jeudi 13 septembre 2018

Forts cèpes

Je venais de retirer ma poêlée de cèpes du feu et je commençais à la photographier suivant la déplorable manie dont je n’arrive pas à me débarrasser,

poêlée de cèpes
Cèpes


quand il me sembla entendre des petits grattements vers l’entrée de l’appartement. Ah non, l’immeuble n’allait pas être envahi par des souris ! Mais quand je m’approchais, ce bruit fut remplacé par des toc toc furtifs provenant de la porte. Bizarre ! Oui, j’ai dit bizarre… Un tour de clé, et j’entrouvrais l’huis de mon logis.


Je n’en crois pas mes yeux. À mes pieds, piétinant mon paillasson se met à vociférer une bande de schtroumpfs excités. La plus vindicative est la schtroumpfette, qui d’une voix hystérique hurle : « Vous avez schtroumfé nos maisons ! Criminel, bachi-bouzouk ! ». Elle poursuit par une série d’injures que je n’ose retranscrire en ce lieu de bienséance qu’est ce blog… Elle est interrompue par celui qui semblait être le chef. J’ai du mal à comprendre son discours, car je connais mal la langue de ce peuple, et de plus il parle dans sa barbe, mais visiblement il m’accable de reproches. «…ce beau hameau ! ». Et il brandit une photo dont je m’empare en dépit des cris indignés de la populace schtroumpfière : l’image est trop petite, il me faut une loupe.




« Un si joli petit village. Quelle honte !
- Mais je n’ai rien fait, j’ai juste acheté quelques cèpes…
- Oui, nos habitations à loyer modéré, qu’allons-nous devenir ? Assassin, assassin ! Vous allez voir de quel bois on se schtroumpfe ! »
J’en ai assez entendu. Ma patience a ses limites. Je leur claque la porte au nez.


Je viens à peine de réintégrer mon étroite cambuse envahie de parfums qui me mettent l’eau à la bouche quand on sonne à la porte. Qu’est-ce encore ? Pas moyen de cuisiner tranquille !
Je vais ouvrir. Encadré par le chambranle se trouve un grand gaillard musclé aux bras tatoués d’une ancre et coiffé d’une casquette blanche. Sa tête me dit vaguement quelque chose.



Il s'apprête à m’adresser une parole que je pressens fort peu amène quand j’entends un hurlement. Les schtroumpfs sont toujours là, il en a écrasé un sous ses larges panards.
« Au secours, au secours, voici venir le temps des assassins !
- Barrez-vous, pauvres moustiques ! C’est à monsieur que je cause… »
Il me toise, je me sens tout petit.
« Alors, comme ça, on ne se gêne pas… On pique l’huile d’Olive !
- Mais, mais…
- Dépouilleur de faible femme, abject individu, restitue-moi illico l’huile de ma fiancée adorée avant que je te torde le cou ! »
Je crains le pire, me disant qu’en dernière extrémité je parviendrai peut-être à m’emparer du couperet dans ma cuisine et que le jury m’accordera la légitime défense, quand apparaît dans la cage d’escalier une petite bonne femme essoufflée coiffée d’un chignon.
« Popy, j’me suis gourée, l’huile est toujours chez moi, j’ai confusionné. Excuse, M’sieur, j’suis arrivée à temps, c’est qu’il a le sang vif, mon Popy. Excuse toi aussi, gros bêta !
- Excuse pour la gourance, et puis j’suis en manque d’épinards, alors j’ai pas les idées claires.
Au revoir Monsieur, au plaisir ! ».

Ouf, c’est réglé. Je regarde à mes pieds. Ne reste plus que le schtroumpf gémissant.
« Je suis sûr que j’ai au moins deux côtes schtroumpfées Ils m’ont laissé tomber, les lâches ! »
Bon, finalement, les schtroumpfs ne sont que des hommes. Humains, trop humains ? Je vais appeler des secours…


Le carillon retentit. Ils ont été rapides.
Je me dépêche, tourne la clé. Un homme est là.
« Je suis Godot. J’attends Estragon.
- Ben moi j’attends des secours…
- Nous attendons donc tous les deux. On m’a signalé la présence d‘Estragon chez vous…
- Qui est-ce, ce on ?
- Désolé, je suis journaliste, je ne donne pas mes sources…
- Je confirme la présence d’estragon, mais d’estragon venu du jardin.
- Je me fiche d’où il vient, il est là, c’est le principal. Je vais enfin pouvoir l’interviewer et tout savoir sur Vladimir.
- Je vous dis qu’il ne s’agit pas d’Estragon mais d’estragon.
- Je ne saisis pas la différence.
- Pourtant elle est capitale !
- Oui ou non, cet individu est-il entre vos murs ? »
Il sort un dessin de sa poche et le brandit sous mon nez.



« Ma réponse est non ! Un non catégorique, mon estragon c’est de l’herbe, ni plus ni moins ! »
Godot s’éloigne en ronchonnant
« Ces informateurs de mes deux… Bon, je le verrai sans doute demain… »
Je baisse les yeux. J’ai du mal à supporter le regard suppliant du schtroumpf écrasé. En plus, le paillasson, pour lui, ça doit être comme la planche d’un fakir ! Je retourne tout triste dans ma cuisine.


Mais ça n’est pas possible : on sonne encore à la porte !
Là ils sont deux.



Pas vraiment effrayants, bien propres sur eux bien qu'un peu débraillés.
« Je me présente. Je m’appelle Arnaud Poivre d’Arvor. Je cherche mon père disparu. Je suis accompagné de…
- Oui, je sais le fl…, oups, le policier à la retraite.
- C’est bien ça. La piste le mène chez vous. Regardez ce portrait-robot…



- Désolé, il y a confusion. J’héberge non pas un Poivre d’Arvor, mais un Poivre de Kampot.
- Ah bon ? Ce sera donc encore une affaire non élucidée. »
Dans l’escalier qu’ils dévalent je distingue quelques mots : mandat de perquisition, pas légal, j’m’en fiche



Je suis inquiet, le schtroumpf ne donne plus signe de vie. Que font les secours ?
Bon, c’est pas tout ça. Je vais enfin pouvoir déguster ma poêlée de cèpes. Je crois d’ailleurs qu’il va falloir que je la réchauffe… Las, on sonne encore. Ce sont certainement les braves samaritains.
En effet ce sont deux hommes en blanc. Je leur désigne le schtroumpf qu’ils ont failli achever de leurs mocassins en franchissant le seuil. Mais non, ce n’est pas lui dont ils se saisissent. C’est moi qui me vois encadré et tiré de force vers l’ambulance.
Pendant que le véhicule fonce vers je ne sais quelle destination j’entends des bribes de conversations. « Champignons… herbe… mais ce n’est que de l’estragon… des cèpes… tu as déjà entendu parler de cèpes hallucinogènes… préfère un vrai mycologue… on sait pas tout. »



Moi, je sais. Ça s’est vraiment passé comme je viens de l’écrire.

mardi 11 septembre 2018

Ah, beuchelle !

Pour une fois, les tomates devront se passer de moi pour leur accompagnement de fin de vie. Qu’elles patientent dans leur coin. Ce n’est pas parce qu’elles sont rouges de colère que je vais céder…
Aujourd’hui je vais préparer une beuchelle tourangelle.

Tourangelle ? Ce n’est pas si certain, car je lis sur Wikipédia : recette, inventée par Édouard Nignon au début du XXe siècle d’après la "beuschel" autrichienne. Je m’empresse donc de sortir de ma bibliothèque l’Heptameron des Gourmets que ce cuisinier lyrique avait fait paraître en 1919.
Pas de trace de beuchelle dans les fastueux repas décrits. En revanche, en feuilletant l’ouvrage, je tombe sur cette fascinante recette :

LE JAMBON DU COMTE DE BÉRU — Faites baigner le jambon pendant trois semaines dans de la lie de vin rouge de Bourgogne (du Corton ou du Musigny) Fumez-le ensuite pendant un mois dans une cheminée.
L’en ayant décroché, suspendez-le ailleurs pour un autre mois.
Ce temps écoulé, cuisez-le aux trois quarts dans de l’eau ; puis, après l’avoir dépouillé de sa couenne, couchez-le dans une braisière. où vous le laisserez reposer dans un bain de Corton. Achevez de cuire le jambon ; arrosez-le copieusement de son jus et glacez-le de quelques cuillerées de fine demi-glace.
Réduisez alors la cuisson au point voulu, passez-la à la mousseline, et mêlez-y un kilogramme de petites têtes de champignons cuites au beurre. À part, vous offrirez une fine purée de choux-fleurs.


J’imagine le descendant du comte s’attablant avec le commissaire San Antonio pour trancher la bidoche et écluser quelques litrons de Beaujolpif…



Mais foin de rêveries et de recherches, il me faut plutôt passer à l’action pour que tout soit prêt quand les invités arriveront…

Je commence par sortir un couteau d’office, une brosse et un torchon humide qui me serviront à parer les champignons : girolles et cèpes.
Bon, mission accomplie. Je réserve dans des bacs…

girolles, cèpes
Les deux bacs


Passons aux abats. Le plus long sera de s’occuper des pièces de ris de veau de cœur. Je les laisse tremper une heure dans l’eau glacée, renouvelant cette eau deux fois.

ris de veau, beuchelle
Ris à l'eau


Puis je dépose le ris dans une casserole d’eau froide salée, pose sur le feu jusqu’à un frémissement que je poursuis pendant une vingtaine de minutes.
Pendant que le ris vit sa vie, je découpe un rognon de veau dont je réserve les morceaux.

rognons, beuchelle
Rognons


Dans mon élan je dépouille et je hache trois petites échalotes du jardin.
Je sors le ris de veau et le plonge à nouveau dans l’eau glacée. Je le débarrasse les morceaux de leurs peaux.

ris de coeur
La pelisse, au vestiaire...


L’idéal serait de maintenant presser ces pièces sous un poids, mais je n’ai pas le temps. Il aurait fallu commencer la veille au soir, mais j’avoue qu’à une heure du matin je n’en ai pas eu le courage… Et puis les morceaux seront sous la sauce, alors la perfection du visuel ne s’impose pas. Je me contente donc de trancher et réserver au frais.
Je fais sauter dans une poêle les girolles dans une noix de beurre et une cuillerée d’huile d’olive. Je les sors et les réserve, remets huile et beurre dans la poêle pour continuer la préparation avec les cèpes parsemés d‘échalote. Quand les champignons commencent à roussir sur les bords, je verse un petit verre de sauvignon et poursuis la cuisson jusqu’à réduction complète.
Les cèpes viennent rejoindre les girolles dans leur bac, et j’assaisonne le tout d’une pincée de sel fin.
Je fais ensuite revenir à feu vif dans une autre poêle les découpes de rognon qui devront conserver un cœur saignant. Je les verse dans une passoire posée sur une bassine. Je les laisse s’égoutter.

Quand les invités sont arrivés, je fais légèrement colorer au fond de la poêle ayant servi à cuire les champignons les tranches de ris de veau dans du beurre mousseux. J’ajoute les découpes de rognon.
Puis je flambe avec un petit verre de cognac. Ça sent bon - quoi que… Je détecte un petit effluve de cochon que l’on épile… Ben oui, je n’ai pas retiré assez vite mon bras nu qui brandissait l’allumette !
Je verse trois cuillerées de crème fraîche épaisse d’Isigny et laisse réduire.

abats, beuchelles
Le groupe Abats


J’assaisonne et transvase au creux du plat de service chauffé au four à 70 °C.
Ce sont girolles et cèpes qui remplacent les abats dans la poêle. Je les recouvre de crème fraîche (cinq cuillerées) additionnée d’une pincée de sel qui va les remettre à température tout en réduisant. Quand la consistance de la sauce est devenue bien onctueuse, je prends une petite louche afin de disposer le contenu de la poêle par dessus ris et rognon dans le plat. Vite, un tour de moulin de poivre rouge de Kampot, une petite pluie parcimonieuse de persil frisé finement ciselé et je me dépêche de servir ma beuchelle avant qu’elle ne refroidisse.

beuchelle
Beuchelle


Ma petite-fille puînée s’est découvert une addiction pour le ris de veau dont il a fallu lui resservir du rab. Nul ne doutera que j’en suis fort aise. Quant à l’aînée, absente car retenue par des occupations extérieures, je ne saurai pas si elle partage ce penchant… Mais je l’espère sans trop y croire.



Le lendemain, je puis enfin reprendre mes recherches.
Je découvre un article fort documenté qui fait le point sur tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la beuchelle sans jamais oser le demander.
https://www.cducentre.com/encyclopedie-La-beuchelle-tourangelle

Instructif, non ?
Puis je me souviens que dans mes rayons se cache aussi un second ouvrage d’Édouard Nignon, Éloges de la cuisine française, publié à L’Édition d’Art H.Piazza avec une présentation de Sacha Guitry en 1933. Je le retrouve, consulte l'index. La beuchelle répond bien présent.

Voici donc la recette telle qu’elle figure dans le chapitre Vendanges bourguignonnes. Elle participe à un grand menu parmi les hors-d’œuvre chauds entre les Caisses de Mauviettes au Chasseur et le Curry de Crevettes roses. On notera qu’il n’est aucunement fait référence à la région tourangelle, ni dans l’intitulé, ni dans le texte !

LA BEUCHELLE
Colorez au beurre, en les faisant sauter séparément, d’abord un rognon de veau émincé avec sel et poivre, puis une noix de ris de veau taillée en minuscules escalopes ; tenez le tout au chaud. Sautez également au beurre un émincé de 3 beaux cèpes ; quand ils sont bien dorés, ondoyez-les de quelques cuillerées de fin madère ; couvrez aussitôt, et, quelques secondes après, nappez de crème double épaisse, ajoutez sel, poivre, 6 cuillerées de glace de veau, et laissez les champignons s’enrober de cette crème. Quand ils vous paraîtront délicatement voilés, ajoutez rognon et ris de veau, amalgamez le tout, puis versez-le clans un flan de croustillant feuilletage ; saupoudrez de parmesan ce mélange et faites-lui prendre au four une belle couleur d’or. Servez ce mets sortant du four.


Je suis rassuré. Je n’ai pas trop trahi le maître… Modernisé simplement ! Pas vrai ?




lundi 10 septembre 2018

Délit de vol en Réunion

La cuisine de l’île de la Réunion m’est relativement familière bien que je n’y aie jamais mis les pieds.
En effet dans ma folle jeunesse un de mes meilleurs amis avait dragué une charmante Réunionnaise - qu’il devait épouser quelques mois plus tard - et je partageais souvent des repas avec ce couple auquel se joignait  parfois une cousine de la future mariée, quant à elle draguée par un jeune Malgache - qu’elle devait épouser quelques mois plus tard - dans des restaurants réunionnais de la capitale - en particulier un établissement de la rue Daguerre qui existe toujours -. Après les mariages, j’ai eu droit en sus à de la cuisine familiale… Un avantage de célibataire écornifleur que j'ai su préserver après que moi aussi j'ai convolé en justes noces !
Et quelques années plus tard, ce furent mes enfants qui se régalaient de plats réunionnais concoctés pour son mari originaire de cette île lointaine par la nourrice qui les gardait avant que nous les récupérions le soir au retour du travail.
Aussi suis-je un z’oreille pas absolument inculte en matière culinaire de ce département lointain.

C'est donc tout naturellement que l’idée m’est venue de concocter un rougail afin de tirer parti de l’avalanche de tomates du jardin.

Mais voilà, je me suis senti incapable d’y intégrer une saucisse de Toulouse ou encore moins de Montbéliard comme on le voit souvent sur les recettes présentes sur le Web.
J’avais déjà de temps à autre cuisiné de tels plats, mais à cette époque se trouvait fort opportunément non loin de mon lieu de travail un importateur de produits frais ou surgelés. Mon trajet d’approvisionnement en saucisses péi ou autres boucanés se réduisait donc à un trajet pédestre où je ne croisais éventuellement qu’un ou deux consommateurs de crack qui pratiquaient plus le vol en solitaire que le vol en Réunion. Aussi, ces derniers jours, j’aurais eu l’impression d’une régression si j’avais cédé à la facilité de l’à-peu-près pour les produits.

Qu’à cela ne tienne : si je ne vais pas au piton de la Fournaise, le piton viendra à moi.
Je suis donc allé faire mes courses à la Réunion - virtuellement, s’entend…
Tiens, une boucherie…



Puis une épicerie…
Quelques instants plus tard, mon panier était plein.


C’est ainsi que je me trouve  confronté à un sachet de saucisses fumées péi gisant sur mon plan de travail..

saucisses fumées de la Réunion
Saucisses en réunion


J’en prélève quatre et je remets les autres sous vide.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que chez l’artisan qui les a préparées, le calibrage n’est pas le souci fondamental…

saucisses, île de la Réunion
C'est bien artisanal !


Je les blanchis avec deux départs à l’eau froide et réserve.

Dans ma cocotte en fonte noire je verse une cuillerée d’huile d’arachide et je fais revenir un gros oignon haché. J'ajoute deux gousses d’ail que je viens d’écraser. Quand ça commence à colorer, je déverse les morceaux de deux belles tomates hachées. Je parfume et colore d’une demi-cuillerée à café de safran péi (c’est ainsi que l’on dénomme le curcuma sur l’île) arrivé dans le même colis.



Il n’y a pas à dire, la fragrance étonnante qu’il dégage n’a rien à voir avec celle des flacons métropolitains. Ducros, décarcasse-toi un peu plus. Je laisse compoter quelques minutes, ajoute les saucisses tranchées en tronçons. Je laisse à feu doux la cuisson se terminer.
Ça, c’était pour la réalisation du rougail saucisse, qui sera le plat.


Mais je concocte aussi un rougail de tomates, qui sera le condiment qui accompagnera le plat.
Mon mortier en granit, j’écrase sur une pincée de gros sel une tranche de gingembre frais découpée en petits dés et la moitié hachée d’un petit oignon. Je ne dispose pas de piment frais réunionnais, je me contenterai de purée de piment locale. J’ajoute une petite cuillerée de cette pâte à ma mixture dans le mortier. Je prélève une nouvelle cuillerée dans le bocal et la goûte afin de vérifier s’il serait opportun d'augmenter la dose. Je cours en urgence me prélever un quignon de pain afin de le mâcher : ben non, il y a assez de piment, ça c’est sûr ! Il me faut piler aussi les dés d’une tomate émondée. Las, si j’enfonce le pilon, ça déborde...

rougail de tomate
Je charge le mortier


Ce mortier à épices est trop petit, il me faut procéder en vidant la moitié du contenu. En opérant en deux étapes successives, j’arrive à obtenir un rougail correct après mélange.
Je réserve.

Enfin il me reste à cuisiner l’accompagnement : ce sera un embrocal aux pommes de terre.
Je découpe une pomme de terre en dés d’un peu moins d’un centimètre de côté.
Dans une casserole je verse une cuillerée d’huile d’arachide dans laquelle je fais fondre l’autre moitié d’oignon qui me restait hachée. Je complète d’une demi-cuillerée à café de safran péi, puis de pommes de terre. Enfin je verse un petit verre de riz thaï que je fais nacrer. J’inonde de trois verres d’eau, assaisonne d’une pincée de sel. Je couvre la casserole. Au bout de vingt minutes, j’enlève le couvercle. Le riz est cuit, mais il reste encore un peu de liquide que je fais évaporer.
Deux minutes plus tard, les grains se détachent et je peux mélanger. À mon grand étonnement et à ma grande satisfaction, ça n’a pas collé au fond de la casserole.

embrocal
L'embrocal aux pommes de tere, c'est ça !


Juste une petite pluie de gingembre râpé sur les saucisses, et tout est désormais prêt pour passer à table déguster le rougail maison.

repas réunionnais, rougail, embrocal
Mon repas réunionnais


On se régalera ! Ça valait le non-déplacement !

Madame, ne voulant pas être en reste, a réalisé pour le dessert un gâteau de patates douces au chocolat selon une recette trouvée dans l’ouvrage La Cuisine de la Réunion paru aux Éditions Orphie en 2004.
1 kg de patates douces cuites réduites en purée
200 g de sucre en poudre
200 g de chocolat noir
200 g de beurre doux.

L’on mélange à la purée le chocolat fondu au bain-marie, le beurre fondu et le sucre, puis on verse dans un moule beurré avant de laisser prendre au froid.

gâteau patates douces et chocolat
Où la patate est douce...


La consistance onctueuse n’est pas désagréable, mais à déconseiller si l’on a des enfants en bas âge, qui ont tendance à considérer ce produit comme une pâte à modeler jouissive à étaler sur tout support.
Un bon gâteau au chocolat !

dimanche 9 septembre 2018

L'Italie tel qu'on la sent

COMPOSITION

sauce (25 %) :
tomates de pleine terre (12, de taille moyenne) provenance : Versailles
huile d’olive (1 c.s.) pr : Liban
ail (3 gousses) pr : Sud-Ouest
échalote (2 bulbes) pr : Versailles
thym, origan, romarin pr : Versailles
baies Sansho (1 c.s.) pr : Japon
poivre blanc de Penja (1 c.s.) pr : Cameroun
piment de la Jamaïque (3 baies) pr : Jamaïque
gros sel (1/2 c.s.) pr : île de Ré

chouriço (1 pièce) pr : Portugal
crevettes grises décortiquées à la main (100 g) pr : Atlantique Nord Est
aubergine de pleine terre (1/3, de grosse taille) pr : Versailles
huile d’olive (3 c.s.) pr : Liban
pâtes « escargots » aux œufs frais de poules élevées en plein air (125 g) pr : Alsace
sel qs pr : île de Ré
poivre rouge de Kampot moulu (1 g) pr : Cambodge
arôme : huile essentielle artisanale de crevettes (huile d’olive pr : Liban, têtes et carapaces de crevettes grises pr : At.N.E.)

PROCESSUS

1- Pour la sauce, emplir une sauteuse des ingrédients et laisser réduire jusqu’à un résultat crémeux. Tamiser au chinois.

2- Éplucher le chouriço et le découper en tranches de 5 mm.
Trancher l’aubergine en parallélépipèdes d’environ 10 x 30 x 30 mm.
Décortiquer les crevettes en réservant les têtes et les carapaces que l’on fera infuser dans l’huile d’olive.
Faire revenir dans une poêle les tranches de chouriço.
Procéder de même pour les morceaux d’aubergine.
Réserver au chaud.
Faire cuire les pâtes al dente dans de l’eau bouillante salée, les égoutter.
Dans la poêle de service, transvaser la sauce et porter à frémissement.
Ajouter les pâtes, puis le chouriço et l’aubergine.
Parsemer de crevettes.
Terminer en arrosant de l’huile de crevette bien chaude et en donnant un tour de moulin de poivre.

LE TEST

pâtes chouriço, crevettes et aubergine
Bonjour l'Italie !


Les nez-dégustateurs : « hum, ça sent bon l’Italie ! »

jeudi 6 septembre 2018

Retour de pal

Le petit pal du dimanche est de retour…

http://sosgrisbiche.blogspot.com/2017/08/le-petit-pal-du-dimanche.html

Sur le plateau, une belle poulette landaise que j’avais gavée de quatre brins d’estragon, deux branches de sarriette, un bout de thym, une pousse de livèche, une feuille de laurier, trois gousses d’ail, un demi-oignon, une pincée de grains de poivre Voatsiperifery et moult noix de beurre demi-sel.
À ses pieds se bousculent de petites pommes de terre valsant avec des tomates cerises. Un bon jus viendra bientôt les parfumer. Mais déjà j’ajoute un peu d’herbes, un éclat d’ail, le reste de l’oignon, quelques noisettes de beurre avant de verser un grand verre d’eau.

poulet rôti, pal
La belle landaise


J’enfourne à froid, réglant le thermostat sur 180 °C. Après un peu plus d’une heure et quart de séjour torride interrompu par des virevoltes et des arrosages, tout ce petit monde est évacué.
La vedette exhibe une peau dorée et croustillante. Elle va pouvoir se reposer sur la planche que je lui ai destinée.

rôti, poulet des Landes
Un peu fripée, mais à croquer...


Pommes de terre et tomates se retrouvent dans leur moellitude (mais si, mais si…) au fond du nid de faïence blanche qui les attendait. C’est fou comme je suis prévoyant ! D’autant plus qu’une saucière gras maigre de porcelaine (second choix du magasin d’usine de Chauvigny, mais avec le liquide dedans on ne voit pas la petite bosse…) avait été chauffée pour recueillir convenablement le jus déjà suffisamment refroidi par un trait de sauce worcestershire et quelques gouttes de tabasco.

poulet rôti et pommes de terre
Pommes de terre, sauce pal


Il y a du rab qui fera encore fort bonne figure le surlendemain dont on se régalera agrémenté de Branston pickle et d’une salade de haricots verts.

poulet rôti
Je lui ai offert des fleurs


Vive le système pal !

mercredi 5 septembre 2018

À côté de la plaque

J’étais pourtant à côté de la plaque !
Tout à côté de cette plaque en fonte qui, posée sur deux brûleurs de mon fourneau, fait fonction de plancha… J’avais allumé le gaz puis j’avais disposé des légumes du jardin tranchés, simplement badigeonnés d’huile et assaisonnés de sel fin…

plancha, légumes
Planche couleur


Ben non, ma vigilance n’a pas suffi… J’avais pourtant posé l’aubergine sur la surface la moins chaude, côté petit brûleur réglé au minimum. Et voilà qu’en retournant les découpes de ce légume, j’ai découvert un côté pile cramé insoupçonnable côté face. J’ai goûté : c’était bon …si l’on excluait la surface brûlée ; sinon, amer comme chicotin. Pas trente-six solutions : hop, direction poubelle, et comme je n’avais utilisé que le tiers de cette grosse aubergine tirée, j’ai re tranché d’urgence et envoyé les remplaçants oints abondamment sur le terrain, les tournicotant en continu jusqu’à un début de coloration. Ils ont rejoint en derniers leurs collègues au sein du plat de service que j’ai enfourné à 110 °C pendant que je procédais à la deuxième cuisson à la plancha : celle de gambas que j’avais fait mariner une heure durant dans une huile d’olive parfumée de poivre rouge et de cinq épices.

gambas, plancha
Sieste de gambas


Une fine persillade sur les gambas, un dernier trait d’huile d’olive et un soupçon de jus de citron sur les légumes, un tour de moulin de poivre et nous pouvions passer à table.

repas à la placha, cambas, légumes du jardin
Bi plat


Pour dessert, une charlotte à la mangue rehaussée de confiture de pétales de roses d’Ispahan. Un accord parfait entre les parfums…

charlotte à la mague et aux pétales de roses
Charlotte voyage

lundi 3 septembre 2018

L'horloger de Paimpol

Qui connaît de nos jours Michel Le Comb ?
Pourtant ce personnage bien oublié, qui fut horloger à Paimpol au 19e siècle, est le créateur d’une méthode originale de mesure du temps. Entouré d’horloges qui égrainaient les secondes qui passent, il finit par ressentir une vive hostilité envers ces cœurs de métal qui ponctuent notre vie.
Écologiste avant l’heure, si j’ose dire pour ce chantre de la ponctualité, il tenta de mettre au point un système basé sur le haricot local. Il avait remarqué qu’écosser les gousses permettait de définir une nouvelle unité de temps : le coco, de symbole cq  (coco de Quimper). Il se heurta néanmoins au fait que la vitesse cq/h  était sujette à de nombreuses fluctuations. D’autre part les bourgeois locaux voyaient d’un mauvais œil la nécessité d’avoir une écosseuse comtoise en permanence dans leur salon et renâclaient devant la dépense importante que représentait l’approvisionnement régulier en gousses.
Confronté à toutes ces difficultés ainsi qu’à la tragédie de se découvrir un fils assassin, il ne tarda pas à perdre la raison. Repéré par le professeur Charcot en villégiature sur les côtes bretonnes, il fut transféré à la clinique parisienne du docteur Blanche où il s’éteignit quelques années plus tard en fredonnant :
Le brave horloger se résigne
En faisant un signe de croix
Et le pauvre gars
Quand vient le trépas.
Serrant la médaille qu’il baise
Glisse dans le temps sans fond
En songeant à la Paimpolaise
Qui l’attend au pays breton.

Deux infirmiers qui passaient par là se regardèrent. L’un d’eux hocha la tête et s’exclama :
« Ah ça, pour sûr, il a un grain ! ».


Je m'apitoyais sur le destin de ce malheureux horloger en plongeant mes Cocos de Paimpol dans l’eau bouillante en compagnie d’un oignon, de deux gousses d’ail, d’une feuille de laurier, d’un brin de thym, d’un bout de poivre long et d’un clou de girofle.
Pour les mettre en valeur tout en faisant hommage à l’inventeur maudit, j’ai posé sur ces haricots des crépinettes en forme d’oignons que l’on glisserait volontiers dans un gousset…

crépinettes, cocos de Paimpol
Avec le temps tout s'écosse…