lundi 18 décembre 2017

Le blé en vert

En croquant les attributs virils de mon poisson, leur aspect et leur consistance m’ont confirmé qu’il ne s’agissait pas d’une poissone.
Alors, je vous le demande, pourquoi les femmes auraient-elle le monopole de cette magnifique évolution de la langue française qui nous permet, sans soulever sa jupe, de savoir que l’on a bien affaire à une écrivaine doublée d'une auteure (d'ailleurs je préférerais autrice comme un amateur devient amatrice, un facteur devient factrice et sans nul doute un mateur devient matrice) et non à un écrivain asexué qui n’existerait que par l’écriture -pfff.. !- ? Je déclare donc solennellement que ma limande-sole sera baptisée désormais limand-sol afin de lever toute ambiguïté - sans  précision, point d’égalité !
Tout comme à l’inverse un maquereau garni de rogue deviendra maquerelle, un bar pourvu d’œufs (ah, il est terrible le petit bruit de l'œuf dans un coin du bar, il est terrible ce bruit quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim…) s’appellera bare ou encore loupe sur la Riviera, un hareng arborera sa féminité sous le nom de harengue tout comme une sardine sa virilité sous le nom de sardin. Et quelle honte d’appeler un barbu une barbue ! Le brochet dans sa robe irisée méritera bien de se voir brochette. On pourrait ajouter colin/colinemulet/mulette, éperlan/émerlan, saint-pierre/sainte-pierrette, etcétéra, etcétéra - sans oublier le vieux de la vieille

Je pourrais multiplier de tels exemples. Mais il me faut revenir au vrai thème de ce blog : la cuisine.
Ce limand-sol, je me suis contenté de le poser sur la plancha simplement vidé et ébarbé. Après une rapide cuisson, la peau peut se décoller avec la pointe d’un couteau, et il ne reste plus qu’à lever les filets qui se détachent facilement de l'arête centrale.

limande-sole, plancha
Limand-sol sur sa plancha


Je voulais changer de mon accompagnement habituel de riz. J’ai remplacé cette céréale par du frekeh, blé vert grillé à la flamme. Je l’ai cuisiné façon risotto.

Je prépare un bouillon de crustacés - concocté par Aryaké, je l’avoue. Je le laisse frémir sur une petite flamme, une fois les sachets infusés puis retirés. Je fais fondre dans une cuillerée d’huile d’olive trois échalotes coupées en deux au fond d’une sauteuse, puis ajoute un verre de grains de blé vert. Une fois qu’ils commencent à peine à colorer, je verse un verre de bouillon et plonge une feuille de laurier et une branche d’origan. Ils s’imbibent, se gonflent, et bientôt il ne reste presque plus de liquide. Je reverse du bouillon, touille de quelques tours de mouvette. Je poursuivrai ainsi une quarantaine de minutes, jusqu’à ce que le frekeh soit cuit, légèrement al dente à cœur. Je retire alors du feu et réserve au four à 60°C après m’être débarrassé du laurier et de l’origan, le temps de faire cuire le limand-sol, profitant de la plancha pour y caraméliser quelques cercles prélevés sur un petit oignon qui vont aller se poser sur mon "frekhotto" avec quelques feuilles de menthe comme voisines.

frekeh, blé vert
Frekhotto ou blesotto ?


Ben, c’était bien bon, ce blé vert et cette chair  blanche que j’ai arrosée dans l’assiette d’une sauce rouge, sorte de sauce vierge rudimentaire constituée de jus de citrons vert et jaune, d’huile d’olive et de poudre de piment d’Espelette

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