En effet depuis plusieurs années j’avais pris l’habitude d’aller cueillir mes piments végétariens sur le pied domestique qui prospérait à côté d’une fenêtre de l’appartement.
Végétarien du temps jadis |
Mais cette année je ne retrouve pas cet arbuste vigoureux en permanence couvert de fleurs et/ou de fruits gorgés de parfum.
Pour tout dire, de la végétation luxuriante ne restent plus que des branches étiques aux feuilles rabougries et sur lesquelles les rarissimes fleurs ne vivent même pas ce que vivent les roses, car elles tombent sur le sol avant même d’être fanées.
Végétarien déplumé |
Situation désolante ! Je ne puis me résoudre à euthanasier ce fidèle compagnon de cuisine - peut-être qu’une coupe vers la base permettrait une pousse de nouvelles branches ? J’ai semé d’autres pieds de cet excellent piment végétarien, mais ils ne sont encore que des bébés à l’avenir incertain…
Alors, en attendant un avenir meilleur, il me faut faire avec les moyens du bord.
J’ai appelé à la rescousse deux bocaux que j’avais dans mes réserves :
l’un contenant une conserve de piment cabri vert de la Réunion à l’huile et au vinaigre
l’autre renfermant du piment habanero des Antilles confit au vinaigre
Mais le piment n’entre pas encore en scène.
Il me faut d’abord pocher la morue mise à dessaler depuis la veille. Je la plonge dans une eau froide que je conduis à frémissement. Je poursuis cette cuisson un quart d’heure durant
Je débarrasse la chair de la peau et des arêtes, aie aie aie, c’est chaud… Puis je hache finement la morue. Bon, découper grossièrement et écraser au mortier, ce serait mieux, mais avec mon petit mortier je ne serais pas près d’avoir fini !
Maintenant je prépare une détrempe - dans une quantité estimée à vue de nez suffisante pour permettre de bien enrober la morue - en délayant la farine avec de l’eau jusqu’à une consistance voisine de la pâte à crêpe. J’y ajoute une pincée de sel et une cuillerée de bicarbonate.
Spatule blanche sur sauce blanche |
Je suis décidément fort démuni : je n’ai à ma disposition aucune cive.
Tant pis, je remplacerai ce produit par deux petits oignons blancs nouveaux dont je hache les bulbes et une partie des queues.
Je procède au premier brassage : la morue est mélangée avec l’oignon, la moitié du pot de piment cabri, du poivre rouge moulu, du zeste de citron vert, des feuilles détachées d’une branche de thym frais. Pris de remords pour n’avoir pas utilisé le mortier, j’envisage une méthode de substitution : je sors mon lourd aplatisseur de viande et tente d’écraser la mixture sur le fond de ma bassine en inox. Mais cette procédure se révèle fort peu efficace, même en effectuant des rotations. Peut-être n’ai-je aussi pas laissé cuire la morue assez longtemps, il ne s’agissait pas de servir une belle tranche façon plat portugais accompagnée de pois chiches et d’olives !
J’en étais au vert du cabri, maintenant je passe au rouge… Je fais tomber quelques cuillerées de piment habanero confit. J’ajoute aussi le jus d’un demi-citron jaune.
Tache rouge sur fond blanc |
Je mélange encore et verse le contenu de cette bassine dans l’autre bassine, celle qui contient la détrempe de farine. Je brasse bien afin d’incorporer. Voilà, c’est chose faite…
Vallons blancs |
La friteuse est allumée depuis quelques minutes, elle a atteint les 170 °C souhaités.
Il ne reste plus qu’à installer la bassine à côté et se munir d’une cuillère à soupe et une petite cuillère destinées à déposer des petites quantités de pâte dans l’huile.
Proximité |
Premiers plongeons !
Maintenant ça baigne |
Une araignée permet de retourner les beignets qui se sont développés afin de les colorer sur l’autre face, puis de les retirer pour les déposer sur un papier absorbant.
L'araignée aux aguets |
Bientôt le plat de service est recouvert d’un petit monticule d’acras bien dorés.
De l'acra en pagaille |
La petite escapade vers les Îles va pouvoir commencer.
Un petit verre de ti-punch va permettre de se mettre dans l’ambiance. Toujours aussi démuni, je ne peux toutefois y introduire ma pulpe de fruit de la passion habituelle…
Voyons le résultat de cette recette approximative. C’est bon, certes. La coque croustillante enrobe un intérieur moelleux où la morue est bien présente.
Fond dans la bouche, graisse la main |
Mais il me manque le parfum subtil et irremplaçable du piment végétarien. Et, de plus, les autres piments n’ont même pas conféré une vigueur suffisante. C’est de ma faute, j’aurais dû regarder de plus près les caractéristiques de ces bocaux. Si le piment cabri vert montait à la hauteur convenable de 300 000 sur l’échelle de Scoville, la pusillanime Dame Besson avait castré son habanero en le mélangeant avec de la carotte et de l’oignon, abaissant sa force au minable score de 2000. Et dire que je n’avais pas goûté ce bocal, faisant confiance à l’appellation habanero, une variété de piment que je connais bien, alors que j’ai posé une miette de cabri sur ma langue afin de tester la vigueur de ce produit qui m’est moins familier.
Quoi qu’il en soit, cette avalanche d’acras a quand même eu le mérite de convoquer le soleil à ma table…
Sous le soleil couchant |
Et pour le dessert j'ai même découvert un pot de confiture de banane qui se planquait dans le placard....
Ce n'est pas régime... |