Je n’aurais jamais dû regarder cette émission…
Je pensais simplement apprécier une heure à la fois plaisante et instructive à l’instar de celle passée en visionnant un autre épisode consacré à Venise de cette excellente série documentaire gastronomique britannique animée par le français Fred Sirieix. Mais voilà, si les préparations vénitiennes ne m’avaient pas laissé indifférent, je m’étais contenté de me promettre vaguement de réaliser dans un avenir plus ou moins proche des spaghettis aux palourdes, un risotto à la façon du chef Rugerro. En revanche, le passage à Édimbourg m’a entraîné beaucoup plus loin, troublant ma quiétude culinaire.
Eh oui, en visionnant la visite du restaurant The Fishmarket, j’ai été victime d’une envie irrépressible de savourer un bon fish and chips du genre de celui figurant à la carte de cet établissement.
Pour empirer les choses, ma cospectatrice fut atteinte du même syndrome… Et, le destin semblant s’acharner contre moi et mon train-train culinaire, il s’est trouvé qu’exceptionnellement le lendemain de beaux filets d’aiglefin paradèrent sur l’étal d’un poissonnier. Je ne pouvais donc pas faire autrement que de me lancer dans la réalisation de fish and chips with mashed peas.
Me voilà donc devant mon plan de travail, mes deux filets d’églefin bien au frais dans le réfrigérateur.
La première chose à faire est de confectionner la sauce tartare.
Mon couteau se démène sur la planche pour ciseler ciboulette et persil, hacher un petit oignon blanc nouveau et un cornichon - j’ai choisi un cornichon aigre doux.
L'heure hache |
Je monte une mayonnaise avec une cuillerée de moutarde que je détends avec un trait de vinaigre de malt (bizarre prémonition qui m’avait fait acheter ce produit typiquement anglais quelques semaines auparavant sans destination particulière immédiate…). J’y fais glisser le contenu de ma planche et ajoute une cuillérée de câpres. Ma sauce tartare est prête. Je la réserve.
La deuxième préparation est celle de la pâte. Les recettes en sont multiples, finalement j’ai retenu celle bien traditionnelle donnée par Anne Wilson dans son opuscule consacré à la cuisine anglaise paru en 1997 aux éditions Kônemann, ouvrage a priori peu engageant car impression en Chine d’une adaptation en français d’un copyright australien par un éditeur allemand, mais pourtant fort intéressant, clair et fiable selon mes expériences précédentes. Les mystères des arcanes éditoriaux…
Voici les doses :
2 tasses de farine (environ 240 g)
1 sachet de levure
sel
150 ml d’eau
180 ml de lait
1 œuf battu
2 cuil. à soupe de vinaigre blanc.
Suivant les prescriptions, je dépose dans un cul-de-poule la farine, la levure et le sel, puis creuse un puits au milieu. Dans une petite bassine je mélange au fouet l’eau, le lait, l’œuf et le vinaigre.
Je verse ce liquide progressivement sur la farine, tout en mélangeant - j’ai conservé pour ce faire le fouet, ce qui n’était pas forcément une bonne idée : si j’avais choisi la cuillère en bois préconisée par Mrs Wilson, je n’aurais pas eu à me battre pour évacuer la pâte épaisse insérée entre les filaments du fouet en début de manœuvre. Quoi qu’il en soit, tout s’est bien terminé, j’obtiens une pâte lisse sans grumeaux, fluide mais pas trop comme il sied. Bien obéissant - j’aurais dû l’être plus tôt, je laisse reposer une dizaine de minutes.
Il me faut m’activer pour ne pas trop dépasser ce délai, que je pense plutôt impératif, car le vinaigre doit agir sur la levure chimique…
Côté cour, je mets mes pommes de terre dans la friteuse. Eh bien oui, je l’avoue, ce seront des frites surgelées. J’ai cependant, moindre mal, choisi des McCain Tradition qui ne contiennent aucun de ces additifs divers destinés à ajouter un croustillant de pacotille.
Côté jardin, je verse dans une petite poêle la moitié d’une boîte de petits pois, ajoute une noix de beurre et un trait de vinaigre de malt. Je laisse le jus s’évaporer sur une petite flamme et écrase le contenu à la fourchette.
Survolons la purée de pois |
À la fin j’obtiens la purée grossière que je souhaitais.
Mes frites sont sorties et reposent sur un lit de papier absorbant. Je partage chaque filet d’églefin en deux. Je trempe ces pièces dans la pâte, puis dans l’huile à 180 °C de la friteuse. Ce sera façon Achille, car je ne me vois pas plonger les doigts dans le Styx bouillonnant de la friteuse.
Au bout de cinq minutes, l’églefin se trouve pris dans le carcan d’une croûte dorée et croustillante.
Je le sors de la friteuse pour poser daux pièces sur chaque assiette rectangulaire - je n’ai pas les caissettes ad hoc (et pourtant, le ad hoc, pour l’églefin, ça le ferait…) qui m’autoriseraient une présentation style guinguette qui la jette. Pendant que je donne un dernier coup de flamme par-dessous et quelques ultimes coups de fourchette par en dessus à mon écrasée de petits pois, je répartis ma sauce tartare entre deux ramequins d’un rouge qui n’a rien de marin, mais restera dans les tons chauds de l’ensemble.
Puis je… Et puis zut, comme le disait Napoléon, plus compétent dans les plans de table qu’en gastronomie, un bon croquis vaut mieux qu’un long discours. Alors voici le dressage :
Fisn and chips ou chips and fish ? |
Nous arrosons le poisson d'un filet de vinaigre de malt avant de déguster. Ce n’est peut-être pas au niveau du meilleur fish and chips d’Édimbourg et peut-être de Grande-Bretagne, mais une chose est certaine : c’est le meilleur de mon appartement.
Le contrat est rempli…
Cependant le pire des méfaits de cette escapade télévisuelle à Édimbourg n’est pas ma reconversion momentanée en confectionneur de fast-food britannique. Un passage dans le restaurant étoilé The Kitchin s’est révélé plus dérangeant dans mon quotidien - et mon budget alimentaire. .
Non pas que je me sois senti capable de me lancer dans la réalisation des plats sophistiqués de Tom Kitchin, élève de Ducasse. Non, le dégât est collatéral. En effet, pendant une discussion concernant les approvisionnements du restaurant, la caméra est sortie dans la rue voisine devant l'entrée des fournisseurs, et sur la camionnette garée derrière celle du livreur en marée fraîche j’ai découvert un logo que je connaissais bien : celui de l’entreprise de boucherie auprès de laquelle je m’étais procuré via internet, haggis et charcutailles écossaises diverses au début de cette année.
Eh oui, cette maison est bien le fournisseur du restaurant, je l’ai vérifié. Je soupçonne d’ailleurs que la présence de ce véhicule siglé n’était pas due au hasard !
En tout cas l’hameçon fonctionne, je me prends à rêver de haggis tranché arrosé de whisky, de bacon et saucisse grillés, et pire, la qualité des viandes semblant confirmée, de savoureux Angus bien saignant…
Alors, comme l’a écrit un Irlandais
Et je vais cliquer sur le site des objets de ma tentation.
Ça y est, le colis est arrivé.
Aujourd’hui, ce sont des t-bones de Scotch Beef que je cuisine.
La viande est de belle apparence, bien persillée.
Double Scotch |
Je la laisse monter à température ambiante. Il reste plus d’une heure avant le repas, ça devrait suffire.
Le moment de passer à table est arrivé. Je parsème les t-bones de flocons de sel de Maldon et les allonge sur le gril en fonte, brûlant mes sans excès afin de ne pas agresser la viande. Deux minutes sur chaque face suffiront. Je vois la viande exsuder du gras, j’ai eu raison de me passer de beurre et/ou d’huile et de déposer à sec… Je me contente ensuite de disposer chaque t-bone sur une ardoise et faire tomber quelques flocons de sel. Un tour de moulin de poivre rouge, et c’est bon.
L'heure du T |
À l’assaut avec une fourchette et un couteau à steak dont l’affûtage rasoir se révélera superflu !
Je ne suis pas déçu. La viande offre de la mâche tout en étant très tendre, elle est restée juteuse, mais surtout elle est de haut goût.
Pour l’accompagner, service minimal : des haricots verts (enfin, violets devenus verts à la cuisson…) du jardin cuits… à l’anglaise.
Prenons un vert |
Me restent encore à cuisiner deux faux-filets d’Aberdeen-Angus, un assortiment de produits pour le breakfast - dont mon cher haggis - et du smoked haddock.
Mais ceci est une autre histoire…
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