Les conditions climatiques me rendaient plus que réticent à la simple idée d’allumer le four.
La bonne cuisson d’un dodu magret de canard du Sud-Ouest n’était pas un impératif suffisant pour me motiver en cet épisode orageux. D’autant plus qu’il existait une solution de rechange pour remplacer ma procédure habituelle avec enfournement, même si cette cuisson à la poêle et au feeling demande plus d’implication et une maîtrise que je ne suis pas vraiment certain de posséder.
Mais tant pis, j'ai pris le risque !
J’ai d’abord déballé ce magret qui était réservé au frais. Je l’ai posé sur une planche pour le débarrasser de son gras superflu et de ses aponévroses et je l’ai strié en le sabrant de la lame bien affûtée de mon couteau. Il faisait tellement chaud que rapidement ces à-pic s’évanouirent, comblés par la fonte prématurée de la strate sous-dermique. Ah ce réchauffement climatique ! Cet effondrement ne m’a toutefois pas empêché de poursuivre mes préparatifs. J’ai frotté les deux faces, côté peau et côté chair, avec la chair écrasée de deux gousses d’ail de Lautrec, puis je les ai parsemées de fleur de sel et de poivre rouge moulu grossièrement. Enfin j’ai effeuillé en la frottant entre mes mains au-dessus du magret une branche de thym en fleur du jardin.
J’ai laissé reposer à (… haute) température ambiante durant une demi-heure afin que la pièce s’imbibe des parfums et ne subisse pas de choc thermique au commencement de la cuisson.
J'ai feuilleté le beau thym |
Le magret était déjà déposé sur la poêle, mais côté chair. Je l’ai retourné et j’ai placé cet ustensile de cuisson sur une petite flamme, tout juste suffisante pour que la graisse s’écoule en son fond.
Quand la viande est devenue un îlot émergeant de sa petite mer huileuse, je l’ai évacuée provisoirement sur une plaque à débarrasser, le temps de vider le liquide de la poêle dans l’évier. Oui, je sais ce n’est pas bien, mais j’invoque l’état d’urgence et le fait que la graisse d’oie que je conserve précieusement dans un bocal suffit à mes besoins occitans, me semblant cent fois meilleure que ce résidu concentré de la paresse des éleveurs et de la méconnaissance des consommateurs - que n’avais-je à la place de ce coincoin consensuel une aile d’oie à me mettre sous la dent…
Vilain éleveur écartant l'oie au profit du canard |
J’ai réintégré le magret et haussé la flamme au maximum. Deux minutes plus tard, j’ai vérifié en soulevant légèrement un côté à l’aide d’une pince que la peau était bien dorée. C’était le cas, alors j’ai retourné la pièce et éteint le feu, laissant la cuisson côté chair se poursuivre par inertie.
Magret et son craquelin parfumé |
Pendant ce temps se poursuivait la cuisson d’asperges des Landes à la vapeur dans mon bienvenu cuiseur Dejelin qui m’évitait de porter à ébullition une grande casserole d’eau sur un feu supplémentaire. J’ai piqué les turions de la pointe d’un couteau : ils étaient presque cuits mais encore al dente. J’ai éteint la production de vapeur, les laissant cependant au chaud sur leur plaque perforée.
Le magret passa sur une planche de découpe. Alléluia, je ne m’étais pas vautré, le magret était bien rosé comme il se doit. J’ai disposé les tranches dans les assiettes. Par cette température et dans cette ambiance de moiteur, pas question de me lancer dans la confection d’une sauce style hollandaise ou même à la flamande pour les asperges. Je me suis contenté de mélanger grossièrement le jus d’un demi-citron, une cuillerée de vinaigre balsamique traditionnel de Modène, une pincée de sel fin, un tour de moulin de poivre noir, trois cuillerées d’huile d’olive de Provence. J’ai réparti cette vinaigrette entre deux petits récipients en terre où elle n’a pas manqué de trancher comme c’était prévisible, mais ce n’était pas grave, les asperges étaient là, aptes à servir de mouvettes, d’ailleurs en terminant le dressage des assiettes je leur ai montré le chemin.
Canard à l'orage |
Nous pouvions désormais passer à table sous un tonnerre qui n’était pas d’applaudissement, mais je n’avais certes pas besoin de chauds compliments. D’un petit rosé bien frais plutôt…