mardi 13 octobre 2020

Je ne perds pas le Nord - presque pas...

 

Retour vers le Nord.

Ma boussole me dirige vers un maroilles qui patiente depuis quelques jours non pas dans un froid polaire mais au sommet du Mont Frigo. Il est fort heureusement plus affiné que son compagnon de voyage : le vieux-lille pas si viocque que ça…

maroilles, goyère
Maroilles à l'apparence mariolle


Il me semble parfait pour participer à la confection d’une goyère.


La première étape réside dans le pétrissage rapide du bout des doigts d’une pâte brisée : 200 g de farine T55, 100 g de beurre de Surgères et une cuillerée de vinaigre. La pâte boulée et filmée est mise à reposer au frais.


Puis, une heure avant de passer à table, le moment est venu de passer à la réalisation de l’appareil qui recouvrira cette tarte au maroilles.

J’avoue que je vais fonctionner plus ou moins au pifomètre. Je prends un petit moins du tiers d’une barquette de fromage blanc non battu emplie par le fromager, ce qui devrait faire entre les 250 g et 300 g que je verse dans une bassine. J’y incorpore au fouet 4 cuillérées à soupe bombées de farine.

Je clarifie un œuf. Le jaune rejoint mon mélange que je continue à battre. Quelques instants plus tard, j’obtiens une crème uniforme en consistance et en couleur. Dans un cul-de-poule je monte en neige le blanc que j’y avais jeté.

J’assaisonne ma mixture d’une pincée de sel, de force tours de moulin de poivre rouge, d’un soupçon de noix de muscade râpé. Pour finir j’introduis précautionneusement mon blanc en neige au sein de mon appareil : ça y est, il est prêt à être versé…

goyère
Dans le plus simple appareil


Mais pas tout de suite !

ll me faut d’abord étendre la pâte brisée, en garnir le moule à tarte et la piquer avec les pointes d’une fourchette.

Je déshabille le maroilles, le pose sur une planche et découpe en tranches d’environ 8 mm d’épaisseur que je dépose au fond du moule jusqu’à ce que la majorité du fond du moule en soit tapissée. 

goyère
Pavé de maroilles et de bonnes intentions

Cette opération terminée, il reste un bon tiers du maroilles qui va rejoindre dans les frimas son copain lillois lui aussi amputé.

Je verse l’appareil qui vient recouvrir les morceaux de fromage. J’enfourne à 180 °C pour une quarantaine de minutes.

Au bout d’une demi-heure, ouvrant le four, je constate que la surface est déjà bien dorée et recouvre ma goyère d’une feuille d’alu protectrice.

Quand je sors cette tarte fromagère, elle est bien gonflée comme un soufflé.

goyère
Sortie du four


Néanmoins elle ne tardera pas à jouer moins les enflures quand je l’apporte sur la table.


goyère
Goyère moins mariolle


Elle n’en aura pas pour autant perdu sa bonne mine quand elle reposera à côté d’une salade bien croquante de sucrine parfumée de vinaigre de Maury, d’huile d’olive de Provence et de feuilles de pimprenelle.

goyère, tarte au maroilles
Confrontation Nord Sud


Ben oui, là, j’ai perdu le Nord. Pas chic pour les chicons !




dimanche 11 octobre 2020

Ça se trouve dans l’haddock

 Autres pays, autres mœurs…

Le haddock en est un bon exemple.

Déjà, en notre douce France, ce produit s’abrite derrière un pseudo. Le saumon fumé, lui, assume sa poissonitude : ouais, je suis un saumon, fumé, certes, mais saumon quand même. Alors que notre aiglefin fumé se comporte en aigrefin : moi, une de ces bestioles bourrées d’arêtes qui vivent dans la mer ? certes non, je m’appelle haddock. Hypocrite, notre haddock national dissimile sa chair blanchâtre en se faisant faire une teinture. Un bon coup de rocou, et hop, je me roussifie, me pare d’une attirante teinte chaude.

Au Royaume Uni, le produit ne renie pas son origine. Il fut aiglefin, il devient aiglefin fumé. Haddock, puis smoked haddock après passage au fumoir… Et surtout, même si désormais il se pare trop souvent d’une couleur jaune obtenue en le curcumisant - en particulier sur les étals de supermarché - il reste encore, surtout en Écosse, un smoked haddock fier de sa pâleur. Haddie fait de la résistance…


Heureusement, un excellent saurisseur de Boulogne vient de créer une version de haddock privée de sa coloration superfétatoire. Enfin le Gaulois pourra claironner : coucou roucou, t’es plus là !


En Belgique, c’est une autre histoire. Le haddock se dissimule souvent sous une cape bleue.


Je ne m’attarderai pas sur le haddock vert, une version qui demeure anecdotique…



Mais foin de considérations sur les goûts et les couleurs…

Ce jour, ce sont deux filets de smoked haddock fumé sur des copeaux de chêne dans un petit fumoir artisanal sur la côte nord-est de l’Écosse que je dois cuisiner. Bien entendu ils ne sont pas teints.

Je recherche une recette écossaise digne de ce produit que je qualifierais de noble si ce terme n’était pas autant galvaudé. Je ne manque pas de me tourner vers l’opuscule rédigé par Anne Wilson, et j’y trouve mon bonheur : une recette intitulée Finnan Haddie.

J’émince deux oignons, ce seront pour moi des oignons doux des Cévennes, pas très écossais, mais dont je pense que leur petite sucrosité ajoutera un plus. Je découpe le haddock, deux filets d’environ 250 g chacun, en gros dès.

Je transfère oignon et poisson fumé au fond d’une casserole.

haddock, finnan haddie
De l'oignon sous l'haddock


Je mélange une grosse cuillerée de moutarde forte avec 40 cl de lait - ce devrait être de la graine de moutarde écrasée, mais je n’en ai plus sous la main… Je verse ce liquide dans la casserole et donne plusieurs tours de moulin de poivre noir.

smoked haddock, finnan haddie
Aiglefin dans un océan de lait

Je porte lentement à ébullition à couvert et poursuis 5 minutes toujours sous le couvercle., que je retire pour continuer le mijotage pendant 5 nouvelles minutes.

J'extrais alors à l’aide d’une araignée les morceaux de haddock pour les étendre dans un plat de service en céramique que je garde au chaud dans le four réglé à 60 °C.

Je laisse encore mijoter le liquide de la casserole durant 5 minutes, tout en tournant afin que ça n’attache pas. Je confectionne un beurre manié avec deux cuillerées de farine et 20 g de beurre. Je l’incorpore à la sauce, puis ajoute un petit oignon banc nouveau haché et une cuillerée de ciboulette ciselée. Je remets sur le feu et laisse la sauce épaissir.

Je sors le plat du four et arrose le haddock de cette sauce.

haddock, finnan haddie
Finnan Haddie



C’est succulent ! Mais que l’on ne s’y trompe point. Je n’en renie pas pour autant mon brave haddock franchouillard déteignant dans le beurre fondu et le jus de citron sous sa parure de câpres…
C’est simplement que l’ennui naît de l’uniformité… Alors, de temps à autre, il faut aller voir ailleurs.







jeudi 8 octobre 2020

Croquettes pas croquignoles pour une ribouldingue

Ce jour, je me sens Nordiste.

Non pas tant tendance infanterie.


Mais plutôt tendance cavalerie lourde.


En effet je viens de recevoir la tresse d’ail fumé d’Arleux que je commande tous les ans vers cette époque, en profitant pour ajouter à ma commande quelques produits ch’timis ou belges.

L’étal d’un poissonnier exhibe une arrivée de crevettes grises de bonne apparence. Au menu, donc, ce seront des croquettes de crevettes grises qui figureront.

Au menu du demain, car il faut débuter le processus la veille. Mais tout d’abord quelle recette vais-je adopter ? Nous nous étions régalés de cette spécialité des côtes flamandes il y a un certain temps, mais malheureusement j’ai oublié l'origine de ma recette d’alors. Dans ma bibliothèque, rien de ce genre, même dans un volume consacré à la cuisine des Flandres. Je me tourne donc vers Internet - avec la circonspection qui s’impose. Finalement je retiens cette source, une recette de Laura Annaert :

https://www.lemonde.fr/les-recettes-du-monde/article/2019/12/06/les-croquettes-aux-crevettes-la-recette-de-laura-annaert_6021920_5324493.html

Je vérifie que j’ai bien en ma disposition tous les ingrédients nécessaires :

300 g de crevettes grises non décortiquées (décortiquées si manque de temps, auquel cas, remplacer le jus par autant de bisque de homard).

200 ml de lait

50 ml de crème fleurette

1 petit bouquet garni

Sel, poivre, piment d’Espelette

40 g de beurre

60 g de farine de blé T65

50 g de gruyère râpé

2 œufs

2 blancs d’œuf

100 g de chapelure

100 g de farine pour rouler les croquettes

C’est bien le cas. Ce sont même 400 g de crevettes qui attendent au frais. Un rab de boulot de décorticage, mais ça n’est pas grave. J’augmenterai les parts des autres produits en conséquence.

C‘est fait, je réserve mes queues de crevette dénudées dans un bac et je réserve au frais.

Je vide de la plaque contenant les carapaces et les têtes dans une casserole. Initiative personnelle, je les fais colorer sur une larme d’huile d’olive avant de verser le lait et la crème et d’ajouter un brin de thym, une feuille de laurier, une queue de persil. J’assaisonne de quelques tours de poivre noir du moulin et une petite cuillerée de piment d’Espelette. Méfiant, je préfère ne pas saler. L’avenir me révélera l’opportunité de ce choix. Je laisse bloublouter une vingtaine de minutes sur une petite flamme. Minuscule, ce qui n’empêche pas un débordement, aussi intempestif qu’impromptu, que je dois réprimer au vol par un preste déplacement de la casserole hors brûleur. Je poursuis quelques va-et-vient, puis laisse infuser les parures de crevette dans le liquide jusqu’au lendemain, avec stockage au réfrigérateur dès refroidissement suffisant.



Le jour de belgitude est arrivé.

Je sors la bassine contenant le liquide empreint de parfums nordimarins. Mais.. Mais… Malheur !

De liquide, point… Les débris ont tout absorbé. Je me vois contraint non pas de filtrer en toute quiétude, mais de tamiser en écrasant au pilon, en l’occurrence le dos de la demi-sphère d’un petit pochon. Après un quart d’heure de dur labeur, j’obtiens enfin suffisamment d’un liquide blanchâtre épais et visqueux pour préparer une sorte de béchamel en la versant sur le roux. Je fais épaissir à feu doux. Ensuite, hors feu, j’incorpore les œufs. Je termine en ajoutant l’emmental râpé puis les crevettes. Je remets quelques minutes sur le feu en remuant à frémissement.

Je place la casserole contenant l’appareil que je viens de réaliser sur une plaque à débarrasser contenant de l'eau froide et des glaçons.

croquettes de crevettes
Du froid sous la crevette


Au bout d’une vingtaine de minutes et après renouvellement des glaçons, l’appareil est bien rafraîchi et a gagné en fermeté.

Je vais pouvoir passer à la confection des croquettes. Mais… Mais… Re-malheur ! Les assiettes sont bien là ; avec la farine, le blanc d’œuf, la chapelure. Mais au moment de rouler les croquettes, je suis confronté à un appareil mollasson, et surtout collant, collant, et que j’te barbouille les doigts, que j’t’empâte la paume, que j’te tapisse la cuillère, que j’te m’attache à toi, que j’te refuse le divorce d’avec tes paluches…

Enfin, après un dur combat, j’ai réussi à façonner, si l’on peut dire, une quinzaine de croquettes un peu difformes que je dépose, précaution nécessaire mais non suffisante, sur une plaque glacée sortie du congélateur, tarmac dont elles vont décoller à tour de rôle en trio pour atterrir dans la poêle à frire où les attend une huile d’arachide dont j’ai vérifié la bonne température à l’aide d’un petit croûton de pain.

Et voilà le travail !

croquettes de crevettes
Ma boulette du jour : la croquette


Je sers avec une sauce piccalilli belge qui devrait remplacer avantageusement remplacer la sauce tartare que j’ai eu la flemme de préparer.






Ce n’est pas aussi catastrophique que je ne le craignais, mais rien à voir avec les délicieuses croquettes bien formées de mon expérience précédente. Tant pis, on ne gagne pas à tous les coups.

croquettes de crevettes grise
La sauce qui fait passer la crevette


Nous rattrapons avec un petit plateau de fromages nordistes : Vieux Lille fermier au lait cru, Boulette d’Avesnes fermière façonnée à la main au lait cru, Boulet de Cassel fermier au lait cru. Avec néanmoins encore un petit regret : le Vieux était un peu jeunot…

fromages du Nord
Réunion de fermiers


Il me faut absolument mettre la main sur mon ancienne recette de croquettes de crevettes !

Après avoir exploré les fonds de tiroir de mon ordinateur, j’ai pu retrouver le texte que j’avais déposé en 2016 sur le forum "Bon Appétit Bien Sûr - BABS-" de FR3 avant sa fermeture, tout désireux que j’étais de partager ma satisfaction, ainsi que les illustrations qui l’accompagnaient.






Une envie soudaine de croquettes de crevettes

 

D’abord, trouver une recette, car c’est le genre d’exercice dans lequel je ne m’aventurerais pas sans quantités précises. Car la croquette oscille toujours entre le délitement, voire l’explosion, et le compactage étouffe-chrétien.

Finalement je me suis décidé pour une recette parue dans la revue Saveurs en mars avril 2011 attribuée en bas de fiche à Philippe Nellens à Blankenberge (Belgique) :

 

CROQUETTES DE CREVETTES GRISES :

 

PRÉPARATION : 25 minutes + 12 heures DE REPOS. CUISSON : 4 minutes.

POUR UNE DIZAINE DE CROQUETTES :

200 g de crevettes grises décortiquées, 60 g de beurre, 120 g de farine, 25 cl de fumet de crevettes (fait avec les têtes) ou de poisson, 25 c1 de lait, 6 g de gélatine (3 feuilles), 1 œuf, 2 C. à soupe de crème fraîche, 20 g de gruyère râpé, le jus d’1/2 citron, chapelure, sel, poivre de Cayenne.

 

Faites un roux avec le beurre et 60 g de farine. Quand le roux est bien sec, ajoutez en trois fois le fumet de crevettes et le lait.

Portez à ébullition.

Ajoutez le jus de citron et la gélatine, préalablement ramollie dans de l’eau froide. Assaisonnez.

Ajoutez le jaune d’œuf (conservez le blanc pour la panure), la crème fraîche et le gruyère râpé, puis incorporez enfin délicatement les crevettes.

Quand tout est bien mélangé, versez dans un moule et laissez reposer une nuit au réfrigérateur.

Le lendemain, façonnez des croquettes d’environ 80 g chacune.

Roulez-les dans de la farine, puis dans le blanc d’œuf battu légèrement et assaisonné de poivre, de sel et d’un peu d’huile.

Pour terminer, roulez les croquettes dans la chapelure. On peut alors les remettre au frais ou les congeler.

Faites cuire les croquettes à la friteuse à 165 °C environ 4 minutes pour qu’elles aient une belle couleur dorée.

Servez avec du persil frit et du citron.

 

J’ai donc acheté environ 700 g de crevettes grises qui semblaient bien fraîches et de bonne tenue.

Il a fallu se payer la corvée du décorticage, et je suis loin d’être prêt à me présenter au championnat du monde de cette discipline… D’autant plus que, comme chacun le sait, la fluette crevette normande ne fait pas le poids devant la gravosse flamande.

 http://www.dailymotion.com/video/x24tadz_leffrinckoucke-la-crevette-grise-a-son-championnat-du-monde_lifestyle

 

Coup de chance, je me suis retrouvé avec 196 g de queues décortiquées, donc pas loin des 200 g préconisés.

Avec les têtes et les carcasses, j’ai confectionné le fumet de crevettes en les faisant revenir légèrement dans une petite noix de beurre avec un oignon découpé grossièrement et quelques feuilles de poireau, puis en les recouvrant d’eau que j’ai amenée à des frémissements que j’ai laissé poursuivre un bon quart d’heure avec l’ajout d’une feuille de laurier, de queues de persil et d’un piment oiseau.

J’ai poursuivi la recette bêtement comme indiqué, et j’ai obtenu un appareil qui m’a semblé plutôt sympathique.



 Je verse dans une boîte, je recouvre d’un film et réserve jusqu’au lendemain au réfrigérateur.

Le lendemain, je sors mon appareil devenu bien ferme, façonne les croquettes. Finalement, je n’en obtiendrai pas une dizaine, mais une quinzaine, pourtant de taille convenable, il me semble.

J’ai la chance d’avoir conservé les blancs d’une autre réalisation, ce qui me facilite l’enrobage avant de passer dans la panure.

L’huile a atteint la bonne température. Toujours la petite anxiété avant de plonger la première pièce : éclatement ou pas éclatement ? Dieu soit loué, tout se passe bien, et j’obtiens un plat de croquettes bien formées, dorées à souhait, auxquelles j’ajoute un quarteron symbolique de feuilles de persil frit.

Quand on casse la coque à la fois croquante et croustillante, s’en échappe une farce moelleuse et parfumée, bien garnie de crevettes goûteuses.

Pour être raccord avec la belgitude, c’est une salade de chicons qui a accompagné ce plat.



Nous nous sommes régalés !

 

lundi 5 octobre 2020

D''harengs à Arran

 HARENGS

Trêve dans mon attaque des produits écossais. Ce jour, pour le repas, ce seront des harengs saurs de Boulogne-sur-Mer que j’invite à ma table.


Quelques heures avant le repas, je les allonge dans un petit plat en céramique, ajoutant une carotte tranchée, deux gousses d’ail violet émincées, des sommités de persil, une feuille de laurier déchirée en trois, quelques baies de piment de la Jamaïque, des grains de poivre blanc de Penja et de poivre de Voatsiperifery. J’arrose largement d’huile vierge de colza, puis relève d’une petite cuillerée de vinaigre de Maury et quelques gouttes de vinaigre balsamique traditionnel.

Je laisse les arômes se mêler.

hareng saur
Ce n'est pas un triste saur !

Accompagné de bintjes en robe des champs, le résultat est plaisant. Le choix de l’huile de colza première pression à froid produite par une ferme tourangelle apporte vraiment un plus. Et puis la carotte est tendre, l’ail nouveau est parfumé tout en douceur. Il n’y a guère que le laurier et le thym qu’il faille écarte sur le côté de l’assiette…


EN ÉCOSSE

Le lendemain, je poursuis mes rapines dans les réserves écossaises.

Sur le gril, je dépose des Farm Assured Pork Sausages et une Cumberland Ring Sausages.

breakfast écossais, saucisses
Pourquoi le Ring n'est-il pas une saucisse de Bayreuth ?


Dans une poêle bien chaude dans laquelle j’ai mis à fondre une noisette de saindoux je fais croûter à feu vif les tranches que je viens de découper dans le Black Pudding. J’éteins la flamme, et l’inertie thermique continuera à permettre à l’intérieur des morceaux de monter en température tout en restant moelleux.

Quelques minutes plus tard je puis déposer sur la table de belles et bonnes assiettes. Une sorte d’échantillon d’éléments d’un breakfast écossais servi en dîner. Ah, ces frenchies !

black puddding, sausages
Black is black

De plus, faute de place dans les assiettes, la saucisse serpentiforme maintenue au chaud n’apparaîtra qu’en second service, accompagnée des rondelles découpées dans deux pommes de terre restantes de la veille qui ont tombé leur robe des champs pour venir se dorer dans le saindoux et se poudrer de poivre noir.

Tout est goûteux, mais c’est surtout avec le Black Pudding que je me régale, avec son alliance de croquant et de tendre, ses hautes saveurs d’épices. Rien que d’y penser, j’en bave sur mon clavier (mais que l’on se rassure, ce qui file, ce n’est que la métaphore…).


Le surlendemain, ce sont les deux faux-filets d’Aberdeen Angus Beef qui sont extraits manu gurmandi de leur refuge. 

berdeen angus beef
Aberdeen à ma table

Je traite ces représentants de l’Écosse avec tout le respect qu’ils méritent. Aucune brutalité cuisinière ! D’ailleurs il suffit de regarder leur béatitude dans leur petit lit de beurre pour s’en assurer.

aberdeen angus beef
Poêle à la main

Le seul reproche que ces Écossais pourraient me faire, c’est de les avoir inopinément placés à ma table à côté d’un imam. Un imam bayildi pour être plus précis.

imam bayidli
L'imam allongé ( sur son divan ? )

Mais une fois les présentations faites, et avoir justifié cette présence par l’abondance d’aubergines et de tomates dans le jardin, tout se passe bien.

Comment eut-il pu en être autrement. L’Aberdeen Angus Stirloin est un tendre, et il a du goût…


ARRAN

Pour clore en beauté, je convoque à cette même table un fils de l’île d’Arran.

Arran, cheese
"Suitable for vegetarians" Ouf, j'ai eu peur !

Ce Cheddar Cheese with Arran Mustard est un fromage fort agréable en bouche, avec ses inclusions de petites graines de moutarde qui lui apportent du caractère.

Arran, cheese
Dîtes "cheese" !

Allez, je lève mon verre à la santé des porteurs de kilt ! Un verre de Rock Oyster. Un peu des senteurs d’Arran, mêlées à celles d’Islay Jura et Dreney. 

Retour sur le terrain vagues…



Vue de Kildonan Bay à l'extrême sud d'Arran



vendredi 2 octobre 2020

Edinburgh, mer et terre

 Je n’aurais jamais dû regarder cette émission…


Je pensais simplement apprécier une heure à la fois plaisante et instructive à l’instar de celle passée en visionnant un autre épisode consacré à Venise de cette excellente série documentaire gastronomique britannique animée par le français Fred Sirieix. Mais voilà, si les préparations vénitiennes ne m’avaient pas laissé indifférent, je m’étais contenté de me promettre vaguement de réaliser dans un avenir plus ou moins proche des spaghettis aux palourdes, un risotto à la façon du chef Rugerro. En revanche, le passage à Édimbourg m’a entraîné beaucoup plus loin, troublant ma quiétude culinaire.

Eh oui, en visionnant la visite du restaurant The Fishmarket, j’ai été victime d’une envie irrépressible de savourer un bon fish and chips du genre de celui figurant à la carte de cet établissement. 


Pour empirer les choses, ma cospectatrice fut atteinte du même syndrome… Et, le destin semblant s’acharner contre moi et mon train-train culinaire, il s’est trouvé qu’exceptionnellement le lendemain de beaux filets d’aiglefin paradèrent sur l’étal d’un poissonnier. Je ne pouvais donc pas faire autrement que de me lancer dans la réalisation de fish and chips with mashed peas.


Me voilà donc devant mon plan de travail, mes deux filets d’églefin bien au frais dans le réfrigérateur.

La première chose à faire est de confectionner la sauce tartare.

Mon couteau se démène sur la planche pour ciseler ciboulette et persil, hacher un petit oignon blanc nouveau et un cornichon - j’ai choisi un cornichon aigre doux.

fish and chips
L'heure hache

Je monte une mayonnaise avec une cuillerée de moutarde que je détends avec un trait de vinaigre de malt (bizarre prémonition qui m’avait fait acheter ce produit typiquement anglais quelques semaines auparavant sans destination particulière immédiate…).  J’y fais glisser le contenu de ma planche et ajoute une cuillérée de câpres. Ma sauce tartare est prête. Je la réserve.

La deuxième préparation est celle de la pâte. Les recettes en sont multiples, finalement j’ai retenu celle bien traditionnelle donnée par Anne Wilson dans son opuscule consacré à la cuisine anglaise paru en 1997 aux éditions Kônemann, ouvrage a priori peu engageant car impression en Chine d’une adaptation en français d’un copyright australien par un éditeur allemand, mais pourtant fort intéressant, clair et fiable selon mes expériences précédentes. Les mystères des arcanes éditoriaux…

Voici les doses :

2 tasses de farine (environ 240 g)

1 sachet de levure

sel

150 ml d’eau

180 ml de lait

1 œuf battu

2 cuil. à soupe de vinaigre blanc.

Suivant les prescriptions, je dépose dans un cul-de-poule la farine, la levure et le sel, puis creuse un puits au milieu. Dans une petite bassine je mélange au fouet l’eau, le lait, l’œuf et le vinaigre.

Je verse ce liquide progressivement sur la farine, tout en mélangeant - j’ai conservé pour ce faire le fouet, ce qui n’était pas forcément une bonne idée : si j’avais choisi la cuillère en bois préconisée par Mrs Wilson, je n’aurais pas eu à me battre pour évacuer la pâte épaisse insérée entre les filaments du fouet en début de manœuvre. Quoi qu’il en soit, tout s’est bien terminé, j’obtiens une pâte lisse sans grumeaux, fluide mais pas trop comme il sied. Bien obéissant - j’aurais dû l’être plus tôt, je laisse reposer une dizaine de minutes.

Il me faut m’activer pour ne pas trop dépasser ce délai, que je pense plutôt impératif, car le vinaigre doit agir sur la levure chimique…

Côté cour, je mets mes pommes de terre dans la friteuse. Eh bien oui, je l’avoue, ce seront des frites surgelées. J’ai cependant, moindre mal, choisi des McCain Tradition qui ne contiennent aucun de ces additifs divers destinés à ajouter un croustillant de pacotille.

Côté jardin, je verse dans une petite poêle la moitié d’une boîte de petits pois, ajoute une noix de beurre et un trait de vinaigre de malt. Je laisse le jus s’évaporer sur une petite flamme et écrase le contenu à la fourchette. 

fish and chips
Survolons la purée de pois

À la fin j’obtiens la purée grossière que je souhaitais.

Mes frites sont sorties et reposent sur un lit de papier absorbant. Je partage chaque filet d’églefin en deux. Je trempe ces pièces dans la pâte, puis dans l’huile à 180 °C de la friteuse. Ce sera façon Achille, car je ne me vois pas plonger les doigts dans le Styx bouillonnant de la friteuse.

Au bout de cinq minutes, l’églefin se trouve pris dans le carcan d’une croûte dorée et croustillante.

Je le sors de la friteuse pour poser daux pièces sur chaque assiette rectangulaire - je n’ai pas les caissettes ad hoc (et pourtant, le ad hoc, pour l’églefin, ça le ferait…) qui m’autoriseraient une présentation style guinguette qui la jette. Pendant que je donne un dernier coup de flamme par-dessous et quelques ultimes coups de fourchette par en dessus à mon écrasée de petits pois, je répartis ma sauce tartare entre deux ramequins d’un rouge qui n’a rien de marin, mais restera dans les tons chauds de l’ensemble.

Puis je… Et puis zut, comme le disait Napoléon, plus compétent dans les plans de table qu’en gastronomie, un bon croquis vaut mieux qu’un long discours. Alors voici le dressage :

fish and chips
Fisn and chips ou chips and fish ?

Nous arrosons le poisson d'un filet de vinaigre de malt avant de déguster. Ce n’est peut-être pas au niveau du meilleur fish and chips d’Édimbourg et peut-être de Grande-Bretagne, mais une chose est certaine : c’est le meilleur de mon appartement.

Le contrat est rempli…


Cependant le pire des méfaits de cette escapade télévisuelle à Édimbourg n’est pas ma reconversion momentanée en confectionneur de fast-food britannique. Un passage dans le restaurant étoilé The Kitchin s’est révélé plus dérangeant dans mon quotidien - et mon budget alimentaire. .

Non pas que je me sois senti capable de me lancer dans la réalisation des plats sophistiqués de Tom Kitchin, élève de Ducasse. Non, le dégât est collatéral. En effet, pendant une discussion concernant les approvisionnements du restaurant, la caméra est sortie dans la rue voisine devant l'entrée des fournisseurs, et sur la camionnette garée derrière celle du livreur en marée fraîche j’ai découvert un logo que je connaissais bien : celui de l’entreprise de boucherie auprès de laquelle je m’étais procuré via internet, haggis et charcutailles écossaises diverses au début de cette année. 



Eh oui, cette maison est bien le fournisseur du restaurant, je l’ai vérifié. Je soupçonne d’ailleurs que la présence de ce véhicule siglé n’était pas due au hasard !

En tout cas l’hameçon fonctionne, je me prends à rêver de haggis tranché arrosé de whisky, de bacon et saucisse grillés, et pire, la qualité des viandes semblant confirmée, de savoureux Angus bien saignant…

Alors, comme l’a écrit un Irlandais



Et je vais cliquer sur le site des objets de ma tentation.


Ça y est, le colis est arrivé.

Aujourd’hui, ce sont des t-bones de Scotch Beef que je cuisine.

La viande est de belle apparence, bien persillée.

t-bones, boeuf écossais
Double Scotch

Je la laisse monter à température ambiante. Il reste plus d’une heure avant le repas, ça devrait suffire.

Le moment de passer à table est arrivé. Je parsème les t-bones de flocons de sel de Maldon et les allonge sur le gril en fonte, brûlant mes sans excès afin de ne pas agresser la viande. Deux minutes sur chaque face suffiront. Je vois la viande exsuder du gras, j’ai eu raison de me passer de beurre et/ou d’huile et de déposer à sec… Je me contente ensuite de disposer chaque t-bone sur une ardoise et faire tomber quelques flocons de sel. Un tour de moulin de poivre rouge, et c’est bon. 

t-bones, scotch beef
L'heure du T

À l’assaut avec une fourchette et un couteau à steak dont l’affûtage rasoir se révélera superflu !

Je ne suis pas déçu. La viande offre de la mâche tout en étant très tendre, elle est restée juteuse, mais surtout elle est de haut goût.

Pour l’accompagner, service minimal : des haricots verts (enfin, violets devenus verts à la cuisson…) du jardin cuits… à l’anglaise.

t-bones, haricots verts
Prenons un vert

Me restent encore à cuisiner deux faux-filets d’Aberdeen-Angus, un assortiment de produits pour le breakfast - dont mon cher haggis - et du smoked haddock.

Mais ceci est une autre histoire…


jeudi 1 octobre 2020

Maigre dodu

Le maigre qui vient d'arriver dans ma cuisine est tout sauf maigre. Il est bien loin de n’avoir que la peau sur les arêtes… Peau que je lui laisserai, me contentant de vider son bon ventre rondouillard et de le débarrasser de ses nageoires. Nageoires qu’il n’aura pas besoin d’agiter à tout va pour traverser l’Atlantique et se retrouver en Nouvelle-Angleterre… En effet, après avoir comblé le vide tripal par une pincée de gros sel puis un petit fagot de thym, origan et laurier, je parsème la bête de Rubs New England seafood seasonning, un ready-made qui permet de voyager en classe économique. 



Certes, j’aurais pu effectuer moi-même un tel mélange : basilic, oignon, sel de mer, persil, piment, aneth, huile de citron. Mais à quoi servirait donc que Legal Sea Foods se décarcasse pour m’apporter un petit goût venu d’ailleurs ?

Une petite pluie de fleur de sel (chic, je retrouve les embruns, s’exclame le maigre), un léger filet d’huile d’olive (j’ai pas demandé une extrême-onction, vitupère le maigre), et j’étends mon courbine-grogneur sur la grille que j’ai posée au fond de mon plat de cuisson afin que l’air torride pulsé par le four puisse circuler sur toutes les faces du gisant.

maigre
Maigre dodu


J’enfourne pour une dizaine de minutes à 200 °C.

Le temps de cuisson vient de se terminer, je retire la grille, faisant glisser le maigre au fond du plat.

Survient alors l’angoisse de la chair blanche : mon poisson ne serait-il pas trop cuit, ou, au contraire, en levant les filets, une bonne partie en restera-t-elle accrochée à l’arête dorsale ?

Armé d’une cuillère, je soulève le capot que j’écarte sur le côté. Je suis aussitôt rassuré. Y-en-a sous ce capot, et ça tourne rond. Le trajet s’est effectué sans encombre, j’inspecte, c’est nickel.

maigre au four
Sous le capot du maigre décapotable


Je suis bien arrivé aux U.S.A.

Je vais m'attabler au comptoir...


Et Paris-Boston en dix minutes, même le regretté Concorde n’en était pas capable… 

Le Concorde atterrit à l'aéroport de Boston


Bravo le maigre dopé !


Puisque c’est jour maigre, le repas sera, une fois n’est pas coutume, dans le registre diététique.

Pour accompagner les filets de poisson simplement arrosés d’une larme d’huile d’olives de la variété Grossane et parsemés d’un tour de moulin de poivre blanc de Penja : des courgettes sautées.

Il s’agit de deux courgettes cueillies le matin au jardin, l’une verte et l’une jaune. Taillées en paysanne, je les jette dans une poêle bien chaude au milieu d’une cuillerée d’huile d’olive avec deux gousses d’ail violet nouveau et un petit piment, lui aussi du jardin. La cuisson sera brève, cinq à six minutes. À mi-cuisson j’introduis la tranche partagée en deux d’un citron particulièrement parfumé dont une cuillerée de jus viendra donner du peps à la courgette, légume un peu fade, il faut bien l’avouer, même s’il ne vient pas d’un supermarché.…

courgettes, poêle
La jaune et la verte


Ce plat quasi de régime se révèle cependant plutôt agréable…


Mais si l’on persévère dans cette voie, c’est moi qui vais devenir maigre...

Et je ne veux pas finir frotté d’épices comme un vulgaire Ramsès II !