jeudi 28 juillet 2022

Filet en douce

  

C’est décidé, cuisson douce à la vapeur pour les deux filets de poulets du Gers achetés le matin chez le marchand de produits du Sud-Ouest des Halles de ma bonne ville.

Mais pour autant je ne souhaite pas une viande insipide. Aussi je fais mariner mes deux morceaux sous vide pendant une nuit.

Je saupoudre les filets avec générosité, recto et verso,  d’une poudre toute prête, mélange de paprika, ail, thym, romarin, piment de cayenne. Je me permets même la familiarité de les masser quelques instants avant de les déposer sur un lit d’herbes du jardin (origan, marjolaine, thym citronnelle, romarin) et d'oignon blanc finement haché. Je les recouvre ensuite du même mélange avant de les arroser d’un bon trait d’huile d’olive et du jus d’un demi-citron. Et puis pompons, pompons… À vrai dire je ne fais pas trop le Shadok, car c’est la machine qui me pompe l’air, ou plus précisément l’air enfermé dans la boîte. En effet, en ce qui me concerne, il n'y a nul besoin d'assistance mécanique pour me pomper l’air - j'en ai fait l'expérience maintes fois.

filet de poulet
Le vide n'a pas horreur de la nature


Le lendemain je sors le récipient du réfrigérateur et autorise Dame Atmosphère à réintégrer sa place, ce qu’elle attendait avec une impatience manifeste - je la sentais sous pression.

Pendant que mon poulet revient à température ambiante, je lance la cuisson durant une vingtaine de minutes d’un verre de boulgour dans le double d’eau salée en ébullition. D’autre part je fais sauter à l’huile d’olive rapidement dans une poêle une courgette du jardin taillée en paysanne. Enfin je recouvre des rondelles d’oignon blanc d’un grand verre de vinaigre de cidre additionné d’un trait de vinaigre d’alcool, une cuillerée de mélasse de grenade et une pincée de sel afin d’obtenir des pickles.

Le boulgour est cuit à point, j’y incorpore le taillage de courgette encore légèrement al dente. Je réserve.

Je vois que la vapeur sort abondamment des trous de la plaque en inox perforée. J’y verse le contenu de ma boîte, filets et herbes mélangés. Je laisse cuire une vingtaine de minutes. Je sors les filets à la pince pour les faire colorer quelques secondes sur le gril en fonte barbouillé d’huile d’olive.

Après avoir remis le boulgour en température je passe au dressage pour lequel j’ajoute quelques olives, un brin de menthe du jardin et une pincée de piment d’Espelette. J’arrose le boulgour d’un filet d’huile d’olives maturées des Baux-de-Provence aux parfums de tapenade.

filet de poulet, boulgour, pickles d'oignon
Poulet parfumé


Ouf, en dépit de la cuisson à la vapeur, l’assiette ne donne pas l’impression d’une désolante dérive vers la tyrannique diététique de l'hygiénisme ambiant… Un seul regret : que le passage sur le gril, bien que fort bref, ait légèrement desséché la chair du poulet. J’aurais dû préférer le chalumeau pour colorer. Mais je voulais des stries… Voilà ce que ça donne, quand on fait le zébreur !

 

 

 

lundi 25 juillet 2022

Amour en mer

 

Par une nuit de pleine lune, non loin de Quiberon, Siegfried Homard – que ses amis surnommaient affectueusement Zig – remarqua, cachée timidement derrière un gros rocher tapissé de goémon, Bernadette Langouste. C’était une grosse bretonne rougeaude, néanmoins il en pinça pour elle. « Mais non, elle n’est pas grosse, elle est simplement bien en chair… » la défendait-il auprès de ses copains ricaneurs.

Quelques semaines plus tard, il lui passait la bague. Il y avait fait graver les lettres CRPMEM, ce qui signifiait Câlins, Romance, Passion, Mon Éternellement Mienne.

L’union fut proclamée : Bernadette était devenue Madame B.H.L, ce qu’elle prit avec philosophie. Elle n’était pas d’un tempérament enflammé, mais, après tout, sans doute passera-t-elle des jours heureux auprès de son Zig Homard…

En quoi elle se trompait. L’erreur, ce fut de partir en voyage de noces. Les antennes du couple auraient dû pourtant les dissuader d’entreprendre un tel périple…

Quand ils arrivèrent à Versailles où ils avaient retenu chambre et couvert chez l’habitant, le voyage, pourtant sous climatisation, les avait éreintés. Surtout Monsieur Homard, moins fringant que de coutume. « Remets-toi, mon pauvre Zig, tu la reverras, ta mer ! » s’exclama sa compagne en lui caressant gentiment la queue.

langouste, homard
B.H.L. et Zig Homard

Compatissant, le maître des lieux leur proposa une séance de sauna –  parfumé aux algues, s’il vous plaît… Ils en sortirent encore un peu dans les vapes.

«  Qu’en penses-tu ma Nadette ? Quant à moi je me sens un peu partagé…

-  Moi itou…

-  Et maintenant ne souhaiterais-tu pas passer à table ?

- Oh oui, mon Zig, oui oui ! »

Ils passèrent - sur la table. Le couple fut arrosé de beurre salé fondu, breton, c’était la moindre des choses, relevé d’un trait de jus de citron. Pour leur tenir compagnie, il y avait quelques pommes de terre primeurs de l’île de Noirmoutier cuites à l’anglaise, roulées à feu moyen au fond d’une poêle dans une noix du même beurre puis parsemées de curry – curry breton bien entendu.

 

langouste, homard
En tête à tête

Voyage de noces sans retour... L’Ogre des Yvelines avait encore sévi…