dimanche 8 novembre 2020

La diagonale du feu

 

Ma cuisine part en diagonale - ce qui vaut quand même mieux que de partir en vrille…


POINT A : LE NORD-EST

Des boudins blancs de Rethel servis avec des pois cassés cultivés dans l’Aisne.

Je cuis mes pois cassés bien rincés en les recouvrant largement d’eau où baignent un oignon et une carotte du jardin, le premier coupé en quartiers, la seconde taillée en rondelles. Je fais plonger également un bouquet garni, bombarde de deux graines de piment de la Jamaïque et d’une douzaine de grains de poivre blanc de Penja. Je place la casserole sur une petite flamme et laisse une quarantaine de minutes. J’assaisonne d’une pincée de gros sel et laisse encore cinq minutes.

Je vérifie, trois pois évacués par tirage aléatoire s’écrasent facilement entre le pouce et l’index, j’égoutte et verse dans une bassine en inox où il suffit de brasser énergiquement avec une grosse noix de beurre à l’aide d’une fourchette pour réussir une purée, certes non aérienne, mais offrant la texture agréable au palais bien appropriée pour un plat tendance rurale. En outre j’obtiens ainsi une mâche bien absente de l’élément central, un boudin certes savoureux, mais renfermant sous sa peau une chair bien voisine de celle des petits pots premier âge. Non mais, je ne suis pas un sans-dents !

Ce boudin de Rethel, je l’ai étendu au fond d’une petite poêle sur une grosse noix de beurre demi-sel finissant à peine de fondre et, retournant régulièrement mes trois pièces, je l’ai laissé se réchauffer et dorer doucement à feu doux durant une douzaine de minutes.

Et voilà, les bronzés doivent terminer de se vautrer à poêle. J’avais réservé les pois cassés dans le four à 70 °C, en profitant pour chauffer le plat de service. Oust, ite missa est, sortie du four, y a plus qu’à dresser.

Dresser, bien grand mot, car je me contente de verser ma purée-écrasée de pois cassés dans le récipient dont la blancheur resplendissante ne laisse pas soupçonner qu’il n’est qu’une vulgaire récup d’un surgelé Picard des temps anciens, puis de poser les trois boudins de Rethel que j’arrose du jus présent au fond de la poêle où ils se sont prélassés. Un tour de moulin de poivre rouge. Quelques peluches de persil frisé quand même, histoire de vivifier le paysage…

boudin blanc de Rethel, pois cassés
Pois cassés, mais boudins non éclatés

Et voilà : les bronzés font l’exquis !



POINT B : LE CENTRE

Arrivée tout droit du Haut Poitou, de cette bernache dont j’ai été bien privé cet automne.

bernache
Fin d'un cubitainer...

Une bernache rouge, une bernache de traîne si j’ose dire, car les vendanges furent précoces cette année. Agréable néanmoins, car elle n'offrait pas la petite note de vinasse trop souvent présente dans cette version rubescente.

Merci donc au valeureux passeur, d’autant plus que cette bernache était accompagnée de charcuteries tourangelles de mon boucher richelais préféré…

rillettes de Tours
Du pain sur la planche, mais pas que...


POINT C : LE SUD-OUEST

Un magret de canard des Landes servi avec des haricots cocos.

Mais non, je n’ai pas fait un crochet par Paimpol ! À vrai dire, j’ignore la provenance de ces cocos, le marchand de primeurs du marché ne s’embarrassant pas de cette précision superflue (hors de l’AOP, point de plus-value…). Cependant force m’est de reconnaître que le produit était de qualité.

Ces cocos, après que j’ai écossé les gousses bien pleines, je les verse dans une grande casserole, leur ajoutant un oignon paille partagé en quatre, une carotte taillée en sifflets. Je verse de l’eau, un centimètre au-dessus, deux centimètres, trois… Là, c’est bon, tout juste pour ne pas les délaver tout en évitant de passer son temps à rajouter de l’eau chaude (à inventer). Je n’oublie pas de faire plonger une feuille de laurier (bien mérité), une branche de thym (resplendissant), deux de sauge (d’une nuit d’automne) et quelques grains de poivre noir (désir).

Condamnés à quarante minutes de cuisson à feu moyen, ces drôles de cocos voient leur durée d’emprisonnement ramené à trente minutes en raison de leur bonne tenue.

Après s’être bien ébroués, ils sortent donc pour gagner une résidence au large vitrage. Ils auront le beurre et l’argent du beurre : c’est moi qui régale.

Le magret, je commence par le parer, évacuant les aponévroses et un petit vaisseau sanguinolent, puis n’hésitant pas à le priver d’une bonne partie du gras qui le recouvre.

Une fois le magret incisé et assaisonné de cristaux de sel de Maldon, je pose le magret côté peau partagée en petits carrés sur le fond d’une poêle en acier. Un feu moyen fait fondre la graisse du canard. Je lui fais quitter le récipient, un léger coup de feu dore la peau et la rend croustillante. Je saisis pendant quelques secondes le côté chair avant de retourner la pièce une nouvelle fois et d’enfourner la poêle pour une dizaine de minutes à 130 °C.

Après ce délai, j’étends le magret sur une planche et le laisse reposer dix, non, cinq, je ne suis pas patient et j’ai faim… Ben, à la découpe, c’est cependant parfait, pas besoin de ces cinq minutes supplémentaires !

J’étends les tranches sur une assiette carrée en guise de plat. Je fais tomber quelques gouttes de vieux vinaigre balsamique de Modène.

magret de canard, haricots cocos
Ils ne se font pas de mauvais sang sous le regard des cocos

Et voilà, je suis arrivé au bout de ma diagonale du feu.

Échec et mat !


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