La semaine dernière, j’ai eu les yeux fixés sur la ligne
rouge des Vosges.
Une première fois avec le ponceau de côtelettes de sanglier,
et quatre jours plus tard avec l’andrinople de pavés de chevreuil.
En ce qui concerne le sanglier, la cuisson fut on ne peut
plus simple. Les côtelettes, ayant reposé une heure sur un lit de thym et d’origan,
sont allées dorer rapidement sur un gril barbouillé de saindoux. Je les ai
accompagnées de fèves cueillies le matin même au jardin. Je les ai fait baigner
quelques secondes dans un beurre demi-sel mousseux avec trois feuilles de
menthe ciselées finement avant de les répartir entre les assiettes à côté de
galettes de pommes de terre (tubercules râpés mélangés avec une grosse pincée
de sel, de nombreux tours de moulin de poivre noir de Sarawak et nettement
moins de noix de muscade, puis pressés dans une toile à beurre pour en exprimer
l’eau de végétation). Enfin une cuillerée de chipotle ketchup m’a semblé faire
l’affaire en tant que condiment émoustilleur de papilles.
Sanglier sauvage des Vosges |
Mission accomplie. J’ai apprivoisé la bête sauvage.
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Il me fallait être tout aussi efficace pour dompter le
chevreuil alsacien. Là encore, la cuisson fut on ne peut plus simple. Pour la
bonne raison qu’il n’y en a pas eu : j’ai servi les pavés en carpaccio. Si
le déclencheur fut la vue d’une recette d’Olivier Nasti, je me suis grandement
éloigné de cette source. En effet point de feuilles d’oxalis à ma disposition
et encore moins de bourgeons de sapin…
Sollicitant la bienveillante indulgence de ce grand chef –
une qualité dont il me semble évident qu’il n’est pas dépourvu – j’oserai exposer ma
version de carpaccio de chevreuil toute personnelle.
Je commence par serrer mes deux pavés de chevreuil de 150 g
chacun au sein d’un film transparent. Je place ce boudin dans le congélateur.
Un chevreuil bien roulé |
Une heure plus tard je commence la mise en place.
Pour la note d’acidité, j’ai choisi d’utiliser des
groseilles du jardin, les jaunes apportant en plus une légère sucrosité. Je
détache les fruits de leurs grappes et les réserve dans une coupelle J’y ajoute
quelques baies de cassis dont le parfum vigoureux n’autorise une introduction qu’avec
parcimonie, mais qui sauront ajouter de leur côté une légère note tanique. Quant
aux baies de casseille, elles interviendront surtout par l’apport de leur taille pour le visuel.
Je tranche finement quelques radis rouges à la mandoline pour obtenir des disques
quasi transparents qui de leur côté fourniront une note végétale et une légère
astringence.
Je brosse deux girolles de Sologne bien fraîches dont la
raideur me permet de leur faire subir le même sort – en un peu plus épais
toutefois. La note forestière sera elle aussi présente.
Tout est prêt pour le dressage.
J’étale mes tranches de chevreuil sur des assiettes en bois –
l’on admirera l’à-propos de ce choix pour ce thème sylvestre ! Je répartis
les découpes de girolle, puis les rondelles de radis, et pour finir les
diverses baies. Quelques feuilles de pimprenelle confèrent la touche herbacée
manquante avec un subtil arôme de noisette.
J’arrose d’un filet d’huile d’olive parfumée à la truffe
blanche d’Alba – une concoction que je fuirais certainement si elle ne
provenait pas d’une excellente maison dont j’ai déjà pu apprécier la qualité des
produits.
Des relents de sous-bois me montent aux narines pendant que je fais tomber quelques flocons de sel de Maldon.
Chevreuil sauvage des Vosges |
Miracle ! Les dieux sont avec moi, Oxylus, Actéon, et
même les déesses comme Artémis… Pan, dans le mille ! L’équilibre est
parfait, et les jeux de saveurs ne masquent pas la présence de cette viande de
chevreuil à la fois tendre et goûteuse dont la légère fragrance de gibier n’est
pas le moins du monde rebutante.
Même pour quiconque craignant que j’aie franchi la ligne
rouge…
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