mardi 11 décembre 2018

Les ogresses des Carpates

M’étant laissé entraîner comme une épave (que je ne suis pas, je l’espère…) au gré des courants du grand océan Web, j’ai fini par m’échouer sur le rivage de l’île Pounchki.
http://pounchki.fr/
En parcourant cet espace, j’ai aperçu les Carpates. Mais oui, sous cette forme :

Karpatka


J’avais rarement vu une montagne aussi appétissante, à part peut-être le Mont-Blanc quand il n’est pas envahi par une avalanche de sucre.

C’est décidé, ce sera le dessert du repas du surlendemain, à partager avec mes jeunes infantes - encore que l’une d’elles a le bon goût de préférer une juteuse poire ou une clémentine parfumée aux pâtisseries qu’elle repousse avec un regard méprisant. Mais quitte à céder au symbolisme des grands-parents gâteaux, autant se livrer à une confection honorable. Gâteaux, mais pas gâteux !
J’entreprends donc l’impression de la page en question. Las, l’île Pounchki est particulièrement inhospitalière. Non seulement la fonction d’impression n’est pas disponible, mais même le copier-coller est interdit. Je ne comprendrai jamais ces blogueurs culinaires qui protègent leurs textes et leurs photos comme l’or de Fort Knox… D’autant plus que ces protections sont facilement contournables. Une simple copie d’écran, et ça y est. Mais je ne me donnerai pas la peine de la traiter en OCR, après tout, la recette de la karpatka est bien simple : il s’agit de réaliser deux carrés de pâte à choux entre lesquels viendra se nicher une crème mousseline. Rien que du classique !

Maintenant il me faut trouver le plat principal. Pourquoi ne pas rester dans la lignée polonaise ? Je sors de ma bibliothèque le livre La cuisine polonaise écrit par Wictoria Bosc (fille de l’actrice Beata Tyszkiewicz dont je me souviens l'avoir vue dans  le déroutant Homme au crâne rasé d'André Delvaux et le remarquable Manuscrit trouvé à Saragosse de Wojcech Has).



Livre que je n’aurais certainement pas acheté si j’avais prêté attention à la mention « au goût du jour » qui figure sur la couverture… Heureusement, je pense que cette stupidité qui s'espère racoleuse est plus le fait de l’éditeur que de l’auteur !
Je recherche une recette dont une bonne partie puisse être réalisée la veille du repas et être servie rapidement à une heure relativement imprécise afin d’éviter un accroissement excessif des décibels des braillements d’enfants en hypoglycémie.
Mon choix se porte sur les boulettes de volaille à la sauce à l’aneth.


Boulettes de volaille à la sauce à l’aneth

POUR 4 PERSONNES -TEMPS DE PRÉPARATION : 30 MN
TEMPS DE CUISSON : 30 MN

500 g de viande de poulet (poitrine)
1 œuf
1 oignon moyen
4 c. à s. de beurre
2 c. à s. de semoule de blé dur
3 c. à s. de farine
POUR LA SAUCE À L'ANETH :
200 ml de bouillon
100 ml de crème fraîche
2 c. à s. d'aneth ciselé
1 c. à s. de farine
2 c. à s. de beurre
1 c. à c. de sucre
sel et poivre


1. Pour préparer la sauce : Dans une casserole à fond épais, faites un roux brun avec la farine délayée dans 2 c. à s. de beurre. Ajoutez le bouillon et laissez cuire à feu doux pendant une dizaine de minutes, en remuant régulièrement. À la fin, ajoutez l'aneth et la crème fraîche. Sel et poivre selon votre goût.
2.Hachez la viande de poulet. Dans 2 c. à s. de beurre, faites dorer l'oignon émincé, puis ajoutez-le à la viande avec la semoule de blé dur et l'œuf. Assaisonnez et malaxez.
3.Formez des boulettes de la taille d'une noix, parsemez de farine et faites dorer à la poêle avec le reste du beurre. Une fois cuites, mettez-les dans la casserole avec la sauce d'aneth et faites mijoter à feu doux pendant environ 10 mn.


Vendredi, je réaliserai les boulettes, et samedi matin la sauce.



VENDREDI


Je commence par le karpatka
Après sortie du four de la pâte à choux, j’obtiens deux carrés qui me semblent parfaitement cuits.

karpatka
Choux carrés


Pendant qu’ils refroidissent, j’en profite pour confectionner la crème mousseline, c’est-à-dire une crème pâtissière que je monte avec du beurre pommade à l’aide de mon batteur.

crème mousseline
Quand je fais de la crème mousseline...


La crème mousseline est étalée sur un des deux carrés, puis recouverte du deuxième. Le tout est filmé et réservé au réfrigérateur.

Il me faut passer aux boulettes. Dans le robot, je verse mes trois filets de poulet Label Rouge, soit un peu plus de 700 g de chair que j’ai découpée en morceau, un oignon haché grossièrement, trois bonnes cuillerées bombées de semoule fine, deux œufs. Quelques secondes avec le doigt appuyé sur le bouton pulse, puis j’incorpore 125 g de beurre demi-sel fondu. Quelques tours de moulin de poivre noir. L‘appareil des boulettes est prêt.

boulettes, poulet, aneth, Pologne
Poulvérisé !


Je le façonne en petites boules d’environ 2,5 cm de diamètre. Farinées, elles sont frites dans un mélange d’huile d’arachide et de beurre.

boulettes de poulet à l'aneth
Roulées dans la farine...


Enfermées dans une boîte hermétique, elles partent elles aussi au réfrigérateur.

SAMEDI


Pour le karpatka, c’est simple, il ne reste plus qu’à trancher afin d’obtenir un bord bien droit et saupoudrer de sucre glace. Sauf que sous la pression du couteau, la crème a tendance à vouloir sortir comme un dentifrice de son tube, et si l’on choisit une posture plus verticale la lame, ce sont les deux plaques de pâte à choux qui veulent se décaler. Je parviens cependant tant bien que mal à obtenir un résultat présentable. Il me semble qu’il vaudrait mieux effectuer la découpe de la pâte à vide et procéder ensuite à l’apport de crème à l’intérieur d’un cadre…

La chute de sucre glace provoque bien un paysage de reliefs enneigés. Mais oui, je survole les Carpates !

karpatka
Carpates vues du ciel


Je change de registre, le salé remplace le sucré.
Tout d’abord je fais infuser un sachet de bouillon de volaille Ariaké dans 30 cl d’eau. Je confectionne un roux avec une grosse noix de beurre et le même volume de farine, je verse le bouillon et continue à frémissement sur le feu jusqu’à ce que la farine soit bien cuite. J’ajoute alors la crème fraîche et laisse réduire quelques minutes, rectifie l’assaisonnement. Je transvase dans un sautoir et je réserve. J’ajouterai l’aneth au dernier moment. Je sors les boulettes que je réchauffe quelques minutes au four à 60 °C.
J’entends des hurlements dans l’escalier. Mes invitées sont là.
Je me dépêche de placer le sautoir sur un feu moyen, la sauce recommence à frémir, j’y disperse l’aneth ciselé.

boulettes, poulet, aneth
Ne pleure pas, aneth !


Puis je déverse les boulettes qui finissent de s’y réchauffer.
Je n’ai plus qu’à transférer dans le plat de service.

boulettes de poulet à l'aneth, Pologne
Allez, à table !


Heureuse surprise, je craignais que cette herbe assez typée qu’est l’aneth ne soit pas du goût de ces demoiselles. Mais non, elles aiment. Ouf…
Et moi aussi !

boulettes de volaille à la sauce aneth
On lui fend le cœur


Comme je le prévoyais, l’aînée apprécie le gâteau, la cadette préfère des fruits.

Quant à moi, je me dis en mon for intérieur que la crème mousseline n’est pas réussie : elle est légèrement granuleuse, le beurre s’est mal incorporé dans une pâtissière sans doute trop froide. Ah, les glissements de plaques tectoniques et la météo des Carpates !


karpatka
Un coin des Carpates

lundi 10 décembre 2018

Mauricette, elle est très chouette

Mauricette, elle est très chouette.
Et son cousin il est divin.

Au bar, Mauricette s’occupe des sandwichs et Bretzel de la bibine. Mais Mauricette est une nouvelle recrue.
En effet, interpellé par la déferlante de recettes de mauricettes sur la blogosphère culinaire, je me suis demandé pourquoi je n’avais jamais rencontré ce produit dans mes séjours en Alsace durant mon enfance ou mon adolescence. Alors je me suis livré à des recherches : la raison en est bien simple, ce produit est né en 1973 de l’imagination d’un boulanger même pas alsacien fatigué sans doute de faire le nœud. Ce commerçant a baptisé cette cousine du Bretzel du prénom de son épouse, réorthographié afin d’en permettre le dépôt légal, Moricette®.

Mercantilisme, jusqu’où dénatureras-tu nos coutumes régionales ? En ces mêmes années de ma jeunesse, Noël en Alsace ne se traduisait pas par l’envahissement de ces abominables marchés soi-disant traditionnels *, mais tout au contraire je me souviens en la bonne ville de Saverne de boutiques fermées, même les restaurants n'offraient que porte close le jour de cette fête religieuse et familiale. Pour les enfants et les cadeaux, il y avait la Saint Nicolas.

Un jour il faudra que je m’attelle à établir une liste qui restera certainement incomplète des produits, soit créés de toutes pièces, soit sortis de l'oubli (parfois mérité) et souvent revisités pour être moins onéreux en fabrication, qui sont vendus comme la quintessence d’une longue tradition locale. Tradition qui se perd de plus en plus, les artisans navigant de région en région au gré des fonds de commerce disponibles…

Mais revenons à la Mauricette, ce bretzel dont on a obturé les fenêtres dans lesquelles le soleil brille trois fois…
J’ai participé à la naissance d’une bonne douzaine de Mauricettes en mon domicile.
Le père s’appelle Secrets d’Alsace :

https://www.vinsalsace.com/fr/a-table/recettes/mauricettes-bretzels/ 

La mère est la maîtresse de maison.
Quant à moi, je me suis livré à l’épisiotomie.

mauricettes
Maternité


Et la voilà, la Mauricette !

mauricette
Mauricette s'éclate


N’est-elle pas très chouette ?
Mais il faut que je vous quitte, il y a le téléphon qui son. Et naturellement personne qui répond…


* D’ailleurs le site des Marchés de Noël d’Alsace est bien obligé de le reconnaître. On y lit :
Au début, les marchés de Noël ne se faisaient que dans les grandes villes, actuellement ils s’étendent jusque dans nos campagnes afin d’y apporter la magie.
La magie, tu parles !


mercredi 5 décembre 2018

Mea culpa, hou les cornes !

Depuis le lundi 26 novembre 2018 à 15 h 38 heure locale je suis titillé par ma mauvaise conscience.
En effet - sans doute pollué par l’antispécisme ambiant - j’avais terminé ma diatribe contre les funestes croquilles par cette objurgation vengeresse :
Rendez sa coquille à l’escargot, ô éleveurs indignes qui ne respectent pas leurs bêtes !

Or si un éleveur respecte bien ses bêtes, c’est cet héliciculteur médocain qui m’a fourni ces préparations d’escargots en croquilles. En effet il affirme :
Afin d’assurer une belle croissance à mes escargots, je veille à leur donner une alimentation essentiellement composée de végétaux de la Ferme : choux, salades, radis… Je complète cette alimentation avec de la farine de blé et de maïs.
Et il me semble que ses bêtes jouissent d’un habitat enviable - tout au moins pour un gastéropode.

ecargots, élevage
Escargocity


Je n’ai en fait qu’à m’en prendre à moi-même si, ayant omis de chausser mes lunettes, je n’ai pas détecté la présence du r perturbateur en cliquant sur le produit que je croyais être l’excellent plat d’escargots façon bourgogne dont je m’étais régalé quelques mois auparavant. Le recours à ces bêtes d’élevage cuisinées à la ferme avec talent ( parfait équilibre de saveurs entre le beurre, l'ail, l'échalote et le persil ) m’avait alors permis de renouer avec des textures et des parfums dont j’avais été privé après ma dernière chasse aux escargots, quand mon cheptel pourtant encagé sous un couvercle lesté d’une pierre avait réussi à faire la belle nuitamment et à se planquer je ne sais où avec une vélocité dont je ne l'aurais pas cru capable.

Voulant oublier les méfaits de mon amétropie non corrigée, c’est avec l’aide d’un bocal planqué dans mes réserves 



d’escargots à la bordelaise du même producteur que j’ai pu retrouver les joies de l’extraction - le coup de langue sur la coquille dégoulinante de bonne sauce parfumée s’ajoutant au gloups de l’aspiration.
Que du bon : 48 Petits gris, tomates fraîches, lardons, chair à saucisse (porc), vin blanc, piment d’Espelette.



escargots à la bordelaise
Sous l'escargot la poêle




Presque aussi savoureux que la sauce aux lumas qu'il m'est arrivé parfois de déguster dans des restaurants du Marais poitevin.





Merci donc, ô éleveur empreint de dignité qui respecte ses clients !

vendredi 30 novembre 2018

Dans la panade, sauce qui peut !

Des betteraves rouges furent arrachées au jardin.
Ma moitié en a prélevé le quart qu’elle a cuit à l’autocuiseur avant de les donner à un tiers.
Quant à moi, j’ai préféré la cuisson au four…
En effet ce dernier avait été allumé pour y enfourner des quenelles de brochet.
Ma recette ?
Elle fut simple.

Mais commençons par le commencement…
Dans un supermarché poitevin j’avais aperçu des barquettes de quenelles de la marque Girardet, maison dont la production reste d’une qualité fort convenable pour une fabrication industrielle. Je cherchais une idée de repas pour le soir, ni une ni deux, je prélevai une barquette qui rejoignit mes autres achats dans le chariot. Ne restait plus qu’à trouver la sauce qui allait avec. En général, ces deux produits complémentaires voisinent sur les rayons. Mais là, non… Je partis donc à la quête du Nantua-Graal. Rayon sauce, que dalle ! Bon le plus simple, c’était de faire appel aux compétences. Je me suis permis de héler une blouse à quatre pattes en train de garnir le rez d’allée d’une gondole avec des pâtes bon marché donc pas assez lucratives. Une tête revêche oscilla au bout d’un cou fripé afin de se tourner vers moi.
« Ouais ? »
Je brandis la barquette où reposait mon espoir gourmand.
« Vous conviendrez, chère Madame, que c’est la sauce qui fait passer le brochet, il me faudrait en faire l’achat. Or en dépit de mes recherches intensives auxquelles a bien voulu collaborer mon épouse ici présente de retour de prospection, je n’ai pu mettre la main sur cet article. En désespoir de cause, je me résous donc à vous déranger dans vos activités afin d’obtenir les conseils avisés aptes à palier mon inefficacité. »
Mais peut-être fus-je plus concis…
« Pardon, où k’c’est que j’peux trouver la sauce qui va avec ? »
Car il faut s’adresser au peuple dans un langage populaire.
L’approvisionneuse de rayons loucha vers la barquette, me toisa de bas comme si j’étais un demeuré et me susurra d’une voix à la fois attristée par ma crétinerie mais aussi empreinte de l’autorité du pro :
« Ben y faut aller au rayon sauces…
- Mais j’en viens ! »
Je remerciai néanmoins l’intervenante, on n’est pas des sauvages tout de même !
Ma quête auprès de la tenancière du rayon des plats cuisinés se révéla aussi vaine. Quant au poissonnier, il se désintéressa complètement du problème… Et je n’allais tout de même pas remonter jusqu‘au directeur du magasin !
J’ai donc remis ma barquette de quenelles de brochet Girardet en place. Depuis cet instant, j'ai traîné avec moi le poids de ma frustration...

Cependant ces jours derniers, commandant mon sabodet pour fêter le beaujolais nouveau, je découvris une fenêtre propice à me libérer de ce fardeau… Bobosse vendait aussi des quenelles et la sauce adéquate !
Et c’est ainsi que j’ai déballé ces appétissantes navettes oblongues mais bien dodues, les ai déposées dans un plat, les ai recouvertes de sauce Nantua allongée d’un peu de crème fraîche. Selon les instructions, je les ai laissées au four à 200 °C pendant 40 minutes.

quenelles de brochet sauce nantua
Enfin de bonnes quenelles baignées de sauce !


Terminée, la frustration !!! 😋

Mais je n’ai pu m’empêcher de comparer dans ma tête le produit Bobosse avec mes souvenirs de dégustation du produit Girardet. La différence est notable, sans pour autant qu’elle puisse conduire vraiment à hiérarchiser entre les deux versions. : les quenelles de la maison Bobosse sont moins fermes, et s’en dégagent des notes de froment absentes de celles concoctées par Girardet.
Rien d’étonnant, les premières sont confectionnées avec de la farine de blé tendre, les secondes avec de la semoule de blé dur tout comme les quenelles de la maison Sibilia d’ailleurs…
Bobosse  qui écrit sur son site :
Connaissez-vous la différence entre la quenelle classique et la quenelle cocon ? Tout est dans les ingrédients ! La quenelle classique est faites à partir de blé tendre alors que la cocon est composée de semoule de blé dur.
Un cocon qui figure aussi à son répertoire, mais que je n’ai jamais goûté…

J’avais en mémoire que, classiquement, pour réaliser des quenelles il fallait passer par l’étape de la panade à base de farine. La recette de Bobosse me semblait la plus apte à s’approcher de la saveur traditionnelle, la semoule donnant une consistance plus compacte et une neutralité de goût s’apparentant à celle de la pâte à nouille…
J’ai cependant décidé d’approfondir et à ne pas me fier seulement à des relents de lectures passées. Voici le fruit de mes recherches.

Tout d’abord de grands anciens…

Escoffier

Quenelles de Brochet à la Lyonnaise. 

Prendre la quantité voulue de Godiveau Lyonnais (voir Série des Farces, Chapitre des Garnitures) ; mouler les quenelles à la cuiller et les déposer au fur et à mesure dans sautoir beurré.
Les pocher comme de coutume ; ensuite, les égoutter et les mettre à mijoter pendant 10 minutes dans une sauce de poisson quelconque, pour qu’elles atteignent leur gonflement caractéristique.
Si elles sont servies avec une sauce liée, où elles ne peuvent être ajoutées qu'au moment, elles sont mises à gonfler dans un récipient fermé avec une quantité relative d'excellent fumet de poisson.


C. — Godiveau Lyonnais,
ou Farce de Brochet à la graisse.

Proportions : 500 grammes de chair de brochet sans peaux ni arêtes (poids net) ; 500 grammes de graisse de rognon de bœuf bien sèche, dénervée et fragmentée (ou bien moitié graisse de bœuf et moitié moelle de bœuf très blanche) ; 500 grammes de panade C ; 4 blancs d'oeufs ; 15 grammes de sel ; 4 grammes de poivre et un gramme de muscade.
Procédé : Piler d'abord la chair de brochet et la retirer ; piler ensuite la graisse en y ajoutant la panade (très froide) et les blancs d'œufs petit à petit. Remettre la chair de brochet avec l'assaisonnement ; travailler vigoureusement la farce au pilon, et la passer au tamis.
La recueillir dans une terrine ; lisser à la spatule, et tenir sur glace jusqu'au moment de l'emploi.
On peut procéder aussi de cette façon : piler la chair de brochet avec assaisonnement, et lui ajouter la panade. Passer au tamis, et remettre farce dans le mortier.
La triturer vigoureusement au pilon pour lui faire prendre du corps ; is lui incorporer la graisse, par petites parties, ou graisse et moelle fondues, et en travaillant la masse avec un pilon. Relever ensuite en terrine, et tenir sur glace.


C. — Panade à la Frangipane.
— Spéciale aux farces de volaille et de poisson

Proportions : 125 grammes de farine ; 4 jaunes d'œufs ; 90 grammes de beurre fondu; 2 grammes de sel ; un gramme de poivre et un soupçon de muscade râpée ; 2 décilitres et demi de lait.
Procédé : Travailler dans une casserole la farine et les jaunes d'œufs ; ajouter le beurre fondu, sel, poivre, muscade ; délayer petit à petit avec le lait bouillant.
Prendre sur le feu comme une frangipane ordinaire, et la cuire pendant 5 à 6 minutes en la travaillant au fouet. Lorsqu'elle est épaissie au point convenable, débarrasser et faire refroidir.


et

Joseph Favre

Quenelles de poisson à la lyonnaise. Formule 4,643. 


Employer :
Chair de brochet ………………….grammes 500
Graisse et moelle de bœuf…… …..      —      250
Pâte à choux ………………………     —       250
Coulis d'écrevisses.................. ……décilitre    1

Sel, poivre, espèces.


Procédé. — Piler les chairs ; dénerver et hacher la graisse et la moelle et piler le tout au mortier avec l'assaisonnement et en ajoutant peu à peu du coulis d'écrevisse ; essayer la farce et la passer au tamis.
Faire des quenelles ; les pocher et les achever de cuire dans un coulis d'écrevisse à la crème, dans lequel on ajoute deux douzaines de queues d’écrevisses.


Puis, dans cette lignée gastronomique,  mais actualisée, 

Guy Martin

QUENELLES DE BROCHET

Préparation : 30 minutes
Repos : 2 heures

Cuisson : 30 minutes

POUR 4 PERSONNES
250 g de chair de brochet sans peau ni arête
150 g de beurre fondu
3 œufs entiers
2 blancs d'œufs

8 cl de crème


PANADE
20 cl de lait
70 g de farine
20 g de beurre
Farine
Sel, poivre du moulin

PRÉPARER LA PANADE

Porter à ébullition le lait et le beurre, ajouter la farine, mélanger vivement. Retirer feu, continuer à remuer, puis remettre sur le feu et laisser cuire pendant 10 minutes sans arrêter de tourner.

PRÉPARER LES QUENELLES
Mettre le bol du mixer au congélateur pendant 5 minutes.
Mixer la chair de brochet, ajouter la panade  froide, mixer à nouveau et verser le beurre fondu juste tiède. Incorporer ensuite les œufs entiers un à un, puis les blancs et enfin la crème.
Assaisonner et travailler encore pour obtenir une pâte lisse. Mettre dans le réfrigérateur pendant au moins 2 heures,
Sur une table farinée, former des rouleaux avec la pâte obtenue, les couper à 8cm de longueur et les faire pocher doucement dans de l'eau salée pendant quelques minutes. Les égoutter avec soin, et les cuire pendant 15 minutes, à four moyen, dans la sauce choisie : sauce Nantua, financière ou crème.
On peut aussi servir les quenelles pochées dans un bouillon corsé froid.


Plus à ma portée, une recette - que j’ai pratiquée deux ou trois fois - rédigée par mon maître,

Edouard de Pomiane

Les Quenelles de poisson

Faites une panade. 
Pour cela, mélangez :
Beurre                          30  grammes
Farine                          40      -
Lait                              75      -

de façon à faire une pâte épaisse. 

Mélangez alors :
Panade                       100 grammes
Chair de poisson        150      -
Beurre                        150      -
Crème                          60      -
Un œuf.
Sel                                  4     - 

Le poisson a été préalablement cuit à l'eau. Maniez le tout ensemble de façon à avoir une pâte épaisse. Roulez cette pâte en petits cylindres que vous couperez en morceaux, au couteau. Faites pocher ces quenelles dans du bouillon, pendant cinq minutes. 

Enfin la recette bien plus légère prônée dans l’ouvrage commun publié par 

l’Académie des Gastronomes et l’Académie culinaire de France 

QUENELLE MOUSSELINE FINE DE BROCHET

ÉLÉMENTS
1,500 kg de chair de brochet, cayenne,

1 I de crème, 3 œufs entiers, sel, 2 I de fumet de poisson.

PRÉPARATION
Lever les filets du brochet, enlever la peau et les arêtes, saler, ajouter une pointe de cayenne, piler le tout au mortier, passer au tamis fin. Casser les œufs un par un, travailler vivement le tout au pilon.
Mettre l'appareil dans un récipient sur la glace, le travailler à la spatule et le monter à la crème en y incorporant celle-ci peu à peu, rectifier l'assaisonnement.
Mouler les quenelles à la cuiller sur un plat beurré et verser dessus le fumet de poisson bouillant.
Faire frémir et laisser pocher une vingtaine de minutes.
Elles se servent avec des sauces diverses : normande, nantua, crème, etc.


Je l’ai réalisée une fois, beaucoup de travail pour un résultat qui ne m’a pas vraiment convaincu…


Et c’est ainsi que mes betteraves rouges, enveloppées individuellement avec des gousses d’ail fumé dans du papier d’aluminium sont sorties de mon four après un séjour de deux heures à 200 °C et une demi-heure à 220 °C.

betteraves rouges, four
Repos sur la grille



betterave rouge
Coupe de vainqueur



Elles m’ont permis, pelées, découpées en dés, puis arrosées d’un trait de vinaigre de cidre et du triple d’huile d’argan de réaliser une délicieuse salade parsemée d’ail et de persil hachés que j’ai assaisonnée d’une pincée de sel et d’une autre de cumin en poudre.

betterave rouge, salade
Succulent !


lundi 26 novembre 2018

Des lépiotes bien élevées et des croquilles qui méritent une correction

Je ne les attendais plus, ces lépiotes. Elles m’ont fait faux bond tout l’automne.
Je les ai cherchées dans les bois, sur les marchés… Pas la queue d’une lépiote ! Et là, alors que je m’étais résigné à vivre pour la première fois une année sans coulemelles, ils sont arrivés chez moi, ces champignons inespérés.
Et je dois dire que ces lépiotes, si l'on excepte le fait que la politesse des rois n’était pas au rendez-vous, se sont montrées fort bien élevées. Avant de frapper à ma porte, elles avaient débarrassé leurs pieds de toute trace de terre ; puis, sitôt en mon foyer, elles ont ôté leurs chapeaux.
Las, leurs couvre-chefs sont tombés dans une poêle où grésillaient une cuillerée d’huile d’olive et une noisette de beurre. Je n’allais tout de même pas les porter à détacher à la teinturerie, il valait mieux baisser la flamme, ajouter une grosse noix de beurre et deux échalotes grises hachées finement puis éteindre le feu et parsemer d’estragon ciselé.

coulemelles
Chapeaux !


Hum, ça sentait bien bon… Alors autant manger leurs chapeaux que le mien…



Peu après la suite du repas est arrivée. Bien que ce soient des escargots, eux, ils ne m’ont pas fait attendre. Ils ont surgi oints de beurre frais et revêtus de vert persil, glissant sur leurs croquille-boards en formations de douze.

escargots, croquilles
Pauvres bêtes...


Bof… Je n’ai que moyennement apprécié cet exhibitionnisme. Je préfère l’escargot discret caché dans sa coquille qui me donne la satisfaction de le quérir d’une dextre habile pendant que la senestre vient de presser la pince qui maintient sa demeure. Instrument qu'on a bien entendu le malheur de resserrer indûment dans un réflexe stupide, la persillade se répand, on la réserve pour le plaisir d’y tremper dans un sauçage final un quignon de pain qui s’imbibera de ses parfums, les coquilles sont désormais moins brûlantes, tant pis, on est chez soi, on vire la pince pour inefficacité notoire, on prend entre deux doigts, on porte à sa bouche, on aspire en ne se privant pas du bon gloups d’aspiration. Puis on extrait la bête qui sommeille au fond de chaque coquille, la brandit tel un trophée au bout de son trident avant de la savourer lentement, Et l’on recommence ce processus jouissif…

Rien de tel avec ces tristes gisants que l’on avale bêtement, sans y penser.
À BAS LA CROQUILLE !
Je hais la croquille, navrante métaphore de la modernité.
Rendez sa coquille à l’escargot, ô éleveurs indignes qui ne respectent pas leurs bêtes !

mercredi 21 novembre 2018

Alba est là !

Je renie ma brève période de simonisme.

Tout a commencé quand il m’a fallu apprêter au mieux une truffe blanche d’Alba qui venait d’entrer dans ma cuisine.

truffe blanche d'Alba
Voici mon Alba


De toute évidence, le respect s’imposait. Aussi ai-je décidé de la servir simplement avec des pâtes fraîches maison arrosées de beurre fermier demi-sel. Ça tombait bien, j’avais sous la main les produits de qualité nécessaires, rapportés de ma villégiature ligério-poitevine.





J’avais dans la tête la formule 1 œuf pour 100 g de farine, c’était la règle habituelle, mais pris de scrupules car je voulais faire au mieux, je suis allé consulter la toile. Le chef Simon le magicien n’aurait-il pas la formule qui sublime la tagliatelle ?
Grave erreur de ma part !
J’ouvre la page consacrée à la réalisation de la pâte à nouilles.
Je constate d’abord qu’il ne pétrit pas à l’aide d’un crochet comme celui de mon batteur mélangeur



que je comptais utiliser, mais qu’il amalgame les ingrédients à la lame dans la cuve d’un robot multifonctions.

Simon dans ses œuvres...


Ceci ne m’arrange pas car le laminoir se fixe sur le mélangeur, il me faudra donc utiliser deux appareils au lieu d’un. Et surtout mon robot Cuisinart



est particulièrement pénible à nettoyer après usage… Mais bon, que ne ferait-on pas pour se mettre au service de Sa Majesté la truffe blanche d’Alba !
Puis je lis :
Personnellement je conseille la préparation des pâtes fraîches à parts égales de semoule fine et de farine. Les pâtes ont une bien meilleure tenue et gardent une texture "al dente".
Bon, pourquoi pas ne pas suivre ce conseil ? Il y a sur une étagère un sachet étiqueté semoule fine…
Je me lance donc dans la confection de la pâte à nouilles.
Je suis la recette du chef Simon presque scrupuleusement (presque, car ma farine est de la T80, alors je vais mettre un peu moins de semoule) : je pèse 130 g de farine, puis 70 g de semoule. Je verse dans le robot, ajoute 2 œufs, la cuillerée d’huile d’olive, la bonne pincée de sel.

pâtes fraîches
Mézigue dans mes oeuvres


Je pulse, j’ajoute un peu d’eau, re pulse, ajuste en farine, re pulse et finit par obtenir la boule élastique que je partageai en deux morceaux que je passerai au laminoir.
J’insère l’outil ad hoc dans la prise du batteur mélangeur.
Las, après plusieurs tentatives alternant les passages entre les rouleaux et les fraisages sur la planche, je n’obtiens que des lambeaux qui se déchirent. Cette semoule prétendue fine est certainement trop grosse Fine pour un couscous, mais pas pour la pâtisserie ! J’avais d’ailleurs un pressentiment en la voyant, et c’est pour cette raison que j’avais abaissé sa proportion dans la pâte.
Toujours est-il que le résultat est inutilisable pour confectionner de tagliatelles. Je mets les morceaux dans une boîte que je range dans le frigo, on verra plus tard ce que je pourrai en faire.
Merci, chef Simon !😒
Encore que son seul crime ne soit sans doute que de ne pas avoir ajouté des précisions sur la nature de cette fameuse semoule fine. J’ai lu plus tard que celle utilisée en Italie avait la consistance du talc…

Je me remets donc à la tâche, cette fois-ci en versant 200 g de farine dans la cuve de mon batteur mélangeur. Quelques minutes plus tard, je n’ai plus qu’à décrocher la boule de pâte de la queue-de-cochon. Je poursuis cependant par une petite séance de fraisage afin de donner du corps.
Puis je lamine entre les rouleaux.

laminage de pâtes fraîches
Ouf, ça lamine !


Et j’insère les rouleaux crantés qui me permettent d’obtenir les tagliatelles.

tagliatelles maison
Bandes organisées


Celles-ci vont sécher étendues sur une planche jusqu’à l’heure du repas.

La recette sera rapide d’exécution.
Je commence par passer la truffe à la mandoline
Les tagliatelles sont plongées dans une grande casserole d’eau bouillante salée. Une fois al dente, elles sont égouttées et transvasée au sein d’une poêle dans un bain de beurre demi-sel mousseux.
J’éteins le feu, ajoute les chutes de la découpe de la truffe ainsi que les tranches cassées, je touille rapidement.
Je partage les pâtes entre deux assiettes creuses, donne un léger tour de moulin de poivre noir de Kampot et parsème du reste de découpes de la truffe d’Alba. Une large feuille de persil plat ajoute sa note colorée.


tagliatelles, truffe blanche d'Alba
Tagliatelles au beurre et truffe blanche d'Alba


Ce fut dur, mais j’y suis arrivé. Et le résultat en valait la peine… La farine semi-complète avait donné des pâtes goûteuses, à la tenue parfaite, et le beurre au bon goût de lait s’était imprégné des puissantes flaveurs de la truffe.
Une journée donc à marquer d’une truffe blanche !



Le lendemain, une question : quid de la pâte illaminable (donc minable) mise de côté ?
Bien que n’étant pas particulièrement radin, la jeter me faisait mal au cœur.
Alors j’ai songé à cette mique périgourdine qu’il m’était arrivé de manger lors de séjours vers Sarlat.
Je cuirai ces morceaux dans un bouillon avant de les servir dans une sauce.

Je commence par mettre à tremper des tranches de cèpe séchées dans de l’eau tiède. Une fois les champignons bien imbibés, je les égoutte avec l’aide d’une passoire. Le jus est ajouté à de l’eau salée. Ce liquide parfumé me servira de bouillon pour cuire ma pâte chaque pâton ayant été partagé en deux. Au bout d’environ une heure de légère ébullition, la pointe du couteau m’indique que ma presque mique est cuite, bien qu’encore un peu ferme.
Dans une poêle, je torréfie une pincée de pistils de safran, puis je fais fondre une noisette de beurre. Il me restait environ 10 cl de crème liquide : elle est versée dans la poêle. J’ajoute les cèpes, puis mes miquettes de récup. Je laisse réduire à petit feu. Puis je dispose mes miquenelles sur les assiettes, les arrose de sauce safranée aux cèpes.

récup, pâte
Sauvetage en mer de crème


Un peu étouffe-chrétien, mais pas mauvais car la farine est bien cuite et goûteuse. Et la sauce fait passer les mi miques…
Avant cet accompagnement, j’avais servi un plat que je voulais bien entendu léger : il s’agissait de filets d’anguille fumée relevés par une sauce au raifort. Une excellente mise en bouche !

anguilles, raifort
Anguilles en paralléles


Pour finir, un dessert, une pomme succulente de la variété belchard suffira !

mardi 20 novembre 2018

Le miracle de la Sainte Ragougnasse

Quand je l’ai sorti du bac à légumes, il avait pris un coup de vieux, ce malheureux chou brocoli.
Je l’avais acheté sur sa bonne mine dans un élan du cœur. Il resplendissait de fraîcheur sur l’étal du magasin de producteurs richelais… Je n’avais pas de projet particulier : c’était parce que c’était lui, parce que c’était moi.
Puis j’ai eu des visiteurs dont j’ai essayé de satisfaire les goûts, nous sommes ensuite revenus en ville, il nous a suivis. Je l’ai rangé précieusement au frais. Puis je l’ai oublié. Ainsi va la vie.

Et ce jour, fouillant dans le réfrigérateur, je tombe sur lui. Il est bien décati, le pauvre. Adieu fière verdeur rayonnante, ses tempes ont blanchi. Néanmoins il reste encore relativement ferme. Je vais tenter de l’utiliser en accompagnement des darnes de saumon prévues pour le repas. Mais avant, il va entrer en réanimation. Je sépare les sommités, les plonges dans de l’eau glacée, verse une cuillerée débordante de gros sel et arrose d’un trait de vinaigre blanc.
Une heure plus tard, le miracle a eu lieu : le vert est revenu.
Comme je donne dans la récup, je prends trois pommes de terre en robe des champs, restes du plat pompe sauce qui, hier soir, se trouvait sur la table à côté de bonnes tripes de Caen fumantes. Je les ai laissées à température ambiante ; comme il sied à ces grandes frileuses. Je les épluche, les coupe en tranches.
Dans une poêle, un trait d’huile d’olive et une noix de beurre demi-sel… J’entreprends de dorer les pommes de terre. Pendant ce temps, le brocoli cuit sept minutes dans de l’eau bouillante bien salée.
Je pêche les sommités de ce chou avec une araignée et les dépose dans la poêle. Mais je ne me sens pas satisfait. Il manque quelque chose pour sauver la banalité de cette ragougnasse. Ça y est, j’ai trouvé. En balayant mes ressources du regard, mon œil tombe sur la boîte de Curcuma Péi réunionnais. J’en prélève une cuillerée dont je parsème le brocoli. Je poursuis la cuisson en asséchant sur toutes les faces jusqu’à un début de croustillant. Un tour de poivre rouge, et je réserve.
Sur une autre poêle, ce sont les darnes de saumon assaisonnées qui effectuent un rapide aller et retour sur une petite noix de beurre.
Je me lance dans un dressage sur assiette.

saumon, brocoli
De bric et de broc oli



Le visuel me vaudrait les coups de pied au cul d’un Philippe Etchebest.




Pour autant le résultat n’est pas un cauchemar en cuisine. C’est même plutôt bon…
Le miracle de la Sainte Ragougnasse, vous dis-je !