D’r Hans em Schnokeloch hät alles, was er well!
Und was er hät, des well er net
und was er well, des hät er net;
D’r Hans em Schnokeloch hät alles, was er well!
Et ce qu'il a, il n'en veut pas,
Et ce qu'il veut, il ne l'a pas.
Hans dans le trou à moustiques a tout ce qu'il veut !
Hans avait envie de gibier.
Il est parti à la chasse dans les forêts vosgiennes.
La biche et le sanglier, il les avait eus.
Mais désormais il n’en veux plus.
Et me voici donc prêt à cuisiner un rôti de biche et des côtes de sanglier que cet Alsacien a dédaignés…
LE RÔTI DE BICHE
Ce rôti d’une biche abattue par un chasseur, c’est une belle pièce - fort heureusement non bardée - qui pèse un peu moins de 900 g.
Elle n'a pas besoin de débardeur |
Je l’extrais de son sac sous vide pour qu’elle se mette à température ambiante et reprenne des couleurs avec l’oxygène de l’air.
Je commence par la préparation de la purée de panais.
J’épluche et partage en morceaux trois panais du jardin. Je les recouvre d’eau dans une casserole, ajoute une grosse pincée de gros sel. Un quart d’heure après le début de l’ébullition, je vérifie la cuisson de la pointe d’un couteau. La lame pénètre le légume avec aisance, je peux donc prélever mon panais avec une araignée pour le déposer au fond d’un bain-marie en inox. J’ajoute deux cuillerées d’un pot de crème épaisse d’Isigny, une grosse noix de beurre de baratte doux Réo et une pincée de curcuma pour la couleur. Je pulvérise les morceaux de panais à l’aide du pied blender de ma girafe.
Je goûte une petite cuillérée : la texture est parfaite, je n’aurai même pas besoin de tamiser. Juste une petite pincée de sel pour rectifier l’assaisonnement, et je peux laisser le bain-marie réservé sur une petite flamme.
Dans le bain-marie |
Je fais fondre une noix de beurre dans une cuillerée d’huile d’olive au fond d’une cocotte en fonte émaillée. Après la découpe du panais, et pendant sa cuisson, j’avais enchaîné sur le taillage d’une carotte et d’un oignon destinés à fournir une garniture aromatique. Je verse ce mélange dans la cocotte avec une pincée de sel et y ajoute deux gousses d’ail rose de Lautrec.
Ils se font suer en attendant la biche |
Ces légumes sont en train de suer, j’assaisonne le rôti de biche de fleur de sel et d’un tour de moulin de poivre rouge.
Je hausse la flamme, je dépose la biche dans la cocotte et saisis ce rôti sur toutes les faces.
Je baisse le feu, et fais tomber à côté de la viande une belle branche de persil, une plus modeste de thym, une autre d’origan, et juste une petite branchouillette de romarin au parfum puissant. Je termine par une feuille de laurier.
Je coiffe la cocotte de son couvercle et enfourne pour 20 minutes à 160 °C. Je décoiffe : la pression du doigt m’indique que la viande n’est pas encore cuite. Tant mieux, car je veux la colorer en finissant la cuisson à découvert. Je remets au four à 210 °C, durant 5 minutes sur une face, puis je retourne la pièce pour 5 nouvelles minutes. Je procède à nouveau à mon test tactile : de la fermeté, mais pas trop… La cuisson devrait être à son optimum. Je sors le rôti de biche de la cocotte, l’enveloppe d’une feuille d’aluminium et le réserve sur une planche.
Pendant que la biche dort, je prépare une sauce propre à la réveiller en fanfares.
Je déglace le fond de la cocotte avec une cuillerée de vinaigre de Maury et un grand verre de porto. L’en reste même pas assez pour me verser une prime… Dans ce cas, y a plus qu’à évacuer les quelques gouttes restantes dans le fond bouillonnant, et, zou, j'exile le cadavre à côté de la poubelle !
Porto pollué |
Après 3 minutes de bloubloutage dans le récipient de cuisson, je transfère le liquide à travers un chinois dans une petite casserole, faisant pression sur le solide pour en extraire le substantifique jus. Je complète d’un trait de Tabasco teriyaki sauce, d’une pointe de fond de veau en pâte et de deux cuillerées à soupe de mélasse de grenade.
Dans mon mortier je concasse sur une pincée de gros sel : une dizaine de grains de poivre banc de Penja, autant de poivre noir de Kampot, cinq baies Malam. C’est en reniflant les épices pour faire mon choix que les fragrances de ces graines du Cameroun m’ont semblé bien aptes à s’accorder avec un gibier. Et la dégustation prouvera que je ne me suis pas trompé.
Mais on n’en est pas encore là. J’incorpore le contenu écrasé grossièrement par mon pilon dans la sauce que je laisse réduire tout doucement pendant que je me retourne vers ma biche, oh, ma biche…
Je la sors de son suaire métallique. Étendue sur son bois, elle n‘offre pas de résistance à mon couteau qui la partage. Tendre biche…
Les assiettes ont été mises à chauffer dans le four que je viens d’éteindre. Je les sors pour le dressage.
La veille, j’avais préféré cuire en retour de courses les girolles de Corrèze achetées au marché, leur humidité ne présageant pas un stockage sans risques. Je les avais donc fait sauter à la poêle dans une cuillerée d’huile d’olive et une grosse noix de beurre avant de les incarcérer dans une boîte réservée au frais.
Le récipient se trouve désormais dans le micro-ondes, elle virevolte deux minutes, les girolles sont remises à température.
Je dispose trois tranches du rôti de biche, allonge la purée de panais avec à ses côtés une pluie de girolles. La sauce, bien réduite, est désormais épaisse et sirupeuse, je lui ajoute un peu de brillant en lui incorporant une petite noisette de beurre. J’en verse une bonne cuillerée au pied de la viande j’extrais des tranches de concombre en aigre-doux confectionné à la fin de l’été à la maison après une récolte. Je termine par un tour de moulin de poivre rouge - évitant soigneusement de ternir la purée de panais - et la chute de quelques cristaux de sel de Maldon sur les tranches rosées.
Un brin de persil a réussi à se faufiler par l’entrée des artistes, mais je ne le chasse pas de la scène, car après tout ce figurant de seconde zone apporte une petite note colorée bienvenue au lever de rideau. Il sera toujours temps de le virer après le premier acte…
Je frappe les trois coups de fourchette.
Une pièce de la biche |
Miam…
Rideau.
Applaudissements !
LES CÔTES DE SANGLIER
Si j’ai traité la biche avec toutes les attentions qu’elle méritait, je réserve au sanglier un accueil plutôt rustre, bien en accord avec son naturel bourru.
Cette fois-ci la recette sera simple : je me contente de saler et poivrer les côtes reposer durant une petite heure au fond d’une plaque à débarrasser avant de les poser tout bêtement sur le gril bien chaud badigeonné au pinceau d’huile d’olive. Trois minutes de chaque côté, et elles peuvent rejoindre sur les assiettes les choux de Bruxelles plongés une douzaine de minutes dans l’eau bouillante salée et sautés rapidement à la poêle dans un bon morceau de beurre.
Je râpe au-dessus des choux une noix de muscade, et je dépose à côté des côtes un peu de sauce Belgian Pickles dont le pot sera présent sur la table (rab à volonté sans supplément).
Les bruxellois se tiennent les côtes... |
Tiens, le persil n’est pas venu, serait-il malade ?
Eh bien, dans sa simplicité, ce plat est très agréable. Un sanglier qui n’est pas d’élevage, c’est quand même appréciable. Du gibier, du vrai… Et je l’apprécie !
LE RETOUR DE HANS
Hans est de retour. Encadré de quatre gendarmes…
...sangliers dans l'âme |
Pas étonnant que ces Landjâger se soient emparés de lui car :
Hans du trou à moustiques fait tout ce qu’il veut
Et ce qu’il fait, il ne le doit pas
Et ce qu’il doit, il ne le fait pas
Hans du trou à moustiques fait tout ce qu’il veut
Et moi je vais tout faire pour le libérer de ces pandores imbibés de pinot noir. Je lui dois bien ça car c’est grâce à cet ami que je me suis régalé.
Ah, le gibier de pote Hans !