dimanche 3 mai 2020

Panique chez les habits verts

Les asperges étaient vertes : elles avaient entendu dire que les œufs étaient brouillés et qu’en ce qui concerne le parmesan, c’était râpé.
Prises d’une profonde déprime, elles allaient se jeter à l’eau.
Heureusement j’étais là. J’ai empêché ce geste suicidaire in extremis.
Je leur ai suggéré une butyrothérapie moussante qui n’a eu besoin que de quelques secondes pour les requinquer.
Contrairement à ce qu'elles croyaient, les quatre œufs ne s’étaient pas encore brouillés entre eux, ils attendaient enfermés dans une boîte. J’ai entrebâillé l’ouverture. L’un d’œufs m’a interpellé :
« Alors, quand est-ce qu’on se casse ? »
« Tout de suite ! » lui ai-je répondu en le fracassant sur la table.
« Tu aurais mieux fait de te taire, crétin.
-J’me doutais bien que l’on n’était pas de la même poule…
-Ça t’va bien, toi qui es tout blanc de coquille… »
Quitte à être brouillés, autant qu’ils le soient pour la bonne cause. Je les ai fait tomber sur les asperges, et j’ai remué, remué, maryse, jusqu’à ce qu’ils prennent. Autant dire que les asperges étaient épatées : après mes soins, les œufs ne faisaient plus qu’un. « On peut même dire que c’est la crème des œufs » s’attendrit un turion…
J’ai pour la dernière fois écarté la poêle de la petite flamme.
Quand j’ai ajouté d’un ton solennel « Et voici le Parmesan ! » les asperges ont levé la tête. J’ai ajouté : « Ce ne sera pas râpé… ». J’ai tenu ma promesse, je me suis contenté de prélever de fines lamelles qui sont descendues en tourbillonnant comme des feuilles mortes sur les œufs brouillés réconciliés et les asperges dépressives rassérénées.
« Désolé tout le monde, mais vous allez passer une minute dans le noir. »
Quand je retirai le couvercle, les lamelles étaient devenues des pellicules opalescentes qui nimbaient quelques têtes.

oeufs brouillés, asperges vertes, parmesan
Ni vu ni connu, j't'embrouille !


« Au secours, des fantômes ! » glapissaient les asperges, cette fois-ci vertes de peur.
À désespérer… Là, je ne pouvais plus rien faire pour elles.

Sinon les manger.

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