apprivoisé la bête sauvage.


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Il me fallait être tout aussi efficace pour dompter le chevreuil alsacien. Là encore, la cuisson fut on ne peut plus simple. Pour la bonne raison qu’il n’y en a pas eu : j’ai servi les pavés en carpaccio. Si le déclencheur fut la vue d’une recette d’Olivier Nasti, je me suis grandement éloigné de cette source. En effet point de feuilles d’oxalis à ma disposition et encore moins de bourgeons de sapin…

Sollicitant la bienveillante indulgence de ce grand chef – une qualité dont il me semble évident qu’il n’est pas dépourvu – j’oserai exposer ma version de carpaccio de chevreuil toute personnelle.

Je commence par serrer mes deux pavés de chevreuil de 150 g chacun au sein d’un film transparent. Je place ce boudin dans le congélateur.

chevreuil
Un chevreuil bien roulé

Une heure plus tard je commence la mise en place.

Pour la note d’acidité, j’ai choisi d’utiliser des groseilles du jardin, les jaunes apportant en plus une légère sucrosité. Je détache les fruits de leurs grappes et les réserve dans une coupelle J’y ajoute quelques baies de cassis dont le parfum vigoureux n’autorise une introduction qu’avec parcimonie, mais qui sauront ajouter de leur côté une légère note tanique. Quant aux baies de casseille, elles interviendront surtout par l’apport de leur taille pour le visuel.
Je tranche finement quelques radis rouges à la mandoline pour obtenir des disques quasi transparents qui de leur côté fourniront une note végétale et une légère astringence.

Je brosse deux girolles de Sologne bien fraîches dont la raideur me permet de leur faire subir le même sort – en un peu plus épais toutefois. La note forestière sera elle aussi présente.

Je peux désormais passer à la phase la plus délicate : la découpe de la viande. Après le passage au congélateur, elle est raffermie, mais pas assez toutefois pour l’utilisation de la mandoline ni même de ma rustique trancheuse. Je m’empare donc de mon meilleur couteau, et c’est a mano que je parviens à prélever des tranches d’environ deux millimètres dans les pavés de chevreuil.

Tout est prêt pour le dressage.

J’étale mes tranches de chevreuil sur des assiettes en bois – l’on admirera l’à-propos de ce choix pour ce thème sylvestre ! Je répartis les découpes de girolle, puis les rondelles de radis, et pour finir les diverses baies. Quelques feuilles de pimprenelle confèrent la touche herbacée manquante avec un subtil arôme de noisette.

J’arrose d’un filet d’huile d’olive parfumée à la truffe blanche d’Alba – une concoction que je fuirais certainement si elle ne provenait pas d’une excellente maison dont j’ai déjà pu apprécier la qualité des produits.


Des relents de sous-bois me montent aux narines pendant que je fais tomber quelques flocons de sel de Maldon.


 

chevreuil
Chevreuil sauvage des Vosges

Miracle ! Les dieux sont avec moi, Oxylus, Actéon, et même les déesses comme Artémis… Pan, dans le mille ! L’équilibre est parfait, et les jeux de saveurs ne masquent pas la présence de cette viande de chevreuil à la fois tendre et goûteuse dont la légère fragrance de gibier n’est pas le moins du monde rebutante.

Même pour quiconque craignant que j’aie franchi la ligne rouge

lundi 20 juin 2022

Virée(s) à La Mouclade

Était-ce l’effet de la pleine lune miroitant sur la marée montante ? Ou bien l’arrivée du printemps avait-elle fait passer une sève nouvelle dans ces moules charentaises qui baillaient d’ennui accrochées à leur morne corde ? Toujours est-il que l’une d’elles s’exclama : « Dites, les copines, ça vous dirait de se payer une petite virée en ville ? ». Bien sûr, que ça leur disait !

«  J’ai entendu parler d’une boîte où l’on devait pouvoir s’éclater. C’est, c’est... Ah, le nom ne me revient pas.

-  Peut-être L’Éclade. Il paraît que c’est chaud, très chaud, sous les pins…

-  Non, pas celle-là, mais c’est bien un nom en ade. Je l’ai sur le bout du palpe labial...  La Bouclade ?

-  Je sais ! Il s’agit de La Mouclade. Un endroit chicos. Je suis partante ! »

Toutes étaient partantes. Aussi, un peu plus tard, c’étaient non loin d’une centaine de moules qui béaient sur la piste lustrée de La Mouclade. Elles étaient arrivées bien fraîches, elles ne l’étaient guère désormais.

Normal, elles avaient commencé par un vin des pays vendéens, histoire de se mettre en jambes. 


Elles avaient apprécié - trop apprécié… - sa note iodée qui les replongeait en enfance.

Puis elles étaient passées au pineau. 


« Il est gouleyant, pas vrai ? ». La bouteille en avait pris un sacré coup. « Ben, je veux bien le croire, on avait très soif après notre course à l’échalote, et puis pour de pauvres moules comme nous, il faut se donner du courage pour se mêler à la crème locale…».

C’est alors qu’un dealer était arrivé et leur avait glissé discrètement une poudre jaune sous le manteau…


Bien mal lui en avait pris, pour la discrétion, c’était fichu, car sa mixture les avait fait s’évader de leur monde embrumé, et elles s’étaient mises à brailler :

« Le curry de Camaret a les... »

Nous, on ne voulait pas savoir ce qu’il avait. Alors les videurs sont promptement intervenus.

Elles se sont retrouvées séparées en deux groupes dans des cellules de dégrisement serrées les unes contre les autres et baignant dans leur vomi alcoolisé…

mouclade
Le rayonnement de la moule

Me croira-t-on ? Je m’en suis régalé. Et mon assistante aussi.

Comme quoi Bernard Pivot aurait mieux fait d’inviter une moule que Bukowski…



mardi 14 juin 2022

Sur les pas de Napoléon et Garibaldi

Je ne suis pas certain que Napoléon et Garibaldi soient des références dans le domaine de la gastronomie. Ce qui n’empêche pas que la boucherie italienne Macelleria Mastra Alebardi, qui m’a fourni la pièce de fiorentina (T-Bone en français de cuisine…) que je m’apprête à cuire, de se targuer fièrement d’avoir tranché des biftecks pour ces célébrités. 

Je doute cependant que les pères fondateurs de cet honorable établissement aient pour autant eu l’occasion de tailler une bavette avec ces chefs de guerre en personne et personnellement (comme  le dirait Catarella au commissaire Montalbano), le sang des champs de bataille les attirant plus que celui des étals.

Je ne regretterai cependant pas cet achat.

Je mets à chauffer la grande poêle en acier bien culottée sur un feu moyen. J’y fais fondre une noix de beurre et dépose ma fiorentina di Barbina Franciacortina assaisonnée de fleur de sel. Je la retournerai régulièrement pendant la cuisson qui durera une quinzaine de minutes.

fiorentina
Bella fiorentina

Je dépose la pièce de viande sur une planche, la laisse reposer dix minutes sous une feuille d’alu.

Quand j’entreprends de séparer la chair de l’os, je suis stupéfait de la facilité de cette découpe. Le tranchage transversal se poursuit avec autant d’aisance. Bientôt les premiers morceaux sont prêts à se diriger vers les assiettes.

fiorentina
Pas loin de la coupe aux lèvres

Je crois bien n’avoir jamais dégusté une viande aussi proche de la perfection dans son équilibre. D’une tendreté rare – et pas seulement côté filet – elle offre cependant de la mâche. Quant au goût, s’il n’atteint pas l’intensité de celui de certaines viandes plus maturées, il remplace la force par la subtilité, avec ses notes d’herbes et de noisette avec une infime sucrosité.

Fort heureusement il reste encore de quoi faire sur la planche…

fiorentina
L'heure du T


On en oublierait presque les asperges prévues en accompagnement. 

asperges landaises
Sorties du sable

En quoi l’on aurait bien tort. Mais voilà elles sont bonnes, très bonnes même - mais pas exceptionnelles comme l’est cette admirable viande de Barbina Franciacortina.

Je me demande quand même si l'aïeul du producteur landais n'a pas proposé la botte à l'Impératrice Eugénie... Qui sait ?

vendredi 10 juin 2022

À la fraîche

 

À LA FRAÎCHE

Où l’on voit une jeune auvergnate débarquer en région parisienne et s’y compromettre avec des patates qui la font filer doux, partagée entre l’amour d’une grande saucisse tout aussi fraîche qu’elle et la lubricité d’un quatuor de vieux pansus tripous aveyronnais.

 

Tomme 1 : Qu’est-ce qu’elle a Laguiole ?


La saucisse est une payse. Farouche, elle se love (is that you need) dans son nid poêlu tapissé de saindoux crémeux. Sa peau rose tavelée d’ivoire cache un cœur que des assauts brutaux par la lame d’un boucher laguiolais ont meurtri. Triste destin ! Elle a eu à peine le temps d’apercevoir la candide carnation que l’on dévêt et de s’en éprendre derechef, et voici qu’un pervers pose la poêle sur un feu vif.

Bientôt elle se trouve hâlée comme un vieil auvergnat rubicond revenant de son buron après une saison d’estive – celui-là même qui est le père de cette immaculée perception qui a enflammé son cœur avant que le gaz ne le cuise.

saucisse fraîche, Auvergne
Une saucisse introvertie

Cette immaculée, parlons-en… Quant à elle ce sont les assauts délicats (j’suis pas une brute) d’une lame d’origine thiernoise (quid de la solidarité auvergnate ?) qui la pourfendent. Elle est jetée en pâture à des patates qui n’apprécient guère de se voir écrasées en purée, ce qui les rend d’autant plus agressives.

Allez fouette, cuisinier !

aligot
Aligot home


Le ruban tarde à venir. L’assistance hurle : « Aligot ! Aligot ! Aligot ! »

L’Auvergnate est têtue. L’Aubrac dans la résistance… Rien n’y fait. Ah, la vache ! Tant pis… Je cesse  de touiller et m’empare de la saucisse qui désormais offre la figure barbouillée d’un bougnat parisien en fin de livraison d’anthracite.


Comme je suis un sentimental, après ce naufrage j’ai réuni mes Paul et Virginie aveyronnais dans une confrontation ultime.

aligot saucisse
Comme en Aubrac ?

Comme je suis un gourmand, je m’en suis régalé - le ruban ne fait pas la flaveur…

 

 

Tomme 2 : Les quatre tripous

 

Les quatre tripous ont voyagé de conserve. Un pour tous, tous pour un !

Une petite période d’échauffement leur fera du bien avant qu’ils ne se jettent sur la blanche auvergnate.

 

tripous..et un bon bain
Tripous ceinture beige en échauffement

Qui n’est d’ailleurs plus si blanche que ça après avoir partagé la couche de patates dorées sur en tranches… Que la truffade soit !

truffade
Cachez ce saindoux que je ne saurais voir

Je laisse les tripous se jeter sur elle, ils en bavent de plaisir.

truffade, tripous
Comme là bas


Pas de raison de me sentir exclu. Mais comme je suis bien élevé, moi, je ne bave pas : je salive avant de participer.

Que la truffade est bonne ! Et si j’ai connu parfois des tripous qui ne valaient pas tripette, ce n’est pas le cas ici. Une pensée émue pour leur pansettes goûtues glissant vers ma panse…


FIN