lundi 28 juin 2021

Moules sauce incurie, puis bonnes pâtes

À la mi-juin, l’envie de déguster une bonne platée de moules marinières m’est passée par la tête. Aussitôt pensé, aussitôt exécuté…

Trois livres de moules de bouchots de la baie de Saint-Brieuc bien nettoyées - à vrai dire il n’y avait pas grand-chose à faire - se sont trouvées dans le sautoir où une sauce attendait leur ouverture. J’avais fait fondre dans une noix de beurre deux échalotes ciselées avant d’y ajouter une gousse d’ail tranchée finement, une feuille de laurier, un brin de thym et surtout une bonne cuillerée de curry breton dont je ne doutais pas qu’il allait faire merveille avec ses compatriotes bivalves. Puis j’avais inondé tout ce petit monde d’un mascaret de muscadet cascadant - un grand verre - précédant une chute de persil haché qui n’a pas tardé à se noyer pendant les quelques minutes de réduction à feu vif qui ont suivi.

moules, jus de cuisson
Beau bon jus

Sans baisser la flamme j’ai balancé mes moules briochines dans le récipient fumant et coiffé le récipient de son couvercle. Après trois ou quatre minutes de feu vif et de secousses, les coquillages étaient entrouverts, et la cuisine était envahie de parfums rudement appétissants. Encore une pincée d'herbe et un soupçon de curry breton...

moules marinières, curry breton
C'est le jour d'ouverture

Il ne restait plus qu’à apporter le sautoir sur la table, accompagné d’un grand pochon pour prélever les assiettées. 

moules marinières, curry breton
Moi aussi je vais bailler ...mais d'ennui


Hélas, le bilan fut mitigé. Si le jus s’est révélé aussi délicieux que les fumets qu’il dégageait, en revanche les coquilles ne révélaient que des mollusques étiolés, maigrichons, voire ratatinés bien éloignés de ces chairs dodues dont on se demande, en les cueillant du bout des dents, comment d’aussi grosses bêtes ont pu se terrer dans un si petit réceptacle.

Eh oui, rien d’étonnant à ça, la saison des moules de bouchot débute en juillet. Je n’ai à m’en prendre qu’à moi, à mon incurie ! Que l’on me cloue au bouchot, exposé à la risée publique, c’est tout ce que je mérite…



C’est pour cette raison que je tente aujourd’hui de me racheter par un mets que j’espère réussi. Ce ne sera pas chose facile, car mon projet demande un timing méticuleux.

Ce plat consistera en des pâtes aux coques et gambas. Trois ingrédients qui nécessitent de brefs temps de cuisson bien calibrés…

Une heure avant le repas je mets à dégorger une livre de coques, précaution qui se révélera inutile car ces coquillages ne contiennent aucun sable.

Mon geste inaugural avant les cuissons est de hacher grossièrement un petit bouquet de persil, les feuilles d’un bouquet d’origan et trois petites têtes d’un ail nouveau qui vient de montrer le bout de son nez au jardin. Je réserve cette persillade améliorée.


CUISSONS :

Première étape :

Utilisant une poêle à poisson rectangulaire barbouillée d’huile d’olive en guise de plancha, je saisis une vingtaine de gambas sur chaque face seulement quelques secondes, juste le temps de colorer les carcasses en laissant cru l’intérieur. 

gambas, pâtes aux fruits de mer
L'échauffement avant l'action

J’enlève les bêtes de la poêle, les étête et les déshabille, ne laissant que la nageoire caudale. Je réserve.

Deuxième étape :

J’étale les débris de carcasse sur la même poêle que je caramélise à feu vif. 

gambas, jus
Quand la gambas se décarcasse

J’ajoute trois gousses d’ail d’Arleux en chemise grossièrement écrasées, deux branches d’origan, une de thym, une feuille de laurier, une bonne cuillerée d’huile d’olive. J’éteins le feu pour laisser infuser un quart d’heure, puis je remets à feu vif en versant deux verres de muscadet. Je laisse réduire du tiers. Je verse alors le contenu de la poêle dans un chinois placé au-dessus d’une casserole, pilonnant les têtes et carcasses pour extraire la substantifique essence. Je réserve ce jus parfumé.

Troisième étape :

Je sors la poêle destinée au service et la barbouille d’huile d’olive et je porte à ébullition une grande casserole d’eau salée. Je plonge dans le liquide bouillonnant des tagliatelles aux œufs. 


Sur le paquet, il est prescrit trois minutes de cuisson. J’évacue ces pâtes au bout de seulement une minute pour les transférer aussitôt dans cette poêle accueillante.

Quatrième étape :

Je remplace la casserole de cuisson des pâtes par celle qui contient le jus de gambas. Toujours à feu vif, je porte ce jus à ébullition en y intégrant les trois quarts de ma persillade et y verse les coques égouttées. Je coiffe d’un couvercle. Une minute plus tard, je le soulève : les coquillages ont commencé à s’ouvrir. Je secoue, encore une dizaine de secondes, et je transfère les coques légèrement entrebâillées dans le nid que j’ai creusé au centre des tagliatelles. Sans perdre un instant, j’arrose ces dernières du jus de gambas mélangé à celui exprimé par les coques et relevé d’un tour de moulin de poivre rouge.

Cinquième étape :

Je dispose les gambas décortiquées sur la couronne de pâtes. Il m’en reste trois qui viennent s’allonger sur les coques. Je place la poêle sur un feu vif pour deux minutes. Les pâtes finissent de cuire dans ce jus, s’imprégnant de ses parfums, les coques s’ouvrent complètement et les gambas se remettent à température, se nacrant au centre.

Je retire la poêle du feu et fais tomber le reste de persillade sur les coques. À l’aide d’un zesteur, je prélève des lanières dans le zeste d’un citron jaune et les éparpille sur le plat. Je termine par un trait d’huile d’olive des Baux de Provence de la variété Grossane qui ajoutera des arômes fruités.

tagliatelles, gambas, coques
Le cercle de gambas reparues


CONSOMMATION :

C’est l'étape la plus simple : il s’agit de se mettre à table et déguster. 

Ma modestie naturelle ne m’empêchera pas de chanter les louanges de ce plat, les cuissons sont toutes réussies, respectant les textures et les goûts. De plus, contrairement à mes non regrettées moules malingres, ces coques sont pleines à souhait d’une chair empreinte de délectables saveurs iodées qui transportent au bord de la mer.

Je ne crierai pas haro sur la moule car je suis le seul coupable. 

Non, je chanterai coqu’orico, dansant la tagliatelle pendant que les gambas se décarcassent à en perdre la tête. C’est la fête !


samedi 26 juin 2021

Dans de beaux draps


Alléluia ! Première récolte de petits pois au jardin !

Bien entendu, je les ai traités avec tout le soin qu’ils méritaient. J’ai étendu au fond de la casserole un lit douillet de feuilles d’une laitue issue d’une planche voisine, agrémenté de quelques noisettes de beurre doux de Charentes Poitou. J’avais ciselé un trio de feuilles de menthe poivrée, ces petites lanières sont venues se mélanger avec les tendres grains, ainsi qu’un quintet (à claques ?) de mini-oignons blancs nouveaux, derniers rescapés d’une botte largement mise à contribution les jours précédents. J’ai ajouté les découpes en longueur d’une carotte - la touche rouge qui me manquait. Un petit verre d’eau fraîche pour la route, deux ou trois pincées de gros sel de l’île de Ré, un nouveau quintet (de l’art ?) et j’ai étendu les draps du dessus, en l’occurrence les dernières feuilles de la salade. Un disque de papier sulfurisé troué au centre, le couvercle, et, hop, la casserole sur la flamme. Une dizaine de minutes plus tard, les petits pois étaient à point. Pendant cette cuisson végétarienne, je n’ai pas perdu mon temps. J’aime bien les légumes, surtout fraîchement arrivés du jardin, je m’en régale même, mais ce n’est pas pour autant que je me laisserai priver de viande, qu’elle soit brute et sanguinolente, à peine saisie sur la poêle ou sur le gril, mitonnée longuement dans une cocotte, ou transformée avec talent par un artisan. Pour accompagner ces petits pois, c’est un charcutier alsacien qui viendra à ma rescousse…

J’ai choisi de déposer une noix de beurre au fond d’une poêle et d’y allonger trois saucisses paysannes qui s’y coloreront doucement. Doucement, car il s’agissait de ne pas les laisser s’éclater - le droit à s’éclater m’est réservé. Ces saucisses paysannes sont une version de la Brotwurscht hachée moins finement que la traditionnelle, ce qui leur donne plus de mâche. Une telle déclinaison était donc parfaite pour offrir un jeu de texture avec la tendreté des petites sphères vertes crevant sur la langue au moindre effleurement quenotteux ou ratichaire (ça dépend de l’âge de l’impatient…) et elle était suffisamment discrète pour laisser le premier rôle à la vedette horticole.

Charcuterie et petits pois furent prêts à envahir les assiettes quasiment à la même seconde.

J’ai alors déployé quelques draperies, apparitions d’une chrysoprase fantomatique dans la nuit veinée que bientôt une grêle smaragdine (ouais, c’est un mot que j’aime bien - presque autant que les petits pois…) va venir colorer. L’andrinople (j’aime un peu moins, mais je ferai avec…) de ma flèche finale s’est planté loin du cœur - je vise mal - ce qui ne m’empêche pas de déposer le bouquet de la victoire sous la forme d’une pousse de menthe poivrée qui me rappelle que je ne dois pas oublier que je dois donner un tour de moulin de ces grains rouges de Kampot si parfumés.

Et hop la, à table !

petits pois, saucisse alsacienne
Attaque de saucisses paysannes sur des petits pois dans de beaux draps


Afin de continuer à surfer sur ma vague alsacienne, je décapsule des bouteilles d’une excellente bière artisanale du Haut-Rhin à l’agréable amertume et qui regorge de houblon - les deux faits étant probablement liés...


Pas de dessert, le repas se terminera par la dégustation d’un munster blanc, simplement salé mais non encore affiné.

Il est frais à souhait.

munster jeune
Munster blanc

Je suis comblé, car depuis bien longtemps j’ai été privé de ce fromage aux suaves saveurs de lait cru dont je m’étais régalé jadis en alternance avec des munsters bien affinés au cours d’un séjour à Orbey.

Hélas, ce qu’il m’est impossible de retrouver à domicile, c’est la délicatesse des vraies truites au bleu recroquevillées dans mon assiette, sorties de leur eau glacée montagnarde quelques secondes avant leur cuisson par le cuisinier du petit restaurant à deux pas de la location d'où je pouvais voir depuis la fenêtré de ma chambre des vaches intrépides jouer au dahu sur les pentes herbeuses. 

Ce brave homme préparait aussi de savoureux râbles de lièvre à la crème  au cœur rosé, presque saignant, accompagnés de Spâtzle brillantes sous leur voile de beurre fondu, plat dont heureusement l’imitation est plus à ma portée - tout au moins la tentative.

Et le kirsch aux fragrances puissantes distillé par le fermier... Hum !

Et... Et...

Conclusion : le petit pois versaillais peut rouler pour nous emporter jusqu’en Alsace. Étonnant, non.


samedi 19 juin 2021

Canard à l'orage

Les conditions climatiques me rendaient plus que réticent à la simple idée d’allumer le four.

La bonne cuisson d’un dodu magret de canard du Sud-Ouest n’était pas un impératif suffisant pour me motiver en cet épisode orageux. D’autant plus qu’il existait une solution de rechange pour remplacer ma procédure habituelle avec enfournement, même si cette cuisson à la poêle et au feeling demande plus d’implication et une maîtrise que je ne suis pas vraiment certain de posséder. 

Mais tant pis, j'ai pris le risque !

J’ai d’abord déballé ce magret qui était réservé au frais. Je l’ai posé sur une planche pour le débarrasser de son gras superflu et de ses aponévroses et je l’ai strié en le sabrant de la lame bien affûtée de mon couteau. Il faisait tellement chaud que rapidement ces à-pic s’évanouirent, comblés par la fonte prématurée de la strate sous-dermique. Ah ce réchauffement climatique ! Cet effondrement ne m’a toutefois pas empêché de poursuivre mes préparatifs. J’ai frotté les deux faces, côté peau et côté chair, avec la chair écrasée de deux gousses d’ail de Lautrec, puis je les ai parsemées de fleur de sel et de poivre rouge moulu grossièrement. Enfin j’ai effeuillé en la frottant entre mes mains au-dessus du magret une branche de thym en fleur du jardin.

J’ai laissé reposer à (… haute) température ambiante durant une demi-heure afin que la pièce s’imbibe des parfums et ne subisse pas de choc thermique au commencement de la cuisson.

magret de canard
J'ai feuilleté le beau thym


Le magret était déjà déposé sur la poêle, mais côté chair. Je l’ai retourné et j’ai placé cet ustensile de cuisson sur une petite flamme, tout juste suffisante pour que la graisse s’écoule en son fond.

Quand la viande est devenue un îlot émergeant de sa petite mer huileuse, je l’ai évacuée provisoirement sur une plaque à débarrasser, le temps de vider le liquide de la poêle dans l’évier. Oui, je sais ce n’est pas bien, mais j’invoque l’état d’urgence et le fait que la graisse d’oie que je conserve précieusement dans un bocal suffit à mes besoins occitans, me semblant cent fois meilleure que ce résidu concentré de la paresse des éleveurs et de la méconnaissance des consommateurs - que n’avais-je à la place de ce coincoin consensuel une aile d’oie à me mettre sous la dent…

Vilain éleveur écartant l'oie au profit du canard


J’ai réintégré le magret et haussé la flamme au maximum. Deux minutes plus tard, j’ai vérifié en soulevant légèrement un côté à l’aide d’une pince que la peau était bien dorée. C’était le cas, alors j’ai retourné la pièce et éteint le feu, laissant la cuisson côté chair se poursuivre par inertie.

magret de canard
Magret et son craquelin parfumé


Pendant ce temps se poursuivait la cuisson d’asperges des Landes à la vapeur dans mon bienvenu cuiseur Dejelin qui m’évitait de porter à ébullition une grande casserole d’eau sur un feu supplémentaire. J’ai piqué les turions de la pointe d’un couteau : ils étaient presque cuits mais encore al dente. J’ai éteint la production de vapeur, les laissant cependant au chaud sur leur plaque perforée.

Le magret passa sur une planche de découpe. Alléluia, je ne m’étais pas vautré, le magret était bien rosé comme il se doit. J’ai disposé les tranches dans les assiettes. Par cette température et dans cette ambiance de moiteur, pas question de me lancer dans la confection d’une sauce style hollandaise ou même à la flamande pour les asperges. Je me suis contenté de mélanger grossièrement le jus d’un demi-citron, une cuillerée de vinaigre balsamique traditionnel de Modène, une pincée de sel fin, un tour de moulin de poivre noir, trois cuillerées d’huile d’olive de Provence. J’ai réparti cette vinaigrette entre deux petits récipients en terre où elle n’a pas manqué de trancher comme c’était prévisible, mais ce n’était pas grave, les asperges étaient là, aptes à servir de mouvettes, d’ailleurs en terminant le dressage des assiettes je leur ai montré le chemin.

magret de canard, asperges
Canard à l'orage



Nous pouvions désormais passer à table sous un tonnerre qui n’était pas d’applaudissement, mais je n’avais certes pas besoin de chauds compliments. D’un petit rosé bien frais plutôt…


vendredi 18 juin 2021

Pour faire la cuisine d'un pigeon


Prendre d’abord une casserole

Avec le couvercle enlevé

Y mettre ensuite

Quelque chose de joli

Quelque chose de simple

Quelque chose de beau

Quelque chose d’utile pour le pigeon


Poser ensuite la casserole près d’une fenêtre

Sur un toit

Près d’une cheminée

Se cacher derrière la fenêtre

Sans rien dire

Sans bouger


Parfois le pigeon arrive vite

Mais il peut aussi bien mettre de longues années

Avant de se décider

Ne pas se décourager

Attendre

Attendre s’il le faut pendant des années

La vitesse ou la lenteur de l’arrivée du pigeon

N’ayant aucun rapport

Avec la réussite du plat


Quand le pigeon arrive

S’il arrive

Observer le plus profond silence

Attendre que l’oiseau entre dans la casserole

Et quand il est entré

Poser doucement le couvercle

Puis

Transformer en victuaille la proie capturée

En ayant soin de ne laisser aucune des plumes au pigeon


Faire ensuite la cuisson des herbes

En choisissant les plus belles de leurs branches

Pour le pigeon

Cuire aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent

La poussière du soleil

Et les senteurs du jardin dans la chaleur de l’été

Et puis attendre que le beurre se décide à crépiter


Si le pigeon ne roucoule pas

C’est mauvais signe

Signe que le plat est mauvais

Mais s’il roucoule c’est bon signe

Signe que vous pouvez signer


Pas d’une plume du pigeon

Il n'y en a plus

Mais de son sang car il est cuit à point


pigeon
Sous les toits de Versailles

 

Et de l’autre côté de la cour ma voisine qui bohème sous les toits attend toujours…

Le volailler, c’est quand même plus sûr !


mardi 15 juin 2021

Vacheries


Je ne voudrais pas passer pour une aigrie.

Mais tout de même…

En 2018, j’étais une vedette, mon portrait s’affichait partout.



Même le président de la République avait tenu à m’honorer de sa visite. 


Certes la petite tape que Macron m’a donnée sur le mufle était un peu timide - un Chirac, l’homme qui savait murmurer à l’oreille des bovins, n’aurait pas hésité à me mettre la main aux fesses - mais au moins j’étais sous les sunlights. On me photographiait, me filmait… Bref, j’étais une star.

Et dire que désormais je me consacre à des animations de supermarché pour promouvoir, devinez quoi ? Même pas le bon lait prodigué par mes sœurs, produit dont je pourrais au moins me réjouir de vanter les qualités, non, un petit pinard de Marcillac. Appellation AOC ? Ce serait trop beau… Un jaja gouleyant, au dire des amateurs, mais qui reste un simple vin de pays, celui que l’on débouche entre potes, mais pas pour fêter un César…

Je n’ambitionnais pas une carrière aussi longue que celle de La Vache qui rit, mais passer aussi vite aux oubliettes…

Et aujourd’hui, c’était le pompon !

Au départ j’étais plutôt contente. J’avais reçu une invitation à venir à Versailles, aussi je m’attendais à assister à un festin royal. Pensez-vous ! Je trouve mon picrate auvergnat s’aérant péniblement dans un coin d’une table ronde qui n’a rien de celle de preux chevaliers, même pas habillée d’une nappe.

Je le reconnais, au début j’ai ressenti quand même une petite pointe de nostalgie qui a remonté mon moral en berne. L’Aubrac était là, sous la forme de saucisses accompagnées d’un aligot bien filant.

aligot saucisses
Aligot home

Une performance quand on voit les conditions dans lesquelles ce plat a été réalisé. Vive les grandes cuisines de la campagne où même une grosse vache comme moi pourrait trouver sa place. J’ai vu le moment où il n’y aurait plus assez d’espace pour étirer l’aligot ! C’est peut-être pour cette raison que le maître de céans a commencé par enrouler les prémices de ruban autour de sa spatule - maryse en plastoc, quelle hérésie !

aligot
Bigoudi d'aligot


Puis il a fini par se rendre compte que, de toute façon, son bras avait des limites…

aligot
Jusqu'où ?


Malgré ma déprime, j’ai quand même bien ri quand il s’évertuait à se débarrasser des fils pour partager l’aligot entre deux assiettes. Il a fini par recourir aux ciseaux ! La cuisine urbaine, c’est quelque chose…


En revanche j’ai vite perdu cette gaîté quand l’on est passé au fromage. Devinez ce que l’olibrius sans vergogne est venu déballer à mes pieds : un roquefort. 

roaquefort, Coulet
Coulet presque coulant...

Pas un de ces bons fromages de lait de vache comme on sait les faire en Aubrac. Non, un fromage de brebis. Beurk, ça puait le vieux bélier ! D’autant plus qu’il s’agissait d’un vétéran de 16 mois d’âge, le Castelviel de Gabriel Coulet. Et quand j’ai vu arriver le piteux papier d’alu froissé qui avait préservé tant bien que mal le roquefort déjà entamé, je me suis demandé si un acharnement thérapeutique à coups de pénicillium n’avait pas été pratiqué dans l'EHPAD fromagère de cet appartement sinistre. Le pire, c’est que le zigoto avait l’air de se régaler de ces puantes bouchées ovines qu’il faisait descendre goulûment dans son estomac blindé à l’aide du pichtegorne rural dont j’assure la promotion.

Heureusement ce spectacle peu ragoûtant avait une fin, et j’ai soupiré d’aise quand on est passé au dessert. Je dois reconnaître une certaine cohérence dans le déroulement du menu, puisqu’il s’agissait d’un gâteau aux noix du Rouergue, non loin de chez moi : le Pastissou.


Hélas ce gugus, inconséquent dans son numéro de simulacre ethnique, a fini le repas en dédaignant la bouteille dont mon corps photogénique est le prestigieux faire valoir. Il a préféré accompagner cette pâtisserie auvergnate d’une tasse de moka venu d’Éthiopie ! Avec un dernier affront, présenter ce Pastissou cul par-dessus tête, la fine couche de meringue en dessous *…  

Je ne suis pas méchante, parfois vache simplement, mais en voyant le couteau trancheur se détacher laborieusement de la découpe pour faire apparaître une couche de caramel bien collante enrobant les éclats de noix, je n’ai pu m’empêcher de souhaiter que l’usurpateur y laissât son dentier**.

gâteau au noix, Pastissou
Un beau cul

Vivement mon retour au pays !


* Tel est mon bon plaisir, je trouve la pâte sablée plus esthétique que la morne plaine livide de la meringue.

** Je tiens à préciser que je ne porte pas de dentier, alors dégage et va-t’en ruminer dans ton coin !


dimanche 13 juin 2021

Fragmentation du patatoïde primeur


Pommes de terre primeur de Noirmoutier…


Je ressens de la sympathie envers ces pommes de terre arrachées prématurément à leur île natale qui viennent se peler loin des embruns iodés. Ces déportations massives en cagettes et autres sachets carcéraux pour finir entassées sous les néons de supermarchés me les feraient plutôt prendre en pitié, une compassion qui ne peut que me pousser à les traiter avec le respect affectueux qu’elles méritent.

Aussi quiconque m’aurait vu m’acharner contre ces malheureux tubercules, les pourfendant en long en large et en travers, eut pu croire que j’étais atteint d’une folie patatoïcide soudaine. Un psy serait parti à la recherche du pesant souvenir d’enfance refoulé dont je me libérais enfin, un mystique eut prié pour le salut de mon âme, un pragmatique eut commencé par me désarmer avant de placer les Noirmoutrines en zone sécurisée, et tout à chacun se serait indigné, me vouant aux gémonies sur les réseaux sociaux.

En réalité cette agression n’en était pas une. Il s’agissait bien au contraire de permettre à cette chair d’élite de s’exprimer au mieux. En effet, déçu par la dégustation de grosses sœurs acquises lors d’un achat précédent, j’avais décidé de m’orienter vers un conditionnement décrit comme de petit calibre. Las, ces pommes de terre primeur étaient encore bien éloignées de mon désir de grenailles, introuvables car sans doute plus compliquées à récolter - mais peut-être ai-je mauvais esprit - dont le rapport surface/volume est optimum pour la présence mêlée de goûts et de textures. Aussi, afin de me rapprocher de ce calibre idéal, j’ai fragmenté ces tubercules sans toutefois les débarrasser de leur fine peau. Pas si fine que ça d’ailleurs, résistante au grattage (et même au tirage), ce qui me rend songeur…

Je blanchis ma grenaille anguleuse par un passage d’une minute à l’eau bouillante, je les égoutte et sèche dans un torchon, puis je les verse dans une poêle où crépite le mélange d’une cuillerée d’huile d’arachide et d’une grosse noix de beurre. Je laisse à feu moyen bas une vingtaine de minutes en secouant régulièrement. Je termine par une coloration qui exigera deux à trois minutes à feu vif. J’éteins la flamme, j’assaisonne de fleur de sel (de l’île de Ré, restons entre voisins), je parsème de la persillade que j’avais hachée et réservée. Un tour de moulin de poivre noir, et les pommes de terre primeur de Noirmoutier sont prêtes à accompagner les onglets qui étaient saisis non loin d’elles.

pommes de terre primeur, Noirmoutier

Et k'ça saute !


Certes cette découpe ne roule pas sur la langue, mais le croustillant de surface au bon goût beurré est présent, et l’intérieur fruité fond dans la bouche sans se montrer farineux. Que demander de plus ?

Cependant que ne faut-il pas faire pour pallier les problèmes d’approvisionnement !


jeudi 10 juin 2021

L'Apôtre s'habille en Saint Laurent

Quand Saint Jacques est arrivé chez moi, il était tout boudiné dans son vêtement clair.

" Ben oui, j'ai pris du poids  ! "

« Croyez-moi, au début je me sentais fort à l’aise dans cette tenue.


JACQUES

Mais l’abus des petits plats de poissons du lac de Tibériade ne m’a pas réussi. L’on est toujours puni par où l’on a pêché… »


J’ai prélevé une petite noix de mon beurre de baratte au gros sel de Guérande et j’ai allumé un brûleur de mon piano.

«   Ah non, je ne veux pas finir sur le gril, je suis Saint Jacques, pas Saint Laurent !

-   Vous lui ressemblez beaucoup…

LAURENT

-   Quelle idée fut la mienne de m’habiller chez Saint Laurent ! Mais on va réparer ça. Déshabillez-moi, déshabillez-moi, oui, mais pas tout de suite, pas trop vite…

-   Trop tard ! Mais je saurai vous posséder, vous consommer - et sans vous consumer. »


Je dépose la poêle sur la flamme, le beurre s'étale en lit douillet. Bientôt…

«   Voilà, ça y est, je suis frémissant et offert de votre main experte, allez-y… »

Il y a bien longtemps qu’un produit ne m’avait fait un tel compliment, il n’y a pas à dire, ce Jacques est un saint. Vraiment !

Saint Jacques boudiné repose en paix à côté des champignons de Paris émincés puis sautés que j’ai parfumés de cinq-épices et de tours de moulin de poivre rouge. Je lui offre un petit bouquet cueilli dans mon jardin de pousses d’épinard et d’arroche, tombées quelques secondes sur une noisette mousseuse de beurre, toujours le même.

boudins aux Saint-Jacques
Saint Jacques boudiné en sa robe


Saint Pourçain, qui se trouve à ma table, soupire.

«   La vie d’un saint n’est pas un long fleuve tranquille ! »

Et il verse une larme… 

lundi 7 juin 2021

C'est pas d'la tarte ! Pas que !



L’aînée se régalerait bien d’une tarte au citron. La cadette préférerait un fraisier.

Que choisir pour la venue des infantes ?

Ma réponse est rapide : les deux, mon général ! Alors je me lance.


LA TARTE AU CITRON


tarte au citron
MA TARTE AU CITRON


J’ai choisi de réaliser la recette proposée par Alain Ducasse. Enfin, presque, car bien entendu ce Monégasque utilise des citrons de Menton, que je n’ai pas sous la main. Néanmoins j’ai la chance d’être néanmoins confronté à des citrons italiens de la variété Verdelli, juteux et parfumés.

La veille, je me lance d’abord dans la préparation des citrons confits sucrés.

Je découpe deux citrons en rondelles, pèse le même de sucre. Je blanchis deux fois de suite ces tranches dans de l’eau bouillante avant de les déposer dans une casserole avec la moitié du sucre. Je couvre d’eau à hauteur et laisse confire sur une petite flamme une vingtaine de minutes. Je laisse refroidir, puis recommence l’opération avec le reste du sucre. Je réserve au froid jusqu’au lendemain matin.

Toujours la veille, je poursuis par la préparation de la pâte sablée. Je mélange 210 g de farine, 85 g de sucre glace, 25 g de poudre d’amande, 4 g de sel avec 125 g de beurre ramolli.

J’ajoute 1 œuf et 1 jaune, les graines d’1/2 gousse de vanille et le zeste râpé d’1/2 citron. Je pétris sans insister, forme une boule que je réserve sous un film, laissant reposer une nuit au réfrigérateur.

Le jour J, étape la plus délicate : le fonçage dans un cercle de 25 cm - normalement, il devrait mesurer 27 cm, mais les cercles, c’est comme les clés en bricolage, l’on a beau en racheter régulièrement, on n’a jamais le calibre voulu sous la main… Naturellement, le temps d’étaler la pâte, elle a ramolli, quelques déchirures se produisent pendant le transfert. Pas grave, j’ai quand même réussi l’exploit de bien centrer, et une rustine prélevée sur les chutes mollassonnes est facile à mettre en place. La jointure, même pas visible après lissage… Ni vu ni connu. J’enfourne à 170 °C pour une cuisson à blanc d’une vingtaine de minutes.

Horreur, malheur, dans mon euphorie, j’ai oublié de garnir le fond des petits disques de métal dévolus à remplacer les pois secs de mémé… Mon inquiétude est grande : que faire si le fond sort du four tout boursouflé !

Eh bien non, le fond de la tarte est resté bien plat, j’en conclus que pour ce type de pâte sans puissant réseau glutineux ce genre de maintien n’est pas indispensable. Qu’en pensez-vous, Monsieur This ?

Pendant ce temps, j’ai préparé l’appareil au citron. Il est réalisé à partir de 3 citrons, 1 orange, 100 g de beurre, 100 g de sucre glace et 4 œufs. Je râpe le zeste des citrons, presse les agrumes. Je fais fondre le beurre que j’incorpore au sucre glace. J’ajoute les œufs battus, puis les jus de citron et d’orange. Je finis par les zestes de citron et mélange. Je réserve le temps que le fond de tarte refroidisse.

J’ai réglé le four thermostat 200 °C. Je déverse l’appareil au fond de la tarte - enfin, pas tout, il y en a un peu trop, mais rien d’étonnant, mon diamètre de tarte est inférieur à celui de l’original. Le reste sera cuit dans un petit ramequin afin de ne pas passer dans les profits et pertes…

J’éteins le four et enfourne la tarte, comme prescrit. Pour combien de temps ? Monsieur Ducasse me refait le coup du canon qui se refroidit : un certain temps ! Enfin, pas vraiment, il ne la fait pas à la Fernand Reynaud, il précise quand même jusqu’à ce que l’appareil soit figé. Il est vrai que tout doit dépendre de l’isolation du four et qu'il est impossible d'être précis…

Pour ma part, il a fallu une quinzaine de minutes d'attente pour que la prise me paraisse satisfaisante.

Il me faut encore patienter, le temps que la tarte soit refroidie. Je la fais alors glisser sur une grille. Je dispose les rondelles de citron confit à sa surface et nappe de leur sirop gélifié.

Ouf, c’est fini ! Non, pas tout à fait, initiative personnelle : je fais tomber à l’aide d’une râpe Microplane un soupçon de zestes de citron vert.

tarte au citron
Aujourd'hui, c'est Ducasse


Cette recette obtenue à partir du site de L’Académie du Goût est fameuse : un parfait équilibre entre l’acidité et la sucrosité, un concentré de parfums. Sans parler du croustillant de la pâte...

Y a pas à dire, Ducasse, c’est la fête !




LE FRAISIER


fraisier
MON FRAISIER



Retour dans le temps… La veille du jour J…

Il y a quelque temps, j’avais réalisé la recette de fraisier du blog La Cuisine de Bernard. J’ai envie d’en essayer une autre. En visitant le site de l’Académie du Goût où j’avais choisi la recette de tarte au citron sans meringue qui avait su m’allécher, j’avais aperçu le fraisier concocté par Guy Savoy. Alors, pourquoi ne pas rester dans le goût académique? Cette recette est d’ailleurs très proche de celle de Bernard Laurance : entre deux tranches de génoise, une crème mousseline et un chapeau en pâte d’amande.

Je n’entrerai pas dans les détails, je pense d’ailleurs que l’on peut utiliser toute bonne recette de ces éléments constitutifs, après tout ce gâteau n’est qu’un assemblage. Je retiendrai simplement que les proportions données pour la génoise se sont révélées parfaites : à savoir 4 œufs (200 g), 125 g de sucre semoule, 125 g de farine, 80 g de beurre fondu, quantités qui pour moi se sont traduites après une modification nécessitée par l’utilisation d’un cercle de 25 cm au lieu de 20 cm et des œufs plus gros par : 5 œufs, 190 g de sucre, 190 g de farine et 120 g de beurre. Autre changement par rapport à la source : aux fraises gariguettes se sont ajoutées des charlottes, et la pâte d’amande blanche a été remplacée par un bloc de Marzipan, de couleur peut-être moins seyante bien que finalement plus champêtre, mais dont la composition m’avait semblé sympathique.

Bon, j’ai compris ! On me réclame à cor et à cri les ingrédients de la crème mousseline. Eh bien ce sont à l’origine 2 œufs entiers (100 g), 2 jaunes (40 g), 50 g d’eau, 150 g de sucre semoule, 125 g de beurre pommade, 50 g de crème pâtissière, valeurs auxquelles j’ai bien entendu appliqué pour mon œuvre un coefficient multiplicateur. 

Là encore, initiative décorative (mais pas que…) personnelle ; j’ai complété la décoration d’éclats de cédrat confit.

Panique dans le réfrigérateur quand tout le monde a dû se pousser pour faire de la place au fraisier, mais après une nuit paisible ce trapu s’est réveillé en bonne forme et a su trouver sa place sur notre table.

Eh oui, c'est le jour J

fraisier
Chacun Savoy, chacun son chemin...


Très savoureux lui aussi… Je n’en attendais pas moins d’une recette de Guy Savoy… Non, je ne m’abaisserai pas jusqu’à un mauvais calembour sur le gâteau de Savoy, ce n’est pas le genre de la maison.

L’aînée s’est resservi une grosse part de fraisier, et la cadette, faisant d’abord la grimace, a consenti à terminer sa part de tarte au citron.

C’était donc une réussite !


jeudi 3 juin 2021

Le Carnivore malgré lui

Dame Nature, avec toute la malveillance dont elle est capable, a diligenté une campagne d’attaques brutales sur le territoire de notre jardin. Les armes de destruction massives se sont succédé sans discontinuer.

Des attaques aériennes avec bombardement de grêlons lourds, survol et vagues dévastatrices de corbeaux et perruches mercenaires ont dépeuplé ce qui s’apprêtait à devenir une terre florissante. Des opérations kamikazes par des insectes non identifiés ont harcelé les populations restantes

En ce qui concerne les troupes terrestres, des bataillons de pucerons divers sont partis à l’assaut, et n’attendent que l’arrivée de doryphores en renfort pour porter l’estocade finale, même si de courageuses coccinelles ont tenté de freiner l’invasion.

Les armes bactériologiques n’ont pas été dédaignées par cette sinistre chef.fesse de guerre, se moquant de la CABT du 25 mars 2019 comme de sa première chemise - qui doit être bien courte car Dame Nature n’a aucune pudeur. Des limaces se sont livrées à des progressions nocturnes que je ne saurais toutefois qualifier de raids en raison de la vitesse de progression, en coopération avec les troupes blindées colimaçonnes.

De grosses taupes se sont sacrifiées pour le forage de tunnels de sape, et, toujours dans les troupes du génie, des campagnols ont investi souterrainement les lieux, se ravitaillant sur l’habitant.

Bref, tout n’est que désolation, un quarteron de pieds rescapés, mais pour combien de temps, baisse la tête tristement. Quelques réfugiés, appelés pour repeupler, se demandent bien où ils sont tombés, seuls  les nouveau-nés ignorant les vies difficiles que furent celles de leurs anciens, désormais valétudinaires ou défunts, affichent l’insouciance de la jeunesse - pourvu que ça dure…

Et moi, ce que je me demande, c’est bien quels légumes je vais pouvoir me mettre sous la dent, ne pouvant en mettre dans mes plats. Car de vaillants et comestibles dans l'immédiat et dans mon jardin ne restent plus que quelques alignements de salade, des petits radis planqués, et un bosquet d’oseille qui a dû décourager la délicate gente animale craignant de devenir podagre. Quant aux ressources maraîchères commerciales, je ne suis tombé en cette fin de printemps que sur tomates insipides, courgettes aqueuses, poivrons coriaces, etc. Toutes variétés légumières indigentes n’arrivant pas toutefois à atteindre le niveau de médiocrité des abricots shrapnels pourrissants, des pêches pierres indigestes se couvrant de moisissures le lendemain de leur achat, des cerises aussi noires que craquantes et sans goût auxquelles même l’incorporation dans une savoureuse pâte à clafoutis n’a pas permis de manifester ne serait-ce qu’un semblant de présence sinon par la couleur. 

clafoutis
Tentative de sauvetage

N’ont réjoui mon palais que quelques bananes - mais je ne vais pas faire le singe tous les jours… - et des pommes de terre nouvelles de l’île de Noirmoutier en dépit de leur calibre excessif qui n’a rien à voir avec celui des grenailles pourvoyeuses de croustillant beurré que j'aimerais cuisiner.

Aussi je me réfugie dans le carnivore bête et méchant, sans ces contrepoints végétaux - tout le contraire du végétarisme - qui font de notre assiette un petit champ du monde.

Pour ce faire, il faut que la viande soit bonne.

Alors merci à :


NEMROD pour son cuissot de chevreuil (aussi bon servi froid servi avec une sauce au raifort et une salade ou réchauffé en lambeaux façon Stroganov accompagné de pâtes).


La Maison du Sud-Ouest aux Halles de Versailles pour ses côtes dans l’échine merveilleusement persillées nous consolant d’être au régime patates.

échine de porc, côtes
Nuit d'échine, nuit d'amour


La Maison Conquet de Laguiole pour ses savoureuses entrecôtes de race Aubrac à la graisse fondante et parfumée devant lesquelles une salade, bien qu’arrivée une heure auparavant du jardin et dopée à l’ail, a fait pâle figure.

entrecôte, boeuf d'Aubrac
Poêle Aubrac


salade
Restez, couverts


Mais surtout, de cette même Maison Conquet, la magnifique épaule d’Agneau Laiton de l’Aveyron Label rouge et IGP désossée en rôti roulée à la tendreté exceptionnelle alliée à une subtile ovinitude - je ne vois que ce néologisme pour caractériser une délicatesse néanmoins typée dégagée dans les arômes de cette viande soyeuse.

agneau laiton de l'Aveyron, épaule
Rouler des épaules

Une carotte tranchée, une échalote taillée grossièrement, quelques petits oignons blancs, laurier, thym, origan, romarin, sauge, queue de persil, badigeonnage d’huile d’olive, fleur de sel, poivre blanc de Muntok, baies de Timut et avant de mettre au four un verre de vin blanc sec et un autre d’eau. J’ai enfourné à 260 °C, 5 minutes d’un côté, puis 4 minutes de l’autre avant de baisser le four à 180 °C avec un nouveau retournement. Cuisson à cette température pendant encore une demi-heure, puis extinction du four et nouveau retournement avec sortie du four au bout de 5 minutes.

épaule d'agneau, Aveyron
Après saisie...


Le rôti est alors mis à reposer sur une planche pendant que je réchauffe mes mogettes Label Rouge de Vendée que j’ai choisies pour accompagner cette épaule en y ajoutant une noix de beurre demi-sel. Je fais réduire le jus restant au fond du plat de cuisson du rôti et le passe au chinois avant de le verser dans une saucière séparatrice de gras.

Tout est prêt pour le tressage. Je prélève quelques tranches dans le rôti, le couteau, une fois la peau craquante traversée, s’enfonce comme dans du beurre.

Sur chaque assiette, trois tranches de l’épaule d’Agneau Laiton. À côté, deux bonnes cuillerées de mojettes. Je dispose quelques sifflets de carotte et un trio de petits oignons blancs extraits du plat de cuisson. J’arrose d’un bon trait du jus que j’ai rehaussé d’un tour de moulin de poivre rouge de Kampot. Deux feuilles de sauge et une extrémité de romarin fournissent les taches de verdure, sans oublier la décoration florale apportée par le thym. Pour finir je fais tomber quelques cristaux de fleur de sel sur les tranches d’agneau.

épaule d'agneau, moogettes
Rosé à point ?

Comme quoi, être carnivore par obligation, ce n’est pas toujours une punition…

Mais vivement la déculottée de cette malfaisante Dame Nature ! Ce n’est qu’un début, continuons le combat ! 

Hum, les bonnes tomates bien mûres éclatant dans la bouche ou envahissant les bocaux, les petits pois regorgeant de sucre, les fèves nichées dans leur écrin velouté, les pommes de terre maison pourvoyeuses de purées multicolores ou de moelleuses pommes sarladaises, les boules de céleri n’attendant que la rémoulade pour se livrer à nous, les courges rebondies, les poivrons dans tous leurs états, les haricots verts craquant sous  un ongle qui cherche vainement le fil... 

...tout comme moi qui perds le fil de ce que je suis en train d’écrire.

 Il vaut mieux que je m’arrête de rêver sur les lendemains qui chantent au jardin…