Sacré Père Noël ! Vexé parce que l’année dernière j’avais suggéré que l’on allumât une flambée dans les cheminées afin qu’il y brûlât ses roustons de pédophile libidineux, il a déposé au pied de mon sapin de fortune un ouvrage intitulé "PHOTO culinaire". Comme si j'en avais besoin !
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Sapin de fortune |
Il va voir de quelle bûche je me chauffe, ce rancunier moisi de la barbe ! Il veut de la couleur dans mes images, il en aura son soûl pour mon repas du réveillon de la Saint Sylvestre. Et s’il continue à ironiser sur mes pauvres clichés volés entre hachages et touillages, je l’invite à venir en discuter à ma table pour un repas photogénique arrosé d’un champagne bien pétillant grâce au liquide vaisselle ajouté. Je servirai mon frichti (sauté de renne aux petits végétaux oubliés dans la hotte ?) dans une cocotte à double fond pour économiser les produits et faciliter leur disposition : légumes à la frimousse avenante car quasi crus et viande simplement maquillée aux épices à leur sortie du frigo. Ce plat sera néanmoins bien fumant, un bâton d’encens fera l’affaire. Je n’oublierai pas l’apéritif versé sur du verre trempé pilé n’offrant pas cette fâcheuse tendance à la fonte dont est victime la glace d’aqua simplex. Ma porte cheminée t’est ouverte, vieux fripon !
SAINT SYLVESTRE
Les hostilités contre l’année 2020 sont déclarées
Pour commencer, la politique du Byrrh…
Je sers cet apéritif, assez discret afin de laisser les papilles disponibles pour la suite du repas, avec des amuse-gueules maison : Sablés salés microscopiques aux noisettes épicées selon une recette du blog La Cuisine de Bernard et Biscuits au comté découverts sur le blog Du Miel et du Sel que j’ai saupoudrés de carvi noir et de grains d’anis vert.
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Promenons nous sur le bois |
Chapitre boisson, j’ai placé dans un seau à glace une bouteille de riesling « de grès ou de force » 2018 Catherine Riss à laquelle succédera une bouteille de champagne plutôt décevante du reste, mais pas assez cependant pour que j’exhibe ce cru sur le banc d’infamie en en dévoilant l’étiquette.
Je prépare deux corbeilles de pain :
L’une d’un Pain norvégien préparé par un artisan bordelais élu meilleur boulanger de France en 2017.
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Un goût très fjord ? |
Moi qui suis souvent réticent devant l’apport de ces graines si tendance, je me régalerai en le dégustant avec le poisson fumé. Sa croûte caramélisée éclate en flaveurs.
Du même, un autre pain, très abouti lui aussi, qui se révélera un excellent accompagnateur pour le foie gras de canard et les fromages : le Pain du Courneau.
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Quand je vois ça après en avoir terminé la cuisson au four... |
Nous pouvons passer au repas.
LA TRUITE DU LAC DE MONTBEL FUMÉE
Je dispose d’un filet de cette truite élevée dans les eaux d’un lac pyrénéen non loin du château de MontSégur.
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Bien élevée |
La bête est belle...
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J'me paye une bonne fumette |
Elle a été fumée au bois de hêtre par l’atelier Fumette au Cap Ferret dont j’avais déjà apprécié l’excellent mulet noir pêché dans le bassin d’Arcachon. Avant de lever des tranches à l’aide de mon couteau à saumon, je prépare un pesto de mâche.
Pesto de mâche :
Je lave et essore un gros bouquet de feuilles de mâche cueillies la veille dans le jardin.
Je les introduis dans le mini-préparateur et complète avec un grand trait d’huile d’olive non filtrée et une petite cuillerée de Condimento Balsamico Bianco de la maison Acetaia Reale. Je mixe avec une pincée de gros sel jusqu’à l’obtention d’une purée verte. J’ajoute six ou sept noisettes et donne des impulsions jusqu’à ce qu’elles soient grossièrement concassées. Je râpe un petit cube de parmesan et le mélange avec ma préparation. Je réserve jusqu’au moment du dressage.
Je viens de partager le filet de truite en tranches fines que je dispose au centre de mes assiettes. En contraste avec mon vert pesto de mâche je dispose quelques taches de raifort rouge polonais à la betterave.
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Le cercle de la truite disparue |
Aucun doute cette truite - qui a le mérite de ne pas se maquiller sournoisement au carotène pour se faire passer pour ce qu’elle n’est pas - surpasse la plupart des saumons fumés, même ceux qui exhibent le Label Rouge. Un pur délice dans ses équilibres de saveur. De plus, à ses côtés, mon pesto de mâche ne démérite pas. Le repas débute bien !
CONFRONTATION EST OUEST
Pour suivre deux produits d’excellence vont se trouver face à face. J’avais déjà inscrit à mon menu un foie gras de canard de Touraine mi-cuit aux épices arrivé avec ma poule et mon oie farcie de Noël.
Mais quand j’ai découvert que je pouvais me faire livrer à domicile un pâté Maréchal de Contades du chef Thierry Schwartz, de surcroît préparé à partir de foies gras d’oies élevées en Alsace, je n’ai pu résister. Ni une ni deux, j’ai commandé...
J’étais curieux de confronter le résultat d’une confection professionnelle de haut vol au souvenir gardé de mes laborieuses réalisations d’amateur.
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Maréchal du temps jadis |
https://sosgrisbiche.blogspot.com/2017/12/compte-de-noel.html
Le produit arrivé d'Obernai est resté dans son cartonnage, je ne l'ai découvert qu’une heure avant le début du repas.
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Un vieux parchemin... |
Niché dans son emballage sous vide, il arborait à ses côtés un document enroulé retenu par une grosse ficelle (celle du métier de marketing ?). Sous un sceau en cire, tout, tout ce que vous désirez savoir - non pas sur le sexe sans avoir jamais osé le demander, mais sur ce fameux pâté et ses rapports avec Thierry Schwartz par la même occasion…
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Je l'ai déroulé... |
À ce déballage culturel en succèda un autre, plus matérialiste : j'ai fait prendre l’air au pâté.
Alors, Maréchal, te voilà ! À vrai dire, avec tes bandes, tu ressembles plutôt à un colonel. Mon ex, avec ses chevrons, donnait plus dans le maréchalat, même si ce n’étaient que des attributs de maréchal des logis… Mais bon, je ne te jugerai qu’à l’action, sur le terrain de manœuvres gourmandes. Pour l’instant, je te décore provisoirement…
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En attente dans son cantonnement |
Repos !
Je me suis aussi occupé de mon foie bourgueillois qui comme son frère obernois est sorti prendre l’air. Je l’ai allongé sur une planche et en ai découpé six tranches que j’ai alignées sur les deux assiettes de service. J'ai réservé.
L’EST
Je découpe deux parts dans le pâté Maréchal de Contades. Je les dépose seules dans les assiettes, avec juste une branchette de cresson pour masquer leur nudité.
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Rien à ajouter ! |
Y a pas à dire, Monsieur Chef Schwartz mérite sa réputation. La pâte au saindoux croustille et fond dans la bouche à la fois, la farce de veau regorge de parfums, le foie gras d’oie alsacien est onctueux et dispense une saveur délicate bien éloignée de la rudesse campagnarde d’un foie gras de canard.
Vive l’Alsace !
L’OUEST
C’est précisément le moment d’entrer en scène pour le foie gras de canard mi-cuit aux épices.
Lui, il n’aura pas peur d’affronter un condiment, contrairement à ce trouillard de maréchal entravé par délicatesse. Je dispose à ses côtés une cuillerée de White Fig Spread, un confit de figue blanche citronné.
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Figue pas barbaresque |
Sur la table, les assiettes de foie de canard expulsent et remplacent sans vergogne celles de foie d’oie.
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En file de canards... |
Je suis heureusement surpris. Quelle subtilité, pour un canard ! Et les épices (poivre, anis, cannelle) sont parfaitement dosées. L’inconditionnel de l’oie que je suis se sent obligé d’admettre que ce produit artisanal est une réussite.
Vive la Touraine !
LES FROMAGES
Sur le plateau, trois variétés de fromage…
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On a failli n'y voir que du bleu |
En premier, un gorgonzola truffé de la maison Carozzi, très équilibré entre ce fromage si goûteux et un champignon sans artifices.
En deuxième un vieux Stilton.
En troisième des crottins de Chavignol artisanaux, surtout là pour tenter de rééquilibrer ce plateau penchant abusivement vers les pâtes persillées. Choix que j’assume en toute sérénité cependant !
LE DESSERT : Crème pyrénéenne
Bis repetita nocent…
Un lever de tôt matin pour un parcours glacial sous les averses n’a pas empêché de rentrer bredouille une seconde fois de la chasse à la pâtisserie. Toutes les maisons de qualité étaient carrément fermées ce 31 décembre dans notre bonne ville ! Allez donc essayer d’être locavore…
J’ai donc mis en place un plan d’urgence avec les ressources à ma disposition.
Là encore, merci Bernard. Celui du blog. Je me suis inspiré de sa recette de crème catalane en la revisitant, y ajoutant une touche basque. Ce sera donc une crème pyrénéenne.
Crème pyrénéenne :
Dans les 40 cl de lait que je porte à ébullition avec 45 g de sucre, point de cannelle. Je la remplace par cinq grains cardamome verte et laisse infuser. Je bats dans un cul-de-poule 45 g de sucre avec 100 g de jaune d’œuf. Une fois le mélange blanchi j’incorpore 30 g de maïzena. Je place le récipient dans un bain-marie. J’ajoute le lait tiède parfumé par la cardamome et 10 cl de patxaran, cette liqueur basque aux prunelles sauvages.
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La prunelle sous vos yeux |
Je mélange et laisse épaissir en remuant sans répit avec le fouet.
Quand la crème est parvenue à la consistance voulue, je la verse dans deux ramequins en terre. Je réserve.
Ça, c’était en début d’après-midi. Désormais minuit approche.
Je parsème les ramequins d’une pluie de sucre en poudre que je fais caraméliser au chalumeau. J’ajoute un trait de sucre muscavado de l’île Maurice.
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Presque une crème brûlée |
Je craignais que le parfum de la liqueur ne soit évaporé. Mais non, il est bien là. Curieusement presque plus présent que dans un verre…
2020 EST MORT, CHAMPAGNE !!!
Après avoir levé les flûtes et réceptionné les vœux caracolant sur les fibres optiques, un expresso de Moka Buku - un café éthiopien que j’apprécie particulièrement - sera le bienvenu. Ensuite un petit cigare et un verre de Port Askaig Isley, un whisky dont la teneur en tourbe serait insupportable si le degré d’alcool n’était pas aussi fort, et dont les 57,1 % vol emporteraient le gosier s’il n’était pas aussi tourbé : un mariage de déraison exceptionnellement réussi.
L’an de grâce 2021 débute sous de bons auspices !