C’était le cas pour ce festin marocain qu’avait préparé ma fille.
En entrée, elle servit un tajine de boulettes de sardine. Pour ma part, j’avais déjà cuisiné des boulettes de ce poisson, mais suivant la recette d’un restaurant marseillais ou à la tunisienne. C’était d’ailleurs fort bon, et donc l’intitulé ne pouvait que me mettre en appétit.
Différence principale, dans cette recette marocaine, un peu de riz bouilli entrait dans la composition de la farce. D’habitude je suis assez hostile à cette incorporation, mais je dois avouer que la présence du riz confère une certaine rondeur au mélange et tempère harmonieusement l’agressivité de la chair de sardine brute
Traînant dans la cuisine en mission d’espionnage, j’avais vu ma fille terminer la réduction de ce petit monde, y ajouter des quartiers de pommes de terre cuits à la vapeur, réintégrer les boulettes de sardine, parsemer d’olives vertes et violettes, faire tomber une pluie de persil et coriandre hachés et finir par quelques découpes de poivron apportant une touche écarlate.
Boulettes de sardine comme là-bas |
Pendant ce temps son époux faisait cuire sur la plancha les pains marocains qu’elle avait pétris et étalés.
Nous nous sommes régalés, et si je n’ai repris qu’une fois une boulette en rab, c’est que j’avais entraperçu la redoutable abondance du plat qui était sur les starting-blocks durant mon expédition exploratrice en cuisine : occupant les étages du cuit-vapeur, moult lentilles, des graines que je ne parviens pas à identifier - je saurai plus tard qu’il s’agit de fenugrec - et surtout une avalanche de sortes de copeaux blanchâtre ; dans un faitout, un poulet et deux cuisses supplémentaires baignent au sein d’une sauce dont je puis humer les abondantes fragrances.
Je ne m’étais pas trompé : le plat est arrivé sur la table, plantureux et odoriférant. Je savais enfin ce que voulait dire faire bombance…
Rfissa comme là-bas |
« Et voici la rfissa ! » s’exclama ma fille, tout en ajoutant qu’elle n’avait mis du smen dans le bouillon du poulet qu’en quantité modérée, tout le monde n’appréciant pas le parfum de ce beurre rance.
Naturellement, j’ai demandé un supplément de smen… Ma fille m’a apporté alors une petite barrette. C’était du vrai, pas de ce pseudo smen - en réalité du ghee, simple beurre clarifié - que me vend mon boucher arabe versaillais.
Oui, cette barrette avait été dealée dans bas-fonds de Trappes, c’était la même qui faisait fuir les ados de la cité vers le MacDo le plus proche quand leur daronne roulait le couscous…
En tout cas, avant d’en ajouter dans mon assiette, j’ai détaché une parcelle que j’ai portée à ma bouche. Eh bien, l’extase ! Tout le parfum de… Mais non, pas de l’Orient ni même du Maghreb, non, plutôt le parfum d’une croûte de vieux cantal centenaire, celui d’un casgiu marzu corse oublié jadis dans un coin par Colomba ou encore celui d’une pétafine dauphinoise planquée par les résistants du Vercors. En plus fort…
Délectable, vous dis-je. À tel point que j’ajoute un gros éclat à ma sauce et me mets à grignoter le reste. Un umami addictif ! Du coup, ma fille me fait l’offrande de deux tablettes. Arrivées à la maison, elles dégageront de si puissants effluves qu’il me faudra les enfermer dans une boîte hermétique, mon épouse ne partageant pas mon enthousiasme… Mais je saurai leur faire honneur !
Revenons à la rfissa… J’apprends que les copeaux blancs sont les éclats de galettes feuilletées (msemen) réalisées avec de la farine, de la semoule fine et un peu de levure de boulanger. Elles sont cuites sur la plancha.
Ma fille m’explique qu’il faut bien tremper les graines de fenugrec dans de l’eau chaude auparavant afin de les attendrir et enlever un peu de l’amertume. Mais j’oublie de demander quelles sont les épices utilisées…
En tout cas la rfissa, plat que j’ai découvert, est un mets très savoureux et qui nourrit son homme -… et sa femme, pas étonnant qu’il soit servi aux jeunes mères pour les relevailles d’accouchement… Quant à moi, qui n’accouche que de billevesées, je me suis resservi quand même, par gourmandise. Et bien que les huit convives aient fait de même, il restera encore presque la moitié du plat sur la table. Ma fille avait vu grand, très grand !
J’étais chargé d’apporter les fromages, et moi aussi j’ai vu grand : neuf variétés de fromage. Trop grand sans doute, car ce sont de très petits échantillons qui se posèrent sur nos assiettes.
Il y avait quatre fromages de l’Île de Beauté, achetés chez un fromager corse : Carré Corse, Macchione, Tomme Corsoise, U Lentu.
Plateau comme en Corse |
Les cinq autres provenaient d’un fromager MOF installé dans ma ville il n’y a guère, et qui pour ce premier achat effectué chez lui s’est révélé fort décevant ; certes un affinage correct - c’est la moindre des choses -, par contre un choix limité et pas de ces découvertes qui réjouissent l’amateur… Alors ce sont ces cinq fromages qui se sont trouvés sur le second plateau : Pont-l’Évêque, Bleu du Vercors Sassenage, Vacherin Fribourgeois, Brillat-Savarin, Bonde de Gâtine.
Plateau comme aux quatre coins de l'Hexagone |
Je devais aussi fournir le dessert. Ce fut un fraisier réalisé à quatre mains avec mon épouse et par la même occasion mère de ma fille. Recette classique : génoise et crème mousseline.
Fraisier comme chez moi |
Nous n’aurions pas rencontré de problème particulier - j'ai même été étonné de la facilité avec laquelle une boule de pâte d'amande a pu être étalée sur une épaisseur de 1 mm entre deux papiers siliconés parsemés de sucre glace - si je n’avais commis l'impardonable sottise d’oublier le ruban de rhodoïd avant de coincer les fraises du pourtour entre le cercle de métal et le disque de génoise de diamètre inférieur. Bon, j’ai ressorti mes fraises, posé le rhodoïd et j'ai recommencé. Ce que je n’avais pas prévu, c’est que du jus s’était déposé sur le cercle, qui a collé le ruban de rhodoïd sur le métal : quand j’ai soulevé le cercle après la prise du gâteau au frais, métal et plastique sont venus. Adieu donc pourtour impeccable, de la crème mousseline est restée collée. Je ne me présenterai donc pas cette année au concours du meilleur pâtissier, même si j'ai essayé de me rattraper en ajoutant au décor une petite branche du shiso qui commence à grandir dans son pot à côté de la fenêtre sur cour.
Cependant le goût y était, même si les arômes de l’eau-de-vie de framboise sauvage alsacienne que j’avais ajoutée au sirop destiné à imbiber les deux tranches de génoise et à la crème mousseline n’étaient que modérément présents. Et par chance les fraises, des gariguettes, étaient parfumées.
Pas de champagne pour accompagner ce fraisier, mais le lambrusco recommandé par le caviste…
La maîtresse de maison a proposé des doggy-bags au moment du départ de ses invités. Pratique que je n’accepte que dans le cadre familial !
Beaucoup de travail pour ces préparations bien alléchantes...
RépondreSupprimerhttps://cuisine.journaldesfemmes.fr/recette/1011485-rfissa-de-poulet-a-la-marocaine
Oui, mais ma participation fut modeste….
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