Ma moitié en a prélevé le quart qu’elle a cuit à l’autocuiseur avant de les donner à un tiers.
Quant à moi, j’ai préféré la cuisson au four…
En effet ce dernier avait été allumé pour y enfourner des quenelles de brochet.
Ma recette ?
Elle fut simple.
Mais commençons par le commencement…
Dans un supermarché poitevin j’avais aperçu des barquettes de quenelles de la marque Girardet, maison dont la production reste d’une qualité fort convenable pour une fabrication industrielle. Je cherchais une idée de repas pour le soir, ni une ni deux, je prélevai une barquette qui rejoignit mes autres achats dans le chariot. Ne restait plus qu’à trouver la sauce qui allait avec. En général, ces deux produits complémentaires voisinent sur les rayons. Mais là, non… Je partis donc à la quête du Nantua-Graal. Rayon sauce, que dalle ! Bon le plus simple, c’était de faire appel aux compétences. Je me suis permis de héler une blouse à quatre pattes en train de garnir le rez d’allée d’une gondole avec des pâtes bon marché donc pas assez lucratives. Une tête revêche oscilla au bout d’un cou fripé afin de se tourner vers moi.
« Ouais ? »
Je brandis la barquette où reposait mon espoir gourmand.
« Vous conviendrez, chère Madame, que c’est la sauce qui fait passer le brochet, il me faudrait en faire l’achat. Or en dépit de mes recherches intensives auxquelles a bien voulu collaborer mon épouse ici présente de retour de prospection, je n’ai pu mettre la main sur cet article. En désespoir de cause, je me résous donc à vous déranger dans vos activités afin d’obtenir les conseils avisés aptes à palier mon inefficacité. »
Mais peut-être fus-je plus concis…
« Pardon, où k’c’est que j’peux trouver la sauce qui va avec ? »
Car il faut s’adresser au peuple dans un langage populaire.
L’approvisionneuse de rayons loucha vers la barquette, me toisa de bas comme si j’étais un demeuré et me susurra d’une voix à la fois attristée par ma crétinerie mais aussi empreinte de l’autorité du pro :
« Ben y faut aller au rayon sauces…
- Mais j’en viens ! »
Je remerciai néanmoins l’intervenante, on n’est pas des sauvages tout de même !
Ma quête auprès de la tenancière du rayon des plats cuisinés se révéla aussi vaine. Quant au poissonnier, il se désintéressa complètement du problème… Et je n’allais tout de même pas remonter jusqu‘au directeur du magasin !
J’ai donc remis ma barquette de quenelles de brochet Girardet en place. Depuis cet instant, j'ai traîné avec moi le poids de ma frustration...
Cependant ces jours derniers, commandant mon sabodet pour fêter le beaujolais nouveau, je découvris une fenêtre propice à me libérer de ce fardeau… Bobosse vendait aussi des quenelles et la sauce adéquate !
Et c’est ainsi que j’ai déballé ces appétissantes navettes oblongues mais bien dodues, les ai déposées dans un plat, les ai recouvertes de sauce Nantua allongée d’un peu de crème fraîche. Selon les instructions, je les ai laissées au four à 200 °C pendant 40 minutes.
Enfin de bonnes quenelles baignées de sauce ! |
Terminée, la frustration !!! 😋
Mais je n’ai pu m’empêcher de comparer dans ma tête le produit Bobosse avec mes souvenirs de dégustation du produit Girardet. La différence est notable, sans pour autant qu’elle puisse conduire vraiment à hiérarchiser entre les deux versions. : les quenelles de la maison Bobosse sont moins fermes, et s’en dégagent des notes de froment absentes de celles concoctées par Girardet.
Rien d’étonnant, les premières sont confectionnées avec de la farine de blé tendre, les secondes avec de la semoule de blé dur tout comme les quenelles de la maison Sibilia d’ailleurs…
Bobosse qui écrit sur son site :
Connaissez-vous la différence entre la quenelle classique et la quenelle cocon ? Tout est dans les ingrédients ! La quenelle classique est faites à partir de blé tendre alors que la cocon est composée de semoule de blé dur.
Un cocon qui figure aussi à son répertoire, mais que je n’ai jamais goûté…
J’avais en mémoire que, classiquement, pour réaliser des quenelles il fallait passer par l’étape de la panade à base de farine. La recette de Bobosse me semblait la plus apte à s’approcher de la saveur traditionnelle, la semoule donnant une consistance plus compacte et une neutralité de goût s’apparentant à celle de la pâte à nouille…
J’ai cependant décidé d’approfondir et à ne pas me fier seulement à des relents de lectures passées. Voici le fruit de mes recherches.
Tout d’abord de grands anciens…
Escoffier
Quenelles de Brochet à la Lyonnaise.Prendre la quantité voulue de Godiveau Lyonnais (voir Série des Farces, Chapitre des Garnitures) ; mouler les quenelles à la cuiller et les déposer au fur et à mesure dans sautoir beurré.
Les pocher comme de coutume ; ensuite, les égoutter et les mettre à mijoter pendant 10 minutes dans une sauce de poisson quelconque, pour qu’elles atteignent leur gonflement caractéristique.
Si elles sont servies avec une sauce liée, où elles ne peuvent être ajoutées qu'au moment, elles sont mises à gonfler dans un récipient fermé avec une quantité relative d'excellent fumet de poisson.
C. — Godiveau Lyonnais,
ou Farce de Brochet à la graisse.
Proportions : 500 grammes de chair de brochet sans peaux ni arêtes (poids net) ; 500 grammes de graisse de rognon de bœuf bien sèche, dénervée et fragmentée (ou bien moitié graisse de bœuf et moitié moelle de bœuf très blanche) ; 500 grammes de panade C ; 4 blancs d'oeufs ; 15 grammes de sel ; 4 grammes de poivre et un gramme de muscade.
Procédé : Piler d'abord la chair de brochet et la retirer ; piler ensuite la graisse en y ajoutant la panade (très froide) et les blancs d'œufs petit à petit. Remettre la chair de brochet avec l'assaisonnement ; travailler vigoureusement la farce au pilon, et la passer au tamis.
La recueillir dans une terrine ; lisser à la spatule, et tenir sur glace jusqu'au moment de l'emploi.
On peut procéder aussi de cette façon : piler la chair de brochet avec assaisonnement, et lui ajouter la panade. Passer au tamis, et remettre farce dans le mortier.
La triturer vigoureusement au pilon pour lui faire prendre du corps ; is lui incorporer la graisse, par petites parties, ou graisse et moelle fondues, et en travaillant la masse avec un pilon. Relever ensuite en terrine, et tenir sur glace.
C. — Panade à la Frangipane.
— Spéciale aux farces de volaille et de poisson.
Proportions : 125 grammes de farine ; 4 jaunes d'œufs ; 90 grammes de beurre fondu; 2 grammes de sel ; un gramme de poivre et un soupçon de muscade râpée ; 2 décilitres et demi de lait.
Procédé : Travailler dans une casserole la farine et les jaunes d'œufs ; ajouter le beurre fondu, sel, poivre, muscade ; délayer petit à petit avec le lait bouillant.
Prendre sur le feu comme une frangipane ordinaire, et la cuire pendant 5 à 6 minutes en la travaillant au fouet. Lorsqu'elle est épaissie au point convenable, débarrasser et faire refroidir.
et
Joseph Favre
Quenelles de poisson à la lyonnaise. Formule 4,643.
Employer :
Chair de brochet ………………….grammes 500Graisse et moelle de bœuf…… ….. — 250
Pâte à choux ……………………… — 250
Coulis d'écrevisses.................. ……décilitre 1
Sel, poivre, espèces.
Faire des quenelles ; les pocher et les achever de cuire dans un coulis d'écrevisse à la crème, dans lequel on ajoute deux douzaines de queues d’écrevisses.
Puis, dans cette lignée gastronomique, mais actualisée,
Guy Martin
QUENELLES DE BROCHETPréparation : 30 minutes
Repos : 2 heures
Cuisson : 30 minutes
250 g de chair de brochet sans peau ni arête
150 g de beurre fondu
3 œufs entiers
2 blancs d'œufs
8 cl de crème
20 cl de lait
70 g de farine
20 g de beurre
Farine
Sel, poivre du moulin
PRÉPARER LA PANADE
Porter à ébullition le lait et le beurre, ajouter la farine, mélanger vivement. Retirer feu, continuer à remuer, puis remettre sur le feu et laisser cuire pendant 10 minutes sans arrêter de tourner.
Mettre le bol du mixer au congélateur pendant 5 minutes.
Mixer la chair de brochet, ajouter la panade froide, mixer à nouveau et verser le beurre fondu juste tiède. Incorporer ensuite les œufs entiers un à un, puis les blancs et enfin la crème.
Assaisonner et travailler encore pour obtenir une pâte lisse. Mettre dans le réfrigérateur pendant au moins 2 heures,
Sur une table farinée, former des rouleaux avec la pâte obtenue, les couper à 8cm de longueur et les faire pocher doucement dans de l'eau salée pendant quelques minutes. Les égoutter avec soin, et les cuire pendant 15 minutes, à four moyen, dans la sauce choisie : sauce Nantua, financière ou crème.
On peut aussi servir les quenelles pochées dans un bouillon corsé froid.
Plus à ma portée, une recette - que j’ai pratiquée deux ou trois fois - rédigée par mon maître,
Edouard de Pomiane
Les Quenelles de poissonFaites une panade.
Pour cela, mélangez :
Beurre 30 grammes
Farine 40 -
Lait 75 -
de façon à faire une pâte épaisse.
Mélangez alors :
Panade 100 grammesChair de poisson 150 -
Beurre 150 -
Crème 60 -
Un œuf.
Sel 4 -
Le poisson a été préalablement cuit à l'eau. Maniez le tout ensemble de façon à avoir une pâte épaisse. Roulez cette pâte en petits cylindres que vous couperez en morceaux, au couteau. Faites pocher ces quenelles dans du bouillon, pendant cinq minutes.
Enfin la recette bien plus légère prônée dans l’ouvrage commun publié par
l’Académie des Gastronomes et l’Académie culinaire de France
QUENELLE MOUSSELINE FINE DE BROCHETÉLÉMENTS
1,500 kg de chair de brochet, cayenne,
1 I de crème, 3 œufs entiers, sel, 2 I de fumet de poisson.
Lever les filets du brochet, enlever la peau et les arêtes, saler, ajouter une pointe de cayenne, piler le tout au mortier, passer au tamis fin. Casser les œufs un par un, travailler vivement le tout au pilon.
Mettre l'appareil dans un récipient sur la glace, le travailler à la spatule et le monter à la crème en y incorporant celle-ci peu à peu, rectifier l'assaisonnement.
Mouler les quenelles à la cuiller sur un plat beurré et verser dessus le fumet de poisson bouillant.
Faire frémir et laisser pocher une vingtaine de minutes.
Elles se servent avec des sauces diverses : normande, nantua, crème, etc.
Je l’ai réalisée une fois, beaucoup de travail pour un résultat qui ne m’a pas vraiment convaincu…
Et c’est ainsi que mes betteraves rouges, enveloppées individuellement avec des gousses d’ail fumé dans du papier d’aluminium sont sorties de mon four après un séjour de deux heures à 200 °C et une demi-heure à 220 °C.
Repos sur la grille |
Coupe de vainqueur |
Elles m’ont permis, pelées, découpées en dés, puis arrosées d’un trait de vinaigre de cidre et du triple d’huile d’argan de réaliser une délicieuse salade parsemée d’ail et de persil hachés que j’ai assaisonnée d’une pincée de sel et d’une autre de cumin en poudre.
Succulent ! |
Bonsoir, il m'est arrivé également de me retrouver dans une situation identique: des quenelles oui mais une sauce Nantua ??? inconnue ou oubliée dans les rayons de la grande surface au coin de deux rues...La Toile m"a proposé une situation de rechange non dépourvue d'intérêt:
RépondreSupprimerOn peut faire plus rapidement une sauce Nantua avec la même quantité de Béchamel dans laquelle on ajoute, après l'avoir fait réduire de la même façon, une 1/2 boîte (2 dl) de bisque de Homard puis 20 g de beurre à la place du beurre d'écrevisse et la même quantité de cognac... si ça peut dépanner...Amitiés
Vous avez tout à fait raison. J'aurais pu m'orienter vers cette solution qui est bien mieux qu'un pis-aller. Mais j'avoue que l'énervement, l'envie de paresser en cuisine et surtout la lassitude de retrouver séjour après séjour la qualité des produits et du service de ce magasin se dégrader* m'ont poussé à carrément abandonner mon chariot et mon début de courses pour essayer de trouver mon bonheur en un autre lieu. Mal m'en a pris d'ailleurs, car c'était le jour de fermeture de ma destination... Les mouvements d'humeur sont toujours punis !
SupprimerJe ne sais pas si c'est partout pareil, mais dans cette région, après avoir vidé les bourgades de leurs commerces en rendant leurs rues d'une tristesse infinie, depuis deux ou trois ans les supermarchés offrent de moins en moins de choix, délaissant les produits des artisans et producteurs régionaux au profit de grandes marques nationales (ou plutôt multinationales) dont la qualité est en chute libre, et en revanche on trouve pléthore de produits soi-disant innovants sans aucun intérêt, mais dont la marge doit être juteuse. J'ai remarqué aussi que l'alimentaire un peu plus haut de gamme est souvent proche de la date limite de consommation quand celle-ci n'est pas dépassée sans doute par une mauvaise gestion des stocks alliée à la baisse évidente du pouvoir d'achat de la clientèle locale...