Si pour une soirée de gala le poivron s’habille en noir, c’est en blanc que s’habille l’aubergine - se parant parfois d’une petite touche violette pour les plus fantaisistes…
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L'aubergine en fête |
Elles étaient arrivées à trois du jardin, je les ai hébergées pour la nuit, leur promettant une soirée moussaka pour le lendemain.
Toutefois, des tomates farcies étant au programme du surlendemain, j’ai craint une redondance de viande hachée. La solution ? Eh bien une farce marine… Ce qui en plus offrait l’avantage de rester dans les nuances virginales. Un dîner en blanc, quelle classe !
En premier lieu je découpe les aubergines à l’aide d’une mandoline en tranches que je mets à dégorger avec du gros sel.
Je profite de ce délai pour préparer la farce. Je déballe le calamar et les gambas achetées le matin aux halles.
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Calamar du matin, espoir |
Je nettoie le mollusque et le taille grossièrement au couteau. Je décortique les crustacés, réserve les têtes et les carapaces. Je prends mon minipréparateur et hache finement les deux tiers du calamar et trois gambas complétées par deux petites échalotes, quelques feuilles de persil et un trait de jus de citron. J’obtiens une sorte de purée. J’ajoute alors le reste de calamar et la dernière gambas, et ne presse que brièvement le bouton artistiquement orné d’un hachoir
ad usum analphabetorum car je souhaite conserver de la texture.
Je transvase dans un bac, ajoute une échalote hachée à la main et une pincée de persil ciselé. J’assaisonne de fleur de sel, de poivre blanc de Penja et d’une petite cuillérée de cannelle. Je réserve au frais.
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Cuisine presse-bouton |
J’épluche une grosse pomme de terre de la variété
Yona récoltée quelques jours auparavant au jardin. Je la découpe à la mandoline en tranches d’environ 4 millimètres que je fais cuire un quart d’heure dans de l’eau salée avec une pincée de filaments de safran. Je les égoutte et les réserve.
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Yona safranée |
C’est le moment de m’occuper des tranches d’aubergine. Elles ont rendu pas mal d’eau. Je les rince afin de les débarrasser du sel qui les recouvre, les pose sur du papier absorbant et les éponges avec une autre feuille.
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Dessalées, les aubergines... |
Je verse un bon trait d’huile d’olive dans une poêle et fais revenir les tranches à feu moyen. Une fois légèrement dorées, je réserve.
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Tout en onction |
Je rajoute de l’huile d’olive dans cette même poêle et y verse les têtes et carapaces de gambas que je fais sauter à feu vif. J’éteins et laisse infuser afin d’obtenir une huile parfumée.
Enfin je prépare une béchamel classique que je parfume par une feuille de laurier, un brin de thym, un autre de romarin et un tour de moulin de noix de muscade.
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Le péché de la béchamel |
Il ne me reste plus qu’à passer au montage.
Dans mon plat en faïence, j’étends une première couche constituée de la moitié de mes tanches d’aubergine.
Je verse sur ce lit mon hachis marin. Je l’arrose de mon huile de gambas passée au chinois.
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Au deuxième étage |
Je tapisse de mes tranches de pomme de terre que je recouvre du reste d’aubergine.
J’ajoute un jaune d’œuf dans ma béchamel encore tiède, je mélange vivement et je recouvre le contenu de mon plat de cette sauce.
Un tour de moulin de poivre rouge, et j’enfourne à 180 °C pour un quart d’heure. Encore cinq minutes à 200 °C pour obtenir une surface dorée, et je sors le plat.
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La moussaka sort du four |
Quand je découpe les parts que je vais poser sur les assiettes, je suis un peu anxieux. En effet j’ignore quelle sera la tenue de mon hachis improvisé. Eh bien ça marche, le parallélépipède ne s’écroule pas lamentablement. C’est déjà ça ! Je complète les assiettes de petites tomates grappe diverses récoltées au jardin. J’ai oublié les gouttes de Tabasco prévues dans mon hachis marin, qu’à cela ne tienne, je parsème d’un peu de poudre de piment d’Espelette mon anxiété de l’assiette blanche. Un peu d’assaisonnement pour les tomates : huile d’olive herbacée, jus de citron et quelques cristaux de sel.
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Planète Moussaka et ses satellites |
Reste le plus important : le goût. Passons à table !
Bon, ça va, la chair évoque bien les fruits de mer dans une mâche agréable. Le parfum du safran dans les pommes de terre est discret – trop discret peut-être… La béchamel est parfaite en consistance, parfumée à souhait, bref on n'est pas en présence de cette colle infâme qu'est trop souvent cette sauce.
Et les aubergines ? Eh bien tout simplement ces dames sont à la fête. Que demander de plus ?
Le lendemain, les tomates farcies.
Mais ceci est une autre histoire.
Le surlendemain, la moussaka marine, le retour.
Elle était servie froide, cette fois-ci. Et elle était encore meilleure, à la façon de ces pâtés ou terrines dont les fragrances se sont entremêlées et consolidées après plusieurs heures, voire journées, de repos. C’était bon, c’est devenu excellent.
Et, olive sur la moussaka, j’ai pu effectuer une coupe verticale montant les diverses strates de mon édifice gréco-gaulois.
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5 étages |
Ben oui, il faut laisser du temps au temps !