jeudi 20 décembre 2018

Bonheur aux barbues !

Il ne sera pas dit qu’aujourd’hui je travaillerai sans filet…
Ils sont là, deux beaux filets de barbue
Alors, malheur aux barbues !



À poêle les barbues !

Mais auparavant il y a les préliminaires.

Une noix de beurre demi-sel est déposée sur une poêle où je viens de torréfier des pistils de safran. La veille, j’avais fait tomber en farfouillant dans l’étagère des épices un petit flacon contenant ces filaments.

safran
Sur l'étal avant achat


Heureusement, le récipient n’avait été que décapité sans produire trop d’éclats de verre, donc j’avais pu récupérer ce précieux or végétal. Toutefois, en l’absence de nouveau petit contenant approprié, j’avais prévu de l’utiliser rapidement. Ce poisson tombait à pic…
Mais décidément le charmant village des Deux-Sèvres







où a été produit ce safran dégage de mauvaises ondes en ce qui me concerne ( pas comme pour François Villon qui écrit à son propos : Se je parle ung poy poictevin, Ice m’ont deux dames apris. Illes sont tres belles et gentes, Demourans a Saint Generou Prez Saint Julïen de Voventes, Marche de Bretaigne a Poictou ). En effet on m’y a infligé au temps jadis - mais quand même après celui de Villon… - l’un des pires repas de ma vie. Il y avait alors une petite auberge où nous allions de temps à autre manger au gré d'un menu du jour simple mais correct, le plus souvent axé sur une simple grillade, avant de faire une balade dans les sentiers environnants. Las, nous avons eu un jour le malheur d’y aller le surlendemain d’une noce dont on nous a servi les restes. Je me souviens encore du plat principal, une bouchée à la reine : une pâte molle, graisseuse et détrempée au goût de réchauffé emplie d’une sauce blanche collante et insipide d’où la fourchette extrayait quelques cubes de blancs de dinde puant la batterie mal nourrie, quatre ou cinq tranches de champignons de Paris récoltés à l’ouvre-boîte, et des masses informes et visqueuses qui se voulaient quenelles. L’odeur et la consistance m’ont approché de la nausée… Autant dire que ce fut la séance d’adieu. Nous n’aurions pas pu franchir à nouveau la porte de cette auberge. Dommage, que la campagne était belle…

Mais revenons au safran. Dans ce cas l’histoire finit quand même bien, le rescapé dégage d’odoriférants effluves qui présagent le régal.
J’éteins le gaz et laisse infuser dans le beurre fondu.
Pendant ce temps je fais tomber des feuilles d’épinards, cueillies dans l’heure précédente au jardin, sur une seconde grosse noix du même beurre. Je réserve.
Je remets la poêle avec le beurre safrané sur le feu. Les filets viennent y faire un aller-retour. D’habitude, je cuis la barbue sur l’arête, alors je dois me montrer particulièrement vigilant pour éviter le désastre d’une surcuisson. Mais bon, finalement, la chair de barbue n’est pas trop fragile, et c’est sans problème que j’arrive à déposer les filets cuits à point sur les assiettes.
Un dernier passage rapide sur feu vif pour remettre à température, et je peux ajouter l’épinard sur l’assiette.
Je verse le fond d’un pot de crème reste d’une préparation précédente dans la poêle débarrassée de son poisson . Je fais réduire rapidement avant de déverser cette sauce parfumée et onctueuse sur la barbue.
Je finis le dressage avec le jaune du citron tranché et le rouge du piment d’Espelette en poudre.

Barbue sauce safranée, épinards
Barbue cuite pile poil


À table !

La belle barbue qui s’avance, bue qui s’avance…
Ce n’est pas Agamemnon, mais non, mais non !

mercredi 19 décembre 2018

Il est beau, le Bordelais


Ah qu’il est beau le Bordelais
Ah qu’il est laid le bord de l’eau
Bordelais si beau bord de l’eau si laid
S’il est un bord laid c’est bien le laid bord de l’eau.
Voilà ce que je fredonnais en ouvrant les huîtres rapportées des halles de ma bonne ville où un ostréiculteur breton a la bonne idée de tenir un stand en fin de semaine. Je les déposais sur du varech au pourtour d’un plateau, créant une frontière gardée par un citron séparant les huîtres de pleine mer de celles élevées sur l’île de Gavrinis. Au centre, déjà installé, un plat destiné à recevoir les morceaux de saucisse pour la dégustation à la bordelaise prévue…
Pendant que la deuxième eau se reformait à l’intérieur des coquilles, j’ai fait dorer un tronçon de saucisse de Toulouse partagé en petits morceaux dans une poêle sur un léger trait d’huile d’olive. J’ai versé un verre prélevé sur le vin blanc destiné à accompagner le plat, en l’occurrence un muscadet car je n’avais pas pu trouver l’Entre-deux-Mers qui me semblait approprié. J’ai ajouté deux échalotes tranchées grossièrement - une rose et une grise -, une feuille de laurier, un brin de thym et une petite cuillerée de piment d’Espelette. J’ai coiffé d’un couvercle pendant six minutes, puis continué la cuisson à découvert jusqu’à réduction quasi complète. J’ai transféré le contenu de la poêle dans le plat qui trônait au milieu du plateau.

huîtres à la bordelaise
Toulouse cernée par des Bretonnes


Vite, à table, afin de bénéficier du contraste entre la saucisse épicée bien chaude et la fraîcheur de l’huître avec la ponctuation de gorgées de vin sortant du seau à glace.
Et c’est ainsi que Bretagne, Toulouse, Nantes et Espelette réunies nous font croire que nous sommes dans le Bordelais…


mardi 18 décembre 2018

Le Veau qui se veut faire aussi petit que l'escargot

Un Veau vit un Escargot qui lui sembla chanceux. Le gastéropode n’avait qu’à ouvrir la bouche pour brouter l’herbe tendre quand lui, haut perché sur pattes, devait baisser la tête. Envieux, il se recroqueville, s’aplatit, et se travaille pour égaler l’animal en aspect.
Bien mal lui en prit ! Un paysan qui passait par là l’aperçut et s’exclama :
« Qu’est qu’c’est donc qu’ce bestiau ? J’l’amène à mon logis ! Ça amusera ma drolière et p’t-être que ma fumelle m’en fera un frichti… »
Sitôt dit, sitôt fait. Il enferme le Veau déguisé en luma dans son mouchoir (de Cholet) noué aux quatre coins et rentre tout faraud à la maison.
« R’gardez donc c’que j’ai dégotté sur la prairie du père Anselme ! »
Sa fille lève à peine les yeux de sa tablette et déclare avec une moue dégoûtée qu’elle ne kiffe pas et que c’est gravement crade. Son épouse s’apprête à balancer la trouvaille à la poubelle.
« Ah non, tu cuisines c’te bête fissa ! »
Le maître de céans a dit, elle s’exécute.


Oui, ça risque d’être un peu fade. Je vais dérouler ce bizarre escargot qui me semble bien anémique et ajouter une tranche de jambon. Ah, ce pauvre Hector, je me souviens encore de ses cris quand on l’a saigné, mais que le boudin était bon… Et puis une tranche fine du fromage que j’ai acheté hier au supermarché.
« Eh, ne reste pas planté à me regarder bosser, va sortir du frigo du lard gras. Je vais barder.
- Ah ça, avec touai, ça barde toujours !
- Active-toi au lieu de dire des sornettes. »
Finalement, ficelé comme ça, c’est moins laid. On dirait presque le Petit Jésus emmailloté… N’empêche que Petit Jésus ou pas, tu vas aller dorer au fond de la cocotte en fonte sur un filet d’huile Lesieur et une noisette de beurre de la ferme. Il n’y a pas à dire, elle assure, la Marguerite, avec ses grosses mamelles débordantes de lait bien gras… Bon, ça y est, tu es doré… Tu vas sortir un moment, mais ne t’en fais pas, c’est reculer pour mieux sauter. Je vais nettoyer et découper les champignons que mon homme a cueillis hier sur un pré du père Magloire, j’espère que ce ne sont pas des amanites. Maintenant, un navet et une carotte du potager. Je les tranche et les pose avec les champignons sur les deux petits oignons blancs tranchés en quatre en train de fondre au fond de la cocotte.
Je remets le bestiau assaisonné, arrose d’un verre d’eau et un autre de gros-plant, qu’est-ce que je regrette de ne plus avoir le bon noah des vignes de mon grand-père, je vais dans la cour de la ferme détacher une feuille du laurier et couper une branche de thym. Une pincée de sel, quelques grains de poivre. Et zou, dans le pinard…
Ça bloblotte, je pose le couvercle, glisse le récipient sur une petite flamme. Roule ma poule, trotte ma cocotte !
Un quart d’heure plus tard, je retourne la viande, poursuit la cuisson une vingtaine de minutes.
Je décoiffe, le liquide a réduit. Je sors mon escargot fantoche, le débarde.
« T’as pas mis ton débardeur ? »
Qu’est-ce qu’il peut être crétin, mon homme, avec ses plaisanteries lourdingues !
Je découpe en deux parts, la drolière ayant décrété que pour rien au monde elle voudrait bouffer ça. « J’vais grailler avec les copines au kebab à côté d’Intermarché, c’est trop cool ! Bye. »
Je mélange un jaune d’œuf avec deux cuillerées de crème fraîche. Merci encore, la Marguerite aux pis généreux ! J’incorpore délicatement au jus après avoir retiré laurier et thym. Je remets l’escargot pourfendu. À table !

rôti roulé de veau, jambon, fromagee,
Escarveau


« Fi d’garce, qu’c’est bon. J’suis beunaise asteur. Et dire qu’t’allais l’jeter ! »
C’est vrai que c’est savoureux.
Mais on toque à la porte : c’est le père Anselme.
« Z auriez pas vu mon viau ? L’est point dans mon pré où j’l’avions laissé… »

Le malheur était dans le pré : la jeune pécore se diminua tant qu’il lui en cuisit.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages. Cherchant la facilité, ils y perdent leur nature. Se voulant simples, ils deviennent médiocres...


vendredi 14 décembre 2018

Dans tous les sens...

Sens de la vue, sens de l’odorat, sens du goût…
Sens ouest, sens est, sens sud…
Tout proche ou lointain…

Vert, rouge et bistre pour cette escalope de veau  et chou romanesco :




Cuite dans du beurre demi-sel mousseux, la viande est saupoudrée d’épices Cajun venues de Louisiane aux senteurs de thym, oignon rose, ail, piment doux, origan, poivre noir, graines de moutarde, cumin.
Le chou romanesco blanchi quelques minutes dans l’eau bouillante salée est arrosé dans une poêle de beurre fondu parfumé d’une pincée de cumin arrivé tout droit du Maroc.
Mais la tomate, l’une des dernières récoltée au jardin est bien locale…

Le veau est tendre et goûteux, le chou conservé légèrement al dente voit ses sommités fondre dans la bouche en ajoutant à sa propre saveur les fragrances du jus récupéré.



Or, rouge et vert pour ce rognon dans son nid de pâtes :



Saisi à feu vif sur une poêle barbouillée d’un trait d’huile d’arachide enrichi d’une noisette de beurre doux, le rognon simplement fendu en deux et nettoyé avant cette cuisson va reposer et exsuder  recouvert d’une feuille d’alu sur une grille.
Pendant ce temps, les pâtes d’Alsace sorties de leur eau de cuisson sont versées dans une poêle où est en train de fondre du beurre parfumé par du curry de Madras aux senteurs de coriandre, curcuma, fenugrec, piment, cumin, poivre, ail, fenouil. La couleur est accentuée par l’ajout d’une petite cuillerée de curcuma de l’île de la Réunion avant de bien brasser.
La poêle de cuisson du rognon est vidée de son liquide. Elle est déglacée avec un alcool polonais, un petit verre de Soplica wiśniowa



produit à 32° d’alcool sentant bon la cerise, malheureusement plus douceâtre que la délicieuse Wódka wiśniówka à 45°produite par la régie d’État que j’avais découvert à Varsovie bien avant que ne tombe le mur, que j’ai aimé siroter plus d’une fois plus tard -là-bas mais aussi à Paris- mais dont je ne peux me procurer désormais l’équivalent.
Une pincée de piment d’Espelette est ajoutée afin de donner un peu de vigueur ainsi que quelques gouttes de jus de citron pour conférer une pointe d’acidité.
Les pâtes sont déposées sur les deux assiettes. Aux centres viennent se nicher les demi-rognons  repassés quelques secondes à la poêle dans le liquide qui est devenu sirupeux, presque caramélisé et dont le reste sert à les arroser.
Trois grosses feuilles de persil plat viennent apporter leur touche de couleur.

La coopération polono-basquaise a bien fonctionné et habille bien le rognon resté rosé à cœur.
Les pâtes reposent le palais avec leur rondeur, mais n’apparaissent pas pour autant fades grâce au curry qui de plus tend les bras au piment d‘Espelette pour assurer la jonction entre la viande et son accompagnement.


Dans tous les sens, oui, mais avec des jonctions !


mardi 11 décembre 2018

Les ogresses des Carpates

M’étant laissé entraîner comme une épave (que je ne suis pas, je l’espère…) au gré des courants du grand océan Web, j’ai fini par m’échouer sur le rivage de l’île Pounchki.
http://pounchki.fr/
En parcourant cet espace, j’ai aperçu les Carpates. Mais oui, sous cette forme :

Karpatka


J’avais rarement vu une montagne aussi appétissante, à part peut-être le Mont-Blanc quand il n’est pas envahi par une avalanche de sucre.

C’est décidé, ce sera le dessert du repas du surlendemain, à partager avec mes jeunes infantes - encore que l’une d’elles a le bon goût de préférer une juteuse poire ou une clémentine parfumée aux pâtisseries qu’elle repousse avec un regard méprisant. Mais quitte à céder au symbolisme des grands-parents gâteaux, autant se livrer à une confection honorable. Gâteaux, mais pas gâteux !
J’entreprends donc l’impression de la page en question. Las, l’île Pounchki est particulièrement inhospitalière. Non seulement la fonction d’impression n’est pas disponible, mais même le copier-coller est interdit. Je ne comprendrai jamais ces blogueurs culinaires qui protègent leurs textes et leurs photos comme l’or de Fort Knox… D’autant plus que ces protections sont facilement contournables. Une simple copie d’écran, et ça y est. Mais je ne me donnerai pas la peine de la traiter en OCR, après tout, la recette de la karpatka est bien simple : il s’agit de réaliser deux carrés de pâte à choux entre lesquels viendra se nicher une crème mousseline. Rien que du classique !

Maintenant il me faut trouver le plat principal. Pourquoi ne pas rester dans la lignée polonaise ? Je sors de ma bibliothèque le livre La cuisine polonaise écrit par Wictoria Bosc (fille de l’actrice Beata Tyszkiewicz dont je me souviens l'avoir vue dans  le déroutant Homme au crâne rasé d'André Delvaux et le remarquable Manuscrit trouvé à Saragosse de Wojcech Has).



Livre que je n’aurais certainement pas acheté si j’avais prêté attention à la mention « au goût du jour » qui figure sur la couverture… Heureusement, je pense que cette stupidité qui s'espère racoleuse est plus le fait de l’éditeur que de l’auteur !
Je recherche une recette dont une bonne partie puisse être réalisée la veille du repas et être servie rapidement à une heure relativement imprécise afin d’éviter un accroissement excessif des décibels des braillements d’enfants en hypoglycémie.
Mon choix se porte sur les boulettes de volaille à la sauce à l’aneth.


Boulettes de volaille à la sauce à l’aneth

POUR 4 PERSONNES -TEMPS DE PRÉPARATION : 30 MN
TEMPS DE CUISSON : 30 MN

500 g de viande de poulet (poitrine)
1 œuf
1 oignon moyen
4 c. à s. de beurre
2 c. à s. de semoule de blé dur
3 c. à s. de farine
POUR LA SAUCE À L'ANETH :
200 ml de bouillon
100 ml de crème fraîche
2 c. à s. d'aneth ciselé
1 c. à s. de farine
2 c. à s. de beurre
1 c. à c. de sucre
sel et poivre


1. Pour préparer la sauce : Dans une casserole à fond épais, faites un roux brun avec la farine délayée dans 2 c. à s. de beurre. Ajoutez le bouillon et laissez cuire à feu doux pendant une dizaine de minutes, en remuant régulièrement. À la fin, ajoutez l'aneth et la crème fraîche. Sel et poivre selon votre goût.
2.Hachez la viande de poulet. Dans 2 c. à s. de beurre, faites dorer l'oignon émincé, puis ajoutez-le à la viande avec la semoule de blé dur et l'œuf. Assaisonnez et malaxez.
3.Formez des boulettes de la taille d'une noix, parsemez de farine et faites dorer à la poêle avec le reste du beurre. Une fois cuites, mettez-les dans la casserole avec la sauce d'aneth et faites mijoter à feu doux pendant environ 10 mn.


Vendredi, je réaliserai les boulettes, et samedi matin la sauce.



VENDREDI


Je commence par le karpatka
Après sortie du four de la pâte à choux, j’obtiens deux carrés qui me semblent parfaitement cuits.

karpatka
Choux carrés


Pendant qu’ils refroidissent, j’en profite pour confectionner la crème mousseline, c’est-à-dire une crème pâtissière que je monte avec du beurre pommade à l’aide de mon batteur.

crème mousseline
Quand je fais de la crème mousseline...


La crème mousseline est étalée sur un des deux carrés, puis recouverte du deuxième. Le tout est filmé et réservé au réfrigérateur.

Il me faut passer aux boulettes. Dans le robot, je verse mes trois filets de poulet Label Rouge, soit un peu plus de 700 g de chair que j’ai découpée en morceau, un oignon haché grossièrement, trois bonnes cuillerées bombées de semoule fine, deux œufs. Quelques secondes avec le doigt appuyé sur le bouton pulse, puis j’incorpore 125 g de beurre demi-sel fondu. Quelques tours de moulin de poivre noir. L‘appareil des boulettes est prêt.

boulettes, poulet, aneth, Pologne
Poulvérisé !


Je le façonne en petites boules d’environ 2,5 cm de diamètre. Farinées, elles sont frites dans un mélange d’huile d’arachide et de beurre.

boulettes de poulet à l'aneth
Roulées dans la farine...


Enfermées dans une boîte hermétique, elles partent elles aussi au réfrigérateur.

SAMEDI


Pour le karpatka, c’est simple, il ne reste plus qu’à trancher afin d’obtenir un bord bien droit et saupoudrer de sucre glace. Sauf que sous la pression du couteau, la crème a tendance à vouloir sortir comme un dentifrice de son tube, et si l’on choisit une posture plus verticale la lame, ce sont les deux plaques de pâte à choux qui veulent se décaler. Je parviens cependant tant bien que mal à obtenir un résultat présentable. Il me semble qu’il vaudrait mieux effectuer la découpe de la pâte à vide et procéder ensuite à l’apport de crème à l’intérieur d’un cadre…

La chute de sucre glace provoque bien un paysage de reliefs enneigés. Mais oui, je survole les Carpates !

karpatka
Carpates vues du ciel


Je change de registre, le salé remplace le sucré.
Tout d’abord je fais infuser un sachet de bouillon de volaille Ariaké dans 30 cl d’eau. Je confectionne un roux avec une grosse noix de beurre et le même volume de farine, je verse le bouillon et continue à frémissement sur le feu jusqu’à ce que la farine soit bien cuite. J’ajoute alors la crème fraîche et laisse réduire quelques minutes, rectifie l’assaisonnement. Je transvase dans un sautoir et je réserve. J’ajouterai l’aneth au dernier moment. Je sors les boulettes que je réchauffe quelques minutes au four à 60 °C.
J’entends des hurlements dans l’escalier. Mes invitées sont là.
Je me dépêche de placer le sautoir sur un feu moyen, la sauce recommence à frémir, j’y disperse l’aneth ciselé.

boulettes, poulet, aneth
Ne pleure pas, aneth !


Puis je déverse les boulettes qui finissent de s’y réchauffer.
Je n’ai plus qu’à transférer dans le plat de service.

boulettes de poulet à l'aneth, Pologne
Allez, à table !


Heureuse surprise, je craignais que cette herbe assez typée qu’est l’aneth ne soit pas du goût de ces demoiselles. Mais non, elles aiment. Ouf…
Et moi aussi !

boulettes de volaille à la sauce aneth
On lui fend le cœur


Comme je le prévoyais, l’aînée apprécie le gâteau, la cadette préfère des fruits.

Quant à moi, je me dis en mon for intérieur que la crème mousseline n’est pas réussie : elle est légèrement granuleuse, le beurre s’est mal incorporé dans une pâtissière sans doute trop froide. Ah, les glissements de plaques tectoniques et la météo des Carpates !


karpatka
Un coin des Carpates

lundi 10 décembre 2018

Mauricette, elle est très chouette

Mauricette, elle est très chouette.
Et son cousin il est divin.

Au bar, Mauricette s’occupe des sandwichs et Bretzel de la bibine. Mais Mauricette est une nouvelle recrue.
En effet, interpellé par la déferlante de recettes de mauricettes sur la blogosphère culinaire, je me suis demandé pourquoi je n’avais jamais rencontré ce produit dans mes séjours en Alsace durant mon enfance ou mon adolescence. Alors je me suis livré à des recherches : la raison en est bien simple, ce produit est né en 1973 de l’imagination d’un boulanger même pas alsacien fatigué sans doute de faire le nœud. Ce commerçant a baptisé cette cousine du Bretzel du prénom de son épouse, réorthographié afin d’en permettre le dépôt légal, Moricette®.

Mercantilisme, jusqu’où dénatureras-tu nos coutumes régionales ? En ces mêmes années de ma jeunesse, Noël en Alsace ne se traduisait pas par l’envahissement de ces abominables marchés soi-disant traditionnels *, mais tout au contraire je me souviens en la bonne ville de Saverne de boutiques fermées, même les restaurants n'offraient que porte close le jour de cette fête religieuse et familiale. Pour les enfants et les cadeaux, il y avait la Saint Nicolas.

Un jour il faudra que je m’attelle à établir une liste qui restera certainement incomplète des produits, soit créés de toutes pièces, soit sortis de l'oubli (parfois mérité) et souvent revisités pour être moins onéreux en fabrication, qui sont vendus comme la quintessence d’une longue tradition locale. Tradition qui se perd de plus en plus, les artisans navigant de région en région au gré des fonds de commerce disponibles…

Mais revenons à la Mauricette, ce bretzel dont on a obturé les fenêtres dans lesquelles le soleil brille trois fois…
J’ai participé à la naissance d’une bonne douzaine de Mauricettes en mon domicile.
Le père s’appelle Secrets d’Alsace :

https://www.vinsalsace.com/fr/a-table/recettes/mauricettes-bretzels/ 

La mère est la maîtresse de maison.
Quant à moi, je me suis livré à l’épisiotomie.

mauricettes
Maternité


Et la voilà, la Mauricette !

mauricette
Mauricette s'éclate


N’est-elle pas très chouette ?
Mais il faut que je vous quitte, il y a le téléphon qui son. Et naturellement personne qui répond…


* D’ailleurs le site des Marchés de Noël d’Alsace est bien obligé de le reconnaître. On y lit :
Au début, les marchés de Noël ne se faisaient que dans les grandes villes, actuellement ils s’étendent jusque dans nos campagnes afin d’y apporter la magie.
La magie, tu parles !


mercredi 5 décembre 2018

Mea culpa, hou les cornes !

Depuis le lundi 26 novembre 2018 à 15 h 38 heure locale je suis titillé par ma mauvaise conscience.
En effet - sans doute pollué par l’antispécisme ambiant - j’avais terminé ma diatribe contre les funestes croquilles par cette objurgation vengeresse :
Rendez sa coquille à l’escargot, ô éleveurs indignes qui ne respectent pas leurs bêtes !

Or si un éleveur respecte bien ses bêtes, c’est cet héliciculteur médocain qui m’a fourni ces préparations d’escargots en croquilles. En effet il affirme :
Afin d’assurer une belle croissance à mes escargots, je veille à leur donner une alimentation essentiellement composée de végétaux de la Ferme : choux, salades, radis… Je complète cette alimentation avec de la farine de blé et de maïs.
Et il me semble que ses bêtes jouissent d’un habitat enviable - tout au moins pour un gastéropode.

ecargots, élevage
Escargocity


Je n’ai en fait qu’à m’en prendre à moi-même si, ayant omis de chausser mes lunettes, je n’ai pas détecté la présence du r perturbateur en cliquant sur le produit que je croyais être l’excellent plat d’escargots façon bourgogne dont je m’étais régalé quelques mois auparavant. Le recours à ces bêtes d’élevage cuisinées à la ferme avec talent ( parfait équilibre de saveurs entre le beurre, l'ail, l'échalote et le persil ) m’avait alors permis de renouer avec des textures et des parfums dont j’avais été privé après ma dernière chasse aux escargots, quand mon cheptel pourtant encagé sous un couvercle lesté d’une pierre avait réussi à faire la belle nuitamment et à se planquer je ne sais où avec une vélocité dont je ne l'aurais pas cru capable.

Voulant oublier les méfaits de mon amétropie non corrigée, c’est avec l’aide d’un bocal planqué dans mes réserves 



d’escargots à la bordelaise du même producteur que j’ai pu retrouver les joies de l’extraction - le coup de langue sur la coquille dégoulinante de bonne sauce parfumée s’ajoutant au gloups de l’aspiration.
Que du bon : 48 Petits gris, tomates fraîches, lardons, chair à saucisse (porc), vin blanc, piment d’Espelette.



escargots à la bordelaise
Sous l'escargot la poêle




Presque aussi savoureux que la sauce aux lumas qu'il m'est arrivé parfois de déguster dans des restaurants du Marais poitevin.





Merci donc, ô éleveur empreint de dignité qui respecte ses clients !