Alors, mes cocos, qu’est que je vais faire de vous ?
Il me faut me décider pour choisir une recette propre à sublimer (ainsi qu’on dit quand qu’on est un chef médiatisé) un kilo de beaux cocos de Paimpol.
Je me remémore ce qui est à ma disposition et attend patiemment dans le réfrigérateur… Côté poisson, des filets de harengs saurs ; côté viande, deux entrecôtes, deux escalopes, une andouille du Pays basque et une paire de cuisses de canard confites.
J’élimine tout de suite les escalopes. L’avant-veille nous avons mangé un osso buco accompagné de tagliatelles.
Enfin, presque un osso buco, car j’avais un peu revisité la recette, non pas en me la jouant créatif, en absence de ce jus d’orange que je privilégie d’ordinaire pour la sauce mais avec pléthore de poivrons au jardin… Les tranches de jarrets, d’abord saisies sur un filet d’huile d’olive, avaient ensuite reposé à feu doux durant une quarantaine de minutes sur le lit d’un oignon doux ciselé fondu, d’une tomate émondée partagée en quartiers, d’un poivron long chocolat et un petit poivron vert rondouillard tranchés en brunoise, de trois gousses d’ail rose de Lautrec, d'un petit piment du jardin fendu en deux et épépiné… Le tout avait été arrosé d’un grand verre de sauvignon de Touraine et relevé par quelques grains de poivre sans oublier un gros bouquet d’herbes aromatiques fraîchement cueillies pour l’occasion.
Osso buco revisité en cours d'élaboration |
En revanche la gremolata était parfaitement réglementaire : persil, ail et le zeste d’un citron (miraculeusement parfumé - hélas j’en ai oublié la provenance…) hachés finement. Elle est venue parsemer le plat au moment de servir, après l’ajout du jus d'un demi-citron, d’un filet d’une bonne huile d’olive et deux ou trois tours de moulin de poivre rouge. La touche finale était donnée par quelques lambeaux de feuilles de basilic.
Gremolata tradi |
Ce seront les tagliatelles cuites restantes (j’avais eu les yeux plus grand que les ventres…) stockées sous vide qui, réchauffées dans le jus de la poêle de cuisson des escalopes qui leur serviront de garniture. Exit les cocos...
Pâtes en trop |
Les entrecôtes ? Mais non…
Le poisson fumé avec une salade de cocos, pourquoi pas ? L’andouille pourrait aussi parader avantageusement au côté de ces haricots demi-secs. Toutefois, je retiens les cuisses confites. Car sur sa lancée mon imagination vagabonde. Confit, haricots. Il y a du cassoulet dans l’air. Ce qui est quand même mieux que de sentir le vent du cassoulet…
Bon, c’est décidé, je me lance dans la confection d’un Cocos de Paimpol, comme un Cassoulet (ainsi qu’on écrit sur sa carte quand qu’on est un chef médiatisé).
Première tâche, écosser les cocos de Paimpol. Je m’y attelle, moi-même en personne et personnellement : je n’ai pas de commis et je crains d’être dénoncé sur les réseaux sociaux si j’exploite ma commise.
C’est chose faite, je recouvre largement d’aqua robinneti les grains dodus, y ajoute une carotte découpée en tranches et trois gousses d’ail. Je parsème d’une pincée, mais non, pas de sel, malheureux, mais de bicarbonate, fais plonger avec un bouquet garni (laurier, thym, sauge, persil). Un clou de girofle, trois grains de piments de la Jamaïque et cinq de poivre noir ne feront pas de mal. Je pose le couvercle. Je laisse bloublouter à feu doux pendant une quarantaine de minutes.
Pendant que les cocos vivent leur vie. J’entreprends la confection d’une sauce aigre-douce qui viendra contrer le gras du confit
Je cisèle deux oignons doux des Cévennes et les mets à compoter au fond d’une poêle que j’ai barbouillée d’une petite cuillérée de graisse prélevée dans l’enrobage des cuisses confites.
J’ajoute afin de donner du peps une pointe de pâte de piment vert cabri. Je rehausse d’une bonne pincée de poudre à colombo. Quand l’oignon devient transparent, j’arrose d’une grande cuillerée de vinaigre de Maury et d’une petite de balsamique blanc. Je laisse réduire à sec. Je goûte. Hum, c’est bon, la sucrosité des oignons doux des Cévennes a encore fait merveille. Manque simplement un peu de sel. Je rectifie et réserve.
Cévennes, cette recherche ? |
En ouvrant le réfrigérateur pour en extraire le bocal de pâte de piment qui y est conservé au frais, j’ai aperçu un morceau de lard paysan fumé alsacien qui a déclenché en moi une nouvelle idée. Pourquoi ne pas ajouter à ma recette deux tranches de ce produit qui accentueraient le clin d’œil vers le cassoulet ?
Sitôt pensé, sitôt fait : je pose mon morceau sur une planche, le pourfends de mon couteau, et en profite aussi pour prélever de la couenne. Que serait un cassoulet sans couenne ?
Je partage la couenne, y ajoute quelques petits lardons résultats d’une maladresse de découpe et immerge le tout dans l’eau de cuisson des cocos qui viennent de terminer leur première mi-temps.
Je dépose à sec mes tranches de lard paysan sur une poêle adhésive bien chaude et entreprends de les colorer légèrement.
Lard façon Soulages |
Eh bien ça y est, les opérations préliminaires sont terminées. Les cocos sont cuits à point, je les réserve dans leur eau de cuisson. Le lard reste sur la poêle, feu éteint. Ne reste plus qu’à attendre l’heure du repas.
Tout est là, ne manque plus que le confit |
Le moment est venu. Je dispose les cocos de Paimpol au fond des petites cassoles. Je les arrose d’une bonne louchée d’eau de cuisson, donne un tour de moulin de poivre.
Cocos en groupes |
Je fais dorer les cuisses de canard dans la poêle où les avaient précédées les tranches de lard, que je viens de remettre à température avant de les allonger sur les haricots.
Deux pattes à un canard ? |
Ma sauce se réchauffe aussi doucement. J’y ai ajouté un léger trait de vinaigre balsamique traditionnel de Modène sombre et sirupeux.
Le montage peut commencer : sur les haricots, à côté de la tranche de lard, la cuisse de canard confite. Je la recouvre partiellement de ma sauce aigre-douce. J’arrose mes haricots avec une cuillerée de la graisse de canard fondue de la poêle.
Cassole patte en l'air et ses drôles de cocos |
J’enfourne mes cassoles pour une douzaine de minutes à 190 °C. Quand je les sors, la sauce aigre-douce relevée a légèrement caramélisé.
Mon plat c'est beau ? ( comme on dit à l'Académie de médecine ) |
Je suis satisfait. Les associations fonctionnent bien, les haricots imprégnés des fragrances de leur jus de cuisson sont restés moelleux, le confit n’est pas desséché. Oui, je suis content de moi…
Ma convive un peu moins. « Eh ben, tu n’y as pas été de main morte pour le piment… ».
Mais j’aurais l’air de quoi, avec des mains mortes !