Pastre et sa cousine sont de sortie
Pastre est bien bedonnant, et pourtant il n’a guère que la peau sur les os. Sa cousine est vieille et desséchée, mais ne manque pas de cœur - ni de poumons…
Je crois bien que ces deux-là n’en pouvaient plus de patienter chez moi dans le désœuvrement, bien loin de leur Laguiole natal. Alors c’est décidé, aujourd’hui je m’occupe d’eux.
Tout d’abord force m’est de constater que la cousine a bien besoin d’être dessalée et que donc Pastre ne plongera pas seul dans le grand bain. Fort accommodante, elle s’est carrément mise en quatre pour cette gymnastique, même en six, mais les petits bouts supplémentaires ont fini illico dans mon estomac, extrémités disgracieuses, mais tentantes, dont je me régale.
Pastre et sa cousine pourfendue |
Pastre et sa cousine s’immergent donc dans l’eau froide d’un grand faitout que je place sur la flamme. Ces deux-là y resteront encore une demi-heure après que le liquide a commencé à frissonner.
Pendant ce temps je prépare mes légumes de ma parcelle - il n’y a pas qu’en Aubrac que l’on peut cultiver son jardin, mes cocos - et le chou vert acheté au marché.
Pastre et sa cousine sont repêchés et regagnent la plaque ferme.
Sortie de bain |
Je vide l’eau réceptacle de sel et la remplace par de l’eau fraîche, qui ne va pas tarder à entrer en bouillonnement. Pastre retourne dans son bain en compagnie d’un petit oignon piqué de clous de girofle, d’une feuille de laurier, d’une branche de thym, de quelques baies de genièvre et de Jamaïque, grains de poivre blanc et de cubèbe.
Trois quarts d’heure plus tard, j’ajoute la cousine et les légumes : le chou vert partagé en huit, quatre carottes fendues en deux, trois poireaux, un couple de petits navets, trois branches de céleri partagées en tronçons et quelques-unes de leurs feuilles, trois gousses d’ail violet. Et c’est parti pour encore trois quarts d’heure.
Sous les légumes.. |
Trente minutes avant cette fin de cuisson prévue, j’allonge sur la surface bloubloutante une dizaine de rattes que j’ai eu largement le temps d’éplucher pendant que Pastre et sa cousine se laissaient bercer mollement par les flots.
Moi-même j’allais me laisser aller doucement à la rêverie quand une sonnerie m’a rappelé qu’il était temps de me saisir de l’araignée pour évacuer Pastre, sa cousine, et sa suite de légumes pour les disposer sur le plat.
Cinq minutes plus tard, c’est chose faite.
Pastre hautain |
Je passe ensuite au cérémonial, proche de celui du haggis : d’une lame acérée, je fends la panse qui laisse voir son contenu, ici des os de travers et queue de porc. J’ai droit quand même à mes poumons et mon cœur, mais c’est la cousine qui me les offre…
Pastre désormais lui aussi pourfendu |
Une fois le plat sur la table, c’est à chacun n’aller prélever son dû.
C'est mon choix |
Ce repas rustique et roboratif est fort plaisant. Le pastre contient des morceaux de queue en nombre suffisant pour que leur couenne confère une rondeur parfumée. Je n’avais pas fait ce constat dans une expérience précédente de ce produit en 2017 - comme le temps passe, mon pauvre monsieur... La recette aurait-elle évolué ?
Vive l’Aubrac ! Surtout sur ma table…
J'aurais aimé pouvoir clamer depuis mon balcon ; "Vive l'Aubrac ivre !"
Malheureusement d'une part je n'ai pas de balcon et d'autre part je n'arrive pas à retrouver ce vin de Marcillac à la robe sombre et violacée dont les arômes si particuliers me réjouissaient qu'en j'en achetais jadis à côté de la rue Mouffetard chez mon bougnat, tout près de l'église Saint-Médard... Même si la bouteille de Marcillac aux notes de fruits rouges et de cassis qui accompagnait Pastre et sa cousine était plutôt agréable...