Dans la même semaine, ce sont deux joues de bœuf et huit joues de lotte qui sont passées à la casserole, soit au mieux cinq et au pire dix animaux sacrifiés sur l’autel culinaire.
Antispécistes hystériques qui voudraient me vouer aux gémonies, passez votre chemin, sinon je vous envoie votre collègue Hannibal Lecter ! Encore que je ne sois pas certain qu’il puisse prendre plaisir à déguster une de vos joues flasques de mal nourris…
Me voici donc avec mes joues de lotte parées éclatantes de fraîcheur. Il y a aussi des épinards cueillis l’heure précédente au jardin, mais malheureusement cette fin de saison évacuée avant bêchage n’a fourni qu’une quantité limitée de feuilles. Pas assez…
Alors je décide d’incorporer cette verdure en compagnie du poisson au sein d’une omelette.
Je fais tomber mes feuilles d’épinard soigneusement lavées et équeutées au fond d’une poêle ointe d’un bon trait d’huile d’olive, remuant avec une fourchette plantée dans une gousse d’ail. Quand il ne reste presque plus d’eau de végétation, je baisse la flamme, rassemble les épinards en petits tas. Je parsème les joues de sel fin et les dépose entre les monticules verdoyants. Une minute de chaque côté sur feu moyen suffira.
J’avais battu cinq œufs dans un cul-de-poule, j’y ajoute une bonne pincée de fleur de sel, ainsi que des filaments de safran et une cuillerée de piments d’Espelette. Un dernier coup de fouet, et je verse dans la poêle. Les œufs se coagulent pendant que la lotte parachève sa cuisson.
C’est terminé, l’omelette est tout juste baveuse, je la retire du feu, l’arrose de quelques gouttes d’huile d’olive aux notes herbacées. Avec sa structure, il n’est pas question de la rouler. Elle ira telle quelle sur la table où les parts découpées seront glissées sur les assiettes.
Avant d’apporter, je dépose du bout des doigts de la poudre de piment d’Espelette sur les joues virginales, comme un ultime baiser.
Lotte riche |
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