jeudi 28 avril 2022

Mariage princier

 Aujourd’hui je célèbre le mariage du Prince de Biscay avec Mademoiselle Patate.

Prince de Biscay

Mademoiselle Patate

Mésalliance, me direz vous, pour ce gentilhomme gascon descendant d'une lignée anglaise : une péquenaude arrivée toute crottée de sa ferme mayennaise natale, ça la fiche mal, tout de même ! Mais voilà, cette demoiselle si timide, qui dans ses bafouillements ne me permet pas de savoir si elle s’appelle Charlotte, Agatha ou Amandine, offre l’argument de sa tendre jeunesse.


Aussi c’est bien volontiers que je vais faire de mon mieux pour que la cérémonie soit à la hauteur de cet amour printanier.

Pour cette jeune fille, nul besoin de ces vêtures fastueuses qui ne servent qu’à faire oublier les flétrissures d’une récolte trop tardive. Une simple robe des champs suffira, simplement rehaussée d’une petite dorure discrète. Quelques mignonnes échalotes auxquelles se sont mêlées deux gousses (d’ail, je tiens à le préciser) sont enrôlées comme demoiselles d’honneur.

La promise attend tranquillement l’arrivée du Prince qui a pris du retard car il a tenu à s’offrir le bronzage d’une réaction de Maillard, quand l’impensable se produit : le calice empli de sauvignon se renverse sur Mademoiselle Patate qui en perd sa charmante candeur pour proférer des injures dignes de ces palefreniers qu’elle a vraisemblablement fréquentés.

Elle continue à fulminer, me jetant un œil noir, quand le Prince vient la rejoindre. Il s’étend sur elle - et les demoiselles d’honneur, le saligaud. 

entrecôte de porc, Prince de Biscay, pommes de terre nouvelles
Laissons les en paix

Je pose discrètement un couvercle et m’éloigne sur la pointe des pieds.

Vingt minutes plus tard, on me sonne. C’est le prince qui me reçoit en maugréant.

« Tu parles d’une chaude nuit de noces ! La flamme était bien fluette…

-  Permettez moi d’offrir à Madame ces fleurs, dont le bleu ira si bien avec celui de ses yeux. Et quant à vous, Mon Prince, cette aspersion de poivre blanc de Muntok et de cubèbe, alias poivre à queue (tout un programme) devrait vous conférer la chaleur qui vous a tant manqué. »

 

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Bonne nouvelle pour le Prince de Biscay

J’entends alors une petite voix à la fois indignée et désabusée qui monte de la chambre nuptiale.

« Continuez à m’appeler Mademoiselle. Votre poudre d’perlimpinpin, vous pouvez vous la carrer où j’pense. D’la chaleur, tu parles, Prince Charles… Rien n’y fera, le vieux cochon, il est castré ! »


mardi 26 avril 2022

Tajinette à ma façon

 

Au départ, ces morceaux de flanchets de veau avaient été achetés dans l’intention de cuisiner une blanquette. Mais par une mutation inexpliquée – si ce n’est que parce que c’était elle et que c’était moi – cette blanquette est devenue tajine Un tajine revisité, à moins qu’il ne s’agisse d’une blanquette revisitée… Mais peu importe, c’était bon, et c’est bien évidemment le principal.

 

Je pose mon tajine sur la plaque coup de feu de fourneau avec son brûleur réglé au minimum. Dans le fond arrosé de deux cuillerées d’huile d’olive je mets à fondre deux oignons de Roscoff concassés grossièrement. Puis je dépose les morceaux de veau que je saisis légèrement sur toutes les faces. Je saupoudre d’une cuillerée à soupe de ras el hanout et une cuillerée à café de cumin en poudre. Je complète de deux carottes et quatre pommes de terre tranchées, de deux gousses d’ail. Je brasse le tout et verse deux verres d’eau sur ce mélange. J’allonge une feuille de laurier, un brin de persil et une sommité de romarin. Je répartis trois citrons confits au sel coupés en deux et rincés sous le robinet, qui suffiront cependant pour assurer la salaison du plat. Réflexion faîte, j'ajoute un petit rab d'épices.

tajine de veau
Des citrons pas pressés

Je recouvre le tajine de son couvercle. C’est parti pour trois quarts d’heure de cuisson douce à petit feu.

tajine
Chapeau !


Les vapeurs odoriférantes qui s’échappaient du couvercle m‘ont mis en appétit. Il est temps de décoiffer. .

tajine de veau
Le flanchet n'a pas flanché


Le jus, lié par la fécule ses pommes de terre dont je n’ai pas lavé les rondelles après découpe, a bien réduit. Je pique la viande de la pointe d’un couteau : il s’enfonce sans problème, sans que pour autant la chair ne se délite. De la même façon, carottes et pommes de terre sont cuites à point.

C’est donc en toute quiétude que j’apporte le tajine sur la table après l’avoir simplement parsemé de quelques feuilles de persil ciselées.

Eh bien non, nous n’avons pas cependant mangé à même le plat… Un transfert vers les assiettes a conduit le tajine vers un statut moins exotique. 

tajine de veau
Blanquette en balade dans le souk

Blanquette qui s'est fait bronzer et qui traîne dans son sillage les parfums capiteux dont elle s'est arrosée. Une touriste ?


samedi 23 avril 2022

Naissance et mort d’un nouveau riche

Il n’y a guère, j’avais accompagné des ravioles de jambon de Bayonne, bleu de brebis et noix torréfiées par des asperges vertes des Landes.


 

Aujourd’hui ce sont des ravioles de truite de Baïgorry – elles aussi préparées par l’excellente maison Irina Pasta – qui sont inscrites à mon menu.


Mais les asperges de ce jour seront des asperges du pauvre : poireaux.

Ces poireaux de la variété dite de Liège (la favorite des bouchons lyonnais ? ) sont arrivés tout droit du jardin. Je ne retiens que la partie blanche de son fût trapu. Je la découpe en une julienne pas trop fine que je mets à fondre dans une grosse noix de beurre doux assaisonnée d’une pincée de fleur de sel et de quelques pistils de safran. Je vois mes pauvres se transformer en nouveaux riches arborant leurs ors bling-bling…

Je les évacue de la casserole pour fournir dans chaque assiette le nid où je dépose les ravioles plongées deux minutes dans l’eau bouillante qui attendait leur venue sur l’autre feu.

Je me dépêche de disposer quelques extrémités de pimprenelle et de faire pleuvoir de parcimonieuses pincées de piment d’Espelette. Et hop, vite à table avant que ça ne refroidisse !

 

ravioles de truite, poireau safrané
Ravioles de truite de Baïgorry, nid de poireau safrané

Le safran a fourni au poireau une magnifique couleur. Mais pas que… Si les ravioles dans lesquelles la chair goûteuse de la truite des Pyrénées est enrobée d’un beurre parfumé  par de l’échalote et du vin blanc réjouissent le palais, les notes safranées du poireau relevées par la touche de piment contribuent tout autant à notre plaisir gustatif. Et n'oublions pas la pimprenelle qui n'est pas uniquement un affûtiau décoratif : elle permet de rafraîchir les papilles par une pause herbacée évoquant à la fois le concombre et la noisette.

 

Trop rapidement l’assiette est vide. 

Mes pauvres ne furent riches que le temps d'un repas…

jeudi 21 avril 2022

Bêtes de Somme

 

...de Somme en somme, en somme, car ces bêtes paraissaient roupiller, lovées dans leur prison transparente.

anguille fumée de la Somme
Fumée sans feu

Mais les débarrasser de leur carcan ne les a pas animées, cette libération délivrance a tout juste permis à ces princesses des eaux de dévoiler leur belle nudité dorée, dans le simple appareil d'une beauté même pas arrachée au sommeil.

anguille fumée
Phase de déroulement


Rien à voir avec les bêtes poitevines dont la vivacité combattante n’est que trop grande. Nul besoin aujourd’hui avec mes belles endormies venues de Somme de ces combats sanguinolents auxquels j’ai dû me livrer pour venir à bout des anguilles maraîchines..…

 

anguille
Long striptease

Pour débarrasser ces dociles Samariennes de leur coriace pelisse* enfumée, une simple incision suffit, et j’écarte les pans de leur vêture pour balancer l’incomestible dans la poubelle avec la vivacité d’un cadre retardataire jetant son imper au fond de son placard (de peur d’y être mis lui-même). Les tronçons dépouillés peuvent donc être rapidement posés dans les assiettes à côté de pommes de terre Cornes de gatte cuites en robe des champs (la défense anti-dépouille reposant en ce qui les concerne sur un bouclier thermique que j’ai bravé avec courage) arrosées d’huile d’olive et d’un filet de vinaigre de cidre.

Quelques caprons, un tour de moulin de poivre rouge, et le tour (sans moulin) était joué.

anguille fumée de Somme
Anguille fumée de Somme, cornes de gatte du jardin

 

Et comme la préparation du plat avait été, Somme toute, de tout repos, j’avais eu le loisir d’enfourner des cannelés dont la pâte avait été préparée la veille.

cannelés bordelais
Après la dépouille, le démoulage


Le dessert fut donc bordelais. Il a su remplacer au pied et à la pâte levés le gâteau battu samarien que j’avais oublié de convoquer (c’est bête, pas de Somme…).

 

* Oui, je sais, que fait ici la pelisse - car il est notoire que l’anguille commune n’a pas de poils… il s’agit donc d’une licence poétique.

mardi 19 avril 2022

Pâques, ça à faire...

 

VENDREDI SAINT

 

Réaliser une déclinaison du traditionnel plat de gratin de morue aux œufs durs.

Je commence par plonger six œufs dans de l’eau bouillante vinaigrée durant un peu moins de neuf minutes avant de les refroidir aussitôt dans de l’eau glacée - je souhaite une légère sous-cuisson.

J’épluche et tranche six pommes de terre de la variété Charlotte que je fais cuire une douzaine de minutes dans de l’eau salée.

Cette fois-ci j’ai acheté des chutes de morue salée chez l’épicier portugais. Elles ont été mises à dessaler pendant une douzaine d’heures dans des eaux renouvelées. Je me contente de blanchir ces morceaux dans de l’eau bouillante où sont plongées trois feuilles de laurier et un brin de thym.

Je confectionne une béchamel épaisse que je dilue avec un pot de crème. Je la parfume de trois gousses d’ail écrasées, de moult tours de moulin de poivre rouge et de noix de muscade dosée avec beaucoup plus de parcimonie.

Passons au montage. Je m’empare d’un antique plat en pyrex, esseulé de son jumeau pouvant lui servir de couvercle (ou vice-versa) victime d’une chute fatale de par la maladresse d’un chat plus curieux qu’affamé – ce même matou traînant désormais des pattes moins vigoureuses dans mon appartement qui lui sert d’Ehcad et qui est en train de m’observer d’un regard énigmatique dans lequel je ne sais quel est le sentiment qui l’emporte : cligne-t-il d’un œil blasé, curieux ou narquois ?

Une couche de pomme de terre dont les rondelles coincent les œufs que je viens d’écaler, la moitié de la béchamel, une couche de morue, une dernière couche de pomme de terre, le reste de la béchamel. Un ultime tour de moulin de poivre, une feuille de laurier

Ne me reste plus qu’à enfourner une vingtaine de minutes à 170 °C, puis dix minutes à 180 °C.

gratin de morue du Vendredi Saint
Modèle 2022

Je regrette seulement le choix de chutes de morue, nettement moins savoureuses que les gros pavés que j’utilise habituellement : même déchiquetés après cuisson, ces pièces confèrent un goût et une mâche bien différente.

C’était mon mea culpa du jour.

 

 

DIMANCHE DE PÂQUES

 

Rôtir une poularde et cuire ses mini légumes d’accompagnement.

Pour la poularde c’est bien simple : la seule difficulté, c’est de lui trancher le cou en détachant sa peau adroitement afin de pouvoir recouvrir la découpe… Mais ensuite, respectant bien volontiers les recommandations de simplicité - pour ne pas dire d’austérité - dans le rôtissage de la bête que prodigue l’éleveur bien certain de la qualité d’une volaille dont chair tendre et goûteuse pâtirait de toute fioriture superfétatoire, je me contente de frotter la peau de fleur de sel et de fourrer l’intérieur d’une feuille de laurier, d’un brin de thym, d’une feuille de persil, d’une tige de persil, d’une douzaine de grains de poivre blanc de Penja et une cuillerée de gros sel. J’empale la poularde afin qu’elle cuise à la verticale. J’enfourne à froid avec 50 cl d’eau dans le creux du plat afin d’entretenir l’humidité et empêcher les graisses dégoulinantes de brûler. Je règle le thermostat à 180 °C pour une heure et vingt minutes de cuisson.

La poularde sortira du four avec une peau croustillante bien dorée. En la découpant je pourrai constater que la chair parfaitement cuite est restée bien juteuse.

poularde
Sur le cul !

 

En ce qui concerne les mini légumes cultivés par la maison Sales de Perpignan, c’est une autre paire de manches ! Non pas tant pour leur parure, ils sont quasi prêts à cuire, pas besoin de les éplucher, il me faut seulement rafraîchir les extrémités d’une main légère et les passer sous l’eau. Pas plus de complexité non plus dans les techniques de cuisson… Non, le problème réside en la multiplicité des végétaux à traiter : carotte, navet, betterave, endive, fenouil, aubergine, fleur de courgette femelle. Il me faudra jongler avec les récipients de cuisson

Les betteraves seront cuites impérativement à part - qu’elles ne viennent pas colorer mes autres légumes, elles en seraient capables, les scélérates… Elles restent une dizaine de minutes en confinement dans de l’eau bouillante salée au fond d’une casserole.

Les carottes, les navets et les fenouils sont étalés dans une grande poêle sur une mince couche d’eau avec une pincée de sel, une autre de sucre, une noisette de beurre, et je les glace à feu doux.

Les endives sont déposées au fond d’une petite casserole avec une noix de beurre demi-sel pour une cuisson al dente.

Dans une seconde poêle les méditerranéennes aubergines et fleurs de courgette vont faire un rapide plongeon dans l’huile d’olive à feu vif.

Avec une pince, j’effectue un prélèvement parmi tout ce petit monde pour dresser les assiettes autour des découpes de poularde nichée dans la roquette.

 

poularde, petits légumes
Poularde en son jardin

En quelque sorte Blanche Neige poularde et les Sept Nains légumes… Et le conte est bon !

 

Confectionner une tarte à la rhubarbe.

Le dessert n’est pas spécialement pascal, mais joyeux quand même…

Je fais macérer des tronçons de tige de rhubarbe dans du sucre afin qu’ils y perdent leur eau de végétation. Je répartis ces morceaux égouttés sur une pâte brisée classique (250 g de farine et 125 g de beurre) fonçant un moule à tarte et saupoudre de sucre semoule. J’enfourne à 185 °C pour 35 minutes. Je fais réduire le jus de macération jusqu’à une consistance sirupeuse épaisse et en arrose la surface de la tarte.

Tarte à la rhubarbe
Passe moi la rhubarbe...

C’était bon. Pas besoin forcément d’ajouter un mélange d’œuf et de crème. Tout au moins, et c’était le cas cette fois-ci, quand la rhubarbe n’est pas trop acide.


 

LUNDI DE PÂQUES

 

Accompagner un cou d’oie farci d’asperges vertes.

Il s’agit d’un cou d’oie farci réalisé par un artisan du Périgord, cachant sous sa peau (ben oui, pas celle de ce brave Périgourdin, mais celle du volatile) une farce fine parfumée au cognac entourant un médaillon de foie gras d’oie. Pour ma part, il me suffit de trancher la pièce réservée au froid auparavant.

J’écussonne mes asperges vertes des Landes, épluche les queues que je raccourcis à une longueur identique. Je les longe huit minutes dans l’eau salée bouillante et les sors pour arrêter aussitôt la cuisson dans de l’eau glacée.

Je dispose mes asperges sur des assiettes rectangulaires, les arrose d’une vinaigrette mêlant huile de noix et balsamique blanc. Je répartis les rondelles de cou d’oie farci et n’oublie pas d’ajouter la gelée qui l’enrobait. Quelques feuilles de pimprenelle ajoutent leur grâce et leur parfum.

 

cou d'oie farci, asperges vertes
Un bon cou chez les vertes

Inutile de dire que toutes les asperges n’ont pas réussi à trouver place sur les assiettes. Qu’elles se rassurent, elles s’inscriront aussi à ce menu pascal. Ma table n’est pas celle d’un restaurant chichiteux. Elles seront mangées comme les autres. Et avec autant de plaisir…


ET VOILA, C'EST FAIT !

mercredi 13 avril 2022

Le soigneur des agneaux

 

Il n’a pas eu beaucoup de boulot, ce soigneur pyrénéen ! Quarante-cinq jours seulement, et c'est la mère qui a donné la tétée. Un mois et demi, c’est vite passé… Élever des enfants, c’est quand même plus de labeur. Des années, des années, même quand on a cessé de stériliser et remplir les biberons. M’enfin, le gigot était tendre, très tendre. Il s’est coupé comme du beurre, flanqué de ses haricots tarbais. D’autres pyrénéens…

Gigot d'agneau de lait des Pyrénées, haricots tarbais
Gigot d'agneau de lait des Pyrénées, haricots tarbais


Mais revenons à notre agneau.

Je colore à feu vif toutes les faces assaisonnées de fleur de sel de ce gigot d’environ 1 kg dans le plat en fonte destiné ensuite à passer au four. Pas si évident pour parvenir à ce que la chair entre en contact avec l’huile d’olive désormais fumante dont j’ai barbouillé le fond émaillé : la pièce est petite, quoique dodue, mais pourvue d’un long manche qui dépasse les frontières de l’ustensile. 


Il me faut appliquer le principal carné d’une paume vigoureuse, abandonnant l’annexe osseuse qui devra se satisfaire du sirocco de la chaleur pulsée. J’ajoute aux côtés de la viande désormais dorée cinq gousses d’ail de Lautrec en chemise, puis, provenant du jardin un oignon poire bamberg coupé en huit, quelques échalotes taillées grossièrement, un brin de romarin, un autre de thym, une feuille de laurier. J’épice de six baies de la Jamaïque, je parfume de la même quantité de baies de genièvre, je donne un tour de moulin de poivre rouge de Kampot.

J’enfourne pour trente minutes dans le four réglé à 170 °C, avec un retournement de la pièce au bout d’une vingtaine de minutes.

La préparation de l’accompagnement de haricots tarbais a commencé bien avant. J’en ai mis à tremper 280 g dans 70 cl d’eau la veille. Je les ai sortis du réfrigérateur trois quarts d’heure avant de lancer la cuisson du gigot, les ai égouttés dans une passoire avant de les verser dans une casserole que j’ai placée sur le feu après les avoir recouverts d’eau - toujours 70 cl. Pendant que l’eau montait en température, j’ai fait fondre dans une autre casserole deux cuillerées de graisse d’oie. J’y ai fait fondre un oignon de Roscoff coupé en quatre., ajouté six gousses d’ail de Lautrec épluchées.

Mes tarbais étaient blanchis, je les ai égouttés une nouvelle fois avant de les transférer sur la graisse d’oie parfumée de l’oignon et des aulx, brassant le tout hors du feu en ajoutant une feuille de laurier et des brins de thym et de persil. Nouvel arrosage avec ma sempiternelle quantité d’eau, les 70 cl – proportions recommandées sur le sachet par Catherine Ponsan, épouse de Louis, agriculteur faisant grimper les haricots sur les pieds de maïs en la bonne bourgade de Troncens. Et c’était parti pour une cuisson à feu doux d’une heure environ…

Timing bien calculé, il me reste bien une demi-heure de cuisson pour les haricots tarbais quand j‘introduis le gigot d’agneau de lait dans le four ! Je m’en étonne moi-même.

Les bips de la minuterie résonnent dans la cuisine. Bon, j’ai compris, je fais taire brutalement, avec un manque de reconnaissance manifeste, mon serviteur pas muet qui a rempli son office.

Je sors le gigot du four et le dépose sur ma planche en bois.

gigot d'agneau de lait
Gigot, j'y vais

Je le laisse s’y reposer pendant que j’éteins le gaz sous les haricots que je verse dans une passoire qui n’a pas chômé pour l’évacuation de leurs bains successifs. Acte quasiment superflu, il n’y a presque plus de liquide à faire s’écouler, Catherine est de bon conseil ! Je vide ma passoire dans un plat creux en porcelaine, dépose deux noix (parallélépipédiques…) de beurre doux d’Isigny en un réflexe sans doute absurde dans la mesure où j’oublie la présence de la graisse d’oie préalable, mais voilà, c’est fait c’est fait. 

haricots tarbais
La faim des haricots


Heureusement la dégustation me fera oublier cette bévue quand je constaterai que vache et oie ont fait finalement bon ménage.

Je déglace le plat de cuisson du gigot sur le feu avec un verre d’eau et une cuillerée de vinaigre de cidre. Je fais réduire.

jus d'agneau
Au jus la dedans !

Je complète avec un trait de sauce Worcestershire et poivre sans parcimonie. Je verse à travers un petit chinois dans une saucière chaude.

Je découpe le gigot dont la tendreté me fait comprendre l’inutilité du passage préalable de mon couteau sur le fusil. Je dépose les tranches à la va-comme-je-te-pousse sur un plat en inox. Ben oui, c’est moche, j’aurais honte pour lui si sa photographie figurait sur cette page. Mais si bon quand on pique dedans pour en extraire une des tranches que l'on arrose de jus du plat…

Alors, quand même, merci soigneur pour ce repas !



lundi 11 avril 2022

De Paris

 

De Paris, les champignons. Enfin, pas tout à fait, de nom seulement, mais quand même cultivés en Île-de-France.

Une fois brossés, essuyés au chiffon humide et découpés en quartiers, sont réservés arrosés de quelques gouttes du jus d’un citron jaune. Ils sont rejoints dans leur bac par une pomme de la variété Jazz (sans tambour ni trompette), de bonne tenue à la cuisson et avec une légère note d’acidité bienvenue. Je l'avais épluchée, débarrassée de son cœur empépiné avant de la trancher en douze croissants qu’une nouvelle pluie de jus de citron va protéger eux aussi de l’oxydation le temps que je passe à la cuisson.

Je verse une cuillerée d’huile d’olive ordinaire au fond d’une poêle que je place sur le feu. Je verse le contenu du bac dans l’huile chaude et fais revenir champignon et pomme à forte flamme, mais suffisamment brièvement pour que les morceaux restent al dente. Je parsème de curry noir torréfié, dont la composition comprenant en premier lieu coriandre et cumin - mais aussi du fenouil - me laisse présager qu’il fonctionnera bien avec mon duo. Je relève d’une cuillérée d’huile d’olive fruitée des Baux-de-Provence et un trait de balsamique blanc. Un soupçon de persil ciselé, et c'est prêt.

champignons de Paris, pomme Jazz, curry noir fumé

Quand  les parisiens tombent dans les pommes

Je laisse refroidir avant de servir cet accompagnement avec…

 

...de Paris - de la rue de Charonne pour être précis - un authentique Parigot : le jambon blanc Le Prince de Paris.

D’excellente qualité, il se situe au même niveau que le provincial jambon blanc de porc Prince Noir de Biscay dégusté il y a peu. Normal, que l’on soit un prince retiré sur les terres landaises ou un prince confiné entre les remparts de la capitale, noblesse oblige. Un regret néanmoins, le tranchage fin façon chiffonnade qui prive ce bon produit de la mâche qu’il mérite. Mais là, la faute en incombe au revendeur auprès duquel je l’ai acheté…

jambon blanc Le Prince de Paris
Le Parc du Prince


 

Ce fut un dîner réussi dans son thème parisien, même s’il était rural en produits, et un dîner princier par ses saveurs, même s’il était roturier en produits…

Que l’on se rassure, après cette orgie aristocrato-plébienne, arrive une orange tout simplement : je n’allais tout de même pas convoquer en dessert un tiers prince : le benêt chocolaté.


Il n’avait rien à faire là – un Nantais sucreteux et hors sujet, fi donc !


 

mardi 5 avril 2022

Tu me fends le cœur !

 

« Tu me fends le cœur ! »

C’est ce que j’aurais dû dire au garçon boucher qui n’était pas un as avant qu’il n’emballe les deux tranches de cœur de veau dans la feuille de papier duplex arborant fièrement les médailles remportées- l’on se demande bien pourquoi… - par son patron. Je ne serais pas en train d’être obligé de pratiquer d’une main hésitante d’amateur quelques entailles sur leurs bordures afin d’éviter qu’elles ne se rétractent sur le fond de la poêle chaude, perdant ainsi la planéité qui est le propre de toute pièce de viande adaptée à une coloration régulière sur chaque face.

Ce n’est pas grave cependant, car de toute façon je devais sortir la planche et manier le couteau pour ciseler les échalotes Hermine du jardin destinées à la confection de la sauce qui sera mon atout pour ce plat.

Je fais compoter doucement ces lambeaux d’échalote dans une petite noix de beurre avant de les arroser d’un verre de porto rouge et un trait de balsamique blanc. J’ajoute un verre de fond de veau obtenu à partir d’un petit bocal de concentré. Je fais réduire à feu doux en relevant d’une pincée de pimenton fumé espagnol.

Je saisis les tranches de cœur assaisonnées de fleur de sel dans une poêle bien chaude enduite d’une noix de beurre mélangée à une cuillerée d’huile d’arachide. Je retourne plusieurs fois après avoir baissé la flamme, ne laissant cuire que quatre ou cinq minutes afin de conserver la chair rosée.

Je dépose chaque tranche sur une assiette. Je vanne la sauce en y incorporant une noix de beurre doux d’Échiré. Je goûte, comme prévu avec le fond de veau et la légère pincée de sel ajoutée aux échalotes pour le compotage, nul n’est besoin de rectifier. J’arrose le cœur de veau de cette préparation parfumée.

Je dispose en garniture des frites croustillantes que je viens de sortir de la graisse de bœuf qui les a dorées.

 

cœur de veau
Cœur

J’entame. Je coupe. Pique…

Dix sur dix de der !

vendredi 1 avril 2022

Transport exceptionnel

 

Deux récipients sont sur le feu : un rondeau où commence à frémir de l’eau salée, une casserole dont l’eau du robinet suit le même chemin. Ils arrivent ex aequo sur la ligne d’arrivée de l’ébullition.

Dans le rondeau, je verse une livre d’asperges vertes des Landes. Comme elles sont plutôt fines, tellement fines que je n'ai même ressenti le besoin de les écussonner, elles ressortiront cinq minutes seulement après le grand plongeon. Je les étends provisoirement sur un papier absorbant.

Dans la casserole, je vide la barquette contenant 330 g de ravioles de jambon de Bayonne, bleu de brebis et noix torréfiées provenant de la maison IRINA Pasta située à Arbonne, dans le Pays basque. Je les évacue deux minutes plus tard, temps que j’ai mis à profit pour répartir les asperges tête vers le bas sur les flancs transparents d’un grand saladier en verre – pas suffisamment grand cependant pour que les pieds des asperges ne puissent pour la plupart dépasser du bord de ce réceptacle.

À l’aide d’une araignée, je transvase les ravioles qui désormais flottent à la surface de la casserole au creux du saladier, coiffant de leurs carrés jaunâtres les pointes des asperges vertes.

 Je mets à fondre une noix de beurre de baratte aux cristaux de sel et trois noix de beurre doux. Une minute plus tard, je verse le liquide mousseux au cœur du saladier sur les ravioles. Il poursuivra sa cascade sur les têtes des asperges avant le tour de moulin de poivre noir de Sarawak final.

Je fais d’une pierre deux coups, d’un beurre deux sauces, pouvant ainsi transférer fièrement vers la table de la salle à manger un seul plat - aussi esthétique que gourmand. Il ne restera plus qu’à se servir en ravioles et à saisir en intermèdes les asperges par la queue pour les porter aussitôt à la bouche et les croquer goulûment sans se salir les mains. Quand même mieux que des tristes gisants au coude à coude que l’on aurait séparés péniblement pour les tremper dans une coupelle redondante !


ravioles, asperges verte
Sud-Ouest en majesté