Longtemps, je me suis levé trop tard. Je différais le plus possible le moment de m’extraire péniblement des draps si douillets dans lesquels j’étais emmitouflé jusqu’aux yeux - alors que le soir je renâclerai tout autant pour me glisser à nouveau en leur sein, anxieux devant ce voyage dans l’obscurité où je serai ballotté malgré moi dans des lieux inconnus suivant les caprices de Morphée. Afin de rattraper les minutes perdues et arriver à l’heure, à l’école ou au lycée les premières années, au travail plus tard, je sautais le déjeuner, ce qui n’était pas une privation pour moi, dont l’appétit n’apparaissait qu’en milieu de matinée, heure à laquelle il m’était fort difficile de le satisfaire mais dont mes occupations me distrayaient suffisamment pour ne pas prêter attention aux jérémiades de mon estomac que mon manque de réaction ramenait vite au mutisme, d’autant plus qu’il se doutait bien que le repas de midi compensera largement cette diète furtive.
Puis, plus tard, cédant lâchement à toutes les pressions aussi bien familiales que diététiciennes, je me suis résolu à prendre le temps de savourer un croissant les jours fastes, ou plus simplement une tranche de pain à la mie foisonnante d'une appétissante couleur crème cernée par une coque dorée craquant sous la dent, découpe grillée ou non suivant mon humeur ou ma paresse mais toujours tartinée d’un bon beurre de préférence demi-sel.
Mais voilà, en cette période difficile, l’approvisionnement en baguettes craquantes ou en miches rebondies se révèle bien difficile.
Aussi ma bonne
Françoise maîtresse de maison s’est résolue à endosser le tablier de mitron domestique, et son premier pain est sorti du four.
Il s’agissait d’un pain réalisé avec une pâte à forte hydratation reposée 24 heures et cuit au four à 220 °C dans une cocotte d’abord à couvert pendant une quarantaine de minutes, puis à découvert un quart d’heure.
Le résultat était fort convenable.
|
Le pain sorti de la cocotte : magique ! |
Pour faire honneur à cette production nous avons ouvert un bocal de
gigourit, cette spécialité charentaise à base de couenne et de sang.
Fameux avec des cornichons du jardin maison bien parfumés d'herbes et d'épices !
|
La tartine retrouvée |
Le pain suivant, réalisé avec 80 % de farine d’épeautre d’une ferme tourangelle, fut cuit sur une pierre.
|
Salut l'épeautre ! |
Certes son aspect peu glamour n’est pas sans rappeler le triste pain allemand KK de la Première Guerre mondiale, le
Kriegskartoffelbrot (y a pas que d’l’épeautre…)
dont les Français, bien entendu gavés de pain blanc
se moquaient tant.
Qu’importe, sa saveur était très agréable. Et ( effet
madeleine pain de Proust ? ) cette miche domestique m’a ravivé le souvenir d’un pain d’épeautre, d'ailleurs aussi compact, mais quant à lui sorti visiblement d’un moule à cake, vendu par un paysan boulanger sur le marché de Thouars dans les Deux-Sèvres, et qui avait été entamé avec méfiance avant d'y découvrir un goût de revenez-y....
.
La quête continue...
Pour cela une arme de boulange massive : un sac de
farine boulangère de tradition de
25 kg provenant des
Moulins de Versailles.
Il faut de la matière pour pouvoir écrire les nouvelles pages du volet
Le Pain retrouvé !