jeudi 20 décembre 2018

Bonheur aux barbues !

Il ne sera pas dit qu’aujourd’hui je travaillerai sans filet…
Ils sont là, deux beaux filets de barbue
Alors, malheur aux barbues !



À poêle les barbues !

Mais auparavant il y a les préliminaires.

Une noix de beurre demi-sel est déposée sur une poêle où je viens de torréfier des pistils de safran. La veille, j’avais fait tomber en farfouillant dans l’étagère des épices un petit flacon contenant ces filaments.

safran
Sur l'étal avant achat


Heureusement, le récipient n’avait été que décapité sans produire trop d’éclats de verre, donc j’avais pu récupérer ce précieux or végétal. Toutefois, en l’absence de nouveau petit contenant approprié, j’avais prévu de l’utiliser rapidement. Ce poisson tombait à pic…
Mais décidément le charmant village des Deux-Sèvres







où a été produit ce safran dégage de mauvaises ondes en ce qui me concerne ( pas comme pour François Villon qui écrit à son propos : Se je parle ung poy poictevin, Ice m’ont deux dames apris. Illes sont tres belles et gentes, Demourans a Saint Generou Prez Saint Julïen de Voventes, Marche de Bretaigne a Poictou ). En effet on m’y a infligé au temps jadis - mais quand même après celui de Villon… - l’un des pires repas de ma vie. Il y avait alors une petite auberge où nous allions de temps à autre manger au gré d'un menu du jour simple mais correct, le plus souvent axé sur une simple grillade, avant de faire une balade dans les sentiers environnants. Las, nous avons eu un jour le malheur d’y aller le surlendemain d’une noce dont on nous a servi les restes. Je me souviens encore du plat principal, une bouchée à la reine : une pâte molle, graisseuse et détrempée au goût de réchauffé emplie d’une sauce blanche collante et insipide d’où la fourchette extrayait quelques cubes de blancs de dinde puant la batterie mal nourrie, quatre ou cinq tranches de champignons de Paris récoltés à l’ouvre-boîte, et des masses informes et visqueuses qui se voulaient quenelles. L’odeur et la consistance m’ont approché de la nausée… Autant dire que ce fut la séance d’adieu. Nous n’aurions pas pu franchir à nouveau la porte de cette auberge. Dommage, que la campagne était belle…

Mais revenons au safran. Dans ce cas l’histoire finit quand même bien, le rescapé dégage d’odoriférants effluves qui présagent le régal.
J’éteins le gaz et laisse infuser dans le beurre fondu.
Pendant ce temps je fais tomber des feuilles d’épinards, cueillies dans l’heure précédente au jardin, sur une seconde grosse noix du même beurre. Je réserve.
Je remets la poêle avec le beurre safrané sur le feu. Les filets viennent y faire un aller-retour. D’habitude, je cuis la barbue sur l’arête, alors je dois me montrer particulièrement vigilant pour éviter le désastre d’une surcuisson. Mais bon, finalement, la chair de barbue n’est pas trop fragile, et c’est sans problème que j’arrive à déposer les filets cuits à point sur les assiettes.
Un dernier passage rapide sur feu vif pour remettre à température, et je peux ajouter l’épinard sur l’assiette.
Je verse le fond d’un pot de crème reste d’une préparation précédente dans la poêle débarrassée de son poisson . Je fais réduire rapidement avant de déverser cette sauce parfumée et onctueuse sur la barbue.
Je finis le dressage avec le jaune du citron tranché et le rouge du piment d’Espelette en poudre.

Barbue sauce safranée, épinards
Barbue cuite pile poil


À table !

La belle barbue qui s’avance, bue qui s’avance…
Ce n’est pas Agamemnon, mais non, mais non !

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