mercredi 10 juin 2020

De Haut en Basse

Haut, le Haut-Rhin pour cette tourte aux 3 suprêmes, réalisée par un charcutier local.
Oui, trois suprêmes, mais pas celles-ci :



Il s’agit de suprêmes de poulet, de dinde et de canard.  J’avais un peu peur que le résultat manque de moelleux, car je me méfie de la volaille en charcuterie. Mais non, la présence de porc dans la farce, justement dosée pour offrir aux volatiles le rôle principal, rend la mâche parfaite à la dégustation. De la pistache et des épices délivrent de subtils parfums. Et l'utilisation de saindoux pour la pâte brisée est le gage d’un plaisant croustillant et de haut goût - un peu comme pour les petits pâtés anglais…
Et dire que j’ai failli faire cramer cet excellent produit. J’avais pourtant réduit à la fois la température et le temps prescrit pour le passage au four, comme je sais que je suis obligé de le faire systématiquement si je ne veux pas courir à la catastrophe. Visiblement, mon four, dont pourtant j’ai vérifié le calibrage en température, est plus virulent que le four moyen de la ménagère qui doit servir de référent pour les instructions données aussi bien par les artisans que les distributeurs de produits industriels comme Picard ou Monoprix.
Et malgré cette précaution préliminaire cette tourte alsacienne n’a trouvé son salut que dans la bonne idée que j’avais eu d’entrouvrir la porte du four trois minutes avant la sonnerie programmée. Une exfiltration rapide m’a permis de sauver le soldat Suprêmes.

tourte alsacienne, 3 suprêmes
Je suis arrivé juste à temps


Enfin sauvé du four, mais de nos couteaux et nos fourchettes…

tourte alsacienne, 3 suprêmes
Suprêmement bon


Un régal avec une salade verte du jardin !



Basse, la Basse-Corse. Ou plutôt la Corse-du-Sud - l’autochtone de cette île étant sans doute plus susceptible que l’Alsacien qui a le Rhin souple…
Encore de la charcuterie, mais aussi du fromage pour un repas au parfum de maquis.
Sur la planche se trouvaient un saucisson affiné douze mois et un figatellu, tous deux provenant de porcs noirs nourris aux glands et aux châtaignes.  Â leurs côtés, un fromage vieux de brebis de Venaco, ainsi qu’un fromage de chèvre, vieux lui aussi.  Pour manier les couteaux appropriés, le maître de céans, vieux lui aussi.

charcuterie corse, fromage corse, figatellu
Sous la menace


 l’attaque !

porc noir de corse, nustrale, fromage corse
J'ai tranché


Bien entendu un vin corse est de la partie : un Patrimonio Antoine Marie Arena Carco Rouge 2017.
Je laisse la parole à un critique que œnologue : Un régal qui se gardera une bonne dizaine d'années....
Eh bien, pour la garde, c’est loupé !

Une confiture de figue séchée et de noix libanaise à fourni un dessert que l'on aurait pu croire créé pour s'accorder avec les dégustations précédentes...



Et du début à la fin du repas un pain maison au levain (500g de farine T65 et 100g de farine  T180)

pain maison
Un support d'accueil


Pour après le café je me suis rappelé que j’avais dans mes réserves une bouteille d’eau-de-vie de myrte déjà largement entamée (surtout dans un usage culinaire…).

Corse, eau-de-vie de myrte
Myrte au logis


Parfait pour finir en beauté une escapade sur l’île du même nom.

samedi 6 juin 2020

Flamant rose, violet et pourpre

La cigogne n’est plus la seule a assuré des livraisons.
Le flamant rose s’est mis de la partie.



20 h 43 : il s’envolait des terres de Marignane.
Le lendemain matin, j’ai entendu un grand bruissement d’ailes sur mon palier. Ce brave animal venait de se poser. Il n’arrivait pas les pattes vides : il m’apportait deux bourriches, l’une d’huîtres, l’autre de fruits de mer divers.

Le soir même nous nous régalions d’un plateau de deux douzaines d’huîtres. J’ai été fort heureusement surpris de leur qualité, moi qui ai un préjugé défavorable envers celles sortant de la Méditerranée. Il faut dire que j’ai le souvenir d’un restaurant de Mèze qui avait osé servir un plateau d’huîtres abominables où les coquilles, en sus d’une chair au bord de l’agonie, contenaient de belles noix de vase dont on pouvait obtenir quelques gouttes de pétrole brut par première pression à froid. Mais j’ai sans doute eu tort de généraliser en mettant toute l'ostréiculture locale dans le même panier, fuyant dès lors cette origine comme la peste. Le reste du repas était à l’avenant. Plutôt que de tout mettre sur le dos du malheureux coquillage, c’est plutôt celui du sinistre gargotier qu’il m’eût fallu charger…
En tout cas les huîtres que j’ai reçues étaient exceptionnelles. Mais en contrepartie quelle galère ce fut pour moi que leur ouverture ! Moi qui enchaîne avec aisance les figures libres avec mon couteau sur les spécimens de l’Atlantique et force les coquilles pour découvrir leur trésor avec la virtuosité d’un Arsène Lupin devant un coffre-fort, devant ces résistantes j’ai dû me démener, additionnant des attaques aussi vaines que sournoises, tentatives par la charnière, sur le côté, avec la lame fine et large, avec celle pointue et triangulaire, que sais-je encore... Autant dire que j’étais en sueur quand je suis enfin venu à bout de la vingt-sixième bête, en arrivant presque à regretter les treize à la douzaine qui m’ont permis de déposer vingt-cinq Perles de Camargue sur le plateau (j’en avais massacré un exemplaire que je me suis enfilé discrètement mine de rien avant de balancer les débris de coquilles au milieu de la poubelle des couvercles). Après avoir ajouté quelques violets, j’ai pu apporter l’objet des réjouissances du jour sur la table.

perles de Camargue, violets
Enfilons les Perles...


Je me suis réconforté de mon dur labeur à l’aide de quelques verres d’un Côtes de Gascogne Domaine du Tariquet servi bien frais.



Un pain de seigle maison nous a fourni des tranches qu’il ne restait plus qu’à tartiner de beurre demi-sel pour que la fête soit complète.

pain de seigle
Il est épanoui




Le lendemain, il me faut sans attendre tirer profit de la seconde bourriche dont je n’avais extrait que quelques violets la veille. Elle contient en plus des violets un filet empli de murex vivants et cinq bottes ligaturées contenant chacune une dizaine de couteaux. Puisque Méditerranée il y a, ces produits seront traités en aïoli.
Je commence par préparer ce dernier. J’écrase une douzaine de gousses à l’aide d’un presse-ail et déverse la purée obtenue au fond d’un bol. J’ajoute une pincée de sel et quelques gouttes de jus de citron. Je sais bien que ce n’est pas orthodoxe, mais je monterai l’aïoli assisté d’un jaune d’œuf. Je crains que l’ail ne reste accroché au fouet si j’utilise cet instrument, aussi je me contenterai d’une fourchette. J’attaque à l’huile d’arachide en doses prudentes. Alléluia, le mélange devient crémeux. Encore de l’huile, cette fois-ci sans ménagement, et il devient ferme. Je détends avec le jus d’un demi-citron, et je poursuis à l’huile d’olive. Je goûte, c’est parfait, la consistance est réussie et le parfum d’ail est très présent sans âcreté. Je réserve.
Je cuis les murex - ayant dégorgé auparavant un couple d’heures - dans de l’eau salée en compagnie de feuilles de laurier, de romarin, de thym, d’un éclat de fenouil et de grains de poivre noir. Départ dans l’eau tiède, frémissements pendant 25 minutes et refroidissement dans le bouillon.
Je fais ensuite bouillir de l’eau dans une grande casserole parfumée par un demi-citron, des feuilles de laurier, des feuilles de sauge, une branche de thym, une branche de romarin, une tranche de fenouil, des grains de poivre blanc. Je fais tomber une grosse poignée de gros sel dans ce bouillon et déverse les couteaux qui ne resteront à cuire que deux minutes avant que je les retire à l’aide d’une araignée pour les réserver au fond d’une plaque à débarrasser.
En ce qui concerne les violets, je les servirai crus, simplement fendus afin que l’on puisse en extraire la goûteuse chair avec une cuillère.
Pendant que je me livrais à ces préparations, j’avais mis à cuire à la vapeur pour une vingtaine de minutes une grosse poignée de pommes de terre primeurs de l’île de Ré qui ne vont rien n’y comprendre devant leurs nouvelles fréquentations, les taillages d’un couple de carottes et deux tranches de fenouil. Cinq minutes avant la fin, j’ajoute des sommités de brocoli, ce qui n’est pas une bonne idée car la cuisson à la vapeur ne confère pas une couleur très glamour à ce légume. J’aurais certes mieux fait de les jeter quelques instants dans de l’eau bouillante fortement salée. Mais il est trop tard, brocoli jacta est !
Tout est prêt. Il s’agit désormais de dresser. Pour ce faire, je m’empare des larges assiettes à pizza. Quelques couteaux conserveront leur belle mais fragile coquille. Les autres apparaîtront décortiqués sur l’assiette, entre murex et violets. Les légumes viennent apporter leurs touches de couleur (ou pas…). Finalement ce sont les violets qui fourniront les notes les plus vives. Les murex qui cachent jalousement leur compétence teinturière au fond de leur coquille

Murex, pourpre
La  découverte de la pourpre - Theodoor van Thulden (1606-1669


se situent plutôt dans le registre des formes, même si leurs nuances minérales sont plutôt plaisantes. J’ai réparti la sauce aïoli dans des petits ramequins individuels dont la couleur noire met bien en valeur le jaune pâle. Enfin deux aigrettes de feuilles de fenouil fournissent le volume à la fois précis et aéré dont l’absence se faisait sentir dans cet étalage de fruits de mer.

aïoli, murex, couteaux, violets, fruits de mer
Couteaux tentant d'éloigner violets et murex


Mais autant dire que cette composition chiadée (mais oui, mais oui…) ne va pas faire long feu, la gueule reprenant vite la primauté sur l’esprit.
Ce que je ne regrette nullement. Vive la Camargue*!

*à ce propos j’ai dans mon placard un riz rouge auquel je devrais bien trouver rapidement une vocation…

mercredi 3 juin 2020

Alcmaria en Re, Requiem pour une andouille

L’Asselot du bac (du réfrigérateur) est une andouille.

Je tiens à rassurer mes proches, ce n'est pas une andouille de 2018 que j'ai mangée...


Qui l’eut cru, l’Asselot va se découvrir une passion soudaine pour Alcmaria.

Qui est donc cette Alcmaria ? Tout simplement une cul-terreux de l’Île de Ré. Pas certain que le roi encouragerait une telle union. Mais moi je sais que la belle est d’excellente extraction.



Alors j’ai pomponné Alcmaria qui est sortie de son bain toute maquillée de beurre frais par-dessus son magnifique bronzage.
C’est alors que l’impensable se produit. L’Asselot repousse Alcmaria. « Quoi ! Maintenant elle est toute ridée, elle qui avait de si belles joues rebondies à la peau tendre d’une pâleur virginale. J’en veux plus ! ». Eh oui, bien souvent chevalier varie, bien fol est qui s’y fie.
Mais, comme je l’ai déjà dévoilé, l’Asselot est une andouille.
Il m’a été facile d’en venir à bout avec une lame qui n’était même pas Excalibur pour l’inviter à ma table ronde - et l’on ne m’appelle pas Arthur… Une fois ce chevalier pourfendu, il fait un bref aller-retour. Ah, tu n’aimes pas le bronzage d’Alcmaria ! Eh bien toi aussi je vais te dorer…
J’étends alors l’Asselot à côté d’Alcmaria. Genièvre est bien loin…
J’ai réalisé une duxelles avec trois champignons de Paris, deux échalotes et une noix de beurre demi-sel. J’y ai ajouté deux bonnes cuillerées de moutarde à l’ancienne et mis à réduire à feu doux. Le marquis d’Uxelles ne se doutait pas qu’un jour il serait invité à la cour du roi Arthur…
Pour finaliser, j’ai ajouté une pincée de curcuma (surtout en tant que colorant…), un trait de vieux vinaigre balsamique de Modène. J’ai relevé de plusieurs tours de moulin de poivre rouge de Kamelott Kampot et rectifié l’assaisonnement par une bienvenue pincée de sel (de l’île de Ré...).
Je suis fier de cette potion dont je ne doute pas qu’elle permettra de ranimer cette union mort-née, et que la moutarde qui montera au nez de l’Asselot dégagera le fond de son âme.

andouile de Vire, Asselot, pomme de terre primeure, Ré, alcmaria
L'Asselot du Bac, dit l'Andouille de Vire (cf l'œuvre de Crétin de Troyes, le spécialiste de l'andouillette)


À Merlin, Merlin et demi !
Un enchantement pour le palais.

lundi 1 juin 2020

Droit au milieu de mes bottes

D’habitude, ce sont des bébés que livrent les cigognes.




Cette fois-ci, ce sont des asperges que la brave bête est venue m’apporter.



Fort heureusement, car qu’aurais-je fait d’un bébé ? Je ne suis pas babyvore et encore moins baby-sitter. En revanche ces asperges alsaciennes sont arrivées fort opportunément pour recentrer mes lieux d'approvisionnement pour ce produit, dont le centre de gravité se situant aux confins de la Touraine et du Haut Poitou où je villégiature habituellement quand l’asperge prospère - yop la boum - s’est vu cette année déplacé vers les Landes, région certes fort honorable en qualité, mais dont les turions n’émergent pas de mes racines. Avec le contrepoids du Nord-Est et du Sud-Ouest, mon AVC (Asperge Virtuelle Consommée) devait effectuer une remontée de localisation la rapprochant de ma norme. Enfin, c’est ce que je croyais, car après tracé de la droite reliant ces deux territoires, je viens de constater que mes visualisations cartographiques mentales très approximatives m’ont joué un mauvais Tours : j’aboutis à un Berrycentre.
Je me console ; le Berry, ce n’est pas la Touraine, mais on se rapproche quand même…


Je ne veux pas être le seul à tenter de me rapprocher de mes racines.

En ce qui concerne les asperges des Landes, je les avais servies quelques jours auparavant accompagnées de tranches de ventrèche de porc basque.

asperges landaises, ventrèche, oeuf miroir
Si belle sur ce miroir ?


Bon, l’œuf miroir avait été pondu en Lozère et la sauce ne comportait que des produits italiens ; huile d’olive et balsamique de Modène. Sorry, nobody is perfect.

Pour les asperges d’Alsace, j’essaye d’être plus à la hauteur.
Je commence par cuire les asperges que je viens de peler. Je procède de la même façon que pour les précédentes : un séjour d’environ un quart d’heure à la vapeur. Le résultat est cependant bien différent : les Landaises étaient en légère surcuisson, alors qu’après vérification il me faut ajouter quatre minutes pour obtenir des Alsaciennes encore al dente.

asperges d'Alsace
Elles ont une bonne tête


Je présume que cette différence provient du fait que ces dernières asperges du Sud-Ouest étaient passées par le circuit de la grande distribution et avaient subi un long séjour en chambre froide…
Oublions les pour revenir à mes bonnes Haut Rhinoises !
Le vinaigre de la sauce dans laquelle elles seront trempées est bien alsacien : c’est du Melfor. L’huile - de colza vierge - est tourangelle. Ben oui, ma petite Sparichle, tu ne penses tout de même pas que je vais stocker des variétés d’huile de toutes les régions de France, de Navarre, de la Communauté et du Monde pour tes beaux bourgeons, d’ailleurs des huiles typiquement alsaciennes, t’en connais beaucoup ? Alors sois déjà reconnaissante que je ne t’accompagne point d’un jambon Herta, mais d’une magnifique saucisse blanche venue d’Alsace rien que pour toi.
« Mais il y a de l’emmental dedans, tu parles, comme alsacien on fait mieux ; du munster, j’dis pas…
-  M’sieur Eric, le charcutier qui vient de la créer, sait mieux que toi ce qui convient pour fabriquer une saucisse, d’ailleurs la saucisse au fromage parfumée de petits bouts d’emmental est un classique que l’on aime poser à côté de la Lyonerwurscht, de la Schambungwursch et de la saucisse à la bière.
-   P’t-être, mais arrêtez de me tutoyer ! C’est un monde, parce que je ne suis qu’une asperge. »
L’asperge est fière, alors l’asperge alsacienne, pensez donc ! Mais je préfère cette attitude plutôt que de la voir baisser honteusement la tête…
Que ça lui plaise ou non, mes saucisses viennent se dorer doucement dans la poêle. En fin de cuisson, quelques filets de fromage fondus viennent s’écouler sur le beurre fondu, formant de savoureuses petites croûtes qui ajouteront encore plus de saveur à ce plat simplissime ( vade retro Jean-François Mallet 😛😛😛).

saucisse blanche au fromage, Alsace
Une fondue confinée


Je pique gaiement dans mon assiette. Encore un que nos ennemis Fritz n’auront pas !

samedi 30 mai 2020

La cuisine Bette

En fait, le sachet de semence portait l’inscription : poirée blonde. Mais l’un et/ou l’autre se disent/dit.
Alors, comme je suis le maître de céans, j’ai préféré cette cuisine Bette à une cuisine Poirée.
J’avoue avoir un moment pensé titrer Ma cuisine Poirée (et ses rots), mais c’était du dernier mauvais goût. Et de plus même pas vrai !
Le vocable blette était aussi possible, et j’ai songé durant un bref instant à un La blette dans son bocal ce qui était bien plus proche de la réalité, option finalement repoussée car je voyais la blette tourner comme un ide vulgaire (famille des cyprinidés) dans sa prison. Et tourner, pour une conserve, ce n’est pas le meilleur destin.
Car c’est bien de conserves qu’il s’agit, réalisées avec la dernière récolte du rang de poirée blonde à carde blanche dans le jardin.
Pas mal de temps de préparation - en particulier pour enlever les fils des côtes (les fils de la côte sont aussi malfaisants que les frères de la côte) - et de stérilisation pour obtenir un stock qui ne permettra pas de soutenir un siège…
Mais le résultat est plutôt sympathique.

conserves, bocaux de poirées
La langue pendante


Et c’est ainsi que la cuisine Bette passera l’hiver pour finir dans le gratin…

mercredi 27 mai 2020

Comment j’ai sauté ma poule de luxe après ses vapeurs

Pour la première fois le pape Merle I ressentit comme un doute sur son infaillibilité.

En effet, parcourant le blog SOS Grisbiche sur l'écran de son téléphone Papamobile d'un œil à la fois bienveillant- c’est tout lui, les trois lettres SOS l’avaient attiré comme un ver frétillant attire le gardon… - et gourmand - si tant est qu’un œil puisse être gourmand - le Souverain Pontife avait sursauté en lisant ce titre : « Comment j’ai sauté ma poule de luxe après ses vapeurs ».
Ah, non, s’était-il écrié, je veux bien être bon, mais pas… Bref, Merle I, désenchanté, bascula vers la page appel de son Papamobile pour tancer vertement la Curie pour son incurie.
« M’enfin, qu’est-ce que vous faites tout de ces saintes journées, je vous avais dit de bloquer avec la fonction Index toutes les publications contraires à la morale. Alors c’est moi qui dois faire votre job ? Je vous signale… bla bla bla… ».
L’abbé Chamel, blanc de peur devant cette réprimande, s’était empressé d’exécuter les ordres. Dix minutes suffirent pour que la poule de luxe soit mise à l’Index.
Mais quelques heures plus tard le cardinal Thermidor, un prélat d’origine cubaine que les méchantes langues (la méchante langue ne manque pas au Vatican, où elle supplante sans peine la langue latine) surnommaient Fidèle Castré en raison de sa voix haut perchée, toutefois pas suffisamment vers les cieux pour être qualifiée de vox Dei, avait entrepris de superviser le travail de son chargé d’Index… Ces inspections, outre la nécessité de recadrer les choix d’un jeunot alliant le manque d’expérience à une sottise notoire et dont la principale qualité était la servilité, lui procuraient souvent le bonheur de lectures affriolantes dont il n’avait même pas à confesser le plaisir pervers qu’il y prenait, car elles relevaient d’un cadre strictement professionnel - Thermidor était un peu jésuite sur les bords…
Aussi notre Cubain croyant accoster sur la baie du cochon avait entrepris de suivre les aventures de la poule de luxe avec une lippe concupiscente. Il en avait été fort déçu, sa gourmandise ne portant point sur la chère, mais sur la chair. « La chère est triste, je n’en lirai pas tous les livres », s’était-il dit en se levant pour aller sermonner le pauvre abbé Chamel avec une vigueur à la mesure de sa déception.
« Mais c’est le pape Merle qui me l’a demandé en personne personnellement !
-  Ah bon ? Eh bien il voulait vous tester. Et vous l’avez déçu, comme vous m’avez déçu. Pour cette fois, je vous absous, mais veillez à me dénicher de textes plus… Enfin plus… Bref vous me comprenez. D’ailleurs je ne suis pas le seul à observer ce fléchissement. Pas plus tard qu’hier Sœur Marie-Thérèse me confiait qu’ah cet Index, il n’est plus aussi satisfaisant qu’autrefois. Il est vrai qu’elle sait ce dont elle parle, ce n’est plus une colombe de l’année. Mais je m’égare… »
L’abbé Chamel eut la lourde tâche de contacter le Souverain Pontife pour justifier la sortie de la poule de luxe de l’Index. Comme il était sot mais loin de d’être bête, il pensa que la meilleure tactique était de lui mettre le texte sous les yeux.
« Seul le titre prête un tantinet à équivoque, mais il n’y a pas de quoi fouetter un chat… »
« Peut-être une béarnaise… » ajouta-t-il d’un air benêt.
Merle I lui sourit avec bonhomie.
« Au temps pour moi. J’aurais dû lire jusqu’au bout. Ne pas être comme ces lecteurs de blogs qui survolent sans rien voir vraiment. Mais surtout, mon fils, ne va pas répéter urbi et orbi que le pape est faillible ! »

Le lecteur qui, contrairement à Merle I, est parvenu jusqu’à ces lignes pourra construire sa propre opinion, Index or not Index, en parcourant les lignes suivantes :


Comment j’ai sauté ma poule de luxe après ses vapeurs


Un beau poulet de plus de deux kilos est arrivé de sa Lozère natale. Voici ses frères :



Lui, désormais, n’a pas que le cou qui soit nu…

Pour changer, j’ai tenté une méthode de cuisson différente de celle de mon pal habituel. J’ai introduit dans son coffre assaisonné de gros sel et de poivre blanc de Penja tout un lot d’herbes fraîches du jardin : thym, serpolet, origan, marjolaine, estragon ainsi que deux feuilles de laurier, des lambeaux de zeste de citron, deux chatons de poivre Timiz pour ajouter ses notes de fumée et de résine et quelques grains de poivre de Cayenne pour relever le tout. Une branche de persil mise en boule bouchait le tout. Après avoir parsemé la peau de sel fin et de plusieurs tours de moulin de poivre rouge, j’ai mis la bête à cuire une heure et demie à la vapeur réglage 100 °C avec à ses côtés le cou et le gésier.

poulet, cuisson vapeur
À toute vapeur…


Le poulet était alors parfaitement mangeable, mais il faut reconnaître que son aspect n’était pas spécialement attirant. Il a donc été doré en l’enfournant sur un plat pour sept huit minutes à 200 °C.
J’en ai profité pour ajouter le foie accompagné du cœur.
Pendant le temps où le poulet reposait sur sa planche en attente de la découpe

poulet, cuisson à la vapeur
Bronzage rapide


j’ai placé le plat en fonte sur une flamme et y ai étendu des asperges vertes qui y ont poursuivi une cuisson jusqu’à l’al dente dans le jus qui s’était écoulé.

poulet à la vapeur, asperges vertes
abats, asperges


La découpe révéla une chair bien blanche, à la fois ferme et juteuse, légèrement parfumée par la farce d’herbes et d’épices. Le passage au four avait permis l’obtention d’une peau croustillante.

poulet, cuisson vapeur
Lozérien pourfendu


En revanche le jus n’était pas du tout agréable en bouche, avec ce côté un peu écœurant que peut avoir la graisse de gallinacés, même quand l’animal de ferme est d’excellente qualité. Les asperges, déjà pas fameuses - elles arrivaient d’Espagne en ayant visiblement emprunté le chemin des écoliers - étaient achevées par ce bain.
Je me suis consolé au dessert avec une compote de pommes agrémentée de découpes de tiges de rhubarbe et d'angélique quant à elles fraichement cueillies au jardin.

compote de pommes, angélique, rhubarbe
Les aventures d'Angélique


On comprendra que dans l’avenir je m’en tiendrai à un rôtissage plus traditionnel…
Finalement, le meilleur dans ce repas, c'était cette touche inattendue d'angélique.
Et quand j’écris ça, je suis sérieux comme un pape.

dimanche 24 mai 2020

Lamb-chop de sa montagne, petits artichauts violets barigoule mais presque

Un plat rustique mais goûteux…

Les pièces de lamb-chop - taillées dans un savoureux agneau du Massif Central -, après avoir été assaisonnées d’une pincée de sel fin, sont simplement posées sur un gril bien chaud barbouillé au pinceau d’un soupçon d’huile d’olive. À la sortie elles reçoivent un tour de moulin de poivre rouge de Kampot.

lamb-shop, agneau du Massif Central
Quand un auvergnat se fait choper...


Les petits artichauts, tournés et partagés en deux, sont blanchis deux minutes dans de l’eau bouillante salée citronnée. Puis ils sont sautés rapidement à la poêle sur un trait d’huile d’olive avant d’y finir à couvert et à feu doux, accompagnés de deux gousses d’ail et parsemés de feuilles de thym, arrosés du jus d’un demi-citron et d’une bonne cuillérée de sauce pimentée basque Sakari. Au bout d’une dizaine de minutes, le couvercle est retiré.

artichaut violet
Artichauts  basco-barigoulais


On peut alors déposer dans l'assiette à côté de l’agneau les artichauts arrosés du jus de fond de poêle.
Puis passer à l'attaque en en se régalant...

Et quoi de mieux qu'une tarte à la rhubarbe du jardin pour clore ce bon repas ?

tarte à la rhubarbe
Par la sorcière de la rhubarbe

Et moi je compte pour du beurre...