samedi 31 août 2019

Tomat urge


L’état d’urgence est déclaré en Grisbichie devant la déferlante de tomates venues du jardin se réfugier entre quatre murs.
Il me faut accomplir des miracles pour empêcher une fin tragique mêlant déchéance et abandon à ces fruits encore dans la force de leur maturité - mais pour combien de temps encore ?


Une de mes premières actions fut de les faire participer à la confection d’un plat de pâtes.
J’émonde des tomates Cuor di Bue (une variété italienne de cœur de bœuf) puis je les partage en quartiers que je fais fondre au fond d’une poêle dans de l’huile d’olive avec trois gousses d’ail fraîchement récolté, une feuille de laurier, une petite branche d’origan et une pincée de sel. J’ajoute des tranches d’une oblongue tomate San Marzano encore verte afin de conférer de la vivacité et de la mâche. Je retire du feu avant que les morceaux de tomate soient complètement délités. Je réserve.
Je mets à cuire parallèlement les pâtes, des mezzi rigatoni, dans une casserole d’eau bouillante salée suivant la fameuse règle des 10, 100, 1000, et quatre saucisses aux herbes provenant de mon élevage de porc normand - déchu de son titre de favori depuis le massacre de la Sainte Godeliève* - sur une poêle bien chaude.
Les pâtes égouttées rejoignent les tomates dans la poêle remise à température à feu doux. Je brasse, puis dépose les saucisses dorées, versant aussi le rare jus qu’elles ont dispensé.
Je parsème de tris ou quatre pincées de piment d’Espelette, parfume de moult tours de moulin de poivre rouge, éparpille des déchirures de basilic à petites feuilles et à puissante fragrance.
Un trait d’huile d’olive italienne herbacée, et je peux apporter la poêle sur la table.

tomates, saucisse aux herbes
Tomato rescue


Le plat regorge de parfums. Le régal serait parfait si les saucisses, trop maigres, n’étaient pas aussi sèches, sans le moindre moelleux. Cette dérive vers une production mercantilo-diététicienne va me faire fuir définitivement…
Mais enfin, opération SOS-tomate réussie !


D’ailleurs, ces sauvetages en terre réservent souvent de bonnes surprises.
Ainsi, hier, je me suis trouvé confronté à une tomate qui offrait fort triste mine. Bien que sont aspect fût verdâtre, la moindre pression des doigts laissait craindre qu’elle n’éclate au creux de la main. D’ailleurs un choc malencontreux avait déjà produit une plaie dont commençait à s’écouler un filet de jus visqueux. Bref, il s’agissait d’une de ces tomates plus apte à inspirer des envies de jets sur le chanteur ou le politicien de votre choix que de confection de salade gourmande. Et pourtant..
Dans un esprit de pure curiosité anatomique, j’ai entrepris de la fendre en deux. Eh bien, l’intérieur, bien que tendre, ne tombait pas dans une purée déliquescente. Tel un médecin plus ou moins malgré lui reniflant les urines du malade au Grand Siècle, j’ai approché mon nez et humé : ça sentait très bon. Pronostic favorable… Poursuivant mon étude, j’ai pensé que dans ces conditions une approche gustative pouvait s’ajouter aux étapes visuelle, tactile et olfactive sans trop de risque pour mon intégrité physique.
La peau s‘est détachée aisément de l’hémisphère telle celle d’un brugnon bien mûr. J’ai goûté timidement, du bout des lèvres pour finir en mordant goulûment dans le second hémisphère.
Bon diou de bon diou, que c’était bon. J’ai regretté que ce fruit parfumé, sucré avec une pointe d’acidité, ne fût pas plus gros !
Aussi aujourd’hui, j’ai remis le couvert. Et d’une seule tomate je suis passé à deux. L’addiction, vous dis-je !

tomate, moldovan green
Ma dose d'aujourd'hui


Pas de déception, une chair abondante toujours aussi savoureuse qui démontre sans contestation possible que la tomate est un fruit et non un légume.
N’a-t-on pas envie de mordre dans cette chair à la fois verte et bien mûre ?

Green Moldovan
Encore verte à l'âge mûr


Au fait, quelle est cette sublime tomate ?
Eh bien il s’agit la Moldovan Green, une variété ancienne originaire de Moldavie comme son nom l’indique.
Tout ce que je peux dire, c’est qu’elle a bien fait de venir jusque chez moi !


Sainte Godelieve : 30 juillet, date du massacre de côtes de porc.

cf    http://sosgrisbiche.blogspot.com/2019/08/usulegume-titre-temporaire.html






lundi 26 août 2019

Les carottes sont cuites

Le canard poussa la porte de la cuisine et s’adressa à la fermière d’une voix nasillarde :
« Je ne sais pas si tu as vu comme moi cette publicité envoûtante, Comme j’aime. En la regardant je me suis rendu compte que j’avais quelques bourrelets… Aussi, c’est de ta faute, tu me gaves vraiment en me gavant autant ! Je viens te dire que je vais commander une semaine gratuite, ça ne te coûtera rien, il l’a bien confirmé, ce bel homme qui…

Au cas où vous ne connaissiez pas :




Je sais, je suis un pervers...


- Pas la peine, je vais m’occuper de ton cas illico. ».
Le canard lança un regard méfiant vers la maîtresse de céans.

Mais c’est déjà trop tard. Il se voit jeté sans autre forme de procès au sein d’un sauna. « Ah tu voulais perdre de la graisse, eh bien ton vœu est exaucé ! » éructe le visage ricanant qu’il entrevoit à travers la buée.
« Ah, si j’aurais su, j’aurais pas venu… », qu’il gémit, le pauvre mulard.

Quand il vit le résultat, le canard, honteux et confit, jura, mais un peu tard, que l’on ne l’y prendrait plus.
Pour lui les carottes étaient cuites.


Et c’est moi qui les ai cuites, ces carottes du jardin : blanchies une douzaine de minutes épluchées tout juste après leur récolte, puis passées dans le beurre demi-sel avec une pincée de cumin. Certes, elles ne sont pas calibrées, mais quel parfum !
Aussi les cuisses confites du canard à la peau croustillante n’auront nul besoin d’un autre accompagnement.

confit de canard, carottes
T'as de belles cuisses, tu sais...

jeudi 22 août 2019

Plat de plats, mais pas plat


Il était une fois à Parme un homme et un chat. Le matou s’appelait Badabada, et était le seul compagnon de son maître. En effet celui-ci avait été abandonné par sa femme (1), et tentait de se consoler par le chianti et la pasta.
Le malheureux venait de poser une étique escalope de vitello sur un coin de sa table. Il comptait bien la déguster avec les pâtes qu’il s’apprêtait à confectionner. Pour ce faire, en cuisinier méthodique qu’il était, il avait fait une mise en place : une assiette avec un petit monticule de farine, et une autre où il avait cassé deux œufs. Et comme il voulait les servir en gratin, il avait râpé un bout de parmesan dur comme pierre retrouvé dans un coin du buffet et écrasé au mortier de marbre de Carrare (2) un antique quignon de pain ainsi réduit en miettes.
Le chat Badabada lorgnait depuis un certain temps vers la désirable escalope, bon, l’homme avait le dos tourné, c’était le moment de passer à l’action. Un bond vers le butin, et…
Et l’animal était sournois, mais aussi maladroit (3). L’escalope lui échappa, vola pour s’écraser sur la farine avant de rebondir et plonger dans les œufs que l’homme était en train de battre, éclaboussant en même temps la chemise pourtant déjà assez maculée comme ça (1).
C’est alors que l’homme eut une idée de génie comme seuls les Italiens peuvent avoir. Il traîna l’escalope poisseuse dans les miettes de pain et la poudre de parmesan. Puis il la jeta dans une poêle où fondait un morceau de beurre.
L’escalope panée était née. Je dirai même mieux : l’escalope milanaise. (4)

(1)- Cette femme était partie avec un ancien Chartreux (a), et depuis elle était surnommée la Chartreuse de Parme (b).

                (a)   Pas un félin, mais un moine

                (b)   À cette époque, il était très mal vu pour une femme de partager sa vie avec un ecclésiastique défroqué. Stendhal eut connaissance de cette anecdote qui lui inspira son célèbre roman, où l’on ne la reconnaît guère tant il en a modifié le cadre, les personnages et le déroulement, licence que l’on lui pardonnera bien volontiers.

(2)- Le seul objet luxueux que son ex-épouse n’avait pas emporté (a) (b).

                (a)   Et ce uniquement en raison de son poids.

                (b)   De toute façon, ni son Chartreux ni elle ne s'adonnaient aux joies de la cuisine, se livrant (au moins pour encore quelques années) à d’autres activités tout aussi sensuelles dont ils maîtrisaient mieux les recettes.

(3)- J’ai connu aussi un chat maladroit qui.. Mais ceci est une autre histoire !

(4) - Selon certains, le déroulement fut autre. Devant le méfait du chat Badabada, l’homme entra dans une de ces colères noires que seuls les Italiens peuvent avoir. De fureur, il jeta l’escalope violemment sur la table où elle s’écrasa dans les miettes de pain, renversant au passage le petit bol de parmesandont le contenu s’éparpilla sur l’escalope sauteuse. L’homme , dépité, la posa dans la poêle préparée pour simplement dorer une viande immaculée. Il trouva que finalement ce n’était pas si mauvais que ça.  L’escalope parmesane était née. Mais ceci est une autre version !


Je tenais à faire figure sur cette page l’histoire authentique de la création de l’escalope milanaise, tant de blogs se contentant de colporter des billevesées ramassées sans discernement au gré d’errements sur la toile.

Mais il s’agit maintenant de passer à la pratique. Mes plats, ce sont des haricots plats et de fines (avec modération, bien entendu) escalopes de veau. Pour autant, il ne donnera pas dans la platitude : les saveurs y seront.
Si alliance des saveurs il y aura, je jouerai aussi sur des alliances de formes : les losanges des haricots, le cercle du citron et l’ovale de la tomate.

C’est d’ailleurs par cette dernière, une tomate du jardin bien charnue, que je commence. Je la découpe en deux selon son axe, la débarrasse des quelques pépins qui apparaissent et la recouvre d’une persillade que je viens de ciseler. Si le persil est maraîcher, l’ail a été arraché la veille au jardin. J’en mets une tête entière - elle n’est pas très grosse. Je place dans un petit plat en ajoutant quelques noisettes de beurre demi-sel que je parfume d’une pincée de ras-el-hanout. 

tomate, persillade
Tomate pourfendue


Et j’enfourne pour 6 minutes à 180 °C. Je réserve, je remettrai à température au moment du dressage

tomate, persillade
Sortie de four

.
Puis je découpe les haricots plats en losanges que je blanchis 7 minutes dans l’eau bouillante salée.
Je retire à l’aide d’une araignée pour les transvaser dans le beurre demi-sel mousseux d’une poêle où ils ne resteront qu’une à deux minutes sur une petite flamme, le temps de les poindre d’une couche de gras les empêchant de s’oxyder et de virer au gris.
J’ai préparé les assiettes avec la farine, deux œufs battus, de la chapelure de mie de pain mélangée à du parmesan râpé. Mes deux escalopes passent successivement de l’une à l’autre. Je recommence une seconde fois les épisodes œuf et chapelure, ça y est, la viande est bien enrobée.
J’allonge mes deux escalopes dans une poêle antiadhésive où j’ai fait fondre une grosse noix de beurre dans une cuillerée d’huile d’arachide. La menée de la cuisson ? Eh bien elle se fait en alternant les accélérations et les ralentissements, vigilant ainsi qu'on l’était à l’époque où l’on conduisait vraiment et où l’on ne s’ennuyait pas comme c’est le cas du pauvre automobiliste traité en irresponsable qui se traîne en compagnie des autres veaux, les yeux braqués sur les 80 du compteur et non sur la route. Alors, pour mes escalopes ce sera en premier lieu une flamme suffisamment vigoureuse pour permettre de saisir rapidement la panure sur chaque face et la faire croûter, puis une baisse pour cuire doucement la viande en préservant son enrobage, puis une hausse modérée pour éviter le desséchement, plusieurs fois de suite avec des retournements, et enfin quelques secondes avec le feu au maximum pour à la fois donner la couleur et le croustillant.
En même temps j’ai remis la tomate au four à 70 °C et la poêlée de haricots plats sur un petit feu (en y ajoutant le peu de persillade qui restait sur la planche) pour tout remettre à température.

Je me dépêche de retirer les escalopes de la poêle et de les poser sur les assiettes. Je fais glisser les demi-tomates, ajoute les haricots plats. Je termine par les rondelles de citron.


escalope milanaise
L'escalope de Monsieur


escalope milanaise
L'escalope de Madame





À l’inventeur de l’escalope milanaise, quel qu’il soit, le gourmand reconnaissant !!!




lundi 19 août 2019

Histoire d'aulx

Ail, ail, ail…
Je suis tombé en amour pour ces têtes arleusiennes d’un blond vénitien dès que je les ai vues avec leur longue tresse. Et quand je les ai approchées, leur parfum de fumée exhalée par des braises de hêtre m’a donné l’impression de gambader autour d’un feu de camp.

ail d'Arleux
Mes Arleusiennes


C’était il y a près d’un an, et l’ivresse est la même. De temps à autre je m’empare de l’une d’elles, la jette sur la table et l’immole sur l’autel de la jouissance.
Mais tout n’a qu’un temps. J’en ai vu passer, des têtes bien sentantes sur lesquelles le défilé des jours ne semblait avoir aucune prise. Et il ne m’en reste plus qu’une demi-douzaine. Je tiens à leur offrir une finale toute en magnificence avant que leurs sœurs cadettes n’arrivent dans quelques semaines. Une fête dont elles seraient les reines…
Je me souviens qu’il y a bien longtemps j’avais enfoui des tronçons de saucisse de Toulouse sus une avalanche d’aulx tourangeaux et avait laissé mijoter longtemps à couvert sur une petite flamme. Je les savais retrouvés confits au sein d’une crème parfumée empreinte de douceur. Un délice !
Je me dis que mes têtes arleusiennes devraient être sublimées par un traitement analogue.
Je n’ai pas de saucisse de Toulouse, mais quatre côtes d’agneau m’attendent dans le frigo, et ail et mouton ont toujours fait bon ménage. De plus cette viande ne craint pas la cuisson longue…

C’est parti, je dégage les gousses avec un peu en moi la tristesse devant un chapitre qui se clôt.

ail d'Arleux, côtes d'agneau
Au bord de la côte


Il me vient à l’esprit que les saucisses avaient dispensé un gras qui n’existe pas dans les côtes. Bon, je compenserai avec deux cuillerées de graisse d’oie…
Je dore les côtes d’agneau au fond de ma sauteuse.

côtes d'agneau
Côte à la marée basse


Puis je verse les gousses que je noie dans une grande quantité d’eau et un trait de balsamique blanc. J’ajoute une feuille de laurier, un brin de thym, un chaton de poivre long. Je sale.

ail, côtes d'ageau
Attention, chute d'aulx !


Je découpe un disque de papier sulfurisé destiné à limiter l’évaporation, je pose le couvercle.

ail d'Arleux, côtes d'agneau
Jouons sur la transparence


La sauteuse est placée sur une petite flamme. Je règle le minuteur sur une durée d’une heure. Je verrai le résultat après ce délai et déciderai s’il faut prolonger ou non.
Au bout d’une demi-heure, je vérifie que tout va bien. Je vois que les gousses ne se sont pas délitées, mais il reste encore beaucoup de liquide. Je remets le couvercle et pars vaquer à d’autres occupations.
Et là, le drame. La bonne fragrance d’ail est remplacée par une odeur plus forte. J’accours vers la cuisine, mais oui, c’est bien ça, ma préparation commence à attacher. Ce n’est pas vraiment cramé, mais c’est bien caramélisé. J’ai tout faux avec ma graisse d’oie : au lieu de se mêler aux aulx pour les confire doucement, elle est restée au fond et a saisi les côtes d’agneau ainsi que les gousses à son contact. Il reste un peu de liquide, mais j’en rajoute. Je parviens facilement à décoller la croûte présente au fond de la sauteuse, elle se dilue, mais le plat a pris désormais une forte teinte brune. Tout ce que j’ose espérer, c’est que l’ail roussi ne sera pas devenu amer…
Comme mes gousses n’ont pas entièrement fondu, je suis bien obligé de continuer la cuisson, mais là je reste à côté et touille régulièrement en raclant le fond avec la mouvette.
Arrive le moment où ma pâte est devenue crémeuse.

aulx, côte d'agneau
Bain de côtes


Il reste néanmoins quelques parcelles irréductibles. Je comprends qu’il doit s’agir des germes, plus coriaces. Aveuglé par mon amour, envers ces aulx, je n’avais pas compris que leur jeunesse était révolue. J’aurais dû les dégermer, même si les fendre pour ce spectacle d’adieu, c’eut été me fendre aussi un peu le cœur

Je passe sans enthousiasme et même carrément dépité au dressage.
Faire cuire le boulghour d’accompagnement a été l’affaire de cinq minutes.
Je dispose mes côtes d’agneau et les recouvre de ma crème (?) d’aulx.
Je rehausse chaque assiette d’une volute de persil qui ne parvient même pas à égayer ce triste plat.

côtes d'agneau, crème d'ail
Ail, ail, ail !


Comme je le craignais, il se dégage une touche de désagréable amertume, et les petits bouts de germes confèrent une texture peu plaisante.

Les histoires d’amour finissent mal en général, comme l’a écrit le poète.
Surtout quand les élues sont des gousses !

vendredi 16 août 2019

Epis, c'est tout

Avec le faux-filet saisi et nourri dans du beurre demi-sel mousseux, épis, c’est tout…
Ah non, aussi la ponctuation décrasse-papilles d’une salade de pourpier.

fauxfilet, maïs
Jeunes épis, faux filet

mercredi 14 août 2019

Autarcie, si, si, si ?

Autarcie, non, non, non ! Mais presque…

Car pour le repas les ingrédients étaient :
- courgettes du jardin (2 variétés, grosse et petites taille - plus ferme et avec peu de pépins)
- tomate cœur-de-bœuf du jardin (la vraie)
- oignon paille du jardin
- laurier du jardin
- thym du jardin
- basilic du jardin

Mais je ne suis pas vég-âne, alors il a fallu ajouter à cette liste une viande, en l’occurrence deux steaks taillés dans l’onglet, et j’ai beaucoup de mal à abriter un bœuf dans mon appartement et à lui faire descendre l’escalier pour aller brouter dans mon jardin.
Seules solutions pour l’autosuffisance :
- le bœuf sur le toit, mais je crains de susciter une certaine hostilité envers moi dans l’immeuble.



- le mouton, dont je pourrais proposer les services de tonte de pelouse au propriétaire du rez-de-jardin, qui m’assurerait aussi la laine permettant à Madame de me tricoter un pull pour l’hiver, ou bien le goret fort utile pour le tri sélectif des déchets végétaux - bestiaux tous deux susceptibles cependant de m’attirer tout autant l’inimitié des voisins.
- plus faciles à camoufler (sauf le coq réveille-matin) les petits animaux, tels que la poule qui m’offrirait des œufs par la même occasion, mais d‘une compagnie peu avenante dans sa bêtise picorante, le canard que j’exclue d’emblée faute de mare (je ne me vois pas lui mettre la laisse deux fois par jour afin de le mener à la Pièce d’eau des Suisses, au Grand Canal ou au Bassin de Neptune), l’oie qui m’obligerait à placarder sur ma porte, tout comme les Alsaciens affichent « Attention, chien mordant ! » l’inscription « Attention, oie pinçant ! », le lapin, animal de compagnie propre à amuser les jeunes générations et que je pourrais remplacer par un sosie après son passage à la casserole afin d’éviter tout traumatisme enfantin, mais que je me refuse à abriter entre mes murs connaissant ses tendances cablophages susceptibles de me priver d’Internet (que deviendrais-je alors…), enfin le hamster, d’un intérêt gastronomique douteux.
De toute façon il me faut de l’huile, et mon petit olivier poitevin que mon optimisme invétéré me poussait à imaginer apte dans un quart de siècle à me fournir un flacon d’une huile dorée et parfumée vient de succomber à l’attaque sournoise d’une débroussailleuse. Certes, il me reste mes noyers, mais l’huile de noix possède un point de fumée trop bas pour la cuisson…
Et puis le citron, les épices..
D’ailleurs, il y en a, du jus de citron, dans mon plat de légumes autarcie, si, si. Un trait en fin de cuisson, avant d’ajouter les feuilles de basilic déchirées.

courgettes, tomates
Casserole d'autarcie potagère


Avec ce bœuf pas clandestin, c’était quand même un très bon repas.

À l’impossible, nul n’est tenu. Alors, deux jours plus tard, l’autarcie, le retour, mais autar-sinisée avec un wok, même si les légumes proviennent encore tous du jardin.
Je commence par décortiquer une douzaine de gambas fraîches. Je réserve les têtes.
Je sépare les feuilles de choux pe-tsaï, des rescapés de la canicule au jardin.
Je découpe petits oignons en tranche et tomates charnues en quartiers.
Je pose mon wok sur son support et pousse la flamme au maximum.

wok
Il HOOQ


Je verse une bonne cuillerée d’huile d’arachide et quand elle commence à fumer je fais tomber les têtes des gambas. J’attends la coloration pour arrêter le feu et laisser infuser afin de parfumer l’huile. des fragrances du crustacé.

gambas
Ah, ces gambas...


Une demi-heure plus tard, je débarrasse le wok des têtes de gambas à l’aide d’une pince, je lance à nouveau la flamme.
Je verse les tranches d’oignon, puis, quelques secondes plus tard, quand elles sont devenues transparentes, les feuilles de pe-tsaï. Suivent les gambas et les tomates. J’arrose d’un petit verre de vin de riz hua-tiao-chiew



Je termine par un trait de sauce soja qui suffira à saler le plat.
Deux minutes plus tard le liquide a beaucoup réduit au fond du wok que je puisse alors poser sur la table au creux d’un autre anneau.

wok de gambas au pe-tsaï
Wok de gambas au pe-tsaï


Ce plat fusion à la fois proxivore et exovore a bien fonctionné, Avec cette cuisson rapide le chou avait des côtes ayant conservé un agréable croquant, les tomates n’étaient pas tombées en bouillie et la chair des gambas était idéalement nacrée.
Surtout, c’était bon !

samedi 10 août 2019

Daurade, j'adore

Trois belles daurades sauvages sont sur mon plan de travail.
Comme je manque d’inspiration, je laisse à Georges-Louis Leclerc de Buffon le soin de se lancer dans leur description.

Plusieurs poissons présentent un vêtement plus magnifique que la dorade ; aucun n’a reçu de parure plus élégante. Elle ne réfléchit pas l’éclat éblouissant de l’or et de la pourpre, mais elle brille de la douce clarté de l’argent et de l’azur. Le bleu céleste de son dos se fond avec d’autant plus de grâce dans les reflets argentins qui se jouent sur presque toute sa surface, que ces deux belles nuances sont relevées par le noir de la nageoire du dos, par celui de la nageoire de la queue, par les teintes foncées ou grises des autres nageoires, et par des raies longitudinales brunes qui s’étendent comme autant d’ornemens de bon goût sur le corps argenté du poisson. Un croissant d’or forme une sorte de sourcil remarquable au-dessus de chaque œil ; une tache d’un noir luisant contraste, sur la queue et sur l’opercule, avec l’argent des écailles ; et une troisième tache d’un beau rouge, se montrant de chaque côté au-dessus de la pectorale, et mêlant le ton et la vivacité du rubis à l’heureux mélange du bleu et du blanc éclatant, termine la réunion des couleurs les plus simples, et en même temps les mieux ménagées, les plus riches, et cependant les plus agréables. Les Grecs, qui ont admiré avec complaisance ce charmant assortiment, et qui cherchoient dans la Nature la règle de leur goût, le type de leurs arts, et même l’origine de leurs modes, l’ont choisi sans doute plus d’une fois pour le modèle des nuances destinées à parer la jeune épouse, au moment où s’allumoit pour elle le flambeau de l’hyménée. Ils avoient du moins consacré la dorade à Vénus. Elle étoit pour eux l’emblème de la beauté féconde : elle étoit donc celle de la Nature ; elle étoit le symbole de cette puissance admirable et vivifiante, qui crée et qui coordonne, qui anime et qui embellit, qui enflamme et qui enchante, et qu’un des plus célèbres poètes de l’antique Rome, pénétré de l’esprit mythologique qu’il cherchoit cependant à détruire, et lui rendant hommage même en le combattant, invoquoit sous le nom de la déesse des grâces et de la reproduction, dans un des plus beaux poèmes que les anciens nous aient transmis. Mais cette idée tenoit, sans doute, à une idée plus élevée encore. Cette sorte d’hiéroglyphe de la beauté céleste n’avoit pas été empruntée sans intention du sein des eaux. Ce n’étoit pas seulement la Nature créatrice et rèparatrice qui devoit indiquer cette consécration de la dorade. Les idées religieuses des Grecs n’étoient qu’une traduction poétique des dogmes sacrés des premiers Egyptiens. L’origine des mystères de Thèbes, liée avec la doctrine sacerdotale de l’Asie, remonte, comme cette doctrine, aux derniers grands bouleversemens que le globe a éprouvés. Ils ne sont que le récit allégorique des phénomènes qui ont distingué les différens âges de la terre et des cieux. Cette histoire des dieux de l’Orient et du Midi est tracée sur un voile sacré, derrière lequel la vérité a gravé les fastes de la Nature. Et cet emblème, qui n’étoit pour les Grecs que le signe de la beauté productive, doit avoir été pour les anciens habitans de l’Inde, de la Perse et de l’Egypte, le symbole de la terre sortant du milieu des flots, et recevant sur sa surface vivifiée par les rayons du dieu de la lumière tous les germes de la fécondité et tous les traits de la beauté parfaite.

On pardonnera à mon collaborateur de ne pas tenir compte du Règlement (EU) n°1379/2013, qui confère à la dorade royale et à elle seule la dénomination daurade.
Mais quittons Buffon pour nous tourner vers le bouffon de la bouffe que je suis. Peut-être que non ? Ah, bon, on confirme ? Mais cette raillerie, en un mot, m’importune ; brisons là, s’il vous plaît : je vais de ce pas cliquer sur le mot fin.


Coupable maladresse : j’ai tapé le mot faim.

Mes spari aurati reviennent donc sur la table. Le poissonnier les a vidés, ébarbés (avec quelques oublis qu’il me faut réparer) et contrairement à mes instructions les a même écaillés. Il ne sera donc pas possible de soulever simplement la coque de poissons autopapillotés pour découvrir les filets immaculés… Honte à ce bourrin de poissonnier à l’ouïe défectueuse ! Quel thon !
Je vais quand même me contenter de cuire ces daurades simplement posées sur la grille du four.
Mais auparavant je cisèle la moitié d’un oignon violet, un petit bouquet de persil, trois gousses d’ail et une tranche de citron jaune.
farce de daurade
L'heure hache



Je parsème les cavités ventrales de mes poissons d’une bonne pincée de gros sel, y ajoute quelques grains de poivre Voatsiperifery.

Je dois m’interrompre, car j’entends du bruit. Un troglodyte, prenant sans nul doute mon appartement pour une caverne, s’est introduit par la fenêtre entrebâillée et, s’étant rendu compte de son erreur, cherche à trouver la sortie. Découragé, il réfléchit perché sur un radiateur et ne semble pas étonné de me voir arriver. Il prend même la pose, attendant patiemment que je puisse lui tirer le portrait. Clic, clic, clic.. Ça y est, le petit oiseau est sorti !

oiseau
Troglodyte urbain



Après cet intermède, je peux reprendre la farcissure. D’abord mon hachis réparti, puis dune feuille de laurier, un tiers de rondelle de citron et une brindille de thym.
Je sale la peau des daurades et l’enduit légèrement d’huile d’olive passée au pinceau afin d’éviter une adhérence intempestive sur les barres de la grille.

daurade
Je leur ai fait une bonne farce


J’enfourne à 220 °C. Je laisse le thermostat à cette température cinq minutes, puis laisse une vingtaine de minutes four fermé mais éteint. Le four est descendu en température vers les 120 °C.
Je fais faire volte-face à la grille et remets le thermostat à 130 °C pour parachever la cuisson du côté des poissons qui était à l’opposé de la soufflerie à l’étape initiale, c’est-à-dire le ventre avec sa farce qui me semble encore manquer un peu de cuisson. Je laisse six ou sept minutes.
Je sors alors les bêtes et les allonge sur mes assiettes rectangulaires avec juste trois tomates cerises, deux brins de persil frisé et une fine pluie de piment d’Espelette, qui fourniront de petites notes colorées mais n’empêcheront pas de disposer de l’espace nécessaire pour procéder à la levée individuelle des filets (y a pas de raison que ça ne soit que moi qui bosse dans cette maison !) et écarter les arêtes.

daurade
C'est cuit pour elle

daurade, four
Daurade trois points



Pendant la cuisson des poissons, je me suis livré à la préparation de l’accompagnement : un riz au curry.
Le riz était tout simplement un brave riz long dur à cuire, celui que nos colonies nous fournissaient pendant mon enfance, avant l’arrivée des riz thaï, basmati et tutti quanti.
J’ai partagé le reste de mon oignon violet en pétales que j’ai mis à fondre sur une cuillerée d’huile d’olive. J’ai versé un verre de riz qui a commencé à nacrer. A suivi une cuillerée de curry que j’ai laissé torréfier quelques secondes. Puis j’ai arrosé de deux verres et demi de bouillon de crustacée obtenu à partir d’un sachet lyophilisé. J’ai pensé que je pouvais additionner quelques chutes de persil et oignon ciselé qui étaient restées sur la planche et au fond de la plaque où j’avais farci mes poissons. Une feuille de laurier, deux brins de thym, quelques gouttes de Tabasco rouge, un disque de papier siliconé couvrant le tout, et c’était parti pour vingt minutes à feu doux dans la casserole coiffée d’un couvercle.

riz au curry
Papier de riz


Le riz est cuit à point, les grains se détachent bien. Je brasse avec un trait d’huile d’olive herbacée.et transvase dans un plat mis précédemment à chauffer. Chacun se servira à table dans des coupelles placées à côté des assiettes où trônent les daurades royales.

riz au curry
Curry


Eh bien, il me semble que c’est la meilleure cuisson de daurade que j’ai jamais pratiquée. Le fait d’avoir ciselé oignon, persil, ail et citron a permis qu’ils apportent juste l’humidité nécessaire pour conserver une chair moelleuse mais restée quand même ferme, et dispensent par la même occasion tous leurs parfums.
Bon, mes deux convivesses ont trouvé que j’avais eu la main lourde dans le dosage du curry. Mais ce n’est que pure calomnie !

MISE AU POINT :

Tout ornithologue, même pas distingué, aura remarqué que l'oiseau qui a envahi mon antre n'est pas un troglodyte., mais un zozio dont j'ignore l'identité, n'ayant qu'une compétence très réduite en ce domaine. Dommage, l'aventure eut été plus belle.

En revanche, j'ai bien été confronté il y a quelques semaines à un troglodyte, qui avait élu domicile dans le creux d'une branche morte d'un fusain ancestral gisant à quelques mètres de la porte de ma cuisine poitevine.

oiseau troglodyte
Troglodyte, le vrai

Ce malheureux n'a guère apprécié l'arrivée des étrangers quez nous étions à ses yeux au sein de se qu'il considérait comme son domaine. Et quant à lui, ce n'est que furtivement que j'ai pu le photographier en catastrophe (comme le démontre le résultat…) à travers la vitre.

mardi 6 août 2019

Dorés ?

Beaucoup de choses peuvent être dorées : une jeunesse, une tranche de pain, Gustave, une tranche de livre, un faisan, la pilule, un bouton, Julien, la légende, le staphylocoque, un parachute, etc, etc, et même navant (mais c’est depuis peu…).
Je peux ajouter à cette liste le pourpier. Car du jardin vient d’arriver une récolte de pourpier doré à grandes feuilles. Il est bien loin du pourpier sauvage qui poussait dans la cour de ma grand-mère et dont j’aimais croquer quelques feuilles en passant, enchanté à la fois par son parfum subtil, sa texture al dente et sa discrète touche d’acidité. Mais je retrouve quand même un plaisir indéniable à déguster cette variété apprivoisée qui est à la rampante squatteuse horticole ce que le chien est au loup.
Alors ce soir ce sera une salade de pourpier auquel se joindront quelques découpes de petites tomates heureusement elles aussi du jardin. Une vinaigrette confectionnée avec l’excellente huile d’olive des pentes de l’Etna, et c’est un régal qui arrive sur la table.


pourpier
Salade de pourpier doré à grandes feuilles

Il accompagne des rillons. Pas dorés du tout, quant à eux… Pâlichons, pas maillardisés le moins du monde. Que s’est-il passé ? La semaine précédente j’avais acheté de magnifiques rillons bien colorés et goûteux dans cette même boutique de boucher charcutier dont je suis un habitué. Je les aurais bien refusés, attendant un jour plus faste, mais j’allais bientôt m’engager sur l’autoroute, alors c’était ça ou rien en plus des rillettes pour la dégustation nostalgico-traditionnelle de charcutaille tourangelle arrosée d’un chinon de derrière les fagots les cartons marquant le retour au bercail.
Dieu soit loué, la viande est de qualité, mais ces rillons ressemblent plutôt à un de ces confits de porc comme on les confectionne en Périgord… Ce que je savais déjà, car ces pièces sont le reste de la cérémonie de clôture de villégiature.


Dorées en revanche les andouillettes non pas de Touraine mais d’Anjou que j’avais aussi rapportées dans mes bagages. Ces andouillettes, intégrant dans leur recette un soupçon de saumur-champigny, c’est moi qui leur ai donné cette peau colorée et croustillante dans une petite poêle sur une noisette de beurre. Dans une autre poêle plus grande j’ai déversé des rondelles de carottes et de pommes de terre sur une grosse noix de beurre demi-sel en train de fondre, j’ai versé deux verres d’eau, j’ai ajouté trois gousses d’ail dégermées et une feuille de laurier, et j’ai laissé sur feu moyen coiffé d’un couvercle une douzaine de minutes. Puis j’ai laissé l’eau restante s’évaporer à découvert sur feu doux. Quand il ne restait presque plus de liquide côté légume et que la cuisson était achevée côté andouillettes, j’ai versé le jus de la petite poêle sur les carottes et pommes de terre, y laissant les andouillettes à sec. J’ai haussé les deux flammes afin de colorer légèrement les légumes et de rendre croustillante la peau des andouillettes en les saisissant sur toutes les faces.
Une fois cette opération effectuée, j’ai éteint les deux feux et déposé les deux oblongues tripailles au milieu de la poêle végétarienne. Pas de chichis, je me contente de poser le récipient sur la table…

andouillettes au saumur-champigny
Où l'andouillette a pris de la bouteille


Ces andouillettes, pourtant semi-industrielles, achetées sans conviction dans un supermarché poitevin pour dépanner au-cas-où, puis délaissées, sont fort bonnes, et le goût du saumur-champigny est bien présent en dépit du seulement 1 % de vin AOC Saumur-Champigny indiqué sur l’étiquette. La sauce sans la sauce ! Que demander de plus ?



Ah, ces préjugés de bobo… J’ai honte.

vendredi 2 août 2019

Usulégume à titre temporaire

Un voisin de jardin est parti en vacances dans son pays natal, le Portugal. Nous nous chargeons de l’arrosage de sa parcelle, et en contrepartie nous bénéficions de l’usulégume des récoltes périssables - et peut-être à son retour d’une bouteille d’huile de ses oliviers familiaux ?

C’est ainsi qu’un sac empli de ces haricots plats qui font le bonheur des ménagères lusitaniennes a atterri dans ma cuisine,

haricots plats
Des plats pour mon plat


S'y ajoutaient quelques petites tomates dont la maturité est en avance sur celle des nôtres qui commencent tout juste à rougir (de honte de leur retard ?)…


J’avais aussi dans mes réserves un énorme oignon blanc issu d’un bouquet acheté sur un marché tourangeau à un paysan incasable en raison de sa taille imposante  (l’oignon, pas le cultivateur, quant à lui plutôt petit mais râblé sous son visage matois). Il me fallait donc trouver une recette propre à intégrer cette pléthore oignonesque.
Tout de suite m’est venue à l’esprit la côte de veau Foyot. Bon, c‘est décidé, je vais acheter trois côtes - le repas étant prévu pour trois convives, cette démarche me semble aussi adéquate que rationnelle… Néanmoins je vais troquer le veau contre du cochon. Pourquoi ? À vrai dire, je ne sais pas, peut-être parce que dans mon imaginaire le Portugal est plus porcin que vitulin…


Arrive le moment de passer à l’action. Et là je me demande si mon choix est si opportun que ça.
Pour la côte Foyot, chapelure, emmenthal et long séjour au four. Et il fait encore chaud sous notre ciel francilien… Foyot attendra l’hiver, ou tout au moins l’automne !
Qu’y a-t-il comme autre recette gourmande en oignon ? Appelons Soubise à la rescousse. Je révise en relisant mes sources la recette de la sauce éponyme. Mais oui, il faut bien ajouter la compotée d’oignon à la même quantité de sauce béchamel. Bof… Finalement cette sauce Soubise classée dans les sauces blanches ne me semble pas vraiment adaptée. Mais heureusement un additif à son propos fourni par Joseph Favre dans son Dictionnaire Universel de Cuisine me sauve la mise :
Remarque. - Si la sauce soubise devait être servie brune, on remplacerait la sauce béchamel par un fond blanc de volaille, de façon à pouvoir y joindre facilement de la glace de viande ou de la purée de tomate.

Me sentant absout du crime de lèse-orthodoxie par le maître, je me lance dans une sauce à ma façon.
Je découpe mon dodu oignon blanc en étroits pétales que je mets à fondre sur une poêle dans une bonne noix de beurre demi-sel fermier. Quand ces pétales devenus transparents commencent à colorer, j’ajoute une petite cuillerée de miel d’acacia, un demi-verre de vinaigre de cidre, mène à début de caramélisation. Puis je dilue une petite cuillerée d’une pâte de fond brun dans un demi-verre d’eau bouillante, et je verse dans la poêle.
Je continue la réduction, ajoute une pincée de piment d’Espelette et réserve quand il ne reste presque plus de liquide.

oignon blanc, sauce
Le blanc est taché...


Je partage mes haricots plats en tronçons que je mets à cuire dans l’eau bouillante une quinzaine de minutes. Je les sors, les plonge dans l’eau froide, les égoutte dans une passoire. Parfait, ils sont tendres mais al dente. Je réserve.

Je cisèle deux gousses d’ail et un brin de persil du jardin. Je réserve.

Je fends la couenne des côtes de porc, non pas ibériques mais normandes, afin que d’éviter une déformation de la surface à la cuisson.

côtes de porc
Tri-côtes


Je remarque en passant que l’épaisseur de gras a bien diminué depuis quelques mois. Si le phénomène se poursuit, j’envisage de changer de crémerie porcherie !
D’autant plus que la découpe sur l'étal par une malheureuse vendeuse esseulée est lamentable, produisant de nombreux éclats d’os qu’il me faut repérer et éliminer… Heureusement, la saveur de la viande reste encore convenable. Diététique, que de crimes commet-on en ton nom !
Je réserve.

Pour terminer cette mise en place, je monde quelques tomates dont je disperse la chair au fond d’une poêle dans une grosse noix de beurre demi-sel fondant sur un léger trait d’huile d’olive.

tomates, beurre demi-sel
Ilots de tomates


Je réserve.

Le tiers convive est arrivé. Je cuis les côtes de porc à feu vif au sein d’une poêle en acier qui en dépit de ses 36 cm se révèle à peine assez grande pour que les trois pièces de viande puissent s’y installer confortablement. Une fois la surface dorée des deux côtés, je baisse la flamme, continuant dans une cuisson douce afin de ne pas dessécher la chair. D’autant plus que la viande n’est pas aussi persillée que je l’aurais espéré…

Je replace la poêlée de tomates sur le feu, la recouvre des haricots plats. Je complète d’une nouvelle noix de beurre, parsème de persillade, et coiffe d’un couvercle Avec une flamme minuscule, je puis espérer que les haricots se réchaufferont sans cuire et resteront al dente.

Les côtes de porc me semblent presque cuites. J’éteins le gaz sous elles et laisse finir la cuisson par inertie avant de faire se reposer la viande quelques instants.

Le moment est venu de placer une côte sur chaque assiette et de l’entourer des tronçons de haricots plats rehaussés en goût et en couleur par les éclats de tomate.
Pendant que je me livrais à cette opération de dressage, j’avais remis à température ma sauce aigre-douce aux oignons, y ajoutant un trait de balsamique afin de lui donner un dernier coup de fouet gustatif. Cette sauce Soubise  très revisitée que je baptiserai Superbise est devenue bien sirupeuse. Je la répartie sur les côtes et conclue par une tombée de persil ciselé et de poivre rouge du moulin.

côte de pors, haricot plat
Côtes de porc sauce Superbise garniture lusitanienne


Constat : tout ce petit monde de provenances diverses s’est accordé en parfaite harmonie. C’était bon, je n’ai pas eu lieu de suer à grandes gouttes, et la petite note acide permettait de réveiller des papilles plutôt enclines à siester…
Allez, petites papilles endormies sous le cagnard, debout ! Ce n’est pas une petite chienne en fin de vie qui va faire la loi !



D'autant moins qu'un clafoutis aux nectarines, pas trop sucré et aux fruits légèrement acidulés passe aussi à l'action.


clafoutis, nectarine
Clafoutis : Madame le fit