jeudi 30 novembre 2017

Tendre biche


Ô, ma biche ! Que tu étais tendre !
Oui, je suis devenu captif de ton doux filet…
Mais maintenant c’est à toi d’être ma prisonnière. Je t’ai saisie promptement sur toutes les faces. Puis pendant que tu te reposais doucement dans la tiédeur des  120 °C de ta geôle, ô ma belle allongée, je t’ai préparé une aigre-douceur dont je t’enduirai.
J’ai fait fondre une échalote finement hachée sur une larme d’huile d’olive, puis ai ajouté un verre de compote d’airelles, deux cuillerées de vinaigre balsamique traditionnel de Modène et une petite cuillérée de fond de veau. J’ai commencé une réduction de ce mélange en y plongeant une feuille de laurier et une tige d’origan.
Puis, quand cette sauce a commencé à devenir nappante, j’y ai incorporé des grains de poivre rouge de Kampot écrasés grossièrement au mortier. J’ai réservé pendant que cuisaient dans l’eau bouillante salée les spätzle et que je faisais sauter des chanterelles au fond d’une poêle dans un mélange de beurre et d’huile d’olive.
Je t’ai sortie, ma biche. À ce moment, il m’a fallu trancher. Tu étais encore plus tendre que je ne l’espérais.
Je t’ai déposée à côté d’un nid douillet de spätzle toutes barbouillées de la noix de beurre que j’avais fait fondre dans ton ancienne couche. Les chanterelles furent ajoutées après avoir été assaisonnées d’une pincée infinitésimale de cinq-épices -dont la légère touche anisée se marie particulièrement bien avec des champignons-. L’assiette était pleine. Alors j’ai déversé la sauce aux airelles dont j’avais retiré le laurier et la branche d’origan.
filet de biche, airelles
Tendre biche


Ô, ma biche,  que tu étais belle parée de ce sombre rubis ! Que les trompes des chanterelles accompagnées du chœur des spätzle sonnent pour chanter  tes louanges !

En grande pompe

Toujours à votre service, le Chef Chaud-Rond vous prodigue aujourd’hui des conseils pour faire la fête en grande pompe.

Deux solutions :
  1- Confier la réalisation à un professionnel
  2- Être son propre fournisseur

Solution n° 1

Voici la grande pompe telle qu’on peut la trouver dans le commerce.

grande pompe
Grande pompe

On conviendra que ce n’est pas l’idéal. Vous risquez même de passer pour le clown de service.


Solution n° 2

La grande pompe offre une toute autre allure.

pompe aux gratons
Grande pompe


Comment obtenir ce résultat ? Eh bien, c’est tout simple. Moi, Chef Chaud-Rond, je vous en donne la recette :

Ingrédients

300g de farine T45
2 c. à café rase de sel
3 c. à café rase de sucre
15g de levure boulangère
125g de beurre
3 œufs
10 cl de lait
200g de gratons

Process

Dans un saladier, mélangez les ingrédients pour la brioche : la farine, le sel, le sucre en poudre.
Ajoutez le beurre ramolli
Ajoutez la levure boulangère délayée dans un peu de lait tiédi, puis travaillez la pâte avec les doigts
Ajoutez 3 œufs entiers puis pétrissez bien la pâte
Ajoutez le lait et mélangez de nouveau
Ajoutez 200g de gratons  et incorporez-les dans la préparation
Couvrir la préparation d'un linge et laissez reposer au moins 2h
Préchauffez votre four à 180°
Vérifiez que votre préparation soit bien levée, et disposez la sous forme de couronne ou simplement de boule sur une plaque recouverte d'un papier cuisson
Badigeonnez de jaune d'œuf
Laissez cuire une trentaine de minutes en surveillant régulièrement *

Vous vous en régalerez !

pompe, gratons, Bourbonnais
Pompe inspirante


De plus, vous ne dépenserez que moins de 9€, à savoir :
4€ de gratons
1,5€ d’œufs
1,2€  de beurre
90 centimes de lait
60 centimes de farine
30 centimes de levure
7 centimes de  sucre
Ɛ centimes de sel

alors que la première solution revient à 89 € !



*N.D.L.R.
Honte au pseudo-chef Chaud-Rond qui a pompé la recette de la pompe aux gratons sur le site de la maison Bobosse.



mardi 28 novembre 2017

Magret et les cinq marteaux

Magret était encore allongé

canard,magret
Mon ami Magret
quand sa femme poussa la porte de la chambre et déclara d’un ton affolé :
« Regarde ce que j’ai trouvé sur le paillasson en rentrant des courses ! »
Il vit entre ses mains ce qui lui parut à prime abord inoffensif : cinq navets blancs.
« Mais, Louise, ce ne sont que des légumes… Pas de quoi avoir peur !
- Tu ne comprends pas. Je suis certaine que c’est un message, une menace. Quelqu’un désire se venger de toi et veut te le faire savoir. Peut-être aussi qu’ils sont empoisonnés et que l’on espère que nous les mangerons. J’ai peur ! »
Le commissaire serra Madame Magret dans ses bras et déposa un baiser maladroit. Les cheveux de la tête blottie contre sa poitrine lui chatouillèrent les narines. Il éternua. Elle lui avait transmis son angoisse, pourtant il se força à dire en souriant :
« Hum, je crains que le froid et le brouillard de cette journée d’hiver soient plus redoutables que quelques malheureux légumes. Mais pour te rassurer je vais porter ces navets au labo de la maison pointue. J’y vais tout de suite. »
Il enfila son épais manteau doublé à carreaux.

canard, magret
Motif peau-de-canard
Quand il se retourna pour fermer la porte, le visage de Madame Magret affichait un pâle sourire contraint.

Il avait vraiment pris froid. Après avoir donné les navets au labo et insisté pour que Moers lui communiquât des résultats rapidement, il se réfugia dans son bureau surchauffé. Ce qui ne l’empêcha pas de tisonner le vieux poêle et de se laisser rôtir. Dans un demi-sommeil, il tentait de réfléchir sur une interprétation plausible. Qui, et surtout pourquoi ? Mais aucune idée ne lui venait.
Pris d’une inspiration soudaine, il se saisit de son téléphone. Il lui fallait être secoué. Qui de mieux pour ce faire que le commissaire San-Antonio dont le bureau se trouvait au bout du même couloir que le sien ? Son entrain et sa gouaille feraient sûrement merveille pour le tirer de la déprime dans laquelle il se sentait sombrer… Et puis San-Antonio avait l’esprit vif, il saurait peut-être rapidement résoudre l’énigme.
« Allo…  San-Antonio ? Alors parfait, Maigret à l’appareil, j’aurais besoin de vous pour me donner un coup de main si vous en êtes d’accord.
- No problem, mon Julot. Mais appelle-moi San-A, ça se fait entre voisins de palier. Bon, j’arrive fissa ! »
Magret alluma sa bouffarde de bruyère préférée et commença à aligner quelques autres pipes sur son bureau à côté de la blague bourrée de tabac gris. Il n’avait pas fini de les poser quand la porte du bureau s’ouvrit sur un San-Antonio ébouriffé.
« Excuses, je n’ai pas eu le temps de me recoiffer. J’étais en peine action avec Martine, tu sais la nouvelle secrétaire, la blonde avec des grands yeux et un petit Q.I., mais j‘ai interrompu, les amis d’abord.
- San-Antonio, vous voulez donc rivaliser avec ce Simenon que j’ai arrêté l’autre jour et qui se vantait au cours de l’interrogatoire d’avoir partagé la couche de 10000 femmes...
- Simenon, que tu as relâché peu après...
- Oui, bien que cet écrivaillon ne me soit pas paru très sympathique, il fallait bien, car il était victime d'une dénonciation calomnieuse. Par une femme… Sans doute l’une des 10000 ! Commissaire, faîtes attention qu’il ne vous arrive pas même mésaventure.
- Bof, moi, je ne poursuis pas les femmes, ce sont les femmes qui me poursuivent.  Mais fi de ce pauvre Simenon, raconte moi plutôt pourquoi tu m’as quémandé… »
Magret était encore en train d’expliquer son désarroi et l’émotion de son épouse quand on posa sur son bureau les résultats du labo.
« Il semblerait qu’aucune substance étrangère n’ait été détectée. De braves racines toutes fraiches cueillies il y a à peine quelques heures. C’est déjà ça…  Alors, San-Antonio, vous n’avez toujours aucune idée ?
- Oh, moi, je suis de la ville, alors quand on me dit navet je pense plutôt au cinéma. Mais j’y songe, Bérurier, lui, il se trouverait plus sur son terrain. La terre bien grasse comme ses plaisanteries, ça le connait. Je l’appelle, il sera là dans cinq minutes. »
Bérurier franchit la porte du bureau de Magret, tentant maladroitement de réintégrer au sein de son pantalon tirebouchonnant un pan de sa chemise rapetassée et maculée d'un reste de bourguignon, trébucha sur la bûche de chêne en attente à côté du poêle, se rétablit en posant sa main sur la surface brûlante, poussa un hurlement, puis se mit au garde-à-vous devant Maigret.
« Mes hommages, Monsieur le commissaire ! Je… »
San-Antonio l’interrompit :
« Commence par refermer ta braguette, gros !
- Ben, Sana, c’est que ta blondasse, tu l’as laissée en manque, alors j’ai voulu poursuivre l’œuvre inachevée…
- Tu as bien fait, ô, toi qui fut à mezigue ce que Salieri fut à Mozart. Mais, à propos de requiem, regarde plutôt ce qui reposait sur le paillasson de notre ami Magret. »
Bérurier s’empara des cinq formes blanches et oblongues, les tâta, les soupesa, les renifla, les bascula, les fit choir, les ramassa, les flaira, les inspecta, les fit rouler sur le bureau, fit tomber une pipe qui se cassa, ramassa les morceaux, s’excusa, reprit les choses en main, s’en débarrassa et affirma d’un air docte :
« Ce sont des navets.
- Certes, mais encore ?
- Ben, cette variété, on en cultivait à Saint-Locdu-le-Vieux. Ce sont des navets-marteaux. Ma Berthe, elle te les prépare, que tu vas tomber en extase .Chaque fois qu’elle m’en fait, je bave comme un boxer devant son pâté !
- Eh, Dugland, on dit la pâtée pour un clébard, pas le pâté.
- On va pas se mettre à discuter du sexe des angles ! D’abord, ton bestiau, il va encore plus couler des babines devant un beau pâté en croute que devant une ragougnasse. Alors j’ai donc raison. »
Maigret intervint :
« Mais foin de considérations sur la botanique et la gastronomie, n’avez-vous pas une idée de ce qui se cache derrière ce dépôt, Monsieur l’Inspecteur Bérurier ?
- Moi, ce que j’en dit, sauf votre respectueuse, Commissaire, c’est qu’il ne faut pas vous mettre la rate au court-bouillon. Zavez reçu un bon produit, profitez-en ! Tenez, je vais vous refiler la recette de ma gravosse. Mais surtout, ne lui dites pas ! Elle croit qu’elle est secrète, mais je l’ai regardé faire en loucedé… Elle pose les navets épluchés coupés en deux dans une casserole, ajoute une cuillerée de miel d’acacia et une de sucre, une bonne noix de beurre, une pincée de sel, recouvre d’eau à mi-hauteur et presse un demi-citron au-dessus de tout ça. Elle met sur le feu avec un couvercle qu’elle enlève quelques minutes après. Et vas-y que je te cuis jusqu’à ce ça soit aussi sec que le désert du Ça Ira. Vous voyez, c’est bête comme schnouf à réussir ! »
Magret n’écoutait ce discours que d’une oreille distraite. Il était en pleine réflexion.
"Ne m’avez- vous pas dit, Inspecteur, que ces légumes étaient surnommés marteaux ?
- Si, on en trouve des graines chez...
- Je ne vais pas en planter sur mon balcon du boulevard Richard-Lenoir. Ce qui m’interpelle, c’est que ce nom me rappelle quelque chose. Il y a quelques années j’ai arrêté les frères Marteau, Joe, William, Jack et Averell. Mais pourquoi cinq, ils n’étaient que quatre ? Peut-être leur mère ? Oui, Ma Marteau, morte de chagrin après leur incarcération… Je ne peux laisser Louise seule, je cours la rejoindre.
- Eh, Monsieur le Commissaire, je n’ai pas fini pour les navets-marteaux. Ce qui va le mieux avec, c’est le canard. Du magret, mais pas poulet, du vrai magret, pas un comme vous,  enfin je ne veux pas dire que vous soyez un faux, bref, vous m’comprenez… Ma B.B. les pare, elle enlève du gras, elle pourrait en faire autant sur elle, quoiqu’après tout c’est plus confortable, la viande se met côté peau sur le dessous, je précise, je ne parle plus de la Berthe, mais de la bête. Et surtout elle fait une sauce, là, elle, c’est ma Berthe, pas la bête, dont vous allez vous lécher les narines. Dans la casserole, elle verse le reste d’une bouteille de jaja qu’elle n’a pas fini d’écluser sur de l’échalote hachée finement qui a sué dans du beurre. Elle fait réduire et ajoute deux petites cuillérées de miel et autant d’un fond de veau brun concentré conservé dans un petit bocal au fond du frigo. Fameux ce produit, je peux le dire après m’en être fait une tartine croyant que c’était de la confiture. Ah qu’est-ce qu’elle était entrée en pétard ce jour-là, la Grosse ! Quand la sauce est bien nappante, elle y balance plein de poivre qu’elle m’a demandé de moudre, la feignasse. »
Bérurier leva la tête, sorti de son extase culinaire. Magret n’était plus là.
« Ben merci de votre intérêt, pas la peine de me poser des questions si c’est pour ne pas m’écouter ! »
Il voulut se tourner vers San-Antonio pour continuer sur les mérites culinaires de sa conjointe. Mais lui aussi  était parti. Vexé, il marmonna :
« Bon, je vois que la bonne bouffe n’intéresse personne ! »

Magret arrive essoufflé au pied de l'escalier qui monte vers son appartement. La concierge lui barre le passage.
« Ah, Monsieur Magret, il faut que je vous dise, l’immeuble n’est plus sûr. On a volé la livraison que Monsieur Roger, vous savez, le marchand de légumes de la rue de la Roquette, avait laissé sur leur palier pour vos voisins du dessous absents de chez eux. Cinq malheureux navets, qu'ils avaient commandés, et on les leur a volés… Quelle époque !
- Chère Madame, n'oubliez pas d'ajouter : que fait la police ? »

Deux heures plus tard, Magret pouvait entamer cette assiette posée devant lui sur la table :

canard, magret, navets marteaux
Canard aux navets façon Berthe


dimanche 26 novembre 2017

Une lotte pas pâllote

…pourtant lotte pâlotte avant la cuisson, après que j’ai dépouillé une queue de baudroie de sa peau et sa membrane puis levé les filets. Ils étaient même carrément d’un blanc immaculé, les six pavés que j’en avait tirés et qui patientaient sur la planche, simplement  arrosés de quelques gouttes de jus de citron et parsemés d’une pincée de sel fin.
Pendant que ces morceaux se raidissaient dans leur coin, j’ai mis à fondre à feu doux une sauce réalisée à la fin de l’été avec des tomates du jardin, parfumée avec de l’échalote et des herbes de même provenance et relevée d’épices d’origine plus lointaine (lesquelles ? j’avoue que je ne me souviens plus de mon inspiration du moment…) que j’avais congelée dans des bacs de récupération ayant contenu des glaces du commerce durant leur première vie.

lotte, tomate, sauce maison
Réchauffement climatique
À côté, sur un feu plus vif, les parures de la lotte mises d’abord à suer avec échalote, carotte, ail et branche de persil sur une noix de beurre demi-sel, puis arrosées d’un verre de vin blanc sec et d’un verre d’eau barbottaient dans le liquide glougloutant pour réaliser un fumet de poisson. J’ai cru bon (et l’avenir m’a donné raison !) d’ajouter quelques graines de maceron de l’île de Ré et  grains de poivre blanc de Penja à la feuille de laurier et au brin de thym pour fournir encore plus de parfum.
Quand le fumet m’a paru suffisamment réduit et infusé d’arômes, je l’ai versé à travers un chinois dans la sauteuse où la débâcle du tomato’s iceberg se poursuivait. J’ai ajouté, afin de relever le goût, un piment d’Espelette arraché à sa tresse que j’ai percé de plusieurs trous  avec la pointe d’une pique.
La feuille de laurier partie prenante du fumet a échappé au sort poubellesque de son voisinage et a continué sa contribution (sauvée par son caractère décoratif !). Un éclat d'échalote s'est accroché désespérément à elle, et je n'ai pas eu le cœur de l'en séparer...

sauce tomate, fumet de poisson, lotte
Et la pollution en plus !
Quand le contenu de la sauteuse m’a semblé proche de la consistance souhaitée dans sa réduction, j’ai jeté à la fois un paquet de Pappardella di Carrù dans une grande casserole d’eau bouillante salée et les pavés de lotte dans la sauce frémissante.
Pour les deux, temps de cuisson voisins : six minutes pour les pâtes et la même durée plus le temps de sortir et égoutter son accompagnement pour la lotte.
Ensuite il ne me restait plus qu’à constituer une sorte de nid avec les papardelles au fond du plat de service, disposer les morceaux de lotte en son centre et arroser de l’onctueux liquide écarlate.
Et là, maquillée de sauce, avec en plus le jaune d’or des pâtes aux œufs, le vert clair du persil, le vert foncé du laurier et le grenat du piment, ma lotte pâlotte n’était plus pâlotte du tout !

lotte, tomate, pappardelle
Lotte pas pâlotte


samedi 25 novembre 2017

Tripes et autres canailleries

Bad trip bonnes tripes

Enfin bonnes en goût, mais malheureusement, après la fonte sur le feu, on aurait plutôt dit une soupe aux tripes… Les pommes de terre qui cuisaient à côté leur ont jeté un vilain regard de leurs Yeux de Perdrix, accablées qu’elles étaient devant la lourde tâche d’éponger tout ce jus.

pomme de terre, oeil de perdrix, tripes
La  tripe et la patate


Des ris et des jeux et du foie gras

Une excellente terrine concoctée par Bobosse (eh oui, encore, hélas je ne suis pas sponsorisé…). Elle était pleine de parfums, avec sa mousse de foie d’oie au centre et ses éclats de poivre vert - épice que je n’apprécie guère et qui, jadis, durant les années 80 où elle était très tendance, m’a gâché trop souvent la dégustation de plats par un excès de présence, mais qui dans cette pièce charcutière d'aujourd'hui était parfaitement dosée.

terrine, ris de veau, foie d'oie, Bobosse
Belle coupe...


Le pied parfait pané

Toujours de la même maison (car arrivés dans le même colis…), des pieds panés dont nous nous sommes régalés. À la panure nettement plus foncée que celle dont les charcutiers enrobent usuellement les panards porcins...
Réchauffés au four une vingtaine de minutes à 200°C et accompagnés d'un mélange de pousses d'épinard et de feuilles de roquette avec une vinaigrette confectionnée avec vinaigre de cidre, huile vierge de colza d'une ferme tourangelle et poivre rouge de Kâmpôt, de tranches fines de radis noir et de quelques câpres. En décor et condiment, des points de moutarde violette de Brive...

pied pané, roquette, pousses d'épinard; moutarde violette
Un de mes pieds...

jeudi 23 novembre 2017

La frite sans les moules

Il n’était pas le premier de la fratrie à être incarcéré, mais quand Gress De Beuff, dit Le Belge, vit se refermer sur lui les grilles de sa cellule, il ne put s’empêcher de fondre en larmes.


frites, blanc de boeuf
Entre les grilles


Il redoubla ses pleurs quand il aperçut un petit coin de ciel bleu, tout ce qui lui restait comme lien avec le monde extérieur.  Pourtant, ce n’était pas le moment de s’apitoyer sur son sort. Ce sont des choses qui arrivent, un point c’est tout…
D’ailleurs de la compagnie arrivait, pas possible, c’était une rafle, il y avait foule. Tous les membres du gang de Bintje était là ! Ils furent jetés sans ménagement dans la geôle.

frites, blanc de boeuf, premier bain
Un effet bœuf (blanc de)
« Qu’est-ce-qui vous arrive ?
-Ben c’est sûr qu’on va plonger….
-Mais pourquoi ?
-En plus, c’est tout bête. Ils ont profité d’une dénonciation pour travail au noir pour nos coincer. Une balance leur avait filé des photos.


Et pourtant c’est même pas nous ! Sur ce sujet, on est clean. »

Mais  l’ensemble du gang ne tarda pas à sortir. C’était vrai, les photos ne les concernaient pas.
Tous étaient blanchis.

frites, premier bain, graisse de boeuf
Après le premier bain à 140°C

Malheureusement bientôt ils replongèrent. On les avait eu à l’œil !
« Eh oui, ça devait se terminer ainsi… Nous sommes frits ! »

frites, blanc de boeuf
Frites au blanc de bœuf



L’équipe du commissaire Parmentier alla fêter sa victoire autour de bouteilles de Duvel. Le tenancier de l’estaminet avait apporté un peu de fromage local et pousse à la soif.

boulette d'Avesnes, boulette de Papleux, craquegnon, fromages du Nord
Craquegnon et Boulette d'Avesnes

« Et si maintenant après l'apéro nous allions faire un tour à la baraque à frites ? »

mardi 21 novembre 2017

La (bo)bosse de la cuisine

Longtemps j’ai tasté le beaujolais nouveau avant l’heure. Parfois, à peine la nuit tombée, les  bouteilles s’ouvraient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : « Il n’est pas minuit… ».
Mais le plus souvent c’était un quart d’heure seulement avant cet instant fatidique que je dégainais le tire-bouchon et emplissais les verres. Car ainsi je conjuguais  les plaisirs du rite et de la transgression.
Je ne devais d’ailleurs pas être le seul à bénéficier d’une telle vente anticipée obtenue en ce qui me concerne non pas par la vénalité d’un commerçant véreux, mais par sa bienveillance complice envers un client amateur de ses talons de jambon basque dont il savait que je ferai bon usage, acheteur  toujours prêt à vouloir déguster les découvertes artisanales qu’il ajoutait à son étal au retour de ses vacances exploratrices. En effet, en ces fins de soirée du troisième mercredi de septembre, parvenaient de l’appartement voisin  les rires et les chants de libations déjà bien avancées, ce qui gâchait un peu ma satisfaction, en démontrant que mon manquement aux usages établis n’avait rien d’unique, et que peut-être même cet avance sur l’horloge était une pratique courante, réduisant ma démarche à une banalité consternante…

Et dire que cette année j’ai failli manquer à ce rituel qui, si il ne me mène pas à la béatitude gastronomique, reste un marqueur de temps qui passe, tout en n’offrant pas la désespérance des anniversaires, étant bien au contraire le témoin d’une renaissance perpétuée : c’est le jeudi matin que j’ai appris inopinément que le jour de boire était arrivé...
Aussi c’est en catastrophe que je me suis procuré la bouteille symbolique, un Beaujolais-Villages nouveau, cuvée Bernard Pivot, fort bon quoiqu’à mes yeux peu représentatif de ce vin de soif que devrait être un beaujolais. En revanche point de l'une de mes lyonnaiseries habituelles pour accompagner le breuvage, qui a dû se contenter de banales escalopes de veau.

J’ai tenté de me rattraper le lundi suivant en cuisinant un sabodet de chez Bobosse.

sabodet, Bobosse
Mon sabodet


Pour ce faire, j’ai tout bêtement suivi à la lettre -ou presque…- la recette figurant sur le site de cet honorable charcutier.

Sabodet lyonnais braisé au vin rouge


Ingrédients :

1 Sabodet (~500g)
2 cuillères à soupe de farine
50g de beurre
2 échalotes
1 blanc de poireau
4-5 pommes de terre
1/2L de Beaujolais rouge
1/4L d'eau


Fariner le Sabodet, le saisir dans une cocotte avec un peu d’huile et le beurre.


sabaudet, braisé
Sabodet saisi par le beurre
Le retirer et le mettre sur une grille.
Faire suer les échalotes hachées,


sabaudet
L'échalote
ajouter le blanc de poireau émincé et le faire blondir.

sabaudet
...et l'poireau
Ajouter la farine, faire colorer.
Éplucher les pommes de terre, les couper en lamelles fines (ne pas laver les pommes de terre), les mettre dans la cocotte. Saler, poivrer, bien mélanger.

Ayant lavé malencontreusement dans le feu de l’action mes pommes de terre, des cornes de gatte du jardin que j’ai choisies en raison de la proximité de cette variété avec celle dénommée quenelle de Lyon, j’ai saupoudré d'un voile de fécule les tranches minces obtenues par une découpe sur la longueur des tubercules épluchés laborieusement.

Ajouter le vin rouge (Beaujolais), porter à ébullition.


cornes de gatte, sabaudet, beaujolais
Flot sur la patate
Le vin était un beaujolais nouveau de chez Duboeuf.

Ajouter l’eau.
Préchauffer le four à 220° C.

Mettre le Sabodet dans la cocotte, couvrir et mettre dans le four 1 heure minimum à 220°C.

J’ai recouvert d’un papier siliconé avant de poser le couvercle et d’enfourner. À la quarantième minute, j’ai vérifié l’évolution de la réduction du liquide et retourné le sabodet avant de reprendre la cuisson.
J’ai décoiffé et sorti le contenu après une heure dix de séjour au four.

sabodet, beaujolais
Ça va décoiffer !

J'ai découpé le sabodet, disposé les pommes de terre confites dans la sauce au vin au creux du plat.
Avant de servir j'ai remis à température cinq minutes dans le four éteint afin d'être certain que le plat arrive bien chaud.

sabodet, beaujolais, Bobosse
Sabodet lyonnais braisé au vin rouge

Le résultat était très convaincant.
Cette version était encore meilleure que celle du plat que j’avais cuisiné il y a un an environ, pourtant servi avec des trompettes de la mort, mais avec cuisson du sabodet dans le vin rouge seul :

Sabodet du 30/11/2016

Pour deux raisons. Tout d’abord le braisage avec les pommes de terre a fourni une sauce aux goûts bien concentrés et extrêmement onctueuse. Mais aussi le sabodet lui-même est en cause, car celui de Bobosse que j’ai utilisé cette année ne contient que de la tête de porc, avec pas mal de croquant apporté par les oreilles, alors que celui de la maison Sibilia  cuisiné en 2016 incorpore de la poitrine et offre une saveur moins typée.

Il me restait du beaujolais pour boire avec le fromage. Alors, la boulette (pas d’Avesnes…). Je n’ai pas trouvé mieux que de servir un craquegnon affiné ...à la bière !

craquegnon, coqs d'or, Philippe Olivier
Je craque pour le craquegnon

Ben, finalement, vin et bière ont fait bon ménage.

dimanche 19 novembre 2017

C'est pas le riz, mais céleri

Souvent, avec le poisson, c’est le riz… Aujourd’hui, avec le cabillaud, céleri.
Ce céleri-rave, récolté la veille au jardin, je le cuis un quart d’heure découpé en morceaux dans l’eau salée. Une fois sorti à l’aide de l’araignée, je le verse dans un petit bahut, ajoute une grosse noix de beurre, 10 cl de crème fraîche, quatre cuillerées à soupe de l’eau de cuisson, une pincée de pistils de safran iranien. Je visse le bras blender sur mon mixeur plongeant, et, vas-y que je te pulvérise ce pauvre céleri ! Mais c’est pour la bonne cause, au bout de deux ou trois minutes j’ai obtenu une crème dorée et parfumée, aérienne sans le moindre grumeau. Les mini-marteaux rotatifs ont fait merveille.

Mixeur, bras blender
Martel en tête


Bon, si j’étais chef, je passerais  peut-être quand même au tamis et je transférerais dans un siphon.
Mais je ne suis pas chef, et je suis paresseux. Je me contente de placer le bahut dans la casserole où reste l’eau de cuisson, et ainsi ma purée reste au bain-marie sur une petite flamme.

J’ai saupoudré d’une pincée de sel fin les darnes de cabillaud quelques minutes auparavant afin de le raidir, maintenant je les dépose au fond d’une poêle au revêtement antiadhésif sur un peu de beurre mousseux. Cuisson  juste deux minutes environ sur chaque face, l’intérieur doit rester nacré…
Je place chaque darne sur le côté d’une assiette, l’arrosant du peu de jus de la poêle. J’ajoute symétriquement la purée de céleri safranée.
Je verse sur le poisson en guise de sauce un simple trait d’huile d’olive de Kalamata  à la fois douce et fruitée.
Je parsème le cabillaud d’une  pincée de piment d’Espelette en poudre. Quant au céleri, c’est un tour de moulin de poivre rouge de Kampot qui vient y conférer tous ses parfums subtils et on piquant discret. Pour terminer, je relève par l’acidité de quelques câpres.

cabillaud, céleri-rave, safran, huile d'olive de Kalamata, poivre rouge
Darne de cabillaud, purée de céleri safranée


Je suis content, je n'étais pas certain de la validité de l'accord céleri-safran que je tentais, eh bien il a fonctionné à merveille !

Du jarret jusqu'au mollet

Suite et fin pour le jarret confit au miel et vin rouge...

J’ai haché au couteau la viande restante sortant du réfrigérateur dans sa gangue de sauce prise en gelée afin de préparer un parmentier porcin. J’ai insisté sur la couenne qui ne devait pas offrir de trop gros morceaux en contraste avec la chair fondante (quand le jarret devient mollet…).
Quelques pommes de terre de la variété Bintje ont été cuites à l’eau en présence de branches de romarin et de thym ainsi que d’une feuille de laurier.
Je les ai écrasées grossièrement à la fourchette et  brassées avec une grosse noix de beurre. Une purée à la Robuchon que l’on aurait oublié de tamiser ! Je l’ai parfumée de quelques tours de moulin de poivre noir de Kampot et d’une pointe de noix de muscade.

Il ne me reste plus qu’à faire le montage :
Tout d’abord, j’étends une première couche de cette écrasée au fond de chacune des deux mini plaques à rôtir qui me donnent l’impression de jouer à la dinette. Je la recouvre de la moitié du reste de jarret découpé.

hachis parmentier, jarret de poc
Premier étage

Je finis par une nouvelle couche de pomme de terre que je saupoudre de panko parsemé de petites noix de beurre demi-sel.
J’enfourne pour un quart d’heure à 200°C, puis passe sous le grill incandescent durant une minute.
Sortent deux plats individuels bien dorés qui seront portés sur la table, chacun trônant au centre d’une assiette.

hachis parmentier,  jarret de porc, mel, vin rouge, mini plaque
Vue d'en haut

Sous le croustillant, des restes délectables dans leur rusticité parfumée…

vendredi 17 novembre 2017

Saint Jacques façon Olive

Assis sur une bitte d’amarrage du petit port brumeux, j’attendais le célèbre marin disparu en terre. Un informateur m‘avais communiqué le lieu où il se cachait désormais, loin des caméras.
Le soleil commençait à peine de réussir à se faufiler entre les nuages quand je le reconnus, en train d’accoster, puis de carguer les voiles de son sloop peint d'un vert épinard.



Je m’approchai et tendis un micro :
« Popeye, depuis que vous avez été chassé ignominieusement de l’US Navy pour bagarres et tabagie, comment occupez-vous votre retraite forcée ?
- Eh ben, principalement, je vais à la pêche.
- Saine occupation ! Mais qu’y a-t-il donc dans le sac que je viens de vous voir sortir de votre bateau ?
- Ce sont des coquilles Saint-Jacques, on est en pleine saison
- Et ces coquilles, comment les préparez-vous ?
- C’est Olive avec du beurre.
- Alors vous mélangez donc huile et beurre…
- Mais non ! D’abord, je ne les prépare pas. Je vous le répète, c’est Olive !
- Alors, finalement, il n’y a donc que de l’huile ! Mais  vous devez quand même les préparer un minimum, ne serait-ce que les débarrasser de leur sable.
- Mais vous êtes obtus ! Puisque je vous dis que c’est Olive...
- Ne vous fâchez-pas… J’ai compris, après la publicité pour les épinards,  maintenant c’est pour l’olive !
- Olive, Olive, celle qui partage ma vie…
- Beau slogan ! Alors, les épinards, c’est fini ?
- Pas du tout. Tenez, ces Saint-Jacques, nous allons les accompagner d’épinards avec Olive.
- Ah, décidément, cette olive, elle est partout ! Peut-être un peu grasse ?
- Je ne vous permets pas !
- Excusez-moi… Peut-être qu’une première pression  à froid… ?
- Non mais dîtes donc ! Vous n’aurez pas accès à mon jardin secret pour alimenter votre presse people, que ce soit clair.
- Vous ne m’avez pas répondu. Les épinards, c’est fini pour alimenter le people que vous êtes ?
- Pas du tout. Mais maintenant ce sont des épinards du jardin !
- Votre jardin secret… Vous allez bien finir par en parler ! Olive et épinard, mais encore ?
-  Hum, Olive et ses épinards frais. Bien meilleurs que ceux en boîte… Bien qu’ils manquent de fer…
- Ah, pourquoi ?
- Ben, tiens, parce que le fer, il est dans la tôle de boîte et pas dans les feuilles des épinards ! »
Il n’y avait rien à tirer de de ce farceur has been. Je lui tournai le dos.

Je me console de ce fiasco en allant déjeuner dans un petit restaurant d’où je peux voir la mer qui commence à se retirer alors que les derniers bateaux se hâtent de rentrer au port. La serveuse un peu souillon  me balance une assiette mal essuyée sur ma table branlante.
« Vlà l’plat du jour. Zavez d’la chance, aujourd’hui c’est Saint-Jacques et zépinards. Je vous souhaite une bonne dégustation ! »


Saint-Jacques
Noix de Saint-Jacques façon Olive


mercredi 15 novembre 2017

Ma Georgette d'inox

Tel un Guy Chabot de Saint-Gelais, baron de Jarnac, je m’apprête à pourfendre le jarret.

jarret, Jarnac
Où Vivonne trouve Chabot
Sauf que ce n’est pas celui de François de Vivonne, seigneur de La Châtaigneraye, mais le jarret arrière bien dodu d’un porc élevé en Normandie.

C’est maintenant chose faite, et j’ai extrait l’os qui me servira à corser le jus…

jarret, découpe
Je suis l'homme qui a vu l'os


Il me faut cuire ce jarret en papillote. Je pense un moment à  l’enfermer  dans une feuille de Carta Fata
mais finalement je préfère utiliser ce même papier parchemin doublé d’aluminium qui, la veille, m’avait permis de façonner un cercle pour dresser mon plat de calamar. En effet sa relative rigidité va me permettre de former une sorte de coupe servant de réceptacle pour le vin arrosant la pièce de viande avant la cuisson.
J’assaisonne le jarret, le badigeonne de miel de romarin des Pyrénées et d’huile d’olive. Je dispose la feuille découpée dans le rouleau de papier sur une plaque à débarrasser, appuie afin de former un creux où je niche, dans un nid de thym, origan et laurier : l’os, deux gousses d’ail, une échalote partagée en deux, une sommité de poivre long de Java, quelques grains de poivre blanc de Penja, trois clous de girofle, une étoile de badiane. Je couche sur ce lit parfumé le jarret que je recouvre d’herbes, ail et échalote avant de l’arroser d’un grand verre de Madiran.

jarret, papillote
Jarret sur son lit douillet


Je plie et referme le papier afin de former une papillote.

jarret, papillote, vin, miel
Il est tard, on ferme !


Je glisse cette prison bien close dans une cocotte que je coiffe de son couvercle. J’enfourne pour un peu plus de quatre heures dans le four à 130°C.

Un peu avant la fin de la cuisson, je réalise un caramel blond en étalant une cuillerée de miel et une cuillerée de sucre au fond d’une casserole, puis successivement deux autres cuillerées de sucre. Je verse deux verres de Madiran qui dissolvent le caramel. Je laisse réduire d’un bon tiers.

vin, caramel, jarret
Du vin dans le caramel




La garniture consistera en un lot de pommes de terre diverses du jardin que je n’épluche pas, mais dont je tranche les plus grosses, et trois petites carottes violettes arrachées quelques heures auparavant. Je commence par les saisir dans le mélange mousseux d’un trait d’huile d’olive et d’une grosse noix de beurre afin de bloquer la couleur des carottes avant qu’elle ne contamine ses voisines, puis j’inonde d’un demi-centimètre d’eau.

pommes de terre, carottes violettes
Du jarret, mais aussi de la patate


Les légumes vont cuire à couvert une douzaine de minutes. Puis je décoiffe la poêle, laissant l’eau s’évaporer et disparaître complétement, la cuisson se poursuivant à feu doux dans la graisse seule. Au dernier moment, avant de dresser, je hausse la flamme afin d’obtenir du croustillant.

D’autre part, je glace trois échalotes dans du vin blanc (un reste de Muscadet…) avec une pincée de sucre, une petite cuillerée de miel, une noix de beurre demi-sel
.
Il est temps de sortir la cocote du four. J’écarte les pans de la papillote. Une chose est certaine, ça sent vraiment bon !

papillote, jarret, vin, miel
Il est l'heure, on ouvre !


J’extrais les morceaux du jarret qui se délite -hum, hum, la tendreté sera bien là !- à l’aide de la pince, et les pose sur une plaque. Je réserve au four éteint.

jarret confit
Devoir de réserve


Dans le creux du papier s’étale une mare d’odoriférant jus onctueux. Je le transfère avec précaution et à travers un chinois dans la casserole où le mélange de vin et de caramel  a réduit.
Je replace sur la flamme et poursuis la réduction jusqu’à obtenir un jus bien sirupeux.

Je puis alors commencer le dressage sur un plat.
Je dispose les morceaux de jarret au centre et les arrose des deux tiers du jus afin de les imbiber. Le reste continue à réduire sur la flamme.
Viennent tout autour les pommes de terre et les carottes. Suivent les échalotes dont le glaçage est terminé. Pendant ce temps, la sauce a continué sa réduction, est devenue encore plus nappante. Elle peut quitter la casserole pour achever de napper les morceaux de jarret, en particulier la couenne qui n’a pas trop retenu le jus pourtant déjà sirupeux.
Quelques brins de persil frisé viennent ajouter de la couleur.
Le plat est prêt à être servi.

jarret, vin rouge, miel, georgette
Jarret confit au vin rouge et au miel


Nous le dégusterons à l’aide de georgettes.



La texture de la viande après la longue cuisson y invite, mais surtout je me suis inspiré d’une recette de l’Auberge d’Antan à St Girons qui a remporté grâce à elle en 2016 la Georgette d’or.

Il y en avait un résumé succinct dans LA DÉPÊCHE du 20/05/2016 :
Les jarrets sont d'abord salés, poivrés et badigeonnés avec de l'huile d'olive, du miel et du vin rouge. Ensuite, le chef les fait cuire en papillote quatre heures au four à une température de 120 degrés. En fin de cuisson, il récupère le jus des jarrets qu'il incorpore à un vrai caramel déglacé au vin rouge et il laisse ce mélange épaissir avant d'en enrober les jarrets qui seront servis avec des petits légumes. Les pommes de terre grenaille sont rôties, les échalotes sont confites au vin blanc et de jeunes pousses de carottes accompagnent le tout.

On conviendra donc que les georgettes s’imposaient, même si mon plat ne méritait sans doute que la Georgette d’inox…


lundi 13 novembre 2017

Chaudrée sèche

Une déclinaison de la chaudrée fourasine, peut-être la plus authentique, ne comporte pas de poissons, mais uniquement du blanc de seiche. Cette version m’a donné l’idée de réaliser un plat que je pourrais qualifier de chaudrée seiche-sèche
Malheureusement, point de blanc de seiche chez les poissonniers… J’ai donc décidé de le remplacer par des anneaux de calamar (frais !).

Samedi matin je me mets au travail.
Je fais suer une échalote partagée en deux et une paire de gousses d’ail dégermées dans du beurre demi-sel. J’y ajoute les anneaux de calamar, hausse la flamme et attend qu’ils aient rendu toute leur eau. À ce moment je verse la moitié d’une bouteille de vin blanc sec - en l’occurrence un muscadet- et le jus d’un citron jaune.
Je plonge une feuille de laurier et une branche de thym. Je poursuis la cuisson une quarantaine de minutes à feu moyen sans couvrir et en remuant régulièrement les ronds de calamar. À la fin ne reste plus au fond de la sauteuse qu’un peu de liquide réduit.

calamar, almar
Plein de ronds


J'ôte et réserve le calamar, ajoute le jus d’un demi citron vert dans le récipient de cuisson et monte au fouet avec quelques noix de beurre sorti du frigo. Le résultat est une sorte de beurre blanc légèrement gélatineux en raison de l’exsudat du calamar. Je relève cette sauce d’un tour de moulin de poivre blanc de Penja.


Parallèlement, je fais cuire l’accompagnement : des lentilles blondes de Saint-Flour. Je les mets à froid dans deux fois et demi leur volume d’eau avec une petite carotte et une tranche de poireau taillées en paysanne, un oignon clouté et un bouquet garni.  Quelques grains de poivre de Voatsiperifery et un épi de poivre long Timiz viennent ajouter leur parfum.

lentilles, Saint-Flour
Lentilles, les amours d'une blonde


Au bout d’environ une demi-heure, les lentilles sont cuites à point. Je les sale et les brasse avec une noix de beurre.
Il ne me reste plus qu’à me livrer au dressage sur un plat : couronne de lentilles avec la chaudrée sèche en son milieu.
N’ayant pas de cercle de la taille nécessaire, j’en ai improvisé un réalisé à partir de papier parchemin doublé de papier aluminium.

papier parchemin doublé d'aluminium
Parchemin mais pas grimoire



cercle improvisé
Cercle vertueux


Je verse les lentilles autour du cercle, et pose les anneaux de calamar au centre avant de les recouvrir de la sauce.

calamar, chaudrée, lentilles, Fouras,Saint-Flour
Chaudrée sèche et ses lentilles auvergnates


Les adultes ont aimé. La plus jeune des infantes aussi et se goinfre. En revanche j’ai commis une erreur psychologique avec la plus âgée. Voyant les anneaux blanchâtres, elle s’est exclamé : « Chic, des pâtes ! » et je n’ai pas démenti. Alors, en mettant un morceau de calamar fondant dans sa bouche, elle s’est inquiétée : « Elles sont bizarres, tes pâtes… C’est pas bon ! ». Et, d’un air dégoûté, elle a écarté tous les ronds de céphalopode dans un coin de l’assiette, opérant un repli gustatif vers les lentilles. Las, à la troisième bouchée elle tomba sur  un gain de poivre de Voatsiperifery. « Ça pique ! Aie, aie.. ». Toutefois, la faim aidant, elle a continué à manger des lentilles en se livrant à chaque bouchée à un examen minutieux de sa cuillère afin d’en éliminer tout élément suspect.
Il me faudra encore attendre avant d’en faire une gourmette empreinte de curiosité culinaire !

L'unanimité fut cependant présente à la fin du repas. La tarte de tranches de pommes sur un lit de compote mixée pomme-coing était un régal !

tarte, pommes, coing
Pas tarte, la tarte !