Il n’a pas eu beaucoup de boulot, ce soigneur pyrénéen !
Quarante-cinq jours seulement, et c'est la mère qui a donné la tétée.
Un mois et demi, c’est vite passé… Élever des enfants, c’est quand même plus de
labeur. Des années, des années, même quand on a cessé de stériliser et remplir
les biberons. M’enfin, le gigot était tendre, très tendre. Il s’est coupé comme
du beurre, flanqué de ses haricots tarbais. D’autres pyrénéens…
Gigot d'agneau de lait des Pyrénées, haricots tarbais |
Mais revenons à notre agneau.
Je colore à feu vif toutes les faces assaisonnées de fleur de sel de ce gigot d’environ 1 kg dans le plat en fonte destiné ensuite à passer au four. Pas si évident pour parvenir à ce que la chair entre en contact avec l’huile d’olive désormais fumante dont j’ai barbouillé le fond émaillé : la pièce est petite, quoique dodue, mais pourvue d’un long manche qui dépasse les frontières de l’ustensile.
Il me faut appliquer le principal carné d’une paume vigoureuse, abandonnant l’annexe osseuse qui devra se satisfaire du sirocco de la chaleur pulsée. J’ajoute aux côtés de la viande désormais dorée cinq gousses d’ail de Lautrec en chemise, puis, provenant du jardin un oignon poire bamberg coupé en huit, quelques échalotes taillées grossièrement, un brin de romarin, un autre de thym, une feuille de laurier. J’épice de six baies de la Jamaïque, je parfume de la même quantité de baies de genièvre, je donne un tour de moulin de poivre rouge de Kampot.
J’enfourne pour trente minutes dans le four réglé à 170 °C,
avec un retournement de la pièce au bout d’une vingtaine de minutes.
La préparation de l’accompagnement de haricots tarbais a
commencé bien avant. J’en ai mis à tremper 280 g dans 70 cl d’eau la
veille. Je les ai sortis du réfrigérateur trois quarts d’heure avant de lancer
la cuisson du gigot, les ai égouttés dans une passoire avant de les verser dans
une casserole que j’ai placée sur le feu après les avoir recouverts d’eau - toujours
70 cl. Pendant que l’eau montait en température, j’ai fait fondre dans une
autre casserole deux cuillerées de graisse d’oie. J’y ai fait fondre un oignon de
Roscoff coupé en quatre., ajouté six gousses d’ail de Lautrec épluchées.
Mes tarbais étaient blanchis, je les ai égouttés une
nouvelle fois avant de les transférer sur la graisse d’oie parfumée de l’oignon
et des aulx, brassant le tout hors du feu en ajoutant une feuille de laurier et
des brins de thym et de persil. Nouvel arrosage avec ma sempiternelle quantité
d’eau, les 70 cl – proportions recommandées sur le sachet par Catherine
Ponsan, épouse de Louis, agriculteur faisant grimper les haricots sur les pieds
de maïs en la bonne bourgade de Troncens. Et c’était parti pour une cuisson à
feu doux d’une heure environ…
Timing bien calculé, il me reste bien une demi-heure de
cuisson pour les haricots tarbais quand j‘introduis le gigot d’agneau de lait
dans le four ! Je m’en étonne moi-même.
Les bips de la minuterie résonnent dans la cuisine. Bon, j’ai
compris, je fais taire brutalement, avec un manque de reconnaissance manifeste, mon
serviteur pas muet qui a rempli son office.
Je sors le gigot du four et le dépose sur ma planche en bois.
Gigot, j'y vais |
Je le laisse s’y reposer pendant que j’éteins le gaz sous les haricots que je verse dans une passoire qui n’a pas chômé pour l’évacuation de leurs bains successifs. Acte quasiment superflu, il n’y a presque plus de liquide à faire s’écouler, Catherine est de bon conseil ! Je vide ma passoire dans un plat creux en porcelaine, dépose deux noix (parallélépipédiques…) de beurre doux d’Isigny en un réflexe sans doute absurde dans la mesure où j’oublie la présence de la graisse d’oie préalable, mais voilà, c’est fait c’est fait.
La faim des haricots |
Heureusement la dégustation me fera oublier cette bévue quand je constaterai
que vache et oie ont fait finalement bon ménage.
Je déglace le plat de cuisson du gigot sur le feu avec un verre
d’eau et une cuillerée de vinaigre de cidre. Je fais réduire.
Au jus la dedans ! |
Je complète avec un trait de sauce Worcestershire et poivre sans parcimonie. Je verse à travers un petit chinois dans une saucière chaude.
Je découpe le gigot dont la tendreté me fait comprendre l’inutilité
du passage préalable de mon couteau sur le fusil. Je dépose les tranches à la va-comme-je-te-pousse
sur un plat en inox. Ben oui, c’est moche, j’aurais honte pour lui si sa
photographie figurait sur cette page. Mais si bon quand on pique dedans pour
en extraire une des tranches que l'on arrose de jus du plat…
Alors, quand même, merci soigneur pour ce repas !