Ce jour, je me sens Nordiste.
Non pas tant tendance infanterie.
Mais plutôt tendance cavalerie lourde.
En effet je viens de recevoir la tresse d’ail fumé d’Arleux que je commande tous les ans vers cette époque, en profitant pour ajouter à ma commande quelques produits ch’timis ou belges.
L’étal d’un poissonnier exhibe une arrivée de crevettes grises de bonne apparence. Au menu, donc, ce seront des croquettes de crevettes grises qui figureront.
Au menu du demain, car il faut débuter le processus la veille. Mais tout d’abord quelle recette vais-je adopter ? Nous nous étions régalés de cette spécialité des côtes flamandes il y a un certain temps, mais malheureusement j’ai oublié l'origine de ma recette d’alors. Dans ma bibliothèque, rien de ce genre, même dans un volume consacré à la cuisine des Flandres. Je me tourne donc vers Internet - avec la circonspection qui s’impose. Finalement je retiens cette source, une recette de Laura Annaert :
Je vérifie que j’ai bien en ma disposition tous les ingrédients nécessaires :
300 g de crevettes grises non décortiquées (décortiquées si manque de temps, auquel cas, remplacer le jus par autant de bisque de homard).
200 ml de lait
50 ml de crème fleurette
1 petit bouquet garni
Sel, poivre, piment d’Espelette
40 g de beurre
60 g de farine de blé T65
50 g de gruyère râpé
2 œufs
2 blancs d’œuf
100 g de chapelure
100 g de farine pour rouler les croquettes
C’est bien le cas. Ce sont même 400 g de crevettes qui attendent au frais. Un rab de boulot de décorticage, mais ça n’est pas grave. J’augmenterai les parts des autres produits en conséquence.
C‘est fait, je réserve mes queues de crevette dénudées dans un bac et je réserve au frais.
Je vide de la plaque contenant les carapaces et les têtes dans une casserole. Initiative personnelle, je les fais colorer sur une larme d’huile d’olive avant de verser le lait et la crème et d’ajouter un brin de thym, une feuille de laurier, une queue de persil. J’assaisonne de quelques tours de poivre noir du moulin et une petite cuillerée de piment d’Espelette. Méfiant, je préfère ne pas saler. L’avenir me révélera l’opportunité de ce choix. Je laisse bloublouter une vingtaine de minutes sur une petite flamme. Minuscule, ce qui n’empêche pas un débordement, aussi intempestif qu’impromptu, que je dois réprimer au vol par un preste déplacement de la casserole hors brûleur. Je poursuis quelques va-et-vient, puis laisse infuser les parures de crevette dans le liquide jusqu’au lendemain, avec stockage au réfrigérateur dès refroidissement suffisant.
Le jour de belgitude est arrivé.
Je sors la bassine contenant le liquide empreint de parfums nordimarins. Mais.. Mais… Malheur !
De liquide, point… Les débris ont tout absorbé. Je me vois contraint non pas de filtrer en toute quiétude, mais de tamiser en écrasant au pilon, en l’occurrence le dos de la demi-sphère d’un petit pochon. Après un quart d’heure de dur labeur, j’obtiens enfin suffisamment d’un liquide blanchâtre épais et visqueux pour préparer une sorte de béchamel en la versant sur le roux. Je fais épaissir à feu doux. Ensuite, hors feu, j’incorpore les œufs. Je termine en ajoutant l’emmental râpé puis les crevettes. Je remets quelques minutes sur le feu en remuant à frémissement.
Je place la casserole contenant l’appareil que je viens de réaliser sur une plaque à débarrasser contenant de l'eau froide et des glaçons.
Du froid sous la crevette |
Au bout d’une vingtaine de minutes et après renouvellement des glaçons, l’appareil est bien rafraîchi et a gagné en fermeté.
Je vais pouvoir passer à la confection des croquettes. Mais… Mais… Re-malheur ! Les assiettes sont bien là ; avec la farine, le blanc d’œuf, la chapelure. Mais au moment de rouler les croquettes, je suis confronté à un appareil mollasson, et surtout collant, collant, et que j’te barbouille les doigts, que j’t’empâte la paume, que j’te tapisse la cuillère, que j’te m’attache à toi, que j’te refuse le divorce d’avec tes paluches…
Enfin, après un dur combat, j’ai réussi à façonner, si l’on peut dire, une quinzaine de croquettes un peu difformes que je dépose, précaution nécessaire mais non suffisante, sur une plaque glacée sortie du congélateur, tarmac dont elles vont décoller à tour de rôle en trio pour atterrir dans la poêle à frire où les attend une huile d’arachide dont j’ai vérifié la bonne température à l’aide d’un petit croûton de pain.
Et voilà le travail !
Ma boulette du jour : la croquette |
Je sers avec une sauce piccalilli belge qui devrait remplacer avantageusement remplacer la sauce tartare que j’ai eu la flemme de préparer.
Ce n’est pas aussi catastrophique que je ne le craignais, mais rien à voir avec les délicieuses croquettes bien formées de mon expérience précédente. Tant pis, on ne gagne pas à tous les coups.
La sauce qui fait passer la crevette |
Nous rattrapons avec un petit plateau de fromages nordistes : Vieux Lille fermier au lait cru, Boulette d’Avesnes fermière façonnée à la main au lait cru, Boulet de Cassel fermier au lait cru. Avec néanmoins encore un petit regret : le Vieux était un peu jeunot…
Réunion de fermiers |
Il me faut absolument mettre la main sur mon ancienne recette de croquettes de crevettes !
Après avoir exploré les fonds de tiroir de mon ordinateur, j’ai pu retrouver le texte que j’avais déposé en 2016 sur le forum "Bon Appétit Bien Sûr - BABS-" de FR3 avant sa fermeture, tout désireux que j’étais de partager ma satisfaction, ainsi que les illustrations qui l’accompagnaient.
Une envie soudaine de croquettes de crevettes…
D’abord, trouver une recette, car c’est le genre d’exercice
dans lequel je ne m’aventurerais pas sans quantités précises. Car la croquette
oscille toujours entre le délitement, voire l’explosion, et le compactage
étouffe-chrétien.
Finalement je me suis décidé pour une recette parue dans la
revue Saveurs en mars avril 2011 attribuée en bas de fiche à Philippe
Nellens à Blankenberge (Belgique) :
CROQUETTES DE CREVETTES GRISES :
PRÉPARATION : 25 minutes + 12 heures DE
REPOS. CUISSON : 4 minutes.
POUR UNE DIZAINE DE CROQUETTES :
200 g de crevettes grises décortiquées, 60 g de beurre,
120 g de farine, 25 cl de fumet de crevettes (fait avec les têtes) ou
de poisson, 25 c1 de lait, 6 g de gélatine (3 feuilles), 1 œuf, 2 C. à
soupe de crème fraîche, 20 g de gruyère râpé, le jus d’1/2 citron,
chapelure, sel, poivre de Cayenne.
Faites un roux avec le beurre et 60 g de farine. Quand
le roux est bien sec, ajoutez en trois fois le fumet de crevettes et le lait.
Portez à ébullition.
Ajoutez le jus de citron et la gélatine, préalablement
ramollie dans de l’eau froide. Assaisonnez.
Ajoutez le jaune d’œuf (conservez le blanc pour la panure),
la crème fraîche et le gruyère râpé, puis incorporez enfin délicatement les
crevettes.
Quand tout est bien mélangé, versez dans un moule et laissez
reposer une nuit au réfrigérateur.
Le lendemain, façonnez des croquettes d’environ 80 g
chacune.
Roulez-les dans de la farine, puis dans le blanc d’œuf battu
légèrement et assaisonné de poivre, de sel et d’un peu d’huile.
Pour terminer, roulez les croquettes dans la chapelure. On
peut alors les remettre au frais ou les congeler.
Faites cuire les croquettes à la friteuse à 165 °C
environ 4 minutes pour qu’elles aient une belle couleur dorée.
Servez avec du persil frit et du citron.
J’ai donc acheté environ 700 g de crevettes grises qui
semblaient bien fraîches et de bonne tenue.
Il a fallu se payer la corvée du décorticage, et je suis
loin d’être prêt à me présenter au championnat du monde de cette discipline… D’autant
plus que, comme chacun le sait, la fluette crevette normande ne fait pas le
poids devant la gravosse flamande.
Coup de chance, je me suis retrouvé avec 196 g de
queues décortiquées, donc pas loin des 200 g préconisés.
Avec les têtes et les carcasses, j’ai confectionné le fumet
de crevettes en les faisant revenir légèrement dans une petite noix de beurre
avec un oignon découpé grossièrement et quelques feuilles de poireau, puis en
les recouvrant d’eau que j’ai amenée à des frémissements que j’ai laissé poursuivre
un bon quart d’heure avec l’ajout d’une feuille de laurier, de queues de persil
et d’un piment oiseau.
J’ai poursuivi la recette bêtement comme indiqué, et j’ai
obtenu un appareil qui m’a semblé plutôt sympathique.
Le lendemain, je sors mon appareil devenu bien ferme,
façonne les croquettes. Finalement, je n’en obtiendrai pas une dizaine, mais
une quinzaine, pourtant de taille convenable, il me semble.
J’ai la chance d’avoir conservé les blancs d’une autre
réalisation, ce qui me facilite l’enrobage avant de passer dans la panure.
L’huile a atteint la bonne température. Toujours la petite
anxiété avant de plonger la première pièce : éclatement ou pas éclatement ?
Dieu soit loué, tout se passe bien, et j’obtiens un plat de croquettes bien
formées, dorées à souhait, auxquelles j’ajoute un quarteron symbolique de
feuilles de persil frit.
Quand on casse la coque à la fois croquante et croustillante,
s’en échappe une farce moelleuse et parfumée, bien garnie de crevettes
goûteuses.
Pour être raccord avec la belgitude, c’est une salade de
chicons qui a accompagné ce plat.
Nous nous sommes régalés !
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