vendredi 31 mai 2019

Bon sang de bon soir


Que deviendrais-je privé de ces bon steaks-frites simplistes, mais si délectables…?

Mes séjours dans des pays où la viande est bouillie, servie en sauce ou trop cuite ont toujours abouti, aussi savoureuses soient les recettes, à un état de manque me forçant, sitôt revenu en France, à me précipiter vers le premier établissement capable d’assouvir mon besoin de sang.


Aussi je me suis fait plaisir ce soir avec cette belle entrecôte de bœuf de Chalosse maturé 28 jours.

boeuf de Chalosse, entrecôte
Bien tranchée



Salée de sel fin in extremis  et simplement saisie dans ma vielle poêle en acier culottée depuis des décennies, ensuite nourrie d’une majestueuse noix de beurre une fois le flamme baissée.

entrcôte, poêle
Allez, à poêle !




Servie sur une planche après avoir été parfumée d’un tour de moulin de poivre noir de Kampot


entrecôte, Chalosse,
Coupe


avec à ses côtés un plat de frites préparé pendant qu’elle reposait comme il se doit.  


steak frites, entrecôte
Sortie de bain




Bref, un steak-frite dans toute sa banalité.

Mais que c’était bon !

mardi 28 mai 2019

Le saumon et le flétan


Un flétan vit un saumon

Qui lui sembla fort dodu.

Lui qui se trouvait bien plat allongé sur le limon

Jalousa cette prestance et réclama son dû.

Pour toi c’est facile, chaque jour on te nourrit,

Pour moi, rien d’assuré, point de franche lippée,

Se plaignit le flétan exprimant son mépris.

Eh bien entre en cet enclos où nous sommes groupés,

Répliqua le saumon d’un ton amer.

Je te céderais bien volontiers mes granules :

Nous avons la pitance, toi tu as la mer…

À ces mots le flétan se sentit ridicule.

Et alla quérir un ami espadon

Qui par son épée de la nasse fendit la maille.

« Pauvre saumon, de la liberté je te fais don,

Car de toutes les envies il n’y a qu’elle qui vaille. »

Flétan et saumon s’éloignèrent de la geôle piscicole

Nageoire dessus nageoire dessous.

Ô thon, suspends ton vol

Criait l’évadé par tout cet espace retrouvé rendu un peu saoul.

Tiens, faisons une course, proposa le flétan.

Sitôt dit sitôt fait, les deux bêtes s’élancent.

Rassure-toi, quand j’arrive, je t’attends

Ricane l’ingrat saumon qui se croit invincible.

L’océan est à lui, il virevolte, il bondit, brave les éléments.

Chaque menu fretin qu’il rencontre est pour lui une cible.

Pendant ce temps son compagnon ondule patiemment,

Il va son train de sénateur

Le saumon cabriole, certain de sa victoire.

Quant à lui, Il se hâte avec lenteur,

L’écart s’amenuise, et il reprend espoir.

Il n’avait pas tort,

Certes il n'est pas vainqueur, mais son concurrent il rejoint :

Pourtant l’adversaire était fort.

Ils arrivèrent ensemble, ce qui ne les gêna point.





Ils se congratulaient quand le malheur advint.

Le sort les accabla sous la forme d’un chalut.

Dans ces rets tout espoir était vain

Et de nulle divinité adviendrait le salut.



Triste saur !

C’est ainsi que bien souvent nos efforts se transforment en fumée…

saumon et espadon fumés


Ce saumon et ce flétan fumés étaient bien bons avec  de la sauce raifort et du pumpernickel…

dimanche 26 mai 2019

Faire rfissa

Il est bien agréable parfois de se mettre simplement les pieds sous la table pour déguster un bon repas familial. Surtout quand en plus ce repas permet des découvertes culinaires.
C’était le cas pour ce festin marocain qu’avait préparé ma fille.

En entrée, elle servit un tajine de boulettes de sardine. Pour ma part, j’avais déjà cuisiné des boulettes de ce poisson, mais suivant la recette d’un restaurant marseillais ou à la tunisienne. C’était d’ailleurs fort bon, et donc l’intitulé ne pouvait que me mettre en appétit.
Différence principale, dans cette recette marocaine, un peu de riz bouilli entrait dans la composition de la farce. D’habitude je suis assez hostile à cette incorporation, mais je dois avouer que la présence du riz confère une certaine rondeur au mélange et tempère harmonieusement l’agressivité de la chair de sardine brute de décoffrage d’écaillage. Quant à la liste des épices et herbes, je ne la connais pas avec précision, mais de toute évidence gustative il avait du ras-el-hanout, du cumin en poudre,ainsi que du persil et de la coriandre hachés. Les boulettes avaient été saisies au fond de la tajine, malheureusement pas en terre traditionnelle - induction oblige - mais en fonte. Retirées, elles avaient été remplacées par les légumes parmi lesquels j’ai identifié des tomates, de l’oignon et de l’ail. Il y avait aussi du paprika.
Traînant dans la cuisine en mission d’espionnage, j’avais vu ma fille terminer la réduction de ce petit monde, y ajouter des quartiers de pommes de terre cuits à la vapeur, réintégrer les boulettes de sardine, parsemer d’olives vertes et violettes, faire tomber une pluie de persil et coriandre hachés et finir par quelques découpes de poivron apportant une touche écarlate.


tajine, boulettes de sardine
Boulettes de sardine comme là-bas

Pendant ce temps son époux faisait cuire sur la plancha les pains marocains qu’elle avait pétris et étalés.
Nous nous sommes régalés, et si je n’ai repris qu’une fois une boulette en rab, c’est que j’avais entraperçu la redoutable abondance du plat qui était sur les starting-blocks durant mon expédition exploratrice en cuisine : occupant les étages du cuit-vapeur, moult lentilles, des graines que je ne parviens pas à identifier - je saurai plus tard qu’il s’agit de fenugrec - et surtout une avalanche de sortes de copeaux blanchâtre ; dans un faitout, un poulet et deux cuisses supplémentaires baignent au sein d’une sauce dont je puis humer les abondantes fragrances.
Je ne m’étais pas trompé : le plat est arrivé sur la table, plantureux et odoriférant. Je savais enfin ce que voulait dire faire bombance…

rfissa
Rfissa comme là-bas


« Et voici la rfissa ! » s’exclama ma fille, tout en ajoutant qu’elle n’avait mis du smen dans le bouillon du poulet qu’en quantité modérée, tout le monde n’appréciant pas le parfum de ce beurre rance.
Naturellement, j’ai demandé un supplément de smen… Ma fille m’a apporté alors une petite barrette. C’était du vrai, pas de ce pseudo smen - en réalité du ghee, simple beurre clarifié - que me vend mon boucher arabe versaillais.



Oui, cette barrette avait été dealée dans bas-fonds de Trappes, c’était la même qui faisait fuir les ados de la cité vers le MacDo le plus proche quand leur daronne roulait le couscous…
En tout cas, avant d’en ajouter dans mon assiette, j’ai détaché une parcelle que j’ai portée à ma bouche. Eh bien, l’extase ! Tout le parfum de… Mais non, pas de l’Orient ni même du Maghreb, non, plutôt le parfum d’une croûte de vieux cantal centenaire, celui d’un casgiu marzu corse oublié jadis dans un coin par Colomba ou encore celui d’une pétafine dauphinoise planquée par les résistants du Vercors. En plus fort…
Délectable, vous dis-je. À tel point que j’ajoute un gros éclat à ma sauce et me mets à grignoter le reste. Un umami addictif ! Du coup, ma fille me fait l’offrande de deux tablettes. Arrivées à la maison, elles dégageront de si puissants effluves qu’il me faudra les enfermer dans une boîte hermétique, mon épouse ne partageant pas mon enthousiasme… Mais je saurai leur faire honneur !



Revenons à la rfissa… J’apprends que les copeaux blancs sont les éclats de galettes feuilletées (msemen) réalisées avec de la farine, de la semoule fine et un peu de levure de boulanger. Elles sont cuites sur la plancha.
Ma fille m’explique qu’il faut bien tremper les graines de fenugrec dans de l’eau chaude auparavant afin de les attendrir et enlever un peu de l’amertume. Mais j’oublie de demander quelles sont les épices utilisées…
En tout cas la rfissa, plat que j’ai découvert, est un mets très savoureux et qui nourrit son homme -… et sa femme, pas étonnant qu’il soit servi aux jeunes mères pour les relevailles d’accouchement… Quant à moi, qui n’accouche que de billevesées, je me suis resservi quand même, par gourmandise. Et bien que les huit convives aient fait de même, il restera encore presque la moitié du plat sur la table. Ma fille avait vu grand, très grand !

J’étais chargé d’apporter les fromages, et moi aussi j’ai vu grand : neuf variétés de fromage. Trop grand sans doute, car ce sont de très petits échantillons qui se posèrent sur nos assiettes.
Il y avait quatre fromages de l’Île de Beauté, achetés chez un fromager corse : Carré Corse, Macchione, Tomme Corsoise, U Lentu.

fromages corses
Plateau comme en Corse


Les cinq autres provenaient d’un fromager MOF installé dans ma ville il n’y a guère, et qui pour ce premier achat effectué chez lui s’est révélé fort décevant ; certes un affinage correct - c’est la moindre des choses -, par contre un choix limité et pas de ces découvertes qui réjouissent l’amateur… Alors ce sont ces cinq fromages qui se sont trouvés sur le second plateau : Pont-l’Évêque, Bleu du Vercors Sassenage, Vacherin Fribourgeois, Brillat-Savarin, Bonde de Gâtine.

frmages
Plateau comme aux quatre coins de l'Hexagone


Je devais aussi fournir le dessert. Ce fut un fraisier réalisé à quatre mains avec mon épouse et par la même occasion mère de ma fille. Recette classique : génoise et crème mousseline.

fraisier
Fraisier comme chez moi


Nous n’aurions pas rencontré de problème particulier - j'ai même été étonné de la facilité avec laquelle une boule de pâte d'amande a pu être étalée sur une épaisseur de 1 mm entre deux papiers siliconés parsemés de sucre glace - si je n’avais commis l'impardonable sottise d’oublier le ruban de rhodoïd avant de coincer les fraises du pourtour entre le cercle de métal et le disque de génoise de diamètre inférieur. Bon, j’ai ressorti mes fraises, posé le rhodoïd et j'ai recommencé. Ce que je n’avais pas prévu, c’est que du jus s’était déposé sur le cercle, qui a collé le ruban de rhodoïd sur le métal : quand j’ai soulevé le cercle après la prise du gâteau au frais, métal et plastique sont venus. Adieu donc pourtour impeccable, de la crème mousseline est restée collée. Je ne me présenterai donc pas cette année au concours du meilleur pâtissier, même si j'ai essayé de me rattraper en ajoutant au décor une petite branche du shiso qui commence à grandir dans son pot à côté de la fenêtre sur cour.

Cependant le goût y était, même si les arômes de l’eau-de-vie de framboise sauvage alsacienne que j’avais ajoutée au sirop destiné à imbiber les deux tranches de génoise et à la crème mousseline n’étaient que modérément présents. Et par chance les fraises, des gariguettes, étaient parfumées.
Pas de champagne pour accompagner ce fraisier, mais le lambrusco recommandé par le caviste…


La maîtresse de maison a proposé des doggy-bags au moment du départ de ses invités. Pratique que je n’accepte que dans le cadre familial !


vendredi 24 mai 2019

Hors du banc

Elles ne voulaient pas aller en boîte, et pourtant elles se retrouvent serrées sur mon dancefloor torride.

sardines, plancha
Au bout du bi du bout du banc


Et hip


et hop, demi-tour !

sardines
En un coup de nageoire !


Avant de finir allongées, épuisées et en sueur, sur un plateau voisin.

sardines à la plancha
Miam !


Bon, ces sardines assaisonnées simplement d’une pointe de sel et d’un tour de moulin de poivre n’égalaient pas celles cuites sur les braises, mais c’était bien bon quand même avec des tartines de beurre demi-sel sur un bon pain à la croûte craquante.

jeudi 23 mai 2019

Variations sur le thème "salade de cervelas et gruyère"

Je commence à avoir des difficultés pour renouveler mes présentations de ce classique alsacien.

Mon dernier plat :

salade cervelas




...et des versions précédentes










Se gaufrer

Bête et discipliné, je serai… Je n’ai pas envie de me gaufrer pour cette spécialité belge.



Je sors mon appareil. Belge, comme il se doit.



Quel fer choisir ? Bon, c’est le 7 x 4 que j’installe.

Et en route vers Liège.
Donc, discipliné et bête, je me lance dans la recette et la suis pas à pas. Eh oui, je ne pense pas, donc je suis….

Ingrédients : 500 gr farine, 1/6 l. de lait tiède, 25 gr levure fraîche, 2 œufs, 10 gr sel, 1 sachet de sucre vanilliné, 250 gr beurre ramolli, 300 gr sucre perlé.
Préparation : Préparez la pâte avec tous les ingrédients sauf le beurre et le sucre. Laissez reposer 30 min. Travaillez la pâte en ajoutant progressivement le beurre. Ajoutez le sucre perlé.
Formez des pâtons de 100 gr environ. Laissez reposer à l’air 15 minutes sur un drap fariné.
Préchauffez votre gaufrier sur thermostat 7. Commencez la cuisson en retournant le gaufrier régulièrement. Démoulez avec la fourchette lorsque la cuisson montre une caramélisation.


Première erreur : je pense pouvoir me dispenser d’utiliser le batteur mélangeur, et je me trouve empêtré dans une pâte collante que je ne peux pas vraiment fraiser au fond de la bassine où j’opère.



En revanche, rien n’est plus laid que les mains d’un homme dans la farine !

J’arrive quand même à façonner une douzaine de pâtons que je ne pèse pas car la masse totale étant d’environ 1200 grammes, il me suffit de partager la boule de pâte en quatre à l’aide d’une corne et chaque part obtenue en trois.

gaufre de Liège
J'ai les boules


Et là j’aboutis à une deuxième erreur, qui, toutefois, n’est pas de mon fait : les pâtons se révéleront un peu trop volumineux. Heureusement ce n’est pas trop grave, et je peux sortir mon premier couple de gaufres de Liège. Plutôt appétissant…

gaufre de Liège
Naissance d'une gaufre


Je n’ai pas encore conscience de ma troisième erreur que je ne découvrirai que plus tard, parcourant un site pertinent en faisant le bilan de cette expérience : il s’agit d’une pâte levée, et les gaufres auraient été plus légères si je n’avais pas pressé fortement les poignées pour rapprocher les plaques au maximum.
Je continue donc, serein et serin, de déposer des couples de pâte sur les fers bien chauds

gaufre de Liége
Aux suivantes !

.
J’entreprends d’entasser trois ou quatre minutes plus tard les gaufres dorées et caramélisées sur un plat.

gaufre de Liège
Séjour temporaire


Quatrième erreur : je m’aperçois qu’elles collent entre elles et qu’elles ramollissent.
Je me dépêche donc de les transférer sur une grille et poursuis en faisant tomber du pic à gaufre les productions suivantes sur une seconde grille.



gaufres, Liège
Ici, pas de coup de mou !


Finalement, pas mauvaises ces gaufres, bien qu’un peu trop sucrées à mon goût.
Mais je mériterais bien que l’on me surnomme le boulet de Liège…

mardi 21 mai 2019

Mettre le turbot

J’ai mis le turbot. Avec simplement un peu d’huile afin qu’il ne grippe pas quand il devra tourner.
Je tourne la manette, appuie sur le bouton d’allumage, et roule ma poule !
Je pense que nous devrions nous en tirer à merveille dans le désert torride parsemé de cristaux de sel - mon théâtre d’opérations.
Mais je me suis lancé bêtement, sans préparation. Enfin, bêtement, non, ce n’est pas le mot qui convient : j’avais même beaucoup réfléchi sur l’art et la manière de gérer ce turbot.
Vapeur ou pas vapeur ? Filets ou pièce entière ? On proclame urbi et orbi que la cuisson sur l’arête, tout comme la cuisson sur coffre en ce qui concerne la volaille, donne les meilleurs résultats en texture et en goût. La bête n’est pas énorme, mais l’on dit aussi que le petit turbot a une chair plus savoureuse que le gros.
Est-ce vrai ? Pas sûr ! Car les contrevérités florissent : la peinture à l’huile c’est bien difficile mais c’est bien plus beau que la peinture à l’eau ! Allez donc vous livrer au repentir en peignant une aquarelle !
Mais revenons à nos turbots… Finalement, quoi de mieux que la simplicité pour apprécier la mer ? Du coup, je renonce même au beurre blanc que j’avais prévu dans un premier temps. Dernière décision à prendre : est-ce que je dois pratiquer des incisions ? Bof, l’épaisseur n’est pas énorme, la chaleur devrait parvenir à cœur sans problème…

Je mets le turbot. Entier. Avec un peu d’huile. Tout bêtement...

turbot
Démarrage du turbot


Et quand je le retourne, je comprends mon erreur. Ah, je vais m’amuser pour lever de beaux filets au sein de leur guenille dépenaillée !

turbot
Même pas une aile froissée...


Je termine la cuisson pendant une douzaine de minutes au four.
C’est juste le temps qu'il me faut pour préparer l’accompagnement, un riz que j’ai voulu imbibé de parfums. Pour cela j’ai préparé un boulon de crustacés (3 petits verres) dans lequel j’ai fait infuser une pincée de pistils de safran. Je le porte à ébullition, ajoute une cuillerée d’huile d’olive et plonge du riz thaï (1 verre) dans la casserole. Je laisse sur feu moyen. J’éteins la flamme quand le riz a absorbé tout le liquide. Je transfère aussitôt dans un petit plat en verre. Un tour de moulin de poivre rouge, et c’est prêt. Je réserve au chaud le temps de lever péniblement des filets guère présentables.

riz, safran, bouillon de crustacés
Riz beau bon


C’est bien bon, mais on ne m’ôtera pas de la tête que le tronçon d’un gros turbot, c’est quand même autre chose ! Avec une sauce Dugléré ou un sabayon…