dimanche 14 mars 2021

Frémabaisse de haddock

 Ce haddock sentant bon le hêtre chaud et maquillé de rocou, j’ai décidé de le faire voyager vers le Sud.

Pour ce faire, non point une bouillabaisse - cette chair fragile ne saurait bouillir et son destin n’est pas de fournir un fumet parfumé - mais une frémabaisse

Je déshabille de leurs premières feuilles souillées de terre trois poireaux arrachés le matin même du jardin et les passe sous le jet avant d’en prélever des sifflets taillés dans le blanc et le début des feuilles vertes. J’épluche une quinzaine de pommes de terre, des rattes du Touquet. Je les dépose avec les découpes de poireau au fond d’une grande poêle sur une couche d’huile d’olive. Je recouvre d’eau à hauteur. J’ajoute une pincée de gros sel, une petite cuillerée de cinq-épices à la note anisée, une gousse d’ail, une feuille de laurier, une branche de thym, une autre de romarin. Je fais tomber une grosse noix de harissa et termine en faisant pleuvoir une douzaine de filaments de safran.

Je pose sur une flamme et laisse cuire doucement sans couvercle une vingtaine de minutes. Je vérifie : les légumes sont cuits et le liquide a réduit de moitié, prenant de l’onctuosité… Je réserve.

Je partage mon filet de haddock en quatre et pose ces morceaux sur une autre poêle. Je les noie dans de l’eau non salée. Sur une petite flamme je porte à frémissement. J’éteins et laisse le haddock poursuivre sa cuisson le temps de remettre les légumes à température dans leur bouillon. Quand ce dernier commence à bloublouter, je peux passer au dressage de mes deux assiettes.

Je dispose mon mélange de rattes et de sifflets de poireau. Je demande à cette garniture de faire une petite place aux morceaux de haddock que je prélève avec une araignée en les laissant bien s’égoutter. J’enlève le laurier et les tiges d’aromates et répartis le jus parfumé entre les deux assiettes.

Un petit tour de moulin de poivre rouge, et je troque mon tablier de gâte-sauce contre celui de loufiat pour poser les deux assiettes sur la table. 

haddock, safran
Frémabaisse de haddock

Nouvelle métamorphose : je me transforme en critique culinaire. Ce plat aux couleurs chaleureuses est agréable, regorgeant de parfums. Il sent bon le Sud. Mais surtout l'excès de sel que je craignais, ayant exclu la présence de lait dans la cuisson du haddock, n’est pas du tout présent.

Je me drape ensuite de la cape de l’interviewer. « Hum, c’est très bon ! ». Je note sur mon calepin pour l'article à venir.

Je poursuis en endossant mon costume de statisticien - éminent, bien entendu. 100 % de satisfaits.

Enfin j’arbore mes plumes de paon et fais la roue… Qu’est-ce que j’ai été créatif dans cette frémabaisse de haddock ! Et j’ai même incorporé une petite cuillerée d’amour… C’est-y pas l’excellence ?

Dessert, café, et même pas d’addition.


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