lundi 26 novembre 2018

Des lépiotes bien élevées et des croquilles qui méritent une correction

Je ne les attendais plus, ces lépiotes. Elles m’ont fait faux bond tout l’automne.
Je les ai cherchées dans les bois, sur les marchés… Pas la queue d’une lépiote ! Et là, alors que je m’étais résigné à vivre pour la première fois une année sans coulemelles, ils sont arrivés chez moi, ces champignons inespérés.
Et je dois dire que ces lépiotes, si l'on excepte le fait que la politesse des rois n’était pas au rendez-vous, se sont montrées fort bien élevées. Avant de frapper à ma porte, elles avaient débarrassé leurs pieds de toute trace de terre ; puis, sitôt en mon foyer, elles ont ôté leurs chapeaux.
Las, leurs couvre-chefs sont tombés dans une poêle où grésillaient une cuillerée d’huile d’olive et une noisette de beurre. Je n’allais tout de même pas les porter à détacher à la teinturerie, il valait mieux baisser la flamme, ajouter une grosse noix de beurre et deux échalotes grises hachées finement puis éteindre le feu et parsemer d’estragon ciselé.

coulemelles
Chapeaux !


Hum, ça sentait bien bon… Alors autant manger leurs chapeaux que le mien…



Peu après la suite du repas est arrivée. Bien que ce soient des escargots, eux, ils ne m’ont pas fait attendre. Ils ont surgi oints de beurre frais et revêtus de vert persil, glissant sur leurs croquille-boards en formations de douze.

escargots, croquilles
Pauvres bêtes...


Bof… Je n’ai que moyennement apprécié cet exhibitionnisme. Je préfère l’escargot discret caché dans sa coquille qui me donne la satisfaction de le quérir d’une dextre habile pendant que la senestre vient de presser la pince qui maintient sa demeure. Instrument qu'on a bien entendu le malheur de resserrer indûment dans un réflexe stupide, la persillade se répand, on la réserve pour le plaisir d’y tremper dans un sauçage final un quignon de pain qui s’imbibera de ses parfums, les coquilles sont désormais moins brûlantes, tant pis, on est chez soi, on vire la pince pour inefficacité notoire, on prend entre deux doigts, on porte à sa bouche, on aspire en ne se privant pas du bon gloups d’aspiration. Puis on extrait la bête qui sommeille au fond de chaque coquille, la brandit tel un trophée au bout de son trident avant de la savourer lentement, Et l’on recommence ce processus jouissif…

Rien de tel avec ces tristes gisants que l’on avale bêtement, sans y penser.
À BAS LA CROQUILLE !
Je hais la croquille, navrante métaphore de la modernité.
Rendez sa coquille à l’escargot, ô éleveurs indignes qui ne respectent pas leurs bêtes !

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