Ils sont venus, ils sont tous là : les frères Blanc arborant leur collet violet, les toutes dodues sœurs Boule d’or, les vertueux cousins Marteau. Ils se sont arrachés du jardin natal et envahissent ma cuisine.
Que faire de cette irruption navetesque ?
Aussitôt me vient l’idée de les acoquiner avec du canard ou de l’oie… Et ça tombe bien, au cours d’une revue de détail j’ai aperçu planqué dans un coin un bocal de confit d’oie, plus précisément une aile. Parfait !
Ma première tâche est d’éplucher les navets. Ce n’est pas le plus facile, car cette année les prédateurs s’en sont donné à cœur joie, et les légumes vétérans derniers rescapés de la campagne 2020 exhibent les témoins de leur âpre combat : plaies en sétons, cicatrices et autres balafres.
Enfin ça y est, je viens de terminer ma dernière opération chirurgicale : un Scarface patibulaire transfiguré en figure d’ange…
La Saint Valentin est passée, pourtant c’est le massacre : tout ce petit monde, Scarface compris, est tranché par mon couteau effilé puis finit dispersé dans une casserole d’eau bouillante. Pas de passe-droit, marteaux, boules d’or et blancs barbotent une douzaine de minutes dans le maelstrom avant d’être repêchés avec une araignée et réservés dans une bassine en inox.
J’ouvre le bocal de confit, extrais le confit de sa graisse. L’aile est déposée sur une poêle en acier bien chaude afin d’y dorer et croustiller sa peau tout en réchauffant sa chair. Il faudra une dizaine de minutes pour atteindre ce résultat.
Le puits de la case cuisson |
Pendant que l’oie stationne sur la case cuisson avant de se poser sur la case assiette, je m’occupe des légumes. Des… Car, c’est bien connu à Hollywood, trop de navets tuent le navet. Aussi, après avoir paré les vedettes du jour j’avais nettoyé trois champignons de Paris et les avais découpés en tranches que j’ai citronnées. J’avais également dans mon élan épluché une pomme reinette pas très mûre avant de la partager en huit et de frotter ces parts avec le demi-citron pressé utilisé pour conserver aux agarics cavernicoles leur pâleur aristocratique.
Je m’empare d’une seconde poêle, antiadhésive quant à elle. Je la place sur un feu moyen et y verse une cuillerée de graisse d’oie prélevée du bocal de confit. Je fais tomber dans cette graisse crépitante mes découpes de champignons de Paris. Deux minutes plus tard succèdent les morceaux de navets. Je laisse cinq minutes sur le feu en brassant de temps à autre après avoir parsemé d’une pincée de fleur de sel. En dernier lieu j’ajoute les tranches de pomme, arrose d’une cuillerée de balsamique blanc et parfume d’une petite cuillerée rase de cinq-épices. Je hausse la flamme pour faire réduire le vinaigre. Il ne reste au fond de la poêle qu’un peu de liquide sirupeux commençant à caraméliser Un tour de moulin de poivre blanc de Penja et un autre de noix de muscade, et c’est prêt.
Marteau, boule d'or, blanc à collet violet |
Comme chaque fois que l’on improvise une recette, il y a lieu de s’interroger sur la qualité du résultat. Un peu anxieux, je goûte. Eh bien l’alliance des parfums fonctionne à merveille. Les légumes sont tendres mais ont conservé de la tenue - même la si fragile reinette ne tombe pas en compote. Enfin la pointe d’acidité nous permet de ne pas dévaler la pente graisseuse où nous pousse le volatile gavé à souhait.
Non, non, je ne cherche pas des compliments. Je les ai déjà eus !
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