J'ai narré ma déception après ma dégustation d’une entrecôte labellisée de Bazas.
https://sosgrisbiche.blogspot.com/2021/02/deux-boeufs.html
Je n’avais pas manqué de laisser cette appréciation rageuse sur le site de vente :
Je me réjouissais de pouvoir déguster le renommé bœuf de Bazas. Las ! Quand j’ai ouvert le sachet de ce qui était censé être une tendre et savoureuse entrecôte, j’ai découvert des îlots de chair sanguinolente reliés par des cordons de gras (ce qui n’aurait pas été pour me déplaire si celui-ci s’était révélé goûteux et fondant…) mais surtout par des rubans d’aponévrose. Bref, mon entrecôte avait comme des airs de médiocre basse côte. Toutefois j’ai apporté tout mon soin à sa cuisson afin de juger sans parti pris : mise à température ambiante avant d’être étendue sur une poêle ointe d’une larme d’huile d’arachide - bien chaude mais pas trop afin de ne pas brusquer la viande - puis, une fois saisie sur les deux faces, baisse de la flamme avant ajout d’une grosse noix de beurre afin de nourrir la pièce en l’arrosant en continu. Et bien entendu repos avant de déguster. Eh bien, en dépit de ces précautions, je me suis trouvé confronté à une véritable carne résistant férocement à la mastication et même à la lame d’un couteau fraîchement affûté. Même le cœur exigeait une pénible mastication, ce bœuf n’ayant visiblement subi aucune maturation. Après la dégustation - enfin plutôt la bataille… -, tel que pour l’artichaut de Coluche, l’assiette était encore plus pleine qu’au départ à la fin du repas, tant on y retrouvait de monceaux mêlant débris incomestibles divers et bouchées post-masticatoires abandonnées dans un triste renoncement. Il y a bien longtemps que je me suis trouvé confronté à une telle barbaque ! Dans un souci d’objectivité, je n’ai pas posté ex abrupto l’unique étoile que méritait un tel désastre et ai attendu de consommer les faux-filets ainsi que le rumsteck que le carnivore assumé que je suis avait eu la mauvaise idée de commander dans la foulée. J’ai souhaité les tester avant de fournir mon estimation définitive de la prestation de ce mal éleveur et surtout mal en boucher. Dans ma bienveillance, je monte donc à deux étoiles, car si la viande était toujours aussi coriace et épuisait les muscles maxillaires, si le rare gras (au fait, n’est-ce pas la saison du bœuf gras à Bazas ?) était aussi peu savoureux, en revanche la proportion de déchets était contenue dans des limites raisonnables, même si ce fait ne relève pas de la performance pour de tels morceaux. De retors vegans auraient-ils saboté mon colis afin de sanctionner mes penchants carnassiers ?
Le lendemain je recevais un appel téléphonique de l’éleveur, visiblement traumatisé par ma diatribe. Il jura ses grands dieux qu’il n’y comprenait rien, qu’il était coutume de couvrir de louange les pièces qu’il expédiait, que la maturation était effectuée comme il se doit, que le boucher chargé de l’abattage et de la découpe bénéficiait de toute sa confiance après des années de collaboration, bref que mon insatisfaction était inexplicable. Et, finalement, après une conversation fort heureusement empreinte de courtoisie réciproque, il me proposa de retenter une dégustation : je devais effectuer une nouvelle commande dont il me remboursera le montant. Et allez, tope-là au bout du fil, façon accords de maquignon…
Un peu plus d’une semaine plus tard je recevais une grosse côte de bœuf de plus de 1600 g, d’épaisseur modeste malheureusement, car sa surface était imposante, à tel point que la pièce n’entait pas entièrement dans ma plaque en inox.
Quand une blonde se fait scier... |
Le prix de ce morceau étant un peu plus du double de celui de l’entrecôte, il s’agissait d’une façon plutôt adroite de s'acquitter du contrat… Allais-je battre ma coulpe, revenant sur une impression qui, après tout, ne reposait peut-être que sur un incident exceptionnel ?
Ouais, ça commençait plutôt mal… La viande offrait la même tendance à se disloquer que celle de l’entrecôte, et toujours une absence de persillage. Enfin, je verrai bien…
La pièce est trop grande pour la poêle, même celle de 32 cm. Aussi la cuisson aura-t-elle lieu sur le gril. Je rencontre rapidement un problème : un ruban d’aponévrose se contracte, éjectant un muscle vers le haut et l’éloignant de la surface du gril. Il me faut appuyer pour permettre un contact. Et chaque fois que je retourne la pièce cette manœuvre relève de l’acrobatie tant les différents muscles se désolidarisent, retenus seulement par des rubans qui tirent à hue et à dia… J’arrive après une féroce répression à allonger (presque) ma côte de bœuf sur la planche en bois.
Même pas capable d'être à plat ! |
Je découpe. Dans les assiettes, c’est encore le combat, moult déchets sur le champ de bataille, et les mêmes crampes maxillaires que pour la non regrettée entrecôte…
Nous nous sommes consolés avec des pommes de terre grenailles aux cèpes sautées dans le beurre demi-sel. J’avais noyé ces tubercules accompagnés de tranches de champignon séchées sous de l’eau à hauteur, ajouté une grosse noix de beurre et une gousse d’ail ciselée. Première cuisson à couvert sur la flamme une dizaine de minutes avant d’enfourner à 170 °C pour un quart d’heure, l'eau finissant de s'évaporer. J’ai terminé en faisant tomber un peu de persil.
Grenailles |
Et, ça, c’était bien bon…
Je ne comprends pas la pluie d’éloges sur le site de vente de cette viande. Il y en a trop pour qu’ils soient de complaisance. Or je ne vois que Requin, l’ennemi de James Bond, qui puisse trouver de la tendreté dans une telle bidoche !
Alors je donne ma langue au chat - sans crainte, car il préfère les sachets… - et ne cherche plus à approfondir ce mystère. N’empêche que je me sens bien ennuyé, car le deal était de toute vraisemblance d’éponger les traces d’un assassinat par l’ajout d’une appréciation plus positive. Le pire est que cet éleveur m’a semblé de bonne foi dans sa défense orale. Que faire pour ne pas être trop cruel ?
D’autant plus qu’entre-temps j’avais voulu laisser une chance à ce Bazas déshonoré.
J’avais testé une autre entrecôte provenant d’une bête quant à elle non pas de race Blonde d’Aquitaine, mais Grise de Bazas. Elle provenait d’un boucher de Mérignac.
Grise de Bazas |
Grise dorée |
Eh bien c’était un bonheur que de la déguster : elle était goûteuse, tendre avec juste la mâche qu’il fallait, bien entrelardée d’une graisse aux parfums de moelle qui fondant dans la bouche. Quant aux déchets, ils étaient pratiquement inexistants.
Tendre bovin |
Le jour et la nuit avec l’autre carne…
Même un vulgaire accompagnement de chips n’a pas réussi à ternir ce festin. C’est dire !
Alors la blonde, bazadaise de pacotille, va te rhabiller !
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