mardi 18 décembre 2018

Le Veau qui se veut faire aussi petit que l'escargot

Un Veau vit un Escargot qui lui sembla chanceux. Le gastéropode n’avait qu’à ouvrir la bouche pour brouter l’herbe tendre quand lui, haut perché sur pattes, devait baisser la tête. Envieux, il se recroqueville, s’aplatit, et se travaille pour égaler l’animal en aspect.
Bien mal lui en prit ! Un paysan qui passait par là l’aperçut et s’exclama :
« Qu’est qu’c’est donc qu’ce bestiau ? J’l’amène à mon logis ! Ça amusera ma drolière et p’t-être que ma fumelle m’en fera un frichti… »
Sitôt dit, sitôt fait. Il enferme le Veau déguisé en luma dans son mouchoir (de Cholet) noué aux quatre coins et rentre tout faraud à la maison.
« R’gardez donc c’que j’ai dégotté sur la prairie du père Anselme ! »
Sa fille lève à peine les yeux de sa tablette et déclare avec une moue dégoûtée qu’elle ne kiffe pas et que c’est gravement crade. Son épouse s’apprête à balancer la trouvaille à la poubelle.
« Ah non, tu cuisines c’te bête fissa ! »
Le maître de céans a dit, elle s’exécute.


Oui, ça risque d’être un peu fade. Je vais dérouler ce bizarre escargot qui me semble bien anémique et ajouter une tranche de jambon. Ah, ce pauvre Hector, je me souviens encore de ses cris quand on l’a saigné, mais que le boudin était bon… Et puis une tranche fine du fromage que j’ai acheté hier au supermarché.
« Eh, ne reste pas planté à me regarder bosser, va sortir du frigo du lard gras. Je vais barder.
- Ah ça, avec touai, ça barde toujours !
- Active-toi au lieu de dire des sornettes. »
Finalement, ficelé comme ça, c’est moins laid. On dirait presque le Petit Jésus emmailloté… N’empêche que Petit Jésus ou pas, tu vas aller dorer au fond de la cocotte en fonte sur un filet d’huile Lesieur et une noisette de beurre de la ferme. Il n’y a pas à dire, elle assure, la Marguerite, avec ses grosses mamelles débordantes de lait bien gras… Bon, ça y est, tu es doré… Tu vas sortir un moment, mais ne t’en fais pas, c’est reculer pour mieux sauter. Je vais nettoyer et découper les champignons que mon homme a cueillis hier sur un pré du père Magloire, j’espère que ce ne sont pas des amanites. Maintenant, un navet et une carotte du potager. Je les tranche et les pose avec les champignons sur les deux petits oignons blancs tranchés en quatre en train de fondre au fond de la cocotte.
Je remets le bestiau assaisonné, arrose d’un verre d’eau et un autre de gros-plant, qu’est-ce que je regrette de ne plus avoir le bon noah des vignes de mon grand-père, je vais dans la cour de la ferme détacher une feuille du laurier et couper une branche de thym. Une pincée de sel, quelques grains de poivre. Et zou, dans le pinard…
Ça bloblotte, je pose le couvercle, glisse le récipient sur une petite flamme. Roule ma poule, trotte ma cocotte !
Un quart d’heure plus tard, je retourne la viande, poursuit la cuisson une vingtaine de minutes.
Je décoiffe, le liquide a réduit. Je sors mon escargot fantoche, le débarde.
« T’as pas mis ton débardeur ? »
Qu’est-ce qu’il peut être crétin, mon homme, avec ses plaisanteries lourdingues !
Je découpe en deux parts, la drolière ayant décrété que pour rien au monde elle voudrait bouffer ça. « J’vais grailler avec les copines au kebab à côté d’Intermarché, c’est trop cool ! Bye. »
Je mélange un jaune d’œuf avec deux cuillerées de crème fraîche. Merci encore, la Marguerite aux pis généreux ! J’incorpore délicatement au jus après avoir retiré laurier et thym. Je remets l’escargot pourfendu. À table !

rôti roulé de veau, jambon, fromagee,
Escarveau


« Fi d’garce, qu’c’est bon. J’suis beunaise asteur. Et dire qu’t’allais l’jeter ! »
C’est vrai que c’est savoureux.
Mais on toque à la porte : c’est le père Anselme.
« Z auriez pas vu mon viau ? L’est point dans mon pré où j’l’avions laissé… »

Le malheur était dans le pré : la jeune pécore se diminua tant qu’il lui en cuisit.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages. Cherchant la facilité, ils y perdent leur nature. Se voulant simples, ils deviennent médiocres...


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