Avec l’arrivée du froid, une bonne partie des piments du jardin ont regagné l’appartement, maternité où ils étaient éclos il y a plusieurs mois dans une mini-serre chauffée et éclairée.
Planche de piments |
Certains sous forme de cueillette dont une bonne partie a été rassemblée en tresses destinées à passer au déshydrateur : piments de graines venues de la Réunion de variétés diverses telles que Martin, Achard et de Malaisie, ainsi qu’un piment que j’oserai qualifier de proximité, car provenant du Potager du Roi.
Mais encore des pieds extraits des plates-bandes et rempotés pour vivre désormais une vie recluse à côté d’une fenêtre et d’un radiateur : piments Oiseau et Cabri eux aussi issus de graines réunionnaises, sans oublier un pied de piment végétarien obtenu à partir de graines de la maison Baumaux, et destiné à remplacer le pied hélas mort de vieillesse qui nous avait approvisionnés et régalés pendant plusieurs années.
Cabri qui ne saute pas |
La fleur du végétarien |
Pour fêter cette arrivée j’ai sorti une côte de porc basque Ibamaîa, bien pourvu en graisse
Ibamaïa, le retour |
J’ai servi à ses côtés un plat de légumes pimenté : une giraumonade.
Côté porc, je fais dorer légèrement ma côte assaisonnée généreusement de cristaux de sel de Maldon sur toutes ses faces au fond de ma cocotte en fonte sur une minimaliste goutte d’huile : en effet la viande rendra rapidement suffisamment de gras pour ne pas attacher. Puis je verse un petit verre de genièvre de Houlle, non sans avoir vérifié par l’ingestion d’un tout petit verre de dégustation l’adéquation du produit avec mon projet. Il faut savoir donner de son corps pour parfaire une recette !
J’approche la flamme d’une allumette. Flambe bien, mon cochon !
Je fais tomber au fond de la cocotte un oignon rouge partagé en quatre, trois gousses d’ail violet nouveau, une feuille de laurier, un brin de persil, une petite branche de sauge, une autre de thym. Je sème une pincée de grains de poivre de Voatsiperifery. J’ajoute un chaton de poivre long et chasse le vieux chat, en pension pour quelques jours mais toujours là, de la cuisine où il traîne, même pas par l’odeur alléché. J’arrose d’un verre d’eau, coiffe la cocotte de son couvercle et enfourne à 110 °C.
Au bout de quarante-cinq minutes, je sors la cocotte du four qu’elle réintègre après que j’ai retourné la côte d’Ibamaïa et ranimé le jus commençant à caraméliser d’un nouveau verre d’eau. Encore trois quarts d’heure, et la cuisson devrait être achevée. Deux piments Martin me font de l’œil, je ne résiste pas à l’envie de les intégrer à ma recette. Et zou, dans la cocotte… Roule, mon cochon !
J’ai donc largement le temps de préparer la giraumonade, un plat que cuisinait souvent ma tante guadeloupéenne.
Ce sera d’ailleurs plutôt une pâtissonade, car pour une raison inconnue, tout au moins par moi, piètre jardinier, les pieds semés n’ont pas poussé dans le jardin, pas plus que ceux de potirons Bleus du Poitou qui avaient pourtant donné lieu à une magnifique récolte l’année précédente.
La première étape est la plus pénible. Éplucher ces légumes contorsionnés est une entreprise malaisée, et il me prend souvent l’envie de jeter ces bonnets d’électeur par-dessus les moulins…
Enfin, voici, la corvée est terminée. Je découpe en gros dés que je verse dans une casserole où j’ai versé une cuillerée d’huile d’olive et un verre d’eau. Je complète de trois gousses d’ail émincées, une feuille de laurier et une pincée de sel fin. Comme décidément je manque de l’indispensable pour la vraie giraumonade, je replace la cive par un petit oignon blanc nouveau haché et ses tendres tiges vertes centrales ciselée. Il me vient à l’esprit que je dispose d’un petit flacon de vinaigre antillais parfumé à la cive. Si je n’ai pas la plante, j’aurai au moins son fantôme… Pas de piment végétarien non plus, il est en fleurs mais n’a pas encore produit : je hache grossièrement un piment Cabri et un piment Martin…
Je place sur une flamme moyenne en tournant régulièrement jusqu’à ce que cette résistante cucurbitacée s’attendrisse et consente à s’écraser sous ma fourchette.
Il est bien trop tôt avant la fin de cuisson de ma côte quand je puis emplir un plat de faïence blanche avec ma préparation. Mais le four est à température suffisamment basse pour que j’y puisse enfermer ce plat qui continuera à y perdre de son eau, ce qui ne sera pas plus mal.
Giraumonade version pâtissonade |
Bip, bip, bib… C’est le moment de sortir la cocotte de sa prison.
Je décoiffe, la cuisson me semble convenable : en posant mon index la chair résiste, mais sans excès. Au fond du récipient frémit un jus mordoré qui dégage d’appétissants effluves.
La vérité au fond de la cocotte |
Il ne me reste plus qu’à poser la côte de porc Ibamaïa sur la planche, puis la découper avant le dressage final.
Vraiment beau |
J’arrose la viande du jus de cuisson, n’oublie pas de récupérer la gousse d’ail confite et d’allonger le rouge piment (dont j’ai vérifié d’une dent prudente sur une petite découpe la comestibilité après mijotage) sur le vert tendre du pâtisson écrasé parsemé d’éclats d’ail.
J'ai tranché. La vérité : c'est que cette assiette est excellente ! |
Ben t’es bien bon, mon cochon !