mardi 21 novembre 2017

La (bo)bosse de la cuisine

Longtemps j’ai tasté le beaujolais nouveau avant l’heure. Parfois, à peine la nuit tombée, les  bouteilles s’ouvraient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : « Il n’est pas minuit… ».
Mais le plus souvent c’était un quart d’heure seulement avant cet instant fatidique que je dégainais le tire-bouchon et emplissais les verres. Car ainsi je conjuguais  les plaisirs du rite et de la transgression.
Je ne devais d’ailleurs pas être le seul à bénéficier d’une telle vente anticipée obtenue en ce qui me concerne non pas par la vénalité d’un commerçant véreux, mais par sa bienveillance complice envers un client amateur de ses talons de jambon basque dont il savait que je ferai bon usage, acheteur  toujours prêt à vouloir déguster les découvertes artisanales qu’il ajoutait à son étal au retour de ses vacances exploratrices. En effet, en ces fins de soirée du troisième mercredi de septembre, parvenaient de l’appartement voisin  les rires et les chants de libations déjà bien avancées, ce qui gâchait un peu ma satisfaction, en démontrant que mon manquement aux usages établis n’avait rien d’unique, et que peut-être même cet avance sur l’horloge était une pratique courante, réduisant ma démarche à une banalité consternante…

Et dire que cette année j’ai failli manquer à ce rituel qui, si il ne me mène pas à la béatitude gastronomique, reste un marqueur de temps qui passe, tout en n’offrant pas la désespérance des anniversaires, étant bien au contraire le témoin d’une renaissance perpétuée : c’est le jeudi matin que j’ai appris inopinément que le jour de boire était arrivé...
Aussi c’est en catastrophe que je me suis procuré la bouteille symbolique, un Beaujolais-Villages nouveau, cuvée Bernard Pivot, fort bon quoiqu’à mes yeux peu représentatif de ce vin de soif que devrait être un beaujolais. En revanche point de l'une de mes lyonnaiseries habituelles pour accompagner le breuvage, qui a dû se contenter de banales escalopes de veau.

J’ai tenté de me rattraper le lundi suivant en cuisinant un sabodet de chez Bobosse.

sabodet, Bobosse
Mon sabodet


Pour ce faire, j’ai tout bêtement suivi à la lettre -ou presque…- la recette figurant sur le site de cet honorable charcutier.

Sabodet lyonnais braisé au vin rouge


Ingrédients :

1 Sabodet (~500g)
2 cuillères à soupe de farine
50g de beurre
2 échalotes
1 blanc de poireau
4-5 pommes de terre
1/2L de Beaujolais rouge
1/4L d'eau


Fariner le Sabodet, le saisir dans une cocotte avec un peu d’huile et le beurre.


sabaudet, braisé
Sabodet saisi par le beurre
Le retirer et le mettre sur une grille.
Faire suer les échalotes hachées,


sabaudet
L'échalote
ajouter le blanc de poireau émincé et le faire blondir.

sabaudet
...et l'poireau
Ajouter la farine, faire colorer.
Éplucher les pommes de terre, les couper en lamelles fines (ne pas laver les pommes de terre), les mettre dans la cocotte. Saler, poivrer, bien mélanger.

Ayant lavé malencontreusement dans le feu de l’action mes pommes de terre, des cornes de gatte du jardin que j’ai choisies en raison de la proximité de cette variété avec celle dénommée quenelle de Lyon, j’ai saupoudré d'un voile de fécule les tranches minces obtenues par une découpe sur la longueur des tubercules épluchés laborieusement.

Ajouter le vin rouge (Beaujolais), porter à ébullition.


cornes de gatte, sabaudet, beaujolais
Flot sur la patate
Le vin était un beaujolais nouveau de chez Duboeuf.

Ajouter l’eau.
Préchauffer le four à 220° C.

Mettre le Sabodet dans la cocotte, couvrir et mettre dans le four 1 heure minimum à 220°C.

J’ai recouvert d’un papier siliconé avant de poser le couvercle et d’enfourner. À la quarantième minute, j’ai vérifié l’évolution de la réduction du liquide et retourné le sabodet avant de reprendre la cuisson.
J’ai décoiffé et sorti le contenu après une heure dix de séjour au four.

sabodet, beaujolais
Ça va décoiffer !

J'ai découpé le sabodet, disposé les pommes de terre confites dans la sauce au vin au creux du plat.
Avant de servir j'ai remis à température cinq minutes dans le four éteint afin d'être certain que le plat arrive bien chaud.

sabodet, beaujolais, Bobosse
Sabodet lyonnais braisé au vin rouge

Le résultat était très convaincant.
Cette version était encore meilleure que celle du plat que j’avais cuisiné il y a un an environ, pourtant servi avec des trompettes de la mort, mais avec cuisson du sabodet dans le vin rouge seul :

Sabodet du 30/11/2016

Pour deux raisons. Tout d’abord le braisage avec les pommes de terre a fourni une sauce aux goûts bien concentrés et extrêmement onctueuse. Mais aussi le sabodet lui-même est en cause, car celui de Bobosse que j’ai utilisé cette année ne contient que de la tête de porc, avec pas mal de croquant apporté par les oreilles, alors que celui de la maison Sibilia  cuisiné en 2016 incorpore de la poitrine et offre une saveur moins typée.

Il me restait du beaujolais pour boire avec le fromage. Alors, la boulette (pas d’Avesnes…). Je n’ai pas trouvé mieux que de servir un craquegnon affiné ...à la bière !

craquegnon, coqs d'or, Philippe Olivier
Je craque pour le craquegnon

Ben, finalement, vin et bière ont fait bon ménage.

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