dimanche 13 juin 2021

Fragmentation du patatoïde primeur


Pommes de terre primeur de Noirmoutier…


Je ressens de la sympathie envers ces pommes de terre arrachées prématurément à leur île natale qui viennent se peler loin des embruns iodés. Ces déportations massives en cagettes et autres sachets carcéraux pour finir entassées sous les néons de supermarchés me les feraient plutôt prendre en pitié, une compassion qui ne peut que me pousser à les traiter avec le respect affectueux qu’elles méritent.

Aussi quiconque m’aurait vu m’acharner contre ces malheureux tubercules, les pourfendant en long en large et en travers, eut pu croire que j’étais atteint d’une folie patatoïcide soudaine. Un psy serait parti à la recherche du pesant souvenir d’enfance refoulé dont je me libérais enfin, un mystique eut prié pour le salut de mon âme, un pragmatique eut commencé par me désarmer avant de placer les Noirmoutrines en zone sécurisée, et tout à chacun se serait indigné, me vouant aux gémonies sur les réseaux sociaux.

En réalité cette agression n’en était pas une. Il s’agissait bien au contraire de permettre à cette chair d’élite de s’exprimer au mieux. En effet, déçu par la dégustation de grosses sœurs acquises lors d’un achat précédent, j’avais décidé de m’orienter vers un conditionnement décrit comme de petit calibre. Las, ces pommes de terre primeur étaient encore bien éloignées de mon désir de grenailles, introuvables car sans doute plus compliquées à récolter - mais peut-être ai-je mauvais esprit - dont le rapport surface/volume est optimum pour la présence mêlée de goûts et de textures. Aussi, afin de me rapprocher de ce calibre idéal, j’ai fragmenté ces tubercules sans toutefois les débarrasser de leur fine peau. Pas si fine que ça d’ailleurs, résistante au grattage (et même au tirage), ce qui me rend songeur…

Je blanchis ma grenaille anguleuse par un passage d’une minute à l’eau bouillante, je les égoutte et sèche dans un torchon, puis je les verse dans une poêle où crépite le mélange d’une cuillerée d’huile d’arachide et d’une grosse noix de beurre. Je laisse à feu moyen bas une vingtaine de minutes en secouant régulièrement. Je termine par une coloration qui exigera deux à trois minutes à feu vif. J’éteins la flamme, j’assaisonne de fleur de sel (de l’île de Ré, restons entre voisins), je parsème de la persillade que j’avais hachée et réservée. Un tour de moulin de poivre noir, et les pommes de terre primeur de Noirmoutier sont prêtes à accompagner les onglets qui étaient saisis non loin d’elles.

pommes de terre primeur, Noirmoutier

Et k'ça saute !


Certes cette découpe ne roule pas sur la langue, mais le croustillant de surface au bon goût beurré est présent, et l’intérieur fruité fond dans la bouche sans se montrer farineux. Que demander de plus ?

Cependant que ne faut-il pas faire pour pallier les problèmes d’approvisionnement !


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