En croquant les attributs virils de mon poisson, leur aspect et leur consistance m’ont confirmé qu’il ne s’agissait pas d’une poissone.
Alors, je vous le demande, pourquoi les femmes auraient-elle le monopole de cette magnifique évolution de la langue française qui nous permet, sans soulever sa jupe, de savoir que l’on a bien affaire à une écrivaine
doublée d'une auteure (d'ailleurs je préférerais autrice comme un amateur devient amatrice, un facteur devient factrice et sans nul doute un mateur devient matrice) et non à un écrivain asexué qui n’existerait que par l’écriture -pfff.. !- ? Je déclare donc solennellement que ma
limande-sole sera baptisée désormais
limand-sol afin de lever toute ambiguïté - sans précision, point d’égalité !
Tout comme à l’inverse un
maquereau garni de rogue deviendra
maquerelle, un
bar pourvu d’œufs (ah, il est terrible le petit bruit de l'œuf dans un coin du bar, il est terrible ce bruit quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim…) s’appellera
bare ou encore
loupe sur la Riviera, un
hareng arborera sa féminité sous le nom de
harengue tout comme une
sardine sa virilité sous le nom de
sardin. Et quelle honte d’appeler un
barbu une
barbue ! Le
brochet dans sa robe irisée méritera bien de se voir
brochette. On pourrait ajouter
colin/
coline,
mulet/
mulette,
éperlan/
émerlan,
saint-pierre/
sainte-pierrette, etcétéra, etcétéra - sans oublier le
vieux de la
vieille…
Je pourrais multiplier de tels exemples. Mais il me faut revenir au vrai thème de ce blog : la cuisine.
Ce limand-sol, je me suis contenté de le poser sur la plancha simplement vidé et ébarbé. Après une rapide cuisson, la peau peut se décoller avec la pointe d’un couteau, et il ne reste plus qu’à lever les filets qui se détachent facilement de l'arête centrale.
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Limand-sol sur sa plancha |
Je voulais changer de mon accompagnement habituel de riz. J’ai remplacé cette céréale par du
frekeh, blé vert grillé à la flamme. Je l’ai cuisiné façon risotto.
Je prépare un bouillon de crustacés - concocté par Aryaké, je l’avoue. Je le laisse frémir sur une petite flamme, une fois les sachets infusés puis retirés. Je fais fondre dans une cuillerée d’huile d’olive trois échalotes coupées en deux au fond d’une sauteuse, puis ajoute un verre de grains de blé vert. Une fois qu’ils commencent à peine à colorer, je verse un verre de bouillon et plonge une feuille de laurier et une branche d’origan. Ils s’imbibent, se gonflent, et bientôt il ne reste presque plus de liquide. Je reverse du bouillon, touille de quelques tours de mouvette. Je poursuivrai ainsi une quarantaine de minutes, jusqu’à ce que le frekeh soit cuit, légèrement al dente à cœur. Je retire alors du feu et réserve au four à 60°C après m’être débarrassé du laurier et de l’origan, le temps de faire cuire le limand-sol, profitant de la plancha pour y caraméliser quelques cercles prélevés sur un petit oignon qui vont aller se poser sur mon "frekhotto" avec quelques feuilles de menthe comme voisines.
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Frekhotto ou blesotto ? |
Ben, c’était bien bon, ce blé vert et cette chair blanche que j’ai arrosée dans l’assiette d’une sauce rouge, sorte de sauce vierge rudimentaire constituée de jus de citrons vert et jaune, d’huile d’olive et de poudre de piment d’Espelette