Les bœufs se succèdent, mais ne se ressemblent pas…
Le premier, c’est un bœuf de race Aubrac apparu sur ma table sous forme d’une belle côte de 1,7 kg taillée par la maison Conquet.
Avec son string |
Je l’ai accompagnée d’un gratin de cardon à la moelle.
Gros travail que de préparer le pied de cardon arrivé du jardin. Son ficelage sous un carcan de cartons destiné à réprimer sa verdeur naturelle avait déjà entraîné quelques blessures car le bougre n’entendait pas se laisser faire, puis son arrachage et son transport ont prouvé une nouvelle fois sa nuisance. Et si maintenant j’avais carde blanche, ce n’est pas pour autant que ce légume avait perdu de son animosité. Alors, emprisonnant précautionneusement chaque branche d’une main protégée par une épaisse manique, j’ai cassé successivement à la base ces côtes hérissées de piquants, puis les ai privées de leurs épines à l’aide d’un couteau économe, enfin je les ai soigneusement épluchées jusqu’à disparition des grosses fibres de surface. La plaisanterie m’a pris plus d’une heure avant que je ne puisse trouver côté bassine des petits rectangles de cardon bien tendres baignant dans l’eau citronnée et côté plaque à débarrasser un gros tas de filasses plus ou moins barbelées.
Ouf, par miracle j’avais réussi à ne pas me piquer. Ouais, c’était compter sans un geste bêtement instinctif qui m’a fait repousser quelques débris restés sur le pan de travail du revers de la main. SOS pince à épiler…
Re ouf, là c’est bon, je peux passer à la cuisson.
Je blanchis mes découpes de cardon en les plongeant durant une douzaine de minutes dans l’eau bouillante et citronnée. Je les égoutte soigneusement et les transfère dans un plat en fonte dont j’avais beurré le fond et les côtés.
Cardons déchardonnés |
Je dispose de six os à moelle. Je les poche cinq minutes dans l’eau bouillante. Je peux désormais me lancer dans la confection d’un roux : dans une casserole je fais fondre une grosse noix de beurre manié avec le même poids de farine. Je verse une bonne louchée d’eau de cuisson du cardon, d’une seconde louchée de l’eau de pochage des os à molle. J’obtiens une sauce blanche que je rehausse de quelques tours de moulin de poivre rouge et d’un soupçon de muscade râpée.
J’en recouvre les cardons.
Bain sur les côtes |
Mes os attendent sur une assiette. J’en extrais six blocs de moelle dont je partage le cylindre en deux. Je répartis ces disques sur le dessus du plat.
Les douze moelles de l'année |
Je termine en parsemant la surface de ce gratin en gestation d’emmenthal que je viens de râper et j’enfourne à 180 °C pour une vingtaine de minutes avant de réserver.
Je passe à la cuisson de la côte de bœuf.
Je parsème la viande mise à température ambiante de fleur de sel avant d’en saisir toutes les faces - pas trop brutalement ! - sur un gril barbouillé d’une noisette de beurre pour la coloration. Puis je place la pièce à la verticale sur une plaque en inox, posée sur la face opposée à l’os. J’enfourne pour une demi-heure à 180 °C.
Je laisse ensuite reposer ma côte de bœuf sur la planche de découpe pendant que le plat de légume réintègre le four.
Allez, à l'abordage de la côte ! |
Le gratin se remet à température pendant huit minutes, puis j’allume la résistance du gril qui va permettre de bien dorer la croûte d’emmenthal fondu. Trois minutes plus tard je sors le plat. Le gratin de cardons à la moelle est prêt à être partagé…
C'est le gratin |
Je me tourne vers la côte de bœuf. Un petit coup de fusil à affûter sur le couteau, et je passe à la découpe. Je commence par détacher l’os. Je me le garde, je sens que je vais me régaler ! Puis je tranche quelques parts - celles du jour, car il y aura du rab pour le futur…
Avec mon os à ronger |
Effectivement je me régale, d’abord en rongeur de l’os, ensuite en carnivore brandissant sa proie au bout de sa fourchette. La cuisson me convient parfaitement ; et que cette viande est tendre et goûteuse ! De plus la graisse fondante dans la bouche fournit une bonne introduction vers le gratin de bœuf à la moelle… Un accompagnement délicieux aux petites notes d’artichaut bien plaisantes. Je ne me suis pas donné du mal pour rien !
Le second, c’est un bœuf de Bazas dont j’avais voulu me procurer une entrecôte de 700 g en cette période de fête du bœuf gras.
Bazadaise pas à l'aise |
Las, si l’appellation est bien là, cette bête achetée à un éleveur d’Aurensan dans le Gers n’est pas une Grise de Bazas, mais une banale Blonde d’Aquitaine. Et surtout, quand je déballe cette prétendue entrecôte, je découvre une viande disloquée dont l’unité ne tient qu’à quelques ponts de graisse et surtout d’aponévrose. Bref, de l’ordre plutôt de la basse côte…
On verra bien. Je pose la viande, longuement reposée à température ambiante, sur une poêle pas trop chaude. Une fois saisie, je l’arrose régulièrement d’une grosse noix de beurre. Quelques minutes plus tard, j’allonge l’entrecôte sur la planche.
Encore plus moche cuite que crue |
Résultat : impossible de couper des tranches présentables… Mais le pire, c’est qu’une fois les morceaux plus ou moins difformes placés dans les assiettes, il faut se battre contre eux. Les couteaux à steaks bien aiguisés ne viennent pas à bout des plaques fibreuses, ont même du mal avec la chair visiblement insuffisamment maturée. Comme pour les artichauts de Coluche, on se retrouve avec une assiette plus pleine en fin de repas qu’au départ, tant elle est envahie par les déchets, l’acier et les incisives ne venant pas à bout de cette carne !
Ah, il est beau ce bazadais qui n’a rien de gras si ce ne sont que quelques filaments visqueux au médiocre parfum ! Je jure, mais un peu tard, que l’on ne m’y reprendra pas.
Pour me consoler, je me jette sur la platée de frites dorées qui trône sur la table.
J'ai la frite |
Je l’ai confectionnée avec amour, des pommes de terre bintje et du blanc de bœuf.
Deux bains comme il se doit. Un premier à 130 °C, puis un repos d’une heure jusqu’à refroidissement, enfin un second de quatre minutes à 180 °C. À la sortie, une pluie de sel fin et de fleur de sel…
Las, ces frites se révèlent trop sucrées à cœur et pas assez croustillantes en surface à mon goût. Sans doute mes pommes de terre de race Bintje achetées au marché étaient trop vieilles. D’ailleurs elles étaient un peu molles quand je les ai taillées au couteau.
Il y a des jours comme ça, où le ciel vous est défavorable.
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