La première sous les halles, la seconde sous un couvercle
Mais entre les deux j’avais commencé par préparer un bouillon avec les découpes des racines du jardin les moins présentables après récolte : céleri-rave, panais, navets, persil tubéreux… J’avais ajouté deux carottes bien conformées quant à elles, trois poireaux maigrichons, un oignon triplement clouté de girofle et un bouquet garni. Après trente minutes d’ébullition, j’avais assaisonné d’une petite poignée de gros sel, de trois baies de poivre long et d’une douzaine de grains de piment de la Jamaïque.
Et voilà, un morceau de paleron et la queue de bœuf baignent dans le liquide odoriférant.
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La cuisson va continuer trois heures à petit feu. Puis la marmite sera réservée au frais pour la nuit.
C’est le jour J. La réalisation du hachis parmentier qui est la destination finale de cette viande maintenant bonne à être effilochée va pouvoir commencer.
Je pose le paleron tout attendri sur la planche, je balance le couteau ( mais non, pas dans l’évier et encore moins sur ma compagne, ça veut dire que je l’utilise comme une berceuse – au fait pourquoi n’ai-je pas pensé tout simplement à sortir cet instrument approprié du repaire où il se cache ? ). Cette opération est rondement menée, la pièce est hachée et transférée dans une bassine. C’est un peu plus long pour la queue, il faut la déficeler et détacher la viande des vertèbres.
Nettoyage à sec |
Bon, c’est fait. Je poursuis en hachant une poignée de petites échalotes du jardin et une gousse d’ail, puis en ciselant un bouquet de persil plat en conservant les queues. Tiens, ne serais-je pas seulement jugavore, mais aussi caudavore ?
Je mélange mes découpes avec la viande en ajoutant une cuillérée de poivre Voatsiperifery écrasé au mortier, une petite cuillerée de quatre-épices. J’effeuille une branche de thym et une branche d’origan, je donne quelques tours de moulin de poivre rouge de Kampot, et je termine par une cuillerée de fleur de sel.
Je me saisis d’une poêle, j’y fais fondre une grosse noix de beurre et y déverse le contenu de la bassine. Je recouvre de deux louches de bouillon prélevé dans la marmite, complète d’une feuille de laurier. Je laisse réduire jusqu’à évaporation presque complète.
Viande mêlée... |
Je retire la feuille de laurier et réserve.
Je mets à cuire quelques pommes de terre de la variété Mona Lisa dans de l’eau salée où nagent deux gousses d’ail et une feuille de laurier. Une fois ces tubercules passés au presse-purée, je brasse avec 20 cl de crème liquide entière bouillante parfumée de noix de muscade râpée et incorpore la moitié d’une plaque de beurre d’Isigny.
Je rectifie l’assaisonnement, donne un tour de moulin de poivre blanc.
Il me faut maintenant procéder au montage. Je barbouille de beurre un plat rectangulaire en fonte. J’étale une couche de purée. Je la recouvre d’une couche plus épaisse de hachis, puis je finis par une nouvelle couche de purée.
Il y a du rab… J’en profite pour emplir un petit plat en alu, mais avec seulement deux étages : hachis puis purée.
J’enfourne à 180 °C pour une vingtaine de minutes. Je baisse alors la température du four à 80 °C.
Il ne reste plus qu’à attendre l’arrivée de celles qui avaient incité mon choix de plat : quoi de mieux qu’un hachis parmentier ne nécessitant qu’un dernier passage rapide au four pour couper court rapidement aux vociférations bruyantes de gamines à l’hypoglycémie agressive - j’ai faim !!! - alors que leur heure d’arrivée se trouve contenue dans une fourchette aux branches fort écartées.
Un coup de fil de leur mère : « Ça y est, j’ai enfin trouvé une place pour me garer à quelques centaines de mètres ! ». Je remets le thermostat à 180 °C. Quand j’entends des braillements d’une autre tonalité que ceux émis par la famille des enfants du rez-de-chaussée, je peux allumer le gril.
C'est chaud et doré..
Le grand et le petit |
Quand j’apporte mon plat sur la table, je suis inquiet de l’accueil qui sera réservé à mon plat par les affamées phobiques. J’avais songé un moment à appliquer à mon parmentier la méthode Parmentier, non pas le faire garder par des gens d’armes ni même des CRS, certes, mais dire simplement que cette préparation était réservée aux adultes et que ces chères infantes n’en auraient point. Mais non, nul besoin de cet artifice, elles me disent qu’elles se régalent, que je suis le meilleur cuisinier du monde. La mère semble prendre ombrage de ce qu’elle considère comme une mise en question de ses compétences culinaires. Quant à moi, je me demande ce qu’elles espèrent obtenir prochainement de moi…
Mais peut-être que tout simplement la vérité sort de la bouche des enfants : moi aussi, je me régale.
Parmentier le Grand |
Il en sera de même le surlendemain avec le modèle mini...
Parmentier le Petit |
Après que les jeunes membresses du jury se sont distraites en faisant tourner non pas les serviettes mais la manivelle de la girolle porteuse de Tête de Moine, le titre de meilleure pâtissière du monde est décerné à Madame pour sa Tarte aux fruits secs inspirée d’une recette parue dans la revue Saveurs de février 2019 - eh oui, je sais que mon épouse a toujours été en avance sur son temps…
Bien gourmand |