Un flétan vit un saumon
Qui lui sembla fort dodu.
Lui qui se trouvait bien plat allongé sur le limon
Jalousa cette prestance et réclama son dû.
Pour toi c’est facile, chaque jour on te nourrit,
Pour moi, rien d’assuré, point de franche lippée,
Se plaignit le flétan exprimant son mépris.
Eh bien entre en cet enclos où nous sommes groupés,
Répliqua le saumon d’un ton amer.
Je te céderais bien volontiers mes granules :
Nous avons la pitance, toi tu as la mer…
À ces mots le flétan se sentit ridicule.
Et alla quérir un ami espadon
Qui par son épée de la nasse fendit la maille.
« Pauvre saumon, de la liberté je te fais don,
Car de toutes les envies il n’y a qu’elle qui vaille. »
Flétan et saumon s’éloignèrent de la geôle piscicole
Nageoire dessus nageoire dessous.
Ô thon, suspends ton vol
Criait l’évadé par tout cet espace retrouvé rendu un peu saoul.
Tiens, faisons une course, proposa le flétan.
Sitôt dit sitôt fait, les deux bêtes s’élancent.
Rassure-toi, quand j’arrive, je t’attends
Ricane l’ingrat saumon qui se croit invincible.
L’océan est à lui, il virevolte, il bondit, brave les éléments.
Chaque menu fretin qu’il rencontre est pour lui une cible.
Pendant ce temps son compagnon ondule patiemment,
Il va son train de sénateur
Le saumon cabriole, certain de sa victoire.
Quant à lui, Il se hâte avec lenteur,
L’écart s’amenuise, et il reprend espoir.
Il n’avait pas tort,
Certes il n'est pas vainqueur, mais son concurrent il rejoint :
Pourtant l’adversaire était fort.
Ils arrivèrent ensemble, ce qui ne les gêna point.
Ils se congratulaient quand le malheur advint.
Le sort les accabla sous la forme d’un chalut.
Dans ces rets tout espoir était vain
Et de nulle divinité adviendrait le salut.
Triste saur !
C’est ainsi que bien souvent nos efforts se transforment en fumée…
Ce saumon et ce flétan fumés étaient bien bons avec de la sauce raifort et du pumpernickel…
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