mardi 10 juillet 2018

Dialogue des sybarites


champignons de Paris, gambas, salade
Salade champignons gambas


« C’est bon et rafraîchissant, ce plat. Quelle en est la recette ?
- Je prends des agarics urbains – mais attentions, bien français quand même —, je les ampute de la partie terreuse de la queue, enfin, plutôt substratique. Puis les champignons, il faut les peler.
- C’est hache, aime, paix…
- Mais non, je ne les hache pas, je me contente de les émincer sur une épaisseur de 3 mm environ et de les réserver dans un bac arrosés du jus d’un demi-citron afin qu’ils restent bien blancs.
- Il y a aussi des bestioles !
- Oui, des gambas. Mais elles restent encore en coulisse. Pour l’instant je tranche un oignon nouveau avant d’allumer le feu et voir grandir la flamme dans mes yeux et sous la poêle ointe d’un trait d’huile d’olive. J’y verse – à côté d’une tranche de citron — champignons et oignon.
- Bref, tu les fais cuire…
- Mais non, surtout pas ! Juste un aller-retour, ils doivent rester al dente.

champignon de Paris
Agaric le croquant


Sitôt légèrement saisis, je les verse dans le plat de service qui va se nicher bien au frais dans le réfrigérateur.
- Et c’est le tour des gambas…
- Exactement, je reprends la poêle, reverse un trait d’huile d’olive, hausse la flamme. Encore un aller-retour, cette fois pour mes grosses crevettes. Je débarrasse la poêle sur une plaque. Je décortique les bêtes, sauf trois que je réserve entières pour la présentation.
- Et c’est fini, tu ajoutes aux champignons, et le plat est prêt…
- Mais non, pas encore ! Ce serait dommage de ne pas profiter des arômes accumulés dans les têtes et les carcasses. Je remets donc ces dépouilles dans la poêle accompagnées de deux baies de poivre Timiz qui ajouteront des notes résineuses et fumées, recouvre d’un verre d’eau et laisse réduire à feu doux.

gambas, fond
Le parfum


- Timiz sur le parfum, en quelque sorte…
- Ah non, pas de mauvais jeux de mots, ce n’est pas le genre de la maison !
Revenons à nos gambas. Je fais appel au chinois.
- Oui, je connais, ce chinois, c’est ton petit tamis.
- Encore une fois, ce n’est pas le genre de la maison ! Je foule et filtre la réduction refroidie que je transvase dans un petit bac, ajoute le jus d’un citron jaune, verse six cuillerées d’huile d’olive, pas de celle que je réserve à la cuisson, mais de la bonne, bien fruitée. J’assaisonne d’une pincée de sel et d’un tour de moulin de poivre rouge. Je fouette. J’ai ainsi obtenu une citronette parfumée au crustacé.
Je ressors les gambas de leur asile réfrigéré et les dispose sur le lit de champignon. J’inonde de citronette.

salade de champignons et gambas, menthe
Couche de gambas et champignons de couche


- Et c’est terminé.
- Mais non, enfin presque… Pour conférer un peu plus de fraîcheur, je hache quelques feuilles de menthe dont je parsèmerai le plat.
- Et tu vas te goinfrer de cette salade…
- Ce n’est pas le genre de la maison ! Je vais commencer par humer les fragrances, puis porter délicatement une bouchée exploratoire qui reposera quelques instants sur des papilles, certes émoustillées, mais empreintes d'une digne réserve avant d’être livrée à une pression dentaire ferme et délicate à la fois afin de progressivement en extraire le substantifique suc, prélude à…
- Tu ne te paierais pas ma tête par hasard ?
- Si ! C’est le genre de la maison… »

dimanche 8 juillet 2018

Le boeuf sur le pois

La meilleure façon de pas transpirer à la cuisine : faire transpirer autrui.
Bon, la solution de proximité serait de susurrer : « Très chère épouse, il y a bien longtemps que tu ne m’as pas préparé ta délicieuse recette de… ». Mais je ne suis pas certain de parvenir à être convaincant -on lit en moi comme dans un livre ouvert- et de toute façon je ne suis pas un affreux macho exploiteur conjugal ; qui plus est, impossible de me souvenir d’une délicieuse recette faisant l’affaire, ni même d’une délicieuse recette tout court…
Mais non, je blague, Madame m’a régalé il y a quelques jours d’une savoureuse salade de haddock et fenouil, plat que je n’ai pas photographié par pure jalousie et dont je suis incapable de donner la recette (secret de la cheffesse…).

Alors j’ai externalisé : c’est le boucher, ou tout au moins l’un de ses sbires, qui a transpiré. Recette du jour, une salade de bœuf cuit par délégation.

Mais foin de pommes de terre à l’eau pour accompagner. Je vais tenter de faire plus raffiné.
Du jardin sont arrivées dans la matinée des fèves et des petits pois dans le cadre d’une mini-récolte.
J’écosse, je décortique les graines de fève.
Enfer et damnation, il va falloir quand même allumer deux feux pour blanchir et légèrement cuire. Mais ce sera bref.
Deux casseroles emplies d’eau salée abondamment, bientôt l’ébullition se produit. Les petits pois vont rester deux minutes. Les fèves, un peu plus coriaces en raison d’une récolte tardive séjourneront quatre minutes. Péchés à l’araignée, ces légumes sont déposés chacun de son côté sur une plaque revêtue d’un papier absorbant. Ils sont réservés au frais.

Avec eux, il y avait aussi dans le panier deux petites salades et des herbes.
Je nettoie la laitue rouge grenobloise et la dorée du printemps (tiens, elle aurait pris du retard ?). J’en prélève quelques feuilles petites mais belles, non, je me reprends, quelques feuilles belles et petites. Je les réserve dans un bain d’eau salée glacée.
Je dépouille une branche de menthe et une branche de sauge.
Je hache finement les feuilles de menthe. Je roule les feuilles de sauge et les cisèle.
J’ai encore de l’oignon sur la planche : un petit oignon nouveau dont je prélève quelques rondelles.

Passons au dressage.
Je découpe mon épaisse tranche de bœuf cuit en huit morceaux.
Sur chacune de deux assiettes, je dispose quatre de ces pièces. Puis suivent des petits tas de petits pois voisinant des petits monticules de fèves. J’insère des feuilles de salade que je viens d’essorer. J’ajoute les rondelles d’oignon nouveau. Je tranche un citron jaune et le presse doucement au-dessus des assiettes. Stop ! Il ne faut pas trop d’acidité… Je m’empare de la bouteille d’huile italienne fruitée que je réserve pour ce genre de plat et l’incline pour arroser de quelques gouttes d’or clair. Une pincée de sel fin sur les légumes, un tour de moulin de poivre sur la viande, et pour finir la ciselure de sauge sur les fèves - attention de ne pas avoir la main trop lourde ! – et la menthe hachée sur les petits pois.
Il manque quelque chose…
J’ai trouvé : je fais tomber d’une petite cuillère trois touches de moutarde violette de Brive sur le bord de chaque assiette. Elle sera bienvenue avec les bouchées de viande.

C’est terminé. Y a plus qu’à manger derrière les volets fermés (mâche à l’ombre !).


salade, boeuf froid, petits pois, fèves
Bœuf mis au vert




vendredi 6 juillet 2018

Ragougnasse parfumée

Dilemme (pas vraiment cruel) : en cette période de chaleur, cuisiner longuement sur une petite flamme gentillette ou bien quelques secondes sur un feu d’enfer ?
Pour ma part j’ai choisi de ne pas me faire mijoter à petit feu mais de suer à grosses gouttes quelques brèves minutes.
J’avais dans mon bac à légumes deux choux chinois pe-tsaï prélevés l’avant-veille dans le jardin que j’avais en première intention prévu de franciser en les traitant façon embeurrée pour accompagner saucisse de Toulouse ou crépinette de porc. Mais, redoutant la durée nécessaire obtenir un légume bien compoté, j’ai changé mon fusil d’épaule et troqué ma casserole pour un wok.
Je ne me casse pas la tête. Ce ne sera pas un plat raffiné. Mais j’espère que ce ne l’empêchera pas pour autant d’être bon.
Je commence par lacérer les feuilles bien lavées de pe-tsaï. Puis je découpe un gros oignon rouge en étroits pétales. Je partage en huit une tomate de taille moyenne. Enfin je tranche en tronçons d’environ 4 cm les saucisses thaïes parfumées à la citronnelle achetées pour l’occasion au traiteur asiatique des halles locales.
Je pose le support adéquat en fonte à la place du tampon central de la plaque coup de feu et y pose mon wok. Je verse une bonne cuillerée d’huile d’arachide. J’allume la flamme au maximum.
Les 5 000 W agissent avec vigueur. Il est temps que je déverse l’oignon. D’ailleurs le détecteur de fumée me rappelle à l’ordre sans ménagement ! J’ose espérer que mes voisins ne vont pas évacuer l’immeuble…
Au bout de quelques secondes, l’oignon commence à caraméliser. Je l’écarte sur les côtés du wok, la saucisse prend sa place. Rapidement elle dore et commence à griller par endroits. Avant qu’elle ne soit cramée, je recouvre avec le chou et brasse à l’aide de la spatule en bois. La tomate vient s’ajouter au plat une minute plus tard. Je verse un bon trait de mirin et continue à feu vif. Quelques secondes plus tard, le liquide au fond du wok est réduit. J’éteins la flamme. Dans un élan de fantaisie, je décide de remplacer la sauce soja par mon excellente sauce Sakari du pays basque.

pe-tsaï, wok
Ragougnasse tendance sinobasquaise


Le wok ira sur la table où l’attend un cercle en inox qui l’empêchera de basculer. J’apprécie la relative fraîcheur de la salle à manger aux volets clos. J’ai bien transpiré en cuisinant. Mais ce supplice fut bref…
Et surtout cette ragougnasse se révèle finalement goûteuse et pleine de parfums. Alors, basques farouches et sinophiles intégristes, remballez votre opprobre !

lundi 2 juillet 2018

Boulettes à la carte

Parfois, se cachant au milieu de la tambouille hostotabulaire tendance rurale revisitée, je découvre diffusée par l’émission Météo à la carte une vraie cuisine maîtrisée qui me fait saliver même sans le parfum et qui m’incite à tenter de la reproduire en dépit des imprécisions, voire des contresens, qui sont le propre des textes lus par la voix off.
Ce fut le cas pour la recette de boulettes de sardines telle qu’on la pratique dans le restaurant La Boîte à Sardine à Marseille.






C’est la pleine saison de la sardine, en effet les étals de poissonniers regorgent de ce produit. Une dizaine de pièces me semble une quantité convenable. Quelques heures après le retour du marché, je retrousse mes manches - expression toute symbolique en raison de leur longueur inversement proportionnelle à la température.
Je vais suivre quasi scrupuleusement le processus filmé.
Je commence par débarrasser mes bestioles de leurs écailles sous l’eau.

sardine, boulette
Retour à l'eau


Puis je leur fais tourner la tête, leur manège à elle c’est moi. Il est d’ailleurs plus facile de faire tourner la tête d’une sardine morte que celle d’un homard vivant ! Le stress est moindre, que ce soit celui du bourreau ou celui de la victime. Puis j’effectue la manœuvre poucière destinée à séparer les filets d’arêtes et boyaux. Le résultat n’est pas glamour, mais le procédé est efficace.

sardine, boulettes
L'hécatombe


Je découpe en cubes le tiers d’une baguette. Baguette tradition et bio, nous vivons sur un grand pied… Je verse ces morceaux dans un bac et recouvre de lait entier. Même pas bio, nobody is perfect…
Un autre bac pour la chair des sardines. Du scellofrais. Et tout va au réfrigérateur. Bonne nuit et à demain !
Le lendemain, je hache un oignon violet et le fais fondre parsemé d’une pincée de sel à feu doux sur un trait d’huile d’olive. Je réserve et laisse refroidir.
Sur une planche je cisèle finement un bouquet de persil plat, puis un bouquet de coriandre et pour finir une dizaine de feuilles de menthe.
J’introduis les filets de sardine dans mon minipréparateur et les mixe sans excès, évitant de passer du haché à la purée. Je transvase dans une bassine. Je presse les morceaux de pain imbibés de lait d’une poigne virile et les balance sur la chair de sardine. J’ajoute la menthe et la moitié du persil. Je râpe un bon morceau de parmesan au-dessus de ces strates. Je casse un œuf, le bats et verse. Je complète par quelques tours de moulin de poivre rouge. Et je touille, je touille et je retouille. Je goûte. Je rectifie avec une pincée de sel.

sardine, boulette
Boulettes en puissance


Bon, ça me paraît un peu liquide, mais on verra bien. Je remets au frais, le temps de réaliser le rougail de tomate.
Je monde quatre tomates aussi moyennes en taille qu’en goût – hélas celles du jardin ne sont pas encore présentes… J’en découpe la chair en brunoise. Je verse dans un bac. Je complète avec l’oignon, le reste de persil, la coriandre. Comme mon pied de piment végétarien est encore couvert de fruits, je hache finement le plus gros et le plus rouge. Il se mélange aux herbes. Le parfum y est, mais pour la force – toute relative —, je saupoudre d’une cuillerée de piment d’Espelette. Pour ma part, je ne mettrai pas du curry, mais deux cuillerées de mélange pour colombo. Autre initiative personnelle, le jus d’un citron vert pressé afin de conférer un peu de fraîcheur.
Je brasse et réserve au réfrigérateur.

J’ajoute encore mon grain de sel, i.e. la préparation de deux cornichons suivant la méthode prônée par le passionnant blog La cuisine du jardin : cornichons frais du matin au vinaigre.

http://olharfeliz.typepad.com/cuisine/2008/05/cornichons-frai.html

Mes cornichons ont bien été cueillis dans notre jardin deux heures auparavant, et sont ceux trop gros pour être intégrés à la cueillette destinée à la confection de bocaux.
Je frotte ces deux obèses avec du gros sel dans lequel ils resteront une dizaine de minutes. Je les rince. Fort opportunément, il me reste la moitié d’une bouteille de vinaigre de riz. Dans un bac, je les recouvre de ce produit dilué d’un demi-verre d’eau. Je n’ai pas de branche d’aneth fraîche, alors je la remplace par une cuillerée d’aneth séché. Je laisse mariner environ une heure, le temps de conclure la réalisation de mon plat

Je viens de sortir mon appareil du réfrigérateur. J’ai enduit mes mains d’huile d’olive, qu’elles vont être douces mes petites mimines… De plus délicatement parfumées par la pâte ayant pris de la consistance au froid que je façonne en boulettes que je dépose sur une plaque. Je réserve au froid pour une heure…

Il est l’heure. Fris, ô, boulette !
J’ai empli une petite sauteuse d’huile à friture. Une fois celle-ci à bonne température, j’y plonge mes boulettes trois par trois et, une fois montées à la surface et dorées, je les pose sur une plaque tapissée d’un papier absorbant.

boulettes, sardines
Déjà  six boulettes...


Bon, ça y est, je viens de frire le dernier trio, qui, comme les mousquetaires, était quadruple. Il était temps, avec la chaleur les boulettes ramollissaient dangereusement. Je compte. Il y a 16 pièces : 4 x 3 + 4…
Je réserve dans le four à 70 °C pendant que je commence le dressage.
Je verse du rougail dans deux ramequins que je place sur le coin de mes ardoises. J’évacue les cornichons de leur marinade, les égoutte et les essuie. Ils vont aller sur le coin opposé. Je puis alors sortir mes boulettes restées chaudes et les disposer d’une façon que j’espère harmonieuse – cinq par ardoise. Je finis par des feuilles de menthe au rôle surtout décoratif, tout comme le quartier de citron jaune.
boulettes de sardine, rougail, cornichon
Sur l'ardoise...



Nous pouvons passer à table. Un pastis rafraîchissant s’impose pour accompagner ce plat !
Pas mal de travail, mais c’est une excellente recette : les boulettes sont légères et moelleuses, la sardine est bien présente mais nullement envahissante, et le rougail fournit le contrepoint parfait. Un régal !
Et, coup de chance, il y a même du rab !

samedi 30 juin 2018

Présentation pointue

D’habitude, ce sont de savoureux petits cervelas alsaciens que j’utilise dans ma salade. Là, je me suis trouvé confronté à un long cervelas confectionné par mon éleveur charcutier normand. Je ne m’attendais pas à l’excellence, mais, hélas ce fut le pire ! Ayant testé l’entame en le déshabillant, j’ai mâchonné un morceau caoutchouteux et insipide. C’est d’ailleurs un constat quasi général : même les meilleurs charcutiers sont incapables de concocter de bons produits alsaciens s’ils ne sont pas issus de cette province. Les tours de main y sont sans doute bien différents de ceux pratiqués dans la France de l’intérieur.
Mais voilà, quand le cervelas est pelé, il faut le manger. Alors j’ai essayé de me lancer dans une présentation cache-misère.

Je commence par cuire le reste d’un paquet de spâtzle qui encombrait mon placard. Une fois refroidies, je dispose ces pâtes au fond du plat de service en porcelaine qui avait préalablement fait un séjour au réfrigérateur. Sur les bords, j’appuie les rondelles de cervelas et les piques d’emmenthal obtenues en tranchant en diagonales les coupes en rectangle. Le surplus est étalé au fond du plat.
J’ai aussi obtenu des pointes à partir d’une échalote nouvelle. Je les insère parmi la herse fromagère.
Je parsème aussi de la découpe plus traditionnelle d’une seconde échalote en rondelles.
Je réserve au froid pendant que je prépare la sauce : une cuillerée de moutarde douce allemande et une cuillerée de moutarde forte de Dijon montée avec une huile vierge de colza, puis détendue de trois cuillerées de vinaigre de cidre et un léger trait de vinaigre blanc. Poivre, sel, et je ressors le plat du réfrigérateur pour l’arroser de cette préparation. Il y retourne aussitôt jusqu’au moment du repas.
Il ne me reste plus qu’à ajouter le persil que je viens de ciseler avant de poser sur la table.

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Design culinaire pointu


J'ai brandi les baïonnettes.
Mais je n’aurai pas pour autant l’Alsace – ni même la Lorraine…

mercredi 27 juin 2018

Se dorer les cuisses en Catalogne

En ce moment dans notre jardin nous constatons la croissance rapide, trop rapide, d’une rangée de salades de la variété catalonia.

salade, catalonia


Cichorium intybus foliosum


Il convient donc de réprimer cette provocation… Les têtes vont tomber !
J’aime pourtant beaucoup ce légume ajoutant au croquant une amertume bienvenue. Mais je ne suis pas un herbivore patenté, et les côtes ont tendance à être désormais noyées dans un feuillage moins ferme.
Dans peu de temps, les pieds auront monté, il ne me restera plus qu’à en prendre de la graine…
Aussi trois pieds arrachés à leur sol natal m’ont servi à préparer un plat de salade cuite.
J’ai ajouté aux feuilles, bien lavées et déchirées en trois, deux petites pommes de terre et une carotte tranchées façon paysanne et deux petits oignons nouveaux violets découpés en pétales.

Recette très simple :

Je fais fondre l’oignon dans une grosse noix de beurre au fond d’un sautoir. Je recouvre de la salade, répands carotte et pomme de terre, ajoute une feuille de laurier et une autre noix de beurre. Je parsème d’une pincée de gros sel. Je coiffe d’un couvercle et laisse sur feu moyen.

salade cuite, catalonia
Vue à la mi-temps


Ce légume est destiné à accompagner des cuisses de canard confites, c’est d’ailleurs pour ça que je n’ai pas introduit dans ma salade cuite mes lardons habituels…
Je commence par déposer les cuisses sur ma vieille poêle d’acier culottée par des années d’usage et enfourner à 60 °C. Six minutes plus tard, la graisse qui encarcanait le canard a fondu.
Je dépose les cuisses sur une grille et les laisse s’égoutter.

canard confit
De chair et d'os, et de métal


Puis les cuisses retournent pour une dizaine de minutes au four à 150 °C. Je ressors la poêle que je place sur un feu vif, les cuisses reposant côté peau - une peau qui deviendra ainsi bien dorée et croustillante. L’affaire d’une minute…
Ça tombe bien, j’avais enlevé le couvercle du sautoir et régulé l’évaporation et il ne reste plus de liquide.
Tout est prêt pour le dressage de l’assiette. Je dépose une cuisse. Une louchée de catalonia cuite à côté, et ça suffira. Il s’agit d’un plat simple, une épure rurale dirais-je si je voulais faire mon intéressant. Mais ce n’est pas le style de la maison, ah non !
Oups, j’ai oublié la touche finale ! J’ajoute un trait de sauce basque Sakari.
À table !


cuisse de canard confite, salade cuite, catalonia
Cuisse altière et catalonia ayant baissé la tête


Le gras du canard se voit contrebalancé par l’amertume de la salade et le mélange acidité et vigueur pimentée de la sauce.
Plaisant !

dimanche 24 juin 2018

Canard enchairé : un couac dans ma cuisine

Je ne sais ce qu’il y a dans l’air du temps qui fait que parfois les plus réfractaires au fooding fou dingue succombent à la tentation de la revisitation.
Ceci arrive même aux meilleurs d’entre nous ! Moi par exemple… J’ai eu ainsi l’idée de revisiter le classique saltimbocca en remplaçant le jambon de Parme ou de San Daniele par du magret de canard fumé.
Je m’empare donc des escalopes de veau coupées par le boucher et les aplatis avec l’aide du lourd pilon à viande. Je dispose sur chacune d’entre elles trois tranches de magret et deux feuilles d’une branche de sauge prélevée la veille au jardin. Sus à l’envahisseuse !
J’ajoute une petite noix de beurre que je saupoudre d’un soupçon de quatre-épices et donne un tour de moulin de poivre rouge de Kampot.
J’enferme en effectuant deux plis et je maintiens avec des petites piques en bois.

saltimbocca, sauge, magrzet fumé
Sauge d'une nuit d'été...



saltimbocca, magret de canard fumé
Tombes à piques


Je fais fondre dans une poêle une grosse noix de beurre sur une cuillerée d’huile d’olive.
Je farine légèrement mes saltimboccas canardesques, les dépose dans ce beurre mousseux où elles vont dorer à feu moyen dans des allers-retours rectos versos durant trois minutes. J’ajoute un bon verre de vin blanc sec - j’ouvre la bouteille de gros-plant en réserve dans un coin de la cuisine… J’y plonge une feuille de laurier et une branche de thym. Je baisse la flamme et laisse cuire doucement cinq à six minutes.
Je retire les saltimboccas que je dispose sur un plat que je réserve au four à 70 °C.
Je fais réduire le liquide dans la poêle à feu vif. Je termine en ajoutant un trait de jus de citron et quelques tours de moulin de poivre.
Je sors les saltimboccas du four et les arrose de cette sauce passée à travers un chinois.
Il ne me reste plus qu’à décorer de quelques feuilles de sauge et râper le zeste d’un citron qui viendra parfumer la surface des saltimboccas.
Je sers avec des gnocchis simplement arrosés de beurre fondu et condimentés par une huile d’olive italienne d’une forte fragrance herbacée. Sur la table, une râpe et un morceau de parmesan afin de compléter ce qui n’était qu’une petite touche sur le plat.

saltimboccas, gnocchis
Prêtes à sauter en bouche


Eh bien, ce magret, c’était une mauvaise idée. Il s’est montré parfaitement inexistant. Absent à l'appel dans chaque bouchée de saltimbocca... De plus il n’a pas conféré le lien à la fois onctueux et goûteux que le gras de jambon sait apporter à la sauce.
Bref, un roulé de veau à la sauge pas mauvais en soi, mais pas transcendant. Ni fou, ni dingue…


En revanche, un excellent dessert : une tarte à la rhubarbe badigeonnée de la gelée de fleur de sureau diluée dans le jus réduit de la macération des côtes. Je tiens à préciser que la gelée ne figurait pas en tant que revisiteuse, mais jouait simplement le rôle d’un abricotage de fortune…
Un rôle qu’elle a d’ailleurs interprété à merveille !

tarte à la rhubarbe
Mieux vaut tarte que jamais