jeudi 11 février 2021

La chien des Baskerville

 

Quiconque aurait eu l’idée saugrenue de braver le brouillard et le froid de ce soir de février pour une sinistre promenade aurait senti le sang se glacer dans ses veines en entendant l’horrible hurlement franchissant les murs du manoir des Baskerville, clameur affreuse se répandant sur la lande désolée comme un message de mort. Même les fantômes errant en frissonnaient d’effroi…

La soirée avait pourtant bien commencé pour le seigneur des lieux. Mollement alangui dans son fauteuil en cuir, Sir Henry Baskerville, onzième du nom, sirotait un whisky Port Askaig Islay. Il l’avait bien mérité ! Ce saumon qu’il venait de pêcher dans le loch T’Kint était vraiment somptueux. Au tour désormais de son cuisinier de l’apprêter pour que le dîner vespéral soit une fête.

Les flammes de la bûche dans la cheminée s’étaient éteintes, laissant des tisons rougeoyants d’où s’échappaient parfois quelques étincelles crépitantes ou une tremblante flammèche bleue, quand l’arrivée du majordome tira Sir Henry de sa douce torpeur.

« Le dîner de Monsieur est servi ! »

Sir Henry se leva péniblement pour se diriger en titubant vers l’imposante table de chêne de la salle à manger. Peut-être eut-il dû se contenter d’un verre… Mais non, à Dieu va, ce qui est bu est bu, honni qui mal y pense.

Il tapa le manche en argent de son couteau sur le bord de l'assiette en porcelaine de Wedgwood où la reine, cernée de laurier, n’osait même pas le regarder en face, lui offrant néanmoins son meilleur profil.

« Cuisinier de malheur, qu’attends-tu pour me servir ? Ma séance de pêche au saumon et au grand air m’a mis en appétit. »

Un petit bonhomme bronzé apparut, une assiette à la main.

« Mais où donc mon brave Archibald est-il passé ?

-  Sir, mon cousin Archy s’est cassé une jambe au cours d’un jeté de tronc aux jeux des Highlands et comme fort opportunément j’étais revenu la veille de Guyane où je me suis initié pour le prochain lancement de satellite en Écosse*, je ne pouvais faire autrement que de le remplacer au pied levé…

- Ah, le gredin ! Il aurait pu m’en avertir… Enfin, puisque je suis mis devant le fait accompli, il ne me reste plus qu’à goûter votre tambouille.

- Veuillez croire, Sir, que j’ai préparé ce plat avec amour et selon une recette qui devrait vous étonner.

- Hum, je ne cherche pas tant à être ébahi qu’à faire une honnête dégustation mettant en valeur ce saumon qui m’a donné tant de mal à le sortir de l’eau.» 

Le gnome basané exila la reine et la remplaça par une assiette rectangulaire.

saumon, sauce chien, haricots noirs
Saumon à la Baskerville

« Je n’apprécie que modérément cette touche moderniste, mais après tout qu’importe le flacon si l’on a l’ivresse. Goûtons voir si le saumon est bon ! »

Sir Henry enduisit une bouchée de chair de saumon avec de la sauce.

« Si Monsieur en désire plus, j’en ai encore un petit bol à sa disposition. »

C’est à ce moment que Sir Henry Baskerville poussa le cri strident qui survola les genêts et les bruyères, hérissant les moutons égarés, faisant s’envoler les grouses apeurées, terrant des renards pourtant effrontés.

« Ahouhhhhhhh !!!! Mais qu’est-ce que c’est que cette horreur qui m’emporte la bouche. N’ai-je tant vécu que pour cette infamie ? J’ai mal ! Toubib or not toubib ? Et pourquoi ce drapeau noir qui flotte sur mon assiette ? Seriez-vous un anarchiste, monsieur l’empoisonneur ? Oui, c’est bien cela, vous êtes un disciple de Bakounine qui a fait de l’entrisme en mon manoir dans le seul but de m’éliminer. Vade retro, satanas ! Hors de ma vue, hors de ce lieu, hors de mes terres, hors des Highlands, hors du Royaume-Uni, hors du Commonwealth ! Mais pas tout de suite, avouez-moi d'abord la composition de ce poison afin que j’en trouve l’antidote avant que je ne vous étrangle de mes propres mains ! Que dis-je, de ces poisons, car je vois aussi une poudre de succession qui parsème ce malheureux saumon.

-  Pourtant Monsieur sait bien que je reviens de Guyane… La poudre, c’est du colombo, et la sauce est une spécialité locale : la sauce chien. Le tout accompagné de ces haricots noirs si typiques des régions ensoleillées…

-  Eh bien retournez là-bas, et cette sauce chien, remettez-la à la niche. » 


*https://www.abcbourse.com/marches/lockheed-martin-va-lancer-un-satellite-depuis-l-ecosse_525562


lundi 8 février 2021

Lettre à mon héliciculteur

 Mon cher Hervé,

J’espère tout d’abord que vous ne vous sentez pas offusqué par le fait que j’utilise votre prénom bien que nous n’ayons pas gardé les gastéropodes ensemble. Mais avoir invité à ma table des bestioles par vous élevées et par vous cuisinées me pousse à cette familiarité…

Alors, certes, je ne puis que vous féliciter de la bienveillance dont vous entourez vos peuplades de gros gris qui, tout escargots qu’ils soient, n’en méritent pas pour autant d’en baver dans un univers que, tout bucolique qu’il soit, il faut néanmoins qualifier de carcéral. Fort heureusement, si j’en crois la photo, l’amour est dans le pré pour ces hermaphrodites. Et pour y être, il y est, car, comme le rappelle Voltaire, qui s’y connaît en volupté : Les colimaçons se pâment trois, quatre heures entières. C’est peu par rapport à l’éternité ; mais c’est beaucoup par rapport à vous et à moi.



Quant à leur régime alimentaire, crucifères, salades, radis, etc, le tout cultivé dans la ferme, j’en ferais bien mes choux gras si toutefois vous l’enrichissiez par quelques compléments carnés. Mais je ne doute pas que votre cheptel s’en satisfasse.

Alors certes je vous sais gré de me permettre de combler mes envies escargotières quand je constate qu’après des raids nocturnes pour rogner mes salades les colimaçons disparaissent comme par miracle de mon jardin à la période diurne, me privant ainsi de cette locavoracité pourtant si à la mode.

Alors certes je suis bien aise de pouvoir m’attabler devant des escargots cuisinés façon Bourgogne par vos soins, m’évitant ainsi de faire dégorger et mijoter, d’éplucher, de hacher, de malaxer, d’introduire, bref de me livrer à toutes ces opérations fastidieuses qui gâchent la vie du gastronome autonome.


Cependant - in cauda venenum… - je ne puis m’empêcher de vous adresser quelques reproches.

Tout d’abord l’ail, l’échalote, et surtout le persil sont hachés trop menu, nous privant d’un minimum de mâche végétale.

Ensuite, la touche aillée m’apparaît trop faible. Il est vrai que vous êtes du Sud-Ouest, ce qui peut expliquer cette course vers l’échalote.

Mais surtout le remplissage des coquilles méprise les lois élémentaires de la physique.

La chair de l’escargot, recouverte d’une grosse noix de beurre parfumé, est bien proche de l’ouverture. Ceci en facilite l’extraction, me dires vous. La belle affaire ! Pour l’amateur d’escargot (comme pour celui du bigorneau ou du bulot) l’introduction de la pique, la recherche du bon emplacement avant le coup d’estoc final, la remontée prudente afin d’éviter une esquive de l’animal, l’échec redouté, la difficulté vaincue, tout cela contribue au plaisir de la dégustation. Je concède que l’on est loin de la chasse du mammouth à la sagaie (mammouth écrase les prises) ou de la pêche au gros du marlin (à marlin, marlin et demi) ; néanmoins quelle tristesse de se livrer distraitement à l’évacuation trop facile d’un squatter vous accueillant au pas de la porte… En revanche, ce qu’il est impossible de nier, c’est le basculement inévitable de la coquille avec pour conséquence le déversement de la farce de beurre en dehors de la coquille, ainsi que le démontre le schéma suivant :

L’on voit que le centre de gravité est nettement décentré. Donc le moment de la force pondérale par rapport au point de contact avec le plat est loin d’être négligeable et ne peut qu’entraîner un basculement de la coquille vers le côté de son ouverture.

Aussi cette mini-corne d’abondance rondouillarde se fait un plaisir de prodiguer son contenu à tout va.

escargots façon Bourgogne
Déversoir

Ce qui fait que, basculant ce réceptacle prometteur au-dessus des lèvres béantes de ma tête relevée, je n’ai vu couler que quelques gouttes de ce voluptueux beurre d’escargot espéré : ce liquide s’était étalé sur la surface du plat. Avouez qu’ingurgiter les morceaux de pain qui m’ont permis d’éponger le désastre comme une bonne portugaise répare les dégâts causés par le chat de Madame qui a renversé le pot-au-lait ne conduit pas à la béatitude…

Il en aurait été tout autrement avec le montage représenté par le schéma suivant :

Le frottement au sein du réceptacle aurait réussi à s’opposer à un moment de la force pondérale nettement plus faible, l’inclinaison aurait donc été évitable.


Hum, splatsch, j’aspire, un beurre brûlant et parfumé caresse les papilles, je repose l’escargot, fi donc de la pince, je le saisis entre deux doigts de ma main gauche, de la dextre j’introduis la pique, je cherche, non, c’est encore plus loin, ça y est, je l’ai, non l’escargot s’échappe, je recommence, c’est bon, je porte triomphalement ma proie à la bouche. Il reste encore un peu de ce beurre empreint de fragrances, splatsch, j’aspire, c’est bon, je m’aperçois que la coquille est encore barbouillée, je ne puis m’empêcher de la torcher d’un éclat de mie.

Au suivant !

Tel eut été mon plaisir, mon cher Hervé, si vous eussiez poussé l’escargot un peu plus loin. Vous ne le fîtes point, hélas…

Sans rancune néanmoins.


samedi 6 février 2021

Le Burger Gentil home

Quand je suis tombé sur cette recette diffusée sur France3 dans l’émission Météo à la carte, je fus interpellé au niveau du vécu :


« Y en a avoir bonne idée pour utiliser le reste de fromage patientant après ma raclette bison gendarmes ! » me suis-je exclamé in petto dans le langage peu soutenu justifié par mon en moi. Je vais reprendre cette idée, modifiant quand même en bonne partie la recette. En effet - restaurant alpin oblige… - le chef réalise plutôt une raclette revisitée. Pour ma part, j’opte pour un burger revisité, avec les codes traceurs de ce produit et non ceux de la raclette, donc sans charcuterie.


Le lendemain je passe à l’acte.

Je commence par râper des pommes de terre, plus précisément des rattes. J’enferme le résultat de mon labeur dans un torchon que je tords afin d’évacuer le plus possible d’humidité, puis verse dans une bassine. J’assaisonne de sel fin de Guérande, de plusieurs tours de moulin de poivre rouge et d’une pincée de noix de muscade râpée. Je mélange avec une cuillerée de fécule de pomme de terre, ajoute un œuf entier et continue à brasser.

Quand cet appareil est bien homogène je le partage en quatre parts je le moule dans des cercles et dépose sur une poêle bien chaude abondamment revêtue d’huile d’arachide dans laquelle a fondu une noix de beurre.

burger, galettes de pomme de terre
Faire faux buns

Quand la cuisson est terminée, les galettes dorées sans excès (il y aura un passage au four…) mais cuites à l’intérieur, je réserve.

Je passe à la cuisson de deux steaks hachés simplement parsemés de fleur de sel et des feuilles tombées d’une pousse d’origan. Un bref aller-retour sur une noix de beurre au fond d’une poêle qui préserve le cœur saignant.

burger aux galettes de pommes de terre, steak
Patate errante entre deux steaks...


Je découpe quatre tranches généreuses dans le morceau de fromage à raclette.


Je peux désormais procéder au montage que j’effectue sur un plat rectangulaire en fonte.

Une galette de pomme de terre tout d’abord. Enfin deux côte à côte. Tous mes actes suivront par paire eux aussi…

J’étends trois rondelles découpées dans un oignon doux des Cévennes. Elles devraient subir une légère cuisson propre à leur apporter encore plus de douceur et de tendreté.

Arrive une tranche de fromage à raclette. Je la saupoudre d’un tour de moulin de poivre rouge.

Je me pose maintenant une question. Roquette ou pas roquette ? J’opte finalement pour allonger quelques feuilles qui, certes, perdront de leur rigide fraîcheur, mais apporteront néanmoins une note herbacée. Se serait-il agi de bêtasse laitue, il en aurait été tout autrement…

Je transporte un steak au coeur saignant sur une large spatule jusqu’au troisième étage de ma tour en construction. Je le bombarde d’encore d'un tour de moulin de poivre et d’une pincée de quatre-épices.

Une seconde tranche de fromage à raclette vient s’ajouter à mon amoncellement.

J’y étends trois découpes longitudinales effectuées dans un gros cornichon malossol : cet aigre-doux bienvenu pour émoustiller des papilles lassées par la rondeur du fromage devrait faire merveille. 


Bon, j’en ai presque terminé…

Burger de galettes de pomme de terre
Sur le quatrième étage

Cependant parmi les codes traceurs du burger, il me manque une sauce. Pas question de m’orienter vers une sauce à base de mayonnaise pour le passage au four - même si je n’ignore pas qu’enfourner des mets tapissés de cette sauce soit pratique courante au Portugal et que j’ai pu constater que le résultat en était loin d’être mauvais… J’opte pour une bonne cuillerée de Chipotle Ketchup dont le caractère bien relevé. Et puis un produit américain dans un burger, il y a bien sa place, is not it ?

Je termine mon édifice par une seconde galette de pomme de terre.

Oups, cette tour est bien branlante. Une pique vient donner de la rigidité à mon burger qu’il ne reste plus qu’à passer au four.

J’ai réglé le thermostat à 220 °C J’enfourne pour cinq minutes.

Je sors mes burgers qui m’ont l’air à point.

Je les dépose sur deux assiettes, entourés de feuilles de roquette. Quand me vient une idée : il me reste quelques graines de courge achetées pour la confection de mon hotteok coréen. J’en fais tomber une petite cuillerée au sommet de mon burger parmentier.

burger
Burger Gentil home


Vite, à table pendant que c’est chaud !

Ouais, pas question de le porter à la bouche en le tenant en main. Ce n’est qu’une parodie de burger…

Mais le tout fonctionne bien, même si ce n’est pas super-light.

Et puis de toute façon je n’ai jamais réussi à manger un burger dans la rue sans en faire dégouliner la sauce sur ma chemise, voire ma cravate. Cette incommodité n’est donc qu’un traceur de plus…


jeudi 4 février 2021

Grenier d'en bas


grenier  médocain
Les planches du grenier

Une savoureuse découverte dans ce repas charcutier : le grenier médocain.

Cette sorte d’andouille un peu difforme cache sous son aspect rustique une âme délicate. Elle est capable de nous proposer une symphonie de fragrances : celles d’un poivre omniprésent, mais à la force tranquille, jointes dans une parfaite harmonie à celles du bain dans lequel cette pièce a cuit, bouillon qui a déposé entre les couches de panse de porc une onction de gelée aromatique qui enchante le palais, parfumée en particulier par les baraganes - des poireaux sauvages présents entre les ceps de vigne (ouais, si l’on ne désherbe pas…).

Cette spécialité est préparée par un artisan, la maison Baroc, dont l’atelier se situe dans le Médoc, non loin de Bordeaux. Sur la planche voisine j’avais aussi les tranches d’un pâté en croûte au cochon et aux cèpes et d’un pâté en croûte veau, magret, porc noir, volaille, foie gras, pistache : tous deux confectionnés par le même charcutier.

Ces prémices avant de monter au grenier étaient fort bonnes, il leur manquait toutefois par rapport à la spécialité médocaine qui leur a succédé le sel de la découverte d’un nouveau produit.

Et surtout force m’a été de constater que ma cave n’était pas au niveau du grenier !


mercredi 3 février 2021

Pas exempt de Corée

J’étais en train de me demander quelles crêpes j’allais réaliser pour la Chandeleur quand je vis arriver dans ma boîte à courrier un mail de l’Académie du Goût me proposant une recette de HOTTEOK OU CRÊPES CORÉENNES.

Ben, pourquoi pas, me dis-je en mon for intérieur. De quoi changer de la routine habituelle…


Et voilà, c’est le jour J, ou plutôt C comme Chandeleur.

Je prépare en premier lieu la pâte. Je mélange dans un cul-de-poule 200 g de farine de blé avec 50 g de farine de riz gluant et 20 g de sucre. J’ajoute 1,5 g de levure de boulanger déshydratée et une pincée de sel. Je verse 8 cl de lait et 8 cl d’eau. Je pétris et obtiens une boule de pâte.

hotteok
Ma boule (pas complétement...)

Je recouvre d’un tissu et je laisse reposer environ un couple d’heures.

Pendant ce temps je réalise la garniture. Je concasse grossièrement 40 g de noisettes, 40 g de noix, 40 g d’amandes. Je verse dans un second cul-de-poule. Je complète de 30 g de graines de courge, 50 g de cassonade et une cuillère à café de cannelle de Madagascar en poudre.

hotteok
Grossièrement


Du jour J, je passe à l’heure H.

Je partage ma boule de pâte en 8 parts égales que je façonne en boules que j’étale en disques sur lesquels je dépose une cuillerée de garniture Je referme, reboule et aplatis plus ou moins bien : je suis loin de parvenir au cercle parfait…

Je fais dorer ces disques dans une poêle chaude graissée de 3 cuillérées à soupe d’huile d’arachide.

hotteok
Hotteok dorant

Je m’aperçois rapidement qu’il n’est pas évident de régler la flamme pour garder le juste équilibre entre une surface molle et anémique ou une croûte brunissante s’apprêtant à cramer. J’ai l’impression de jouer de la manette de réglage du brûleur comme de l’accélérateur dans une côte de lacets en montagne !

Ouf, ma cuisson n’a pas dérapé, et je puis servir deux assiettes où s’étendent croustillement quatre pièces de hotteok.

hotteok
Y a que l'assiette de ronde...

Je pourrais les baptiser du même nom qu’une pâtisserie italienne : brutti ma buoni - moches mais bons.

hotteok
Mais c'est qu'il mordrait, cet hotteok !

Une bouteille de sake, un Kuroushi Junmaishu demi doux aux arômes d'agrumes, servie pour arroser extrême-orientalement ce demi succès vient me consoler - même si je crains que cette alliance d'un fin breuvage japonais avec la streetfood coréenne ne paraisse pour un habitant du pays du matin calme aussi incongrue que pour nous une  Gueuze servie avec une bouillabaisse...  

sake
Sakément bon...


Je n'oublie pas pour autant qu'un demi succès, c'est aussi un demi échec, et je ne suis pas vraiment satisfait de ma prestation.

Je viens d’approfondir la question, et une vidéo me donne la voie à suivre.


Déjà, il me faut concasser plus finement afin de faciliter un boulage régulier. Ensuite je dois non pas étendre cette sphère sur mon plan de travail, mais la placer telle quelle sur la surface de cuisson. Enfin et surtout il faudrait que je dispose de l’ustensile approprié pour presser et obtenir un disque régulier.



Ça y est, je viens de le commander. Il arrivera de Corée dans quelques jours. 

Oupelaille, ne le répétez pas à Madame ! Elle le saura bien assez tôt...


mardi 2 février 2021

Un bon cou

Je m’étais habitué à sa présence. Chaque fois que j’ouvrais le placard armé de mon ouvre-boîte sacrificiel afin de pallier ma paresse culinaire du jour, je le voyais, engoncé dans sa livrée noire, sa tête chenue toisant les boîtes de flageolets et de sardines avec le mépris d’un majordome envers les bonniches et les palefreniers.

Je n’allais tout de même pas l’immoler sur mon autel gourmand sans autre forme de procès… D’autant plus qu’il avait des excuses pour son attitude hautaine : c’était un cou d’oie farci, donc rien d’étonnant à ce qu’il se montât le col.


Hélas tout a une fin. Il y a quelques jours, faisant une tournée d’inspection, je me suis aperçu qu’il était arrivé chez moi en 2016. Alors je me suis tourné vers lui :

« Mon pauvre, et crois bien que c’est aussi difficile pour moi que pour toi, mais il va falloir mettre fin à ton CDI, C’est pour ton bien, je dois me séparer de toi avant que tu sois périmé. Tu ne veux tout de même pas finir à la rue, dans une poubelle ? Ah, j’allais oublier, on fera un pot pour ton départ ! »


La main tremblante, je l’ai décoiffé. Il suait la graisse à grosses gouttes et sa peau se hérissait d’effroi. Il gémit « J’ai les foies… » quand je l’ai étendu sur la poêle. « Mais non, un seul, et encore pas entier… En revanche voici une douzaine des rattes qui vont te tenir compagnie. ». J’ai omis de lui parler des deux gousses d’ail. Tel que je le connaissais, je craignais fort qu’il n’aimât point les gousses…

Il se tut et se dora.

cou d'oie faci
Y en avoir beau cou !

Quelques minutes plus tard, sur la planche, il paraissait plus grand mort que vivant. Je l’ai découpé en tranches.

J’ai tenu ma promesse. J’ai ouvert une bouteille. Un cahors. En hommage à sa périgornitude.

Une page est tournée… Mais qu'il est dur parfois d'être gestionnaire des ressources placardières !

dimanche 31 janvier 2021

Salut, c'est pour un sondage !

Salut, c'est pour un sondage!


« Que pensez-vous de la nouvelle sonde de chez Mastrad, la Meat'it + ?



-  Eh bien, à vrai dire, ce n’est pas moi qui l’ai achetée… En fait, elle m’a été offerte par une bonne âme vraisemblablement lassée de m’entendre grommeler que ma sonde était excessivement longue, qu’une fois plantée dans un pâté ou une volaille, elle dépassait trop pour pouvoir entrer dans le four, bref que j’en avais ras le bol - Monsieur Matfer, vous ne pouvez pas les faire un peu plus courtes.


Alors c’est vrai, la Meat'it, elle trouve facilement sa place dans mon four, presque rien ne dépasse…

Pour sa première utilisation, je l’ai testée sur un rôti de rumsteck plutôt dodu. Las, il était gâché par la présence d’une barde de porc, ces bouchers sont incorrigibles. Mais ceci est une autre histoire…

Je me suis emparé d’une poêle en acier et j’ai fait dorer ma pièce de bœuf assaisonnée sur un trait d’huile d’arachide enrichie d’une noisette de beurre. Puis j’ai ajouté une garniture aromatique composée d’oignon et de carotte, ainsi qu’une échalote coupée en deux, sans oublier la feuille de laurier et le poivre long. 

Meat'it +
L'ai je bien pénétré ?

J’ai ajouté aussi un demi-verre d’eau afin d’éviter une carbonisation prématurée et que la viande baigne dans une atmosphère humide.

Bon, après... Ben voilà. Le moment fatidique est arrivé. J’enfonce mon arme ma sonde jusqu’à la garde. Première remarque : autant le fin fleuret de Matfer pénètre sans problème, autant le braquemart de Mastrad a du mal à faire son trou. Heureusement que la viande est tendre ! Je crains aussi une vilaine cicatrice…

J’enfourne à 150 °C, pour une cuisson plutôt lente. Les ondes vont-elles réussir à franchir les murs d’acier du four, car il n’y a même pas une paroi vitrée ? Je regarde mon IPhone. Oui ça marche !

Je ne suis pas très porté sur les applications qui nous rendent esclaves de ces smartphones . Et puis, bon à tout, bon à rien, mais force m’est de reconnaître que cette gestion de cuisson est plutôt ludique. Après avoir informé Monsieur Meat’it que la viande était dans un four, qu’il s’agissait de bœuf et plus précisément de rumsteck, que j’aimais une viande bleue, cet aimable assistant m’informe que le différentiel de températures entre le cœur et la surface de la pièce témoigne d’une cuisson lente mais néanmoins convenable et m’invite à prévoir une sortie du four dans, eh ben dans combien de minutes...?Je ne m’en souviens pas aujourd'hui… En tout cas c’était fort précis, et cette donnée ne fluctuait guère pendant toute la cuisson.

Je poursuis... Le téléphone sonne. C’est Monsieur Meat’it qui m’appelle : le rôti devra être sorti du four dans cinq minutes. Il est temps de revenir aux relations humaines. Je hèle ma compagne : « Le rôti va être prêt, magne-toi les fesses pour mettre la table ! ». Enfin c’était formulé en termes plus courtois - on n’est pas des sauvages ! - mais le sens général est bien là…

Je pose mon rôti sur la planche de découpe en bois. Il va reposer le temps que je prépare ma sauce.

Je déglace la poêle avec un fond de veau et du porto. J’ajoute un trait de Worcestershire Sauce, une petite cuillerée de mélasse de grenade. Je fais réduire.

rôti, sauce, Meat'it +
Sauce qui peut !

Une fois la consistance un peu sirupeuse obtenue, j’épice de plusieurs tours de moulin de poivre rouge de Kampot et vanne avec une noisette de beurre. Je verse à travers un chinois dans une saucière réchauffée dans le four encore tiède.

Quoi, m’sieur l’enquêteur, vous vous impatientez ?

Calmos, mon pote, je reviens au résultat obtenu avec la sonde Meat’it. Tout d’abord, j’ai encore plus de mal de mal à extraire la sonde qu’à l’enfoncer ! Il me faut jouer les Arthur pour délivrer cette Excalibur de son carcan viandeux… D’autant plus qu’elle est encore bien chaude et que le crochet d’extraction offre une efficacité douteuse.

Ouf, c’est chose faite ! Je me livre au tranchage. Le résultat n’est pas si mal que ça, la viande est restée plutôt saignante tout en étant chaude à cœur. Bon, pour ma part, je préfère un contraste marqué entre la superficie et le cœur, peut-être aurais-je dû pour ce faire opter pour une température de four plus forte…

sonde meat'it +
Pas de raison de me faire du mauvais sang pour cette sonde

Au moment de la dégustation je trouve que…

-  Ouais, ouais, j’m’impatiente. Est-ce que je vais enfin pouvoir poser ma question pour le sondage ?

-  OK, j'écoute.

-  J'vous la lis :

Vous êtes satisfait de votre sonde Meat’it + : pas du tout, un peu, très, entièrement, ne sait pas.

-  Ne sait pas. 

-  Oh, dur, dur !!!