Pas veau, mais tonnato quand même.
Quand j’ai vu l'épaisse tranche de raie découpée par le poissonnier, j’ai eu envie de la traiter autrement qu’une de ces ailes que je déguste le plus souvent à la grenobloise ou même tout simplement arrosées de beurre fondu citronné.
L’idée m’est alors venue d’en servir la chair froide recouverte de cette savoureuse sauce au thon qui relève si bien les fines feuilles de veau froid dans le vitello tonnato.
Le lendemain de l’achat de la raie - ce poisson est meilleur légèrement maturé… - je me lance dans la préparation qui me trotte dans la tête.
Je commence par la cuisson à la vapeur de mon aile de raie.
Dans le bac récepteur d’eau j’ajoute un demi-citron dont j’exprime un peu de jus. Dans le bac perforé j’allonge mon aile de raie assaisonnée de beaucoup d’épices afin de lui insuffler suffisamment de caractère pour n’être pas dominée par la sauce : après une chute de gros sel sur les deux faces, j’ajoute baies de la Jamaïque, poivre long, poivre de cubèbe, clous de girofle et, côté herbes, feuilles de laurier, thym, sauge.
L'aile du désir |
Je programme un quart d’heure de cuisson.
Je décoiffe, la raie semble cuite à point.
Un coup dans l'aile |
Quand j’enlève les peaux et décolle la chair des cartilages, j’obtiens la confirmation de cette réussite.
Je réserve ma chair de raie au sein d’un récipient que je place au frais. Ce n’était pas la meilleure idée du jour, comme l‘avenir me le prouvera…
Zou, en boîte ! |
Puis je transvase une partie de l’eau ayant recueilli les retombées de la cuisson dans une petite casserole. J’y dépose une petite cuillerée de fond de veau en pâte, porte à ébullition et laisse réduire une dizaine de minutes. Une fois refroidi, je réserve au frais.
Je prépare deux œufs durs dont je prélève les jaunes.
Tous les ingrédients sont bien froids. Je peux passer à la confection de la sauce tonnato.
Dans mon minipréparateur je verse :
- le contenu d’une boîte de 160 g de thon germon à l’huile d’olive de la conserverie La belle iloise
- la moitié d’une petite boîte de 50 g de filets d’anchois à l’huile de la marque Micéli
- deux jaunes d’œufs durs
- une cuillérée de câpres au vinaigre
- le jus d’un citron vert
- un petit verre de ma réduction d’eau de cuisson de la raie avec le fond de veau
- quelques tours de moulin de poivre rouge de Kampot.
Après une succession d’impulsions tant dans la fonction moulin que dans la fonction mixeur j’obtiens une onctueuse crème parfumée.
Que je continue à monter en ajoutant des traits d’une huile d’olive que j’ai choisie bio mais sans grand caractère car elle n’est pas là pour jouer les stars - une Carapelli que j’utilise principalement pour la cuisson.
Bon, ma sauce est parvenue à la consistance souhaitée, je peux passer au montage des assiettes.
Et c’est là que je me rends compte de ma sottise : en se refroidissant, mes prélèvements de chair de raie se sont raidis et agglomérés, collés qu’ils sont par leur gélatine. Impossible d’étaler côte à côte les filaments bien alignés comme j’ambitionnais de le faire.
Je dois me contenter de disposer tant bien que mal des morceaux plus ou moins disparates au milieu de mes assiettes. Je me console en me disant que ce n’est pas trop grave, car le goût ne sera pas pour autant modifié, et que de toute façon la sauce viendra masquer la construction. Néanmoins, je n’aurai pas la surface plane s’approchant de celle caractérisant le vitellin tonnato. C’est d’autant plus stupide que, comme il s’agit d’un plat froid, j’aurais pu placer immédiatement sur l’assiette la chair de raie encore chaude et souple, et même, au besoin, égaliser avec un aplatisseur. Je le saurai pour la prochaine fois - s’il y en a une…
Je ne dois pas baisser les bras dans mon entreprise pour autant. Comme pour le plat classique, après avoir nappé de sauce tonnato, je parsème de câpres et dispose un quintet de caprons.
Caprons… C’est fini ? Que nenni, suit un trio de larges feuilles de persil plat. Une pincée de piment d’Espelette tombée en pluie vient cerner le tout, prête à s’offrir pour relever une bouchée.
Et je termine en plantant victorieusement au sommet le drapeau d’une mince tranche de citron vert.
Raie tonnato |
L’association fonctionne très bien. Il y aura peut-être une prochaine fois…