lundi 5 octobre 2020

D''harengs à Arran

 HARENGS

Trêve dans mon attaque des produits écossais. Ce jour, pour le repas, ce seront des harengs saurs de Boulogne-sur-Mer que j’invite à ma table.


Quelques heures avant le repas, je les allonge dans un petit plat en céramique, ajoutant une carotte tranchée, deux gousses d’ail violet émincées, des sommités de persil, une feuille de laurier déchirée en trois, quelques baies de piment de la Jamaïque, des grains de poivre blanc de Penja et de poivre de Voatsiperifery. J’arrose largement d’huile vierge de colza, puis relève d’une petite cuillerée de vinaigre de Maury et quelques gouttes de vinaigre balsamique traditionnel.

Je laisse les arômes se mêler.

hareng saur
Ce n'est pas un triste saur !

Accompagné de bintjes en robe des champs, le résultat est plaisant. Le choix de l’huile de colza première pression à froid produite par une ferme tourangelle apporte vraiment un plus. Et puis la carotte est tendre, l’ail nouveau est parfumé tout en douceur. Il n’y a guère que le laurier et le thym qu’il faille écarte sur le côté de l’assiette…


EN ÉCOSSE

Le lendemain, je poursuis mes rapines dans les réserves écossaises.

Sur le gril, je dépose des Farm Assured Pork Sausages et une Cumberland Ring Sausages.

breakfast écossais, saucisses
Pourquoi le Ring n'est-il pas une saucisse de Bayreuth ?


Dans une poêle bien chaude dans laquelle j’ai mis à fondre une noisette de saindoux je fais croûter à feu vif les tranches que je viens de découper dans le Black Pudding. J’éteins la flamme, et l’inertie thermique continuera à permettre à l’intérieur des morceaux de monter en température tout en restant moelleux.

Quelques minutes plus tard je puis déposer sur la table de belles et bonnes assiettes. Une sorte d’échantillon d’éléments d’un breakfast écossais servi en dîner. Ah, ces frenchies !

black puddding, sausages
Black is black

De plus, faute de place dans les assiettes, la saucisse serpentiforme maintenue au chaud n’apparaîtra qu’en second service, accompagnée des rondelles découpées dans deux pommes de terre restantes de la veille qui ont tombé leur robe des champs pour venir se dorer dans le saindoux et se poudrer de poivre noir.

Tout est goûteux, mais c’est surtout avec le Black Pudding que je me régale, avec son alliance de croquant et de tendre, ses hautes saveurs d’épices. Rien que d’y penser, j’en bave sur mon clavier (mais que l’on se rassure, ce qui file, ce n’est que la métaphore…).


Le surlendemain, ce sont les deux faux-filets d’Aberdeen Angus Beef qui sont extraits manu gurmandi de leur refuge. 

berdeen angus beef
Aberdeen à ma table

Je traite ces représentants de l’Écosse avec tout le respect qu’ils méritent. Aucune brutalité cuisinière ! D’ailleurs il suffit de regarder leur béatitude dans leur petit lit de beurre pour s’en assurer.

aberdeen angus beef
Poêle à la main

Le seul reproche que ces Écossais pourraient me faire, c’est de les avoir inopinément placés à ma table à côté d’un imam. Un imam bayildi pour être plus précis.

imam bayidli
L'imam allongé ( sur son divan ? )

Mais une fois les présentations faites, et avoir justifié cette présence par l’abondance d’aubergines et de tomates dans le jardin, tout se passe bien.

Comment eut-il pu en être autrement. L’Aberdeen Angus Stirloin est un tendre, et il a du goût…


ARRAN

Pour clore en beauté, je convoque à cette même table un fils de l’île d’Arran.

Arran, cheese
"Suitable for vegetarians" Ouf, j'ai eu peur !

Ce Cheddar Cheese with Arran Mustard est un fromage fort agréable en bouche, avec ses inclusions de petites graines de moutarde qui lui apportent du caractère.

Arran, cheese
Dîtes "cheese" !

Allez, je lève mon verre à la santé des porteurs de kilt ! Un verre de Rock Oyster. Un peu des senteurs d’Arran, mêlées à celles d’Islay Jura et Dreney. 

Retour sur le terrain vagues…



Vue de Kildonan Bay à l'extrême sud d'Arran



vendredi 2 octobre 2020

Edinburgh, mer et terre

 Je n’aurais jamais dû regarder cette émission…


Je pensais simplement apprécier une heure à la fois plaisante et instructive à l’instar de celle passée en visionnant un autre épisode consacré à Venise de cette excellente série documentaire gastronomique britannique animée par le français Fred Sirieix. Mais voilà, si les préparations vénitiennes ne m’avaient pas laissé indifférent, je m’étais contenté de me promettre vaguement de réaliser dans un avenir plus ou moins proche des spaghettis aux palourdes, un risotto à la façon du chef Rugerro. En revanche, le passage à Édimbourg m’a entraîné beaucoup plus loin, troublant ma quiétude culinaire.

Eh oui, en visionnant la visite du restaurant The Fishmarket, j’ai été victime d’une envie irrépressible de savourer un bon fish and chips du genre de celui figurant à la carte de cet établissement. 


Pour empirer les choses, ma cospectatrice fut atteinte du même syndrome… Et, le destin semblant s’acharner contre moi et mon train-train culinaire, il s’est trouvé qu’exceptionnellement le lendemain de beaux filets d’aiglefin paradèrent sur l’étal d’un poissonnier. Je ne pouvais donc pas faire autrement que de me lancer dans la réalisation de fish and chips with mashed peas.


Me voilà donc devant mon plan de travail, mes deux filets d’églefin bien au frais dans le réfrigérateur.

La première chose à faire est de confectionner la sauce tartare.

Mon couteau se démène sur la planche pour ciseler ciboulette et persil, hacher un petit oignon blanc nouveau et un cornichon - j’ai choisi un cornichon aigre doux.

fish and chips
L'heure hache

Je monte une mayonnaise avec une cuillerée de moutarde que je détends avec un trait de vinaigre de malt (bizarre prémonition qui m’avait fait acheter ce produit typiquement anglais quelques semaines auparavant sans destination particulière immédiate…).  J’y fais glisser le contenu de ma planche et ajoute une cuillérée de câpres. Ma sauce tartare est prête. Je la réserve.

La deuxième préparation est celle de la pâte. Les recettes en sont multiples, finalement j’ai retenu celle bien traditionnelle donnée par Anne Wilson dans son opuscule consacré à la cuisine anglaise paru en 1997 aux éditions Kônemann, ouvrage a priori peu engageant car impression en Chine d’une adaptation en français d’un copyright australien par un éditeur allemand, mais pourtant fort intéressant, clair et fiable selon mes expériences précédentes. Les mystères des arcanes éditoriaux…

Voici les doses :

2 tasses de farine (environ 240 g)

1 sachet de levure

sel

150 ml d’eau

180 ml de lait

1 œuf battu

2 cuil. à soupe de vinaigre blanc.

Suivant les prescriptions, je dépose dans un cul-de-poule la farine, la levure et le sel, puis creuse un puits au milieu. Dans une petite bassine je mélange au fouet l’eau, le lait, l’œuf et le vinaigre.

Je verse ce liquide progressivement sur la farine, tout en mélangeant - j’ai conservé pour ce faire le fouet, ce qui n’était pas forcément une bonne idée : si j’avais choisi la cuillère en bois préconisée par Mrs Wilson, je n’aurais pas eu à me battre pour évacuer la pâte épaisse insérée entre les filaments du fouet en début de manœuvre. Quoi qu’il en soit, tout s’est bien terminé, j’obtiens une pâte lisse sans grumeaux, fluide mais pas trop comme il sied. Bien obéissant - j’aurais dû l’être plus tôt, je laisse reposer une dizaine de minutes.

Il me faut m’activer pour ne pas trop dépasser ce délai, que je pense plutôt impératif, car le vinaigre doit agir sur la levure chimique…

Côté cour, je mets mes pommes de terre dans la friteuse. Eh bien oui, je l’avoue, ce seront des frites surgelées. J’ai cependant, moindre mal, choisi des McCain Tradition qui ne contiennent aucun de ces additifs divers destinés à ajouter un croustillant de pacotille.

Côté jardin, je verse dans une petite poêle la moitié d’une boîte de petits pois, ajoute une noix de beurre et un trait de vinaigre de malt. Je laisse le jus s’évaporer sur une petite flamme et écrase le contenu à la fourchette. 

fish and chips
Survolons la purée de pois

À la fin j’obtiens la purée grossière que je souhaitais.

Mes frites sont sorties et reposent sur un lit de papier absorbant. Je partage chaque filet d’églefin en deux. Je trempe ces pièces dans la pâte, puis dans l’huile à 180 °C de la friteuse. Ce sera façon Achille, car je ne me vois pas plonger les doigts dans le Styx bouillonnant de la friteuse.

Au bout de cinq minutes, l’églefin se trouve pris dans le carcan d’une croûte dorée et croustillante.

Je le sors de la friteuse pour poser daux pièces sur chaque assiette rectangulaire - je n’ai pas les caissettes ad hoc (et pourtant, le ad hoc, pour l’églefin, ça le ferait…) qui m’autoriseraient une présentation style guinguette qui la jette. Pendant que je donne un dernier coup de flamme par-dessous et quelques ultimes coups de fourchette par en dessus à mon écrasée de petits pois, je répartis ma sauce tartare entre deux ramequins d’un rouge qui n’a rien de marin, mais restera dans les tons chauds de l’ensemble.

Puis je… Et puis zut, comme le disait Napoléon, plus compétent dans les plans de table qu’en gastronomie, un bon croquis vaut mieux qu’un long discours. Alors voici le dressage :

fish and chips
Fisn and chips ou chips and fish ?

Nous arrosons le poisson d'un filet de vinaigre de malt avant de déguster. Ce n’est peut-être pas au niveau du meilleur fish and chips d’Édimbourg et peut-être de Grande-Bretagne, mais une chose est certaine : c’est le meilleur de mon appartement.

Le contrat est rempli…


Cependant le pire des méfaits de cette escapade télévisuelle à Édimbourg n’est pas ma reconversion momentanée en confectionneur de fast-food britannique. Un passage dans le restaurant étoilé The Kitchin s’est révélé plus dérangeant dans mon quotidien - et mon budget alimentaire. .

Non pas que je me sois senti capable de me lancer dans la réalisation des plats sophistiqués de Tom Kitchin, élève de Ducasse. Non, le dégât est collatéral. En effet, pendant une discussion concernant les approvisionnements du restaurant, la caméra est sortie dans la rue voisine devant l'entrée des fournisseurs, et sur la camionnette garée derrière celle du livreur en marée fraîche j’ai découvert un logo que je connaissais bien : celui de l’entreprise de boucherie auprès de laquelle je m’étais procuré via internet, haggis et charcutailles écossaises diverses au début de cette année. 



Eh oui, cette maison est bien le fournisseur du restaurant, je l’ai vérifié. Je soupçonne d’ailleurs que la présence de ce véhicule siglé n’était pas due au hasard !

En tout cas l’hameçon fonctionne, je me prends à rêver de haggis tranché arrosé de whisky, de bacon et saucisse grillés, et pire, la qualité des viandes semblant confirmée, de savoureux Angus bien saignant…

Alors, comme l’a écrit un Irlandais



Et je vais cliquer sur le site des objets de ma tentation.


Ça y est, le colis est arrivé.

Aujourd’hui, ce sont des t-bones de Scotch Beef que je cuisine.

La viande est de belle apparence, bien persillée.

t-bones, boeuf écossais
Double Scotch

Je la laisse monter à température ambiante. Il reste plus d’une heure avant le repas, ça devrait suffire.

Le moment de passer à table est arrivé. Je parsème les t-bones de flocons de sel de Maldon et les allonge sur le gril en fonte, brûlant mes sans excès afin de ne pas agresser la viande. Deux minutes sur chaque face suffiront. Je vois la viande exsuder du gras, j’ai eu raison de me passer de beurre et/ou d’huile et de déposer à sec… Je me contente ensuite de disposer chaque t-bone sur une ardoise et faire tomber quelques flocons de sel. Un tour de moulin de poivre rouge, et c’est bon. 

t-bones, scotch beef
L'heure du T

À l’assaut avec une fourchette et un couteau à steak dont l’affûtage rasoir se révélera superflu !

Je ne suis pas déçu. La viande offre de la mâche tout en étant très tendre, elle est restée juteuse, mais surtout elle est de haut goût.

Pour l’accompagner, service minimal : des haricots verts (enfin, violets devenus verts à la cuisson…) du jardin cuits… à l’anglaise.

t-bones, haricots verts
Prenons un vert

Me restent encore à cuisiner deux faux-filets d’Aberdeen-Angus, un assortiment de produits pour le breakfast - dont mon cher haggis - et du smoked haddock.

Mais ceci est une autre histoire…


jeudi 1 octobre 2020

Maigre dodu

Le maigre qui vient d'arriver dans ma cuisine est tout sauf maigre. Il est bien loin de n’avoir que la peau sur les arêtes… Peau que je lui laisserai, me contentant de vider son bon ventre rondouillard et de le débarrasser de ses nageoires. Nageoires qu’il n’aura pas besoin d’agiter à tout va pour traverser l’Atlantique et se retrouver en Nouvelle-Angleterre… En effet, après avoir comblé le vide tripal par une pincée de gros sel puis un petit fagot de thym, origan et laurier, je parsème la bête de Rubs New England seafood seasonning, un ready-made qui permet de voyager en classe économique. 



Certes, j’aurais pu effectuer moi-même un tel mélange : basilic, oignon, sel de mer, persil, piment, aneth, huile de citron. Mais à quoi servirait donc que Legal Sea Foods se décarcasse pour m’apporter un petit goût venu d’ailleurs ?

Une petite pluie de fleur de sel (chic, je retrouve les embruns, s’exclame le maigre), un léger filet d’huile d’olive (j’ai pas demandé une extrême-onction, vitupère le maigre), et j’étends mon courbine-grogneur sur la grille que j’ai posée au fond de mon plat de cuisson afin que l’air torride pulsé par le four puisse circuler sur toutes les faces du gisant.

maigre
Maigre dodu


J’enfourne pour une dizaine de minutes à 200 °C.

Le temps de cuisson vient de se terminer, je retire la grille, faisant glisser le maigre au fond du plat.

Survient alors l’angoisse de la chair blanche : mon poisson ne serait-il pas trop cuit, ou, au contraire, en levant les filets, une bonne partie en restera-t-elle accrochée à l’arête dorsale ?

Armé d’une cuillère, je soulève le capot que j’écarte sur le côté. Je suis aussitôt rassuré. Y-en-a sous ce capot, et ça tourne rond. Le trajet s’est effectué sans encombre, j’inspecte, c’est nickel.

maigre au four
Sous le capot du maigre décapotable


Je suis bien arrivé aux U.S.A.

Je vais m'attabler au comptoir...


Et Paris-Boston en dix minutes, même le regretté Concorde n’en était pas capable… 

Le Concorde atterrit à l'aéroport de Boston


Bravo le maigre dopé !


Puisque c’est jour maigre, le repas sera, une fois n’est pas coutume, dans le registre diététique.

Pour accompagner les filets de poisson simplement arrosés d’une larme d’huile d’olives de la variété Grossane et parsemés d’un tour de moulin de poivre blanc de Penja : des courgettes sautées.

Il s’agit de deux courgettes cueillies le matin au jardin, l’une verte et l’une jaune. Taillées en paysanne, je les jette dans une poêle bien chaude au milieu d’une cuillerée d’huile d’olive avec deux gousses d’ail violet nouveau et un petit piment, lui aussi du jardin. La cuisson sera brève, cinq à six minutes. À mi-cuisson j’introduis la tranche partagée en deux d’un citron particulièrement parfumé dont une cuillerée de jus viendra donner du peps à la courgette, légume un peu fade, il faut bien l’avouer, même s’il ne vient pas d’un supermarché.…

courgettes, poêle
La jaune et la verte


Ce plat quasi de régime se révèle cependant plutôt agréable…


Mais si l’on persévère dans cette voie, c’est moi qui vais devenir maigre...

Et je ne veux pas finir frotté d’épices comme un vulgaire Ramsès II !




vendredi 25 septembre 2020

Cocos de Paimpol, comme un Cassoulet

 Alors, mes cocos, qu’est que je vais faire de vous ?


Il me faut me décider pour choisir une recette propre à sublimer (ainsi qu’on dit quand qu’on est un chef médiatisé) un kilo de beaux cocos de Paimpol.

Je me remémore ce qui est à ma disposition et attend patiemment dans le réfrigérateur… Côté poisson, des filets de harengs saurs ; côté viande, deux entrecôtes, deux escalopes, une andouille du Pays basque et une paire de cuisses de canard confites.

J’élimine tout de suite les escalopes. L’avant-veille nous avons mangé un osso buco accompagné de tagliatelles.

Enfin, presque un osso buco, car j’avais un peu revisité la recette, non pas en me la jouant créatif, en absence de ce jus d’orange que je privilégie d’ordinaire pour la sauce mais avec pléthore de poivrons au jardin… Les tranches de jarrets, d’abord saisies sur un filet d’huile d’olive, avaient ensuite reposé à feu doux durant une quarantaine de minutes sur le lit d’un oignon doux ciselé fondu, d’une tomate émondée partagée en quartiers, d’un poivron long chocolat et un petit poivron vert rondouillard tranchés en brunoise, de trois gousses d’ail rose de Lautrec, d'un petit piment du jardin fendu en deux et épépiné… Le tout avait été arrosé d’un grand verre de sauvignon de Touraine et relevé par quelques grains de poivre sans oublier un gros bouquet d’herbes aromatiques fraîchement cueillies pour l’occasion.

osso buco
Osso buco revisité en cours d'élaboration


En revanche la gremolata était parfaitement réglementaire : persil, ail et le zeste d’un citron (miraculeusement parfumé - hélas j’en ai oublié la provenance…) hachés finement. Elle est venue parsemer le plat au moment de servir, après l’ajout du jus d'un demi-citron, d’un filet d’une bonne huile d’olive et deux ou trois tours de moulin de poivre rouge. La touche finale était donnée par quelques lambeaux de feuilles de basilic.

osso buco, gremolata
Gremolata tradi


Ce seront les tagliatelles cuites restantes (j’avais eu les yeux plus grand que les ventres…) stockées sous vide qui, réchauffées dans le jus de la poêle de cuisson des escalopes qui leur serviront de garniture. Exit les cocos...

Pâtes en trop


Les entrecôtes ? Mais non…

Le poisson fumé avec une salade de cocos, pourquoi pas ? L’andouille pourrait aussi parader avantageusement au côté de ces haricots demi-secs. Toutefois, je retiens les cuisses confites. Car sur sa lancée mon imagination vagabonde. Confit, haricots. Il y a du cassoulet dans l’air. Ce qui est quand même mieux que de sentir le vent du cassoulet…


Bon, c’est décidé, je me lance dans la confection d’un Cocos de Paimpol, comme un Cassoulet (ainsi qu’on écrit sur sa carte quand qu’on est un chef médiatisé).

Première tâche, écosser les cocos de Paimpol. Je m’y attelle, moi-même en personne et personnellement : je n’ai pas de commis et je crains d’être dénoncé sur les réseaux sociaux si j’exploite ma commise.

C’est chose faite, je recouvre largement d’aqua robinneti les grains dodus, y ajoute une carotte découpée en tranches et trois gousses d’ail. Je parsème d’une pincée, mais non, pas de sel, malheureux, mais de bicarbonate, fais plonger avec un bouquet garni (laurier, thym, sauge, persil). Un clou de girofle, trois grains de piments de la Jamaïque et cinq de poivre noir ne feront pas de mal. Je pose le couvercle. Je laisse bloublouter à feu doux pendant une quarantaine de minutes.

Pendant que les cocos vivent leur vie. J’entreprends la confection d’une sauce aigre-douce qui viendra contrer le gras du confit

Je cisèle deux oignons doux des Cévennes et les mets à compoter au fond d’une poêle que j’ai barbouillée d’une petite cuillérée de graisse prélevée dans l’enrobage des cuisses confites.

J’ajoute afin de donner du peps une pointe de pâte de piment vert cabri. Je rehausse d’une bonne pincée de poudre à colombo. Quand l’oignon devient transparent, j’arrose d’une grande cuillerée de vinaigre de Maury et d’une petite de balsamique blanc. Je laisse réduire à sec. Je goûte. Hum, c’est bon, la sucrosité des oignons doux des Cévennes a encore fait merveille. Manque simplement un peu de sel. Je rectifie et réserve.

sauce aigre-douce
Cévennes, cette recherche ?


En ouvrant le réfrigérateur pour en extraire le bocal de pâte de piment qui y est conservé au frais, j’ai aperçu un morceau de lard paysan fumé alsacien qui a déclenché en moi une nouvelle idée. Pourquoi ne pas ajouter à ma recette deux tranches de ce produit qui accentueraient le clin d’œil vers le cassoulet ?

Sitôt pensé, sitôt fait : je pose mon morceau sur une planche, le pourfends de mon couteau, et en profite aussi pour prélever de la couenne. Que serait un cassoulet sans couenne ?

Je partage la couenne, y ajoute quelques petits lardons résultats d’une maladresse de découpe et immerge le tout dans l’eau de cuisson des cocos qui viennent de terminer leur première mi-temps.


Je dépose à sec mes tranches de lard paysan sur une poêle adhésive bien chaude et entreprends de les colorer légèrement.

cassoulet, cocos de Paimpol
Lard façon Soulages


Eh bien ça y est, les opérations préliminaires sont terminées. Les cocos sont cuits à point, je les réserve dans leur eau de cuisson. Le lard reste sur la poêle, feu éteint. Ne reste plus qu’à attendre l’heure du repas.

cassoulet, cocos
Tout est là, ne manque plus que le confit



Le moment est venu. Je dispose les cocos de Paimpol au fond des petites cassoles. Je les arrose d’une bonne louchée d’eau de cuisson, donne un tour de moulin de poivre.

cassoulet, cocos
Cocos en groupes


Je fais dorer les cuisses de canard dans la poêle où les avaient précédées les tranches de lard, que je viens de remettre à température avant de les allonger sur les haricots.

cassoulet, confit de canard,  cassole, cocos
Deux pattes à un canard ?


Ma sauce se réchauffe aussi doucement. J’y ai ajouté un léger trait de vinaigre balsamique traditionnel de Modène sombre et sirupeux.

Le montage peut commencer : sur les haricots, à côté de la tranche de lard, la cuisse de canard confite. Je la recouvre partiellement de ma sauce aigre-douce. J’arrose mes haricots avec une cuillerée de la graisse de canard fondue de la poêle.

cassoulet, cocos de Paimpol
Cassole patte en l'air et ses drôles de cocos


J’enfourne mes cassoles pour une douzaine de minutes à 190 °C. Quand je les sors, la sauce aigre-douce relevée a légèrement caramélisé.

cassoulet
Mon plat c'est beau ? ( comme on dit à l'Académie de médecine )



Je suis satisfait. Les associations fonctionnent bien, les haricots imprégnés des fragrances de leur jus de cuisson sont restés moelleux, le confit n’est pas desséché.  Oui, je suis content de moi…

Ma convive un peu moins. « Eh ben, tu n’y as pas été de main morte pour le piment… ».

Mais j’aurais l’air de quoi, avec des mains mortes !


lundi 21 septembre 2020

Pas touche !

Horrur, malhur… Enfr t damnation !

Un livr de Gorgs Prc st tombé sur mon clavir. Pas d (ouli)pot. Un sul lttr m manqu, t mon écritur st dépuplé…

D’autant plus qu j’allais précisémnt parlr d’un épic, un méconnu grain d l’îl d Ré qui a subtilmnt parfumé mon poisson, dont par un hasard providntil j puis écrir l nom  n touts lttrs, un turbot.



Vous m voyz assumr ctt citation :

Put-êtr qu l macron va connaîtr un nouvl ssor d’un part à caus d son xpansion naturll qui s dssin (réchauffmnt global t miliux prturbés favorabls) t qui sait un rtour n grâc comm « nouvau » ancin légum. Mais il faudra tout rprndr à zéro.

Non, bin sûr, c n srait pas corrct avc l Chf de l’État !

Il m faut trouvr un solution pour rmplir c vid.

La pr*mièr* *st tout simpl*m*nt  de r*mplac*r l’abs*nt par un* astérisqu*.

Ouais, mais *n lisant un t*l t*xt* j’ai la désagrèabl* impr*ssion d’êtr* caviardé par un* commission d* c*nsur*…

Alors une d*uxièm* idé* m* pass* par la têt*, qui m’*st inspiré* par l* souv*nir  d’un épici*r algéri*n situé non loin de mon bur*au qui, à l’étal de sa boutiqu*, avait planté un*étiqu*tt* :  Fiv*s, 10 francs. Mais après mûr* réfl*xion, j* n* suis pas convaincu que ça soit très opérationn*l, qu* d* remplac*r l’abs*nt par un i, déjà, à l’époqu*, j* m’étais réjouis du fait qu*c* brave comm*rçant ne v*ndît point des b*tt*s.

Troisièm* proposition, un* l*ttr* moins usu*ll*, comm* l* Z, *n guis* d’*mplâtr*. 

Jz m’zmprzssz dz tzstzr czttz tzchniquz. Il mz szmblz quz cz n’zst pas unz dzs mzillzurzs idézs quz j’ai zuzs …

Il y aurait aussi la possibilité d’un point, mais c.tt. écritur. .xclusiv. r.ss.mbl.rait trop à d. l’écritur.  inclusiv., non j. n. v.ux pas d. rapproch.m.nt av.c c.tt. horr.ur visu.ll. d. surplus aussi illisibl. qu. m.s t.ntativ.s burl.squ.s !


J rnnonc… Au rvoir ls amis !



Je reviens vers vous. 

Un miracle a eu lieu : le Gros Robert, en se disputant avec le Petit Larousse, a fait une chute sur le clavier et a réveillé la touche défaillante., et je puis enfin recommencer à pondre des e !

Que serais-je devenu si cette citation d’Aristide Bruant

La rousse a beau serrer les mailles

Du filet qu’elle tend aux déchus,

Nous savons, grâce à nos écailles,

Glisser entre ses doigts crochus.

n’avait offusqué le susceptible maigrichon…


Je récapépète donc depuis le début.

Un magnifique petit turbot sauvage d’environ un kilo acheté au meilleur poissonnier des halles de ma ville est arrivé dans ma cuisine. Je l’ébarbe et scarifie sa peau en losanges avant de l’allonger sur la plaque en inox perforée où il va cuire à la vapeur.



Je veux respecter ce produit, alors mon assaisonnement sera discret : laurier, romarin séché et surtout une pluie de baies de maceron de l’île de Ré.

turbot sauvage
Je viens de mettre le turbot


Il y avait aussi sur ce marché de belles girolles françaises, pas imbibées d’eau (du ciel, j’ai comme un doute ?) ainsi que c’est trop souvent le cas. Je n’ai eu qu’à rafraîchir leurs queues d’un petit millimètre, d’ailleurs était-ce vraiment nécessaire, et donner quelques coups de brosse pour faire tomber les rareses fragments de feuille ou de mousse. Je les ai fait sauter à la poêle dans un mélange de beurre et d’huile d’olive À mi-cuisson, quand les champignons n’avaient pas encore récupéré leur eau de végétation, j’ai ajouté deux gousses d’ail violet nouveau finement émincées. J’ai réservé.


Je programme une cuisson d’une vingtaine de minutes en réglant la température à 100 °C.

Au moment de sortir la bête, je suis pris d’un doute. N’y aurait-il pas une surcuisson ? Mais non, la texture est parfaite, la chair se décollera de l’arête avec tout juste la petite réticence nécessaire.

Pour l’instant, j’allonge le turbot sur le plat de service. L’épaisse peau noire se retire aisément. Mais il me faut aussi débarrasser la chair des graines de maceron nichées au creux de mes scarifications : un travail de Bénédictin pour extraire ces baies des Moines, la prochaine fois je me méfierai de ce piège diabolique !

Je remets les girolles à température et les dispose à côté du poisson. Je les parsème de ciboulette du jardin ciselée. Je fais fondre un bon beurre demi-sel dans une petite casserole et quand il commence à mousser je complète du jus d’un citron pressé.

J’arrose le turbot de ce liquide bouillant. Trois demi-tranches de citron complètent le tableau.

Un misérable persil cache-misère va voiler la gueule édentée du turbot dont j’ai laissé la tête - les joues sont le sot-l’y-laisse des poissons…

Le plat est prêt à être envoyé sur la table.

turbot, girolles
Avec le turbot, j'appuie sur le champignon...



Finalement nous prélevons les carrés de turbot délimités par mes scarifications comme un serveur turc qui distribuerait les parts de baklava…

J’me régale !


Je fais du boudin

 Mais pas n’importe quel boudin !

Un boudin basque : tête, couenne, gorge, poumon, cœur, et sang de porc du Pays Basque, oignon, poireaux, carottes, ail, sel, poivre, piment basque, quatre-épices, enveloppe boyau de porc.

Je m'en léche d'avance les babines !

D’autant plus qu’à ses côtés fond un oignon doux des Cévennes tranché en deux.


Boudin basque
Après l'explosion (ETA ?). Mais il ne retournera pas à l'Ospital (Louis).


Dommage que ma moitié ne partage pas mon addiction pour ce produit tripier…

Alors, seul dans mon coin, je fais mon boudin !


vendredi 18 septembre 2020

Oignons d'où ?

Oignons d’où ?

Mais des Cévennes bien sûr…!

Un des filets de 1 kg a déjà été légèrement entamé pour parfumer à cru diverses salades. Maintenant, je vais passer à une version cuite de ces bulbes d’exception : une tarte. Tout le reste du sac va y passer, je le cisèle sous forme de pétales qui, assaisonnées d’une pincée de sel, vont fondre sur un trait d’huile d’olive une vingtaine de minutes au fond d‘une poêle coiffée d’un couvercle. Mes découpes d’oignons doux des Cévennes sont devenues transparentes, des fragrances hautement apéritives envahissent la cuisine.

Je saupoudre d’une cuillerée de fécule de pomme de terre ma compotée d’oignon qui, maintenant à découvert, voit son exsudat lentement s’évaporer sur une minime flamme. Je verse après brassage un petit pot de 20 cl de crème entière liquide de Normandie. Je hausse raisonnablement la flamme pour entreprendre une réduction sur quatre à cinq minutes.

oignons doux des Cévennes
Reliefs dans les Cévennes


Un bon brassage après une averse sans retenue de poivre rouge moulu tombant du moulin, et mon appareil est prêt. Je le réserve le temps qu’il refroidisse.

La pâte brisée pour la tarte a été préparée quelques heures auparavant : recette classique, 400 g de farine et 200 g de beurre. Boulée, elle repose enfermée sous un film étirable transparent au sein du réfrigérateur.

Mon mélange d’oignon et de crème a suffisamment baissé en température. Je m’attaque donc à l’étalement de la pâte que j’étends sur le moule ad hoc. Dans la famille, nous aimons les trottoirs, pas seulement ceux pour y faire du lèche-vitrines ou boire un verre à une terrasse, mais aussi ceux croustillants qui bordent les tartes. Aussi je ne tranche pas le débordement, mais je le replie.

Quelques perforations du fond de pâte avec les pointes d’une fourchette. Je verse mon appareil, priant le ciel que son volume corresponde bien à la taille du contenant. Ouf, c’est effectivement le cas en dépit de mon approche pifométrique… J’enfourne à 190 °C pour une quarantaine de minutes.

Vous croyez peut-être que je vais rester à me rouler les pouces pendant ce temps ? Que nenni !

Je déballe un beau magret fumé produit en Périgord Vert et le pose sur une planche. Je m’offre l’entame. Il convient de suivre les recommandations des grands chefs : toujours goûter quand l’on cuisine !

Là, nulle crainte à avoir, le produit est d’excellence. Aucunement ces relents peu agréables des canards élevés dans des conditions douteuses que dégagent certains produits de la grande distribution. Une merveille ! Personne ne me regarde ? Je m’octroie une petite tranche supplémentaire. Ben oui, il me faut bien vérifier que ma première impression était la bonne…

Mais redevenons sérieux. Je m’attelle à la découpe de douze tranches d’environ 3 mm d’épaisseur en travers du magret.

magret
Les douzes coupes de Magret


Je m’empresse de remballer le morceau restant et de le renvoyer dans son monde de frimas.

L’odeur ambiante et la sonnerie du timer s’unissent pour m’informer de l’achèvement de la cuisson de la Tarte aux Oignons doux des Cévennes.

Elle se démoule sans problème. Après un repos d’une dizaine de minutes sur une grille, je la fais glisser sur le plat de service et y dispose mes tranches de magret.


tarte aux oignons, oignons doux de Cévennes, magret
Rayonnement du magret vers tous les points cardinaux


Inutile de dire que ce fut un festin, avec en contrepoint une bonne salade verte arrosée d’une vinaigrette bien acidulée - sans oignon ni même ail, bien naturellement…


tartrte, oignons doux, Cévennes
Vade retro, persil !




SUITE ET FIN :

Il restait de cette savoureuse tarte deux petites parts. Je les ai servies froides le lendemain, accompagnant les tranches découpées dans le reste du magret (après m’en être octroyé la clôture en début d’opération, il fallait bien vérifier que le délai de conservation supplémentaire n'avait pas dégradé le produit…).

Pour relever ces tranches de magret, j’ai posé sur la table une sauce qui me paraissait à la hauteur de la situation.



Horreur ! Du ketchup, de surcroit américain, avec un produit fermier de notre bon Périgord !

Eh bien non, j'accepte les bons produits d'où qu'ils viennent, et je ne me sens nullement culpabilisé quand je lis la composition  de cette sauce :

pâte de tomate, eau, tomates (tomates fraîches de Californie mûries sur vigne, purée de tomate, sel, acide citrique), huile de truffe blanche (huile de tournesol à haute teneur oléique, concentré de truffe blanche biologique dans l’huile d’olive), poivron rouge, vinaigre blanc, pur sucre de canne, ail, sel, ail séché, poudre d’ail, poudre d’oignon, oignon déshydraté, arôme naturel.

Le parfum de truffe blanche est bien présent, mais sans ostentation, avec le savoir-vivre d’un grand seigneur italien. Canard du Périgord et truffe, l’alliance fonctionne aussi bien que l’on pouvait le prévoir, même s’il ne s’agit pas de truffe noire… Et la pointe d’acidité de la tomate réveille les papilles somnolentes, lustrées qu’elles sont par le gras des tranches de magret. Magret qui a du répondant, et dont les parfums boisés de la viande fumée ne sont pas masqués par la pointe de ketchup que l’on apporte en plus…

Quant à la tarte à l’oignon, elle me plonge dans un étonnement ravi. Je n’arriverais jamais à m’y faire : j’ai eu beau déjà déguster plusieurs fois de l’oignon doux des Cévennes, et ce même pas plus tard que la veille, je ne pourrai jamais cesser d’être étonné par la puissante et pourtant délicate sucrosité de ce produit. Encore une merveille de la nature !