vendredi 11 décembre 2020

Ah, si vous connaissiez ma poule!





De ma poule, vous connaissez déjà une cuisse.

Et une aile…


Mais l’autre cuisse ? Mais l’autre aile ? Eh bien, leur avenir fut bien froid, en quelque sorte l’hiver poule… Présentées sur un plat avec à côté un pot de sauce cocktail tequila citron.

Une sauce théoriquement prévue pour les fruits de mer mais qui a très bien fonctionné avec cette poule. Il est vrai que cette dernière avait vécu un long séjour aquatique…

 À côté trônait un saladier débordant d’une salade verte.


Deux jours étaient passés, mais la poule était toujours là.

En chair et en os, mais aussi avec son âme transférée dans un succulent bouillon. Il en restait un peu plus de trois litres. Une moitié est partie au congélateur pour un avenir qui chantera (mais non, pas cocorico, c’est une poule !) et l’autre, portée à ébullition dans une casserole a accueilli un demi-sachet de petites pâtes hongroises, les tarhonyas.

En faisant suivre les bols odoriférants d’un plateau de fromages, j’ai pu ainsi offrir un excellent repas du soir.


Trois jours étaient passés, mais la poule se rappelait à notre souvenir par les légumes de son bouillon et le reste de riz.

Les légumes furent déposés dans un plat pour le repas de midi.

poule au blanc
Sauvés des eaux

Une vinaigrette à l’huile d’arachide rehaussée d’huile de noix, au vinaigre de cidre, et légèrement moutardée leur a donné la vigueur qui leur manquait après un séjour frisquet sous vide.

Quelques tranches d’une rosette de Lyon entamée pour l’occasion ont fait bon ménage avec ce bénéfice collatéral de l’opération poule au blanc.

Le soir de ce même jour, il était temps de sortir des frimas et de sa boîte le reste de riz cuit dans le bouillon de la poule.

J’ai souhaité associer un tel ami des sauces avec des andouillettes lyonnaises à la fraise de veau, ces délicates bien plus exigeantes que leurs sœurs troyennes ou tourangelles qui se satisfont volontiers d’un simple passage sur le gril. Mitonnage donc obligatoire pour ces précieuses frisant presque le ridicule dans leur besoin d’onction…

Mais leur volonté sera faîte : je fais fondre deux échalotes ciselées dans une noix de beurre au fond d’une petite poêle et y dépose mes deux andouillettes que je fais colorer sur toutes les faces. Je verse un verre de sauvignon (je sais, un macon ou un beaujolais blanc eut été plus approprié, mais après tout la poule, bien qu’excellente, n’était pas de Bresse…), recouvre la poêle d’un couvercle et laisse mijoter à feu doux une dizaine de minutes.

Je décoiffe. Malédiction, une andouillette s’est éclatée dans la beuverie et gît, les tripes à l’air. Est-ce mon process qui est inadapté, ou bien serais-je tombé sur une andouillette tenant mal l’alcool ? Mais peu importe pour l’instant. Mécompte du soir n’arrête pas le cuisinier, et, imperturbable, je déverse dans la poêle un petit pot de crème dans laquelle je dilue la pointe d’une cuillère de fond de veau en pâte. J’y incorpore deux cuillerées de moutarde forte de Dijon et une cuillerée de moutarde douce d’Alsace. Un tour de moulin de poivre rouge de Kampot et une pincée de quatre-épices, et je laisse réduire à feu moyen.

C’est enfin prêt, et je me demande si, tout compte fait, cette andouillette n’est pas plus esthétique éventrée et étalant ses tripes que masquée derrière une peau la confinant dans un quant à soi bien lyonnais…

andouillette lyonnaise
On s'éclate chez moi


Trois jours étaient passés, mais la poule était toujours là.

En chair et en os qu’il a fallu séparer l’une des autres après la sortie du sarcophage sous vide.

Je me trouve confronté à un bac en inox qui a réceptionné le blanc de la poule en morceaux plus ou moins effilochés. J’improvise une recette : ragougnasse de poule à la créole.

Je commence par hacher pas trop finement un gros oignon paille et tailler une carotte en brunoise. J’épluche trois gousses d’ail violet et les émince.

Je jette tout ce petit monde au fond d’une sauteuse évasée dans laquelle j’ai versé une cuillerée d’huile d’olive. Je laisse suer à feu doux avec une pincée de sel fin jusqu’à ce que l’oignon devienne transparent. J’ajoute alors un demi-verre de riz blanc long d’origine italienne (mais pas amer pour autant).

Je l’inonde non pas d’une crue du Po mais plus prosaïquement de deux verres d’eau du robinet mise en ébullition dans une casserole. Je fais plonger une feuille de laurier et une feuille de ravinsara (quatre-épices) séchée, un piment long et contrefait aux belles couleurs que j’ai partagé en deux (quant à sa variété, j’ai la flemme d’effectuer des recherches pour la retrouver…), des tranches fines découpées dans un habanero joufflu et écarlate, quelques grains de piment de la Jamaïque et une branche de thym, un peu déplumée entre nous soit dit.

Je recouvre d’un couvercle et laisse sur feu moyen environ un quart d’heure.

Je décoiffe : le riz est presque cuit. Il est temps de faire apparaître mes ingrédients surprise : une sauce colombo ready-made et une boîte de haricots noirs en conserve venue d’outre-atlantique.

poule au blanc, restes
On n'arrête pas le progresso

Sur feu doux j’incorpore la sauce à mon plat en brassant doucement.

Je colore rapidement à feu vif mes morceaux de blanc de poulet sur un fond d’huile d’olive avant de les jeter dans la sauteuse.

Pour terminer je rince les grains de haricots noirs, les déverse sur le riz en sauce et le poulet. Je mélange délicatement et laisse mijoter à feu doux durant cinq minutes.

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Riz blanc et haricots noirs

Ça sent rudement bon.

À TABLE !!!


mardi 8 décembre 2020

L'aile ou la cuisse

J’avais envie d’inviter à ma table une poule au blanc.

Pourquoi ? Sans doute parce que c’était elle, parce que c’était moi…

Toujours est-il que cette poule, pas encore au blanc, est désormais sur mon plan de travail. Le volailler l’a bien bridée, laissant même le long bout de ficelle lui permettant d’escalader facilement avec mon aide la paroi verticale du gouffre marmital où bouillonne le gave de pot.

L’eau est cependant encore froide quand la bête effectue sa plongée. Pour lui donner du cœur au ventre, je l’ai bourrée d’herbes du jardin : romarin, origan, thym, persil, y ajoutant des dopants divers : gousses d’ail, poivre long, piment de la Jamaïque, poivre noir, baie sansho, clou de girofle et même un rougeoyant piment martin frais cueilli qui vient se nicher entre une feuille de laurier et une branche de céleri à la verdure recroquevillée. Je n’en ai pas pour autant négligé de lui faire avaler la dose de gros sel qui lui sera bien nécessaire (à vrai dire, surtout à moi pour que notre futur tête à tête ne soit pas trop fade…).


poule au blanc
Les instruments sont tombés dans la marmite




poule au blanc
Mise au point : c'était un fake


Pendant que l’eau monte à température avant d’atteindre l’ébullition, je finis la découpe de mes légumes du jardin que j’avais épluchés et plongés dans une bassine d’eau froide auparavant.

Deux carottes longues sont tranchées en sifflets, deux petites carottes rondes sont épargnées par mon couteau. Un céleri-rave est partagé en huit, alors que je prélève une dizaine de segments à un céleri branche et les débarrasse de leurs fibres. Trois navets ronds et deux navets marteaux se voient divisés par le mitan, tout comme deux panais, un petit et un moyen qui pour sa part, subit une coupe transversale supplémentaire. Deux poireaux un peu maigrelets sont simplement privés de l’extrémité de leurs feuilles vertes, rejoints par deux avortons qui se surpasseront, j’en suis certain, pour ajouter du goût au bouillon.

L’un des deux oignons réquisitionnés est piqué de trois clous de girofle. Enfin je dépouille cinq gousses prélevées sur une tête d’ail violet.

Dans la marmite l’eau bout depuis deux ou trois minutes. J’y ajoute une petite poignée de gros sel et balance tout ce petit monde légumier au milieu des vagues où voguent déjà un brin de romarin et une branche de thym de conserve avec une feuille de laurier. Pris d’une inspiration soudaine, j’ajoute quelques grains de poivre Voatsoperifery.

poule au blanc
Poule au milieu du jardin

Je laisse bloublouter dans la marmite environ un couple d’heures, prélevant quelques louchées de bouillon une vingtaine de minutes avant la fin pour y cuire le riz qui sera l’accompagnement de cette poule au blanc.

Vérification : je joue les picadors, remplaçant le vaillant taureau entré dans l’arène par une poule épuisée sortant du bain et troquant l’épée contre le cure-dent. La cuisson est parfaite !

J’évacue les légumes sur un plat en inox que je réserve au four à 70 °C. J’immerge à nouveau la bête.

Dans une petite casserole je réalise un roux blanc avec trois cuillerées de farine et à peu près le même volume de beurre. Je mouille avec du bouillon, veillant à préserver une texture relativement épaisse.

Bip ! Le riz doit être cuit. Je vérifie, c’est bon, je l’égoutte dans une passoire et le transvase dans un saladier en verre que je place dans le four à côté des légumes pour le tenir au chaud.

Je retourne à ma casserole et incorpore à ma sauce le jus d’un demi-citron et la moitié d’un pot de crème épaisse d’Isigny. Trois tours de moulin de poivre blanc de Penja et deux de noix de muscade : la sauce est prête.

Ne reste plus qu’à dresser les assiettes.

Et là je suis confronté à un trilemme. Bien entendu, une poule entière, c’est bien trop pour deux convives. Il me faut choisir avant de découper la poule allongée sur une planche :

- une cuisse, une aile

- une cuisse, une cuisse

- une aile, une aile

Restera-t-il une volaille cul-de-jatte, manchote ou hémiplégique ?

Pour résoudre ce problème je fais appel à ma vieille culture traditionnelle : la cuisse pour les messieurs, l’aile pour les dames. Ce seront donc deux assiettes différentes qui arriveront sur la table.

Je dispose le riz, sur lequel j’appuie les légumes : carotte, céleri branche, céleri-rave, panais, navet marteau.

Sur la première des assiettes j’allonge une cuisse, sur la seconde j’étends une aile.

Il ne me faut pas oublier le poireau, ainsi qu’une gousse d’ail confite par la longue cuisson.

Je m’empare de la casserole où la sauce continue à mijoter sur une petite flamme. Et là, je dois faire mon mea culpa : je verse le liquide onctueux à la cosaque, inclinant l’ustensile au-dessus de l’assiette ailière, et l’inonde plus que de raison.

poule au blanc
Aile Madame


Enfin, si l’esthétique est en cause, le plat n’en sera que plus gourmand, me dis-je en guise de consolation… Néanmoins je m’applique plus pour l’assiette cuissière,utilisant un pochon - même si j’en serai quitte pour aller me réapprovisionner de sauce en cours de dégustation.

poule au blanc
Cuisse Monsieur


Mon envie de poule au blanc a été comblée.

J’entends Madame qui, ayant terminé de suçoter son aile d’une main souillée de sauce mais néanmoins distinguée, s’adresse timidement à moi en s’essuyant sa bouche purpurine d’un linge presque encore immaculé (la poule au blanc est moins agressive envers la serviette que les spaghettis à la bolognaise…) : « Tu sais, moi aussi j’aime bien la cuisse dans le poulet ! ».

Dont acte...

 

vendredi 4 décembre 2020

Fromage ou des cerfs ?

 

Fromage ou des cerfs ?

Eh bien pour ce jour je choisis des cerfs. Enfin, des, peut-être pas, car il est fort probable que ces entrecôtes de cerf qui attendent d’être posées sur la poêle dans leur sachet sous-vide proviennent d’une seule bête…

Toutefois, avant de procéder à cette cuisson qui sera fort rapide afin de conserver un intérieur saignant, il me faut me lancer dans la préparation de l’accompagnement : un chou rouge qui, en revanche, nécessitera un long mijotage.

Je commence par passer le chou à la mandoline. J’obtiens de fines lanières qui viennent s’entasser dans une bassine. Je cisèle sur une planche un oignon du jardin.

Je m’empare de ma cocotte ovale en fonte. Je dépose sur son fond une noix de saindoux. Il me reste un cube de lard gras fumé de porc Mangalica.

C’est l’occasion de finir en beauté pour ce morceau venu de Hongrie. Je le partage en petits lardons que je déverse à côté du saindoux. J’allume le feu sous la cocotte. Bientôt les lardons commencent à colorer après avoir répandu une graisse abondante, parfumée à souhait. J’y fais suer la découpe d’oignon.

Quand ils blondissent, je m’empresse de vider ma bassine dans la cocotte, et, passant de feu moyen à feu vif, je fais tomber ces lanières de chou rouge en les brassant assaisonnées d’une belle pincée de gros sel.

Quand je vois que le chou a perdu sa fermeté et s’abandonne mollement au creux du récipient, je l’arrose d’une cuillerée de vinaigre de Maury et de la moitié d’une bouteille de côtes-du-rhône.

J’enfonce au creux du légume une boule à thé. De thé, point, mais la moitié d’un bâton de cannelle, un chaton de poivre long rouge de Kosla dont les arômes puissants devraient bien fonctionner avec cette recette aux notes sucrées, une dizaine de baies de genièvre, six ou sept baies de piment de la Jamaïque, une petite cuillerée de fenugrec, une autre de poivre blanc de Muntok. J’ajoute aussi un bouquet garni ficelant au sein de deux feuilles vertes de poireau une feuille de laurier, une tige de thym et une queue de persil.

Pour finir, six pruneaux d’Agen viennent compléter les ingrédients et je coiffe la cocotte de son couvercle. J’enfourne pour une heure à 150 °C.

L’heure est passée, je sors la cocotte : non, ce n’est pas encore assez confit à mon goût. Je rajoute un verre de vin, profite de cette sortie pour saupoudrer de la cuillerée de cassonade que j’avais oubliée.

Quarante-cinq minutes plus tard, le chou est cuit à point. Je le réserve en l’attente de l’heure du repas.

D’habitude des quartiers de pomme s'additionent à mon chou rouge. Là, ils sont absents car je compte dresser avec une rondelle de pomme sur chaque assiette.

J’anticipe cette préparation. Je prélève deux tranches de 7 mm d’épaisseur dans une Boskoop dont la touche d’acidité et la tenue à la cuisson devraient faire merveille. Je me hâte de les frictionner avec la tranche d’un citron afin de leur éviter de s’oxyder. Je fais fondre une noisette de beurre demi-sel dans une petite poêle, y ajoute une larme de balsamique blanc. Et zou, un aller-retour de mes tranches de pomme à feu vif… J’éteins le feu aussitôt et réserve.


L’heure de l’entrée en scène du cerf est arrivée.

J’avais bien pensé à laisser les entrecôtes déballées sur une plaque à débarrasser, à la fois pour la mise en température ambiante et pour l’oxygénation. J'étends mes pièces sur une poêle bien chaude barbouillée de beurre mousseux. Une minute trente sur chaque face préalablement parsemée de fleur de sel, et je verse sur elles un petit verre de genièvre de Houlle. J’incline la poêle à côté de la flamme. Ça flambe. J’ai économisé une allumette ! Alléluia !

Je dépose mes entrecôtes de cerf sur une planche le temps que je finisse le dressage.


Mon chou rouge vient d’être réchauffé à feu moyen. Pour une bonne note finale d’acidité, j’ai ajouté une cuillerée de balsamique blanc.

Les pruneaux ont bien gonflé, j’en mets deux de côté, le temps d’emplir un bol de ce chou rouge parfaitement tendre néanmoins encore légèrement al dente, récipient qui me sert de moule avant de renverser sur l’assiette. Je place sur l’éminence rouge un pruneau bien imbibé. Tombera, tombera pas ?


Je réserve les assiettes dans le four encore chaud pendant que je remets en température les tranches de pommes et prépare la sauce.

Le genièvre a déjà partiellement déglacé la poêle. J’y ajoute un petit verre de vin rouge, quelques gouttes de balsamique traditionnel de Modène et un soupçon de fond de veau. Je fais réduire à feu vif, et quand le liquide est devenu bien sirupeux, j’y incorpore trois tours de moulin le poivre rouge de Kampot.


Je sors mes assiettes du four. Sur chacune je dispose trois entrecôtes de cerf. Eh oui, trois, ce sauvage des forêts vosgiennes n’a pas le gabarit d’une grosse vache normande (ou charolaise, ou limousine, ou etc.)

La tranche de pomme est chaude. Elle peut rejoindre l’assiette.

Je complète avec les dernières tranches de concombre à l’aigre doux maison restant au fond du bocal.

Je termine en arrosant de la sauce nappante les entrecôtes.

Quant au persil… Honte à toi, l’envahisseur de plats ! Mais honte à moi aussi qui t’accepte sans broncher sous le prétexte d’ajouter une touche verdelette bon marché…

chou rouge, cerf, entrecôte
Cerf et chou

Nous nous régalons avec ce chou rouge débordant de flaveurs. Surtout - ce n’était pas gagné… -  j’ai réussi la cuisson du cerf : le cœur des tranches est resté saignant. Et cette viande offre un goût de gibier marqué, mais sans excès.

J’ai  fait le bon choix. Des cerfs...

Et puis, finalement, pourquoi pas un bon munster pour finir ce repas alsacien en apothéose?




mercredi 2 décembre 2020

Very hot

Fin avril dernier, un commentaire lié à ma recette du poulet à la verticale m’avait fait découvrir le site recette-americaine.com dont j’avais parcouru les pages - quand je pénètre un blog inconnu, j’aime bien l’arpenter en grandes enjambées, comme on erre dans les rues d’une ville inconnue où l’on se trouve pour la première fois, ne se contentant pas du monument répertorié qui prétend justifier ce voyage.

Et c’est là que je suis tombé sur cette photo :


Aussitôt des souvenirs lointains ont ressurgi dans ma tête. Je me revoyais adolescent traînant mes lattes dans le Quartier Latin où, entre deux séances de cinéma rue Champollion ou rue Cujas ponctuées par quelques parties de flipper, je me sustentais d’une saucisse enrobée de pâte frite achetée dans une petite échoppe débordant sur le trottoir du boulevard Saint-Michel.

Il me semble que ce produit dont je me régalais - eh oui, la malbouffe a aussi son charme… - avait disparu du décor après quelques mois de présence, et qu’ensuite j’avais dû me recentrer vers les beignets tunisiens farcis de thon de la rue Saint-Séverin, sans aucun doute encore meilleurs, mais aussi plus onéreux pour mes maigres finances.

Depuis, je n’avais jamais retrouvé ces saucisses embâtonnées, et j’en gardais vaguement une certaine nostalgie. Aussi, après avoir découvert la recette de corn dog qu’illustrait cette photo, je ne pouvais qu’ambitionner de la réaliser.

Rien de plus simple que de procéder à l’achat de la farine de maïs nécessaire pour la confection de la pâte. En revanche, il fut bien difficile de me procurer des saucisses à hot dog pur bœuf. Strasbourgeoises, viennoises, francforts : toujours à base de porc, même si certaines contiennent aussi du veau ou du bœuf. Du côté hallal, point de salut : merguez qui n’ont rien à voir avec la saucisse à hot dog, ou grosses saucisses de bœuf encore plus éloignées de mon cahier des charges. Je me suis orienté en dernier recours vers la charcuterie casher. Toujours sans succès : je n’étais confronté qu’à pastramis, saucissons et merguez. Jusqu’à ce que, il y a quelques jours, s’ajoute à cette liste la présence de saucisses Vienna au bœuf dont la composition me paraissait fort apte à la réalisation de mon projet.

Bœuf (66 %), eau, fécule de pomme de terre, soja, mélange d’épices (propylène glycol, fibre de pomme de terre, sel, stabilisants, épices, ail déshydraté, protéines végétales hydrolysées, arômes, huiles essentielles & oléorésines), sulfites, colorant (E124).

Un bon produit de malbouffe délectable… Je m’en lèchais les babines d’avance. 

Figurait en guise de conclusion l’avertissement : peut avoir un effet néfaste sur l’activité et l’attention des enfants. Mais ça, je m’en fous, j’ai passé l’âge !

Maintenant je dispose de tous les ingrédients, aucune excuse pour ne pas passer à l’acte :

140 g de cornmeal

8 saucisses de bœuf de Francfort de Vienne

cornmeal, saucisse de boeuf, corn dog
Bon comme au coin d'une rue...


1/2 de cuil à café de sel

2 tours de moulin de poivre noir

40 g de sucre

4 cuil à café de levure chimique

2 œufs

120 g de farine T55

240 ml de lait

Je brasse dans un cul-de-poule les produits secs. J’introduis le lait et les œufs et je mélange énergiquement au fouet.

Toujours aussi bon empaleur, cette fois-ci je délaisse le poulet pour introduire mes piques à brochettes dans le fondement de mes viennoises qui se laissent faire sans manifester de résistance, même si à la fin je les sens se raidir.

corn dog
Valse de Vienna

J’allume ma friteuse que je règle à 180 °C.

Le voyant m’indique que désormais le Blanc de Bœuf est à bonne température. Je vais pouvoir opérer. Toutefois, afin de permettre un bon enrobage des saucisses sur toute leur longueur, je transfère le contenu du cul-de-poule dans l’étroit vase d'ordinaire préposé au mixage. Je plonge mon premier bâtonnet ensaucissé dans la pâte, le retire, c’est bien, la consistance est parfaite, la saucisse sort bien enduite et ne bave pas. Je la plonge dans la friteuse. Et là je m’aperçois de ma bévue : j’ai raccourci la pique en la coupant pour l’amener à une longueur qui me semblait raisonnable, ne voulant pas me donner l’impression d’être un sans-culotte brandissant la tête de la princesse de Lamballe ; mais voilà, ma friteuse est de celles qui sont plus en largeur qu’en profondeur, pour baigner entièrement mon corn dog il me faut l’incliner, beaucoup l’incliner, et mes doigts tenant le manche se rapprochent dangereusement de la surface du bain de friture. Je décide donc de rallonger ma main d’une pince.

Un corn dog est cuit, deux, trois… Et pour la quatrième, c’est le drame : une saucisse perverse, sans doute indignée du sort que je lui ai fait subir, s’échappe de la pince, plonge et m’éclabousse de gras de bœuf bouillant. Un peu sur la main, mais aussi, ce m’inquiète le plus, sur le visage… Je ressens une brûlure au-dessus de l’œil. J’abandonne la coupable à son triste sort. Trois minutes de cuisson, j’en profite pour m’échapper et aller me passer un gant imbibé d’eau glacée sur les parties atteintes. Je suis de retour quand le minuteur sonne. Je sors ce corn dog précautionneusement. Pour les suivants, tant pis, ils flotteront comme de vulgaires beignets. Le manche sera un tantinet barbouillé - et alors… Au moins ce gras ne sera pas bouillant !

Avant de passer à table, je me livre encore à quelques tamponnages à l’eau glacée. Je souffre un peu, mais rien d’insupportable... Faire la cuisine, c’est une activité à risque !


Les corn dogs sont entassés sur un plat. De les voir me donne la satisfaction de la réussite, mais surtout  de les voir de mes deux yeux - il s’en est fallu de peu…

corn dogs
Retour de bätons

Chacun dispose d’une coupelle dans laquelle j’ai versé du Country Ketchup.

C’est bon, mais je ne retrouve pas le goût de mes souvenirs. Il me semble que la pâte d’enrobage boulmichienne, quoique croustillante, était plus épaisse, plus briochée. Sans doute une revisite à la française...

Il ne faut pas attiser la petite flamme vacillante des souvenirs. Parfois on s’y brûle !


samedi 28 novembre 2020

Chaussure à son pied

 LES PIEDS


Deux pieds signés Bobosse sont arrivés de Lyon. Pour les accueillir, un menu végétarien :

ocas du Pérou de mon jardin et pommes de terre sautées de mon marché.


Je commence par éplucher les pommes de terre et parer les ocas avec une brosse et la pointe d’un couteau.

Chacun sa casserole où je les noie sous l’eau froide en ajoutant une grosse pincée de gros sel. J’allume les deux feux.

Une fois blanchis (terme hélas réaliste, car ces tubercules ont perdu leurs belles couleurs…), je verse les ocas dans une autre casserole au fond de laquelle ils peuvent s’étaler avant que je ne les recouvre à effleurement d’une eau dans laquelle j’ai ajouté une pincée de sel, deux pincées de sucre et une noix de beurre. Je coiffe d’un disque de papier siliconé et mets à glacer sur le feu. Quand il ne reste presque plus de liquide, je réserve.

Huit minutes après le début l’ébullition, je prélève les pommes de terre que je mets à dorer doucement dans une poêle où une noix de beurre format XXL a fondu sur une mare d’huile d’olive.

Dans cette première étape, je place un couvercle sur la poêle afin d’obtenir des pommes de terre fondantes à l’intérieur. Au bout d’un quart d’heure je retire l’ustensile du feu et réserve.

Il va être l’heure bientôt de passer à table. Je pose une petite poêle sur un feu vif, y fais tomber une grosse noisette de beurre - que j’aurais pu tout aussi bien qualifier de petite noix de beurre. Quand ça crépite et que le beurre ne va pas tarder à brûler j’étends rapidement mes pieds (enfin, les pieds de cochon…) sur ce gras qui s’étend, augmenté de la fonte de la crépine, et sans doute aussi du foie gras d’oie malgré la coque de farce de volaille protectrice. Quelques secondes sur chaque face, elles sont bien saisies. J’enfourne la poêle pour une douzaine de minutes à 180 °C.

Pendant que mes pieds (enfin, etc.) sont bien au chaud, je replace la poêle contenant les pommes de terre sur le feu à son maximum de puissance et conduis la cuisson jusqu’à la création d’une paroi croustillante et bien dorée à la surface des pommes sautées. J’en profite pour ajouter deux quarts d’une tomate qui viendront ajouter une touche de couleur aux assiettes.

Je termine le glaçage des ocas que je retire du feu une fois tout le liquide évaporé.


Procédons au dressage.

Les pieds glissent aisément de la poêle vers l’assiette, ce qui me change de mes pieds cendrillons saumurois habituels, qui ont tendance à accrocher si je ne les place pas sur un papier sulfurisé - la chair gélatineuse étant pour ces derniers en contact direct avec la surface de cuisson.

Je dispose les ocas à côté des pommes de terre. Verse le jus poisseux et odoriférant qui a envahi la poêle sur le pied et les ocas. Je donne un tour de moulin de poivre rouge de Kampot sur le pied farci et les pommes sautées sur lesquelles je fais pleuvoir quelques pétales de sel de Maldon. Je parsème les ocas d’une pincée de piment d’Espelette. Le rouge de la tomate, le vert d’une branche de pimprenelle : les pieds sont prêts à faire une entrée en beauté dans la salle à manger.

pied de cochon lyonnais
Ce pied, c'est le pied !

Mais ils ne sont pas que beaux (comme disent les croisiéristes), ils sont aussi très bons. C’est même carrément un régal. Et la légère touche d’acidité apportée par ocas fonctionne particulièrement bien avec cette charcuterie. Tout comme la résistance de la croûte des pommes de terre sous la dent vient en contraste avec la dominance moelleuse du plat.



LES POMPES


Qui dit pieds dit forcément pompes…

Aussi je me sens obligé de ressortir la recette de pompe qui m’a jadis réjoui le palais. Elle figure déjà sur ce blog.

https://sosgrisbiche.blogspot.com/2017/11/en-grande-pompe.html

Je me contenterai donc de rappeler la liste des ingrédients :


Deux cuillères à café rases de sel

trois cuillères à café rases de sucre


un gratton saveur


quinze grammes de levure boulangère

trois cents grammes de farine


un autre gratton saveur


cent vingt-cinq grammes de beurre

trois œufs

dix centilitres de lait


et plein de grattons saveurs 


gratton lyonnais
Gros plan sur le gratton



Je verse donc la pâte après une première pousse au milieu d’un cercle.                   

pompe aux grattons
Pâte à grattons


J’enfourne à 180 °C


Au bout d’une trentaine de minutes la pompe aux grattons est cuite.

pompe aux grattons
Grattons en grande pompe


Mais j’entends des détracteurs : « Ouais, mais ça ne fait qu’une seule pompe… Pour deux pieds, ça fait un peu juste. On veut la paire ! »

La paire ? Ben la voici, la seconde pompe, bande de guignols :

POMPE AU GRATTON

vec la liste des ingrédients de la préparation en sus :


Une semelle

un talon

une tige

une empeigne

un lacet

et un seul gratton laveur






mardi 24 novembre 2020

Gibier de pote Hans


D’r Hans em Schnokeloch  hät alles, was er well!

Und was er  hät, des well er net

und was er well, des  hät er net;

D’r Hans em Schnokeloch  hät alles, was er well!


Hans dans le trou à moustiques a tout ce qu'il veut !

Et ce qu'il a, il n'en veut pas,

Et ce qu'il veut, il ne l'a pas.

Hans dans le trou à moustiques a tout ce qu'il veut !


Hans avait envie de gibier. 

Il est parti à la chasse dans les forêts vosgiennes.

La biche et le sanglier, il les avait eus. 

Mais désormais il n’en veux plus.


Et me voici donc prêt à cuisiner un rôti de biche et des côtes de sanglier que cet Alsacien a dédaignés…


LE RÔTI DE BICHE

Ce rôti d’une biche abattue par un chasseur, c’est une belle pièce - fort heureusement non bardée - qui pèse un peu moins de 900 g.

rôti de biche
Elle n'a pas besoin de débardeur

Je l’extrais de son sac sous vide pour qu’elle se mette à température ambiante et reprenne des couleurs avec l’oxygène de l’air.


Je commence par la préparation de la purée de panais.

J’épluche et partage en morceaux trois panais du jardin. Je les recouvre d’eau dans une casserole, ajoute une grosse pincée de gros sel. Un quart d’heure après le début de l’ébullition, je vérifie la cuisson de la pointe d’un couteau. La lame pénètre le légume avec aisance, je peux donc prélever mon panais avec une araignée pour le déposer au fond d’un bain-marie en inox. J’ajoute deux cuillerées d’un pot de crème épaisse d’Isigny, une grosse noix de beurre de baratte doux Réo et une pincée de curcuma pour la couleur. Je pulvérise les morceaux de panais à l’aide du pied blender de ma girafe.



Je goûte une petite cuillérée : la texture est parfaite, je n’aurai même pas besoin de tamiser. Juste une petite pincée de sel pour rectifier l’assaisonnement, et je peux laisser le bain-marie réservé sur une petite flamme.

panais
Dans le bain-marie

Je fais fondre une noix de beurre dans une cuillerée d’huile d’olive au fond d’une cocotte en fonte émaillée. Après la découpe du panais, et pendant sa cuisson, j’avais enchaîné sur le taillage d’une carotte et d’un oignon destinés à fournir une garniture aromatique. Je verse ce mélange dans la cocotte avec une pincée de sel et y ajoute deux gousses d’ail rose de Lautrec.

garniture aromatique
Ils se font suer en attendant la biche

Ces légumes sont en train de suer, j’assaisonne le rôti de biche de fleur de sel et d’un tour de moulin de poivre rouge.

Je hausse la flamme, je dépose la biche dans la cocotte et saisis ce rôti sur toutes les faces.

Je baisse le feu, et fais tomber à côté de la viande une belle branche de persil, une plus modeste de thym, une autre d’origan, et juste une petite branchouillette de romarin au parfum puissant. Je termine par une feuille de laurier.

Je coiffe la cocotte de son couvercle et enfourne pour 20 minutes à 160 °C. Je décoiffe : la pression du doigt m’indique que la viande n’est pas encore cuite. Tant mieux, car je veux la colorer en finissant la cuisson à découvert. Je remets au four à 210 °C, durant 5 minutes sur une face, puis je retourne la pièce pour 5 nouvelles minutes. Je procède à nouveau à mon test tactile : de la fermeté, mais pas trop… La cuisson devrait être à son optimum. Je sors le rôti de biche de la cocotte, l’enveloppe d’une feuille d’aluminium et le réserve sur une planche.

Pendant que la biche dort, je prépare une sauce propre à la réveiller en fanfares.

Je déglace le fond de la cocotte avec une cuillerée de vinaigre de Maury et un grand verre de porto. L’en reste même pas assez pour me verser une prime… Dans ce cas, y a plus qu’à évacuer les quelques gouttes restantes dans le fond bouillonnant, et, zou, j'exile le cadavre à côté de la poubelle !

déglaçage
Porto pollué

Après 3 minutes de bloubloutage dans le récipient de cuisson, je transfère le liquide à travers un chinois dans une petite casserole, faisant pression sur le solide pour en extraire le substantifique jus. Je complète d’un trait de Tabasco teriyaki sauce, d’une pointe de fond de veau en pâte et de deux cuillerées à soupe de mélasse de grenade.

Dans mon mortier je concasse sur une pincée de gros sel : une dizaine de grains de poivre banc de Penja, autant de poivre noir de Kampot, cinq baies Malam. C’est en reniflant les épices pour faire mon choix que les fragrances de ces graines du Cameroun m’ont semblé bien aptes à s’accorder avec un gibier. Et la dégustation prouvera que je ne me suis pas trompé.

Mais on n’en est pas encore là. J’incorpore le contenu écrasé grossièrement par mon pilon dans la sauce que je laisse réduire tout doucement pendant que je me retourne vers ma biche, oh, ma biche…

Je la sors de son suaire métallique. Étendue sur son bois, elle n‘offre pas de résistance à mon couteau qui la partage. Tendre biche…

Les assiettes ont été mises à chauffer dans le four que je viens d’éteindre. Je les sors pour le dressage.

La veille, j’avais préféré cuire en retour de courses les girolles de Corrèze achetées au marché, leur humidité ne présageant pas un stockage sans risques. Je les avais donc fait sauter à la poêle dans une cuillerée d’huile d’olive et une grosse noix de beurre avant de les incarcérer dans une boîte réservée au frais.

Le récipient se trouve désormais dans le micro-ondes, elle virevolte deux minutes, les girolles sont remises à température.

Je dispose trois tranches du rôti de biche, allonge la purée de panais avec à ses côtés une pluie de girolles. La sauce, bien réduite, est désormais épaisse et sirupeuse, je lui ajoute un peu de brillant en lui incorporant une petite noisette de beurre. J’en verse une bonne cuillerée au pied de la viande j’extrais des tranches de concombre en aigre-doux confectionné à la fin de l’été à la maison après une récolte. Je termine par un tour de moulin de poivre rouge - évitant soigneusement de ternir la purée de panais - et la chute de quelques cristaux de sel de Maldon sur les tranches rosées.

Un brin de persil a réussi à se faufiler par l’entrée des artistes, mais je ne le chasse pas de la scène, car après tout ce figurant de seconde zone apporte une petite note colorée bienvenue au lever de rideau. Il sera toujours temps de le virer après le premier acte…

Je frappe les trois coups de fourchette.

rôti de biche, panais, girolle
Une pièce de la biche

Miam…

Rideau.

Applaudissements !


LES CÔTES DE SANGLIER

Si j’ai traité la biche avec toutes les attentions qu’elle méritait, je réserve au sanglier un accueil plutôt rustre, bien en accord avec son naturel bourru.

Cette fois-ci la recette sera simple : je me contente de saler et poivrer les côtes reposer durant une petite heure au fond d’une plaque à débarrasser avant de les poser tout bêtement sur le gril bien chaud badigeonné au pinceau d’huile d’olive. Trois minutes de chaque côté, et elles peuvent rejoindre sur les assiettes les choux de Bruxelles plongés une douzaine de minutes dans l’eau bouillante salée et sautés rapidement à la poêle dans un bon morceau de beurre.

Je râpe au-dessus des choux une noix de muscade, et je dépose à côté des côtes un peu de sauce Belgian Pickles dont le pot sera présent sur la table (rab à volonté sans supplément).

côtes de sangier, choux de Bruxelles
Les bruxellois se tiennent les côtes...


Tiens, le persil n’est pas venu, serait-il malade ?

Eh bien, dans sa simplicité, ce plat est très agréable. Un sanglier qui n’est pas d’élevage, c’est quand même appréciable. Du gibier, du vrai… Et je l’apprécie !


LE RETOUR DE HANS

Hans est de retour. Encadré de quatre gendarmes…

gendarmes de sanglier
...sangliers dans l'âme

Pas étonnant que ces Landjâger se soient emparés de lui car :

Hans du trou à moustiques fait tout ce qu’il veut

Et ce qu’il fait, il ne le doit pas

Et ce qu’il doit, il ne le fait pas

Hans du trou à moustiques fait tout ce qu’il veut

Et moi je vais tout faire pour le libérer de ces pandores imbibés de pinot noir. Je lui dois bien ça car c’est grâce à cet ami que je me suis régalé.

Ah, le gibier de pote Hans !






lundi 23 novembre 2020

De pork en ris

 Ce ne devait être qu’un repas banal, et finalement cette cuisine rustique nous a régalés.

Les Pork And Herb Sausages venues d’Écosse et que j’avais conservées au congélateur se sont révélées délicieusement parfumées par la coriandre et le poivre blanc moulus ainsi que la marjolaine, le thym et l’origan entrant dans leur composition. Et la farine, ingrédient a priori suspect de n’être là que pour de mauvaises raisons financières, n’était pas une matière amylacée se cachant honteusement mais conférait par une présence affichée un agréable moelleux - un peu comme la mie de pain que l’on ajoute à la chair des tomates farcies.

Quant à la garniture, composée de panais et carottes du jardin, ce fut un régal. J’ai blanchi ces légumes cinq minutes avant de les glacer à feu doux dans une poêle sur un mince miroir d’eau terni par une pincée de sucre, une autre de sel, et une grosse noix de beurre. Il est vrai que ces racines avaient été arrachées seulement quelques heures auparavant…

pork and herb sausage, panais, carotte
Entente cordiale



Le lendemain, un menu aux ambitions plus gastronomique, quoique simple en préparation.

Un bonheur ne venant jamais seul - surtout quand on le commande… - mon sabodet avait parmi ses compagnons de voyage une terrine de ris de veau aux éclats de poivre vert.

Je déballe cette grosse tranche de bonne mine que je scinde en deux pour en obtenir une paire de moindres épaisseurs, car j’ai le sens du partage, secret des couples qui durent.

Je les snacke rapidement à sec sur une poêle antiadhésive bien chaude trente secondes sur chaque face avant de les déposer sur chaque assiette à côté des lentilles beluga qui leur servent de garniture.

Ces lentilles mimant avec impudence le caviar, je les ai rincées sous un jet d’eau froide avant de les verser au fond d’une casserole avec un bouquet garni et les deux moitiés d’un petit oignon allongé piqué d’un clou de girofle et les noyer abondamment sous une eau surtout pas salée. Vingt minutes après le début de l’ébullition, je les ai goûtées : encore légèrement al dente- mais poursuivre la cuisson leur aurait fait perdre leur bel aspect. Je les ai donc égouttées, les ai remises dans une casserole avec une noix de beurre de baratte demi-sel qui leur fournira du goût et du parfum quand j’aurai brassé délicatement.

Au fond de la poêle où j’ai fait faire un aller-retour façon foie gras à mes tranches de terrine s’étale une petite mare de jus, elle aussi très foie gras : elle provient en effet principalement de la fonte de l’insert de mousse de foie d’oie (pas de canard, bravo Bobosse !) liée par celle de la barde et de la gelée coiffant la pièce. Ce sous-produit versé sur les lentilles leur conférera une flaveur supplémentaire.

Une tranche de petite tomate, l’inévitable persil de service : les assiettes sont prêtes à se rendre sur la table.

terrine de ris de veau, lentilles beluga
Ris aux éclats !

Ma foi, c’était bien bon !