Un marchand d’origine polonaise vient de temps à autre proposer ses produits au marché : diverses salades de hareng, poissons fumés, pain noir. Cette évocation nordique de rivage de Baltique me plaît bien. Aussi une petite satisfaction gourmande fut de se partager à deux un petit échantillon de ses fumaisons : maquereau fumé, hareng fumé, sprats.
Sous la fumée, la mer
Ce fut même une grande satisfaction, car le maquereau était remarquable : savoureux comme un maquereau frais grillé, à la chair restée moelleuse et même légèrement juteuse, parfumé pas plus qu’il ne convient d’une bonne odeur de fumée. Rien à voir avec ces tranches desséchées et cotonneuses sentant l’arôme artificiel que l’on trouve sous blister… Le hareng était tout aussi goûtu, bien qu’un peu plus sec. Et il était miraculeusement débarrassé de toutes ses arêtes. Quant aux sprats, ils fondaient dans la bouche…
Je me souviens des bouquets jaunis de pieds de haricots cocos qui pendaient la tête en bas sous le porche.
Je me souviens de ma grand-mère revenant du jardin des Fontenelles où elle les avait récoltés, grimpant péniblement la côte en poussant la vieille charrette à bras repeinte de vert wagon et faisant une pause à l’ombre des deux gros noyers qui se dressaient au bord de la route empierrée blanchoyant sous le soleil matutinal - pas trop longtemps, car c'est une ombre néfaste...
Je me souviens des séances de battage sur un vieux drap de lin blanc.
Je me souviens du petit pichet de tôle émaillée ponceau à l’extérieur et éburnéen à l’intérieur qui était posé dans la cendre devant les braises rougeoyantes de la cheminée, vieux récipient un peu cabossé où mijotaient doucement les grains dans une eau parfumée par une feuille de laurier et une branche de thym.
Je me souviens des fricassées de pois - c’est ainsi qu’étaient appelés les haricots blancs dans le village - que ma grand-mère préparait en versant le contenu presque crémeux du pichet au fond d’une poêle, le faisant revenir avec quelques oignons dans de l’huile de noix - la graisse traditionnelle locale car jusqu’à la guerre de 14 tous les chemins du Haut-Poitou étaient bordés de noyers que l’on a hélas abattus pour y tailler les crosses des fusils et qui ne furent que trop rarement replantés.
Je me souviens du léger trait de vinaigre dont ma grand-mère aimait souvent relever ses préparations.
Je préfère oublier mon minable plat de Pâques avec sa malencontreuse sauce versée sur les découpes de gigot et ses tarbais pas assez cuits.
Alors je libère les haricots et les tranches d'agneau débarrassées de leur jus malencontreux des boîtes sous vide qui leur servaient de glaciales prisons.
Je remets les tarbais dans une casserole avec de l’eau et les fais recuire pendant plus d'une heure.
Je pose les tranches de gigot sur une poêle très chaude à peine barbouillée d’huile d’arachide, les saisis rapidement sur les deux faces. Le peu de sauce douceâtre qui persiste en certains endroits se caramélise, et je baisse rapidement la flamme pour que le cœur de la viande ne se dessèche pas. Je verse les tarbais, arrose de quatre cuillerées d’huile de noix poitevine, laisse cinq minutes à feu doux. Pour terminer, je fais pleuvoir quelques gouttes de vinaigre de cidre, donne un tour de moulin de poivre rouge de Kampot, et apporte la poêle sur la table.
Sauvetage
Je me souviendrai de ce sauvetage : pour une fois les restes sont cent fois meilleurs que le plat original.
Y-aurait-il de l'Ubu en moi ? Tout au moins pour la gidouille...
Mes petites gidouilles viennent tout droit d’Alsace. Ce sont des Fleischschnacka.
J’aurais pu les réaliser moi-même, ce n’est pas très difficile : pour confectionner cet accouplement du hachis parmentier et de la lasagne, il suffit de pétrir une pâte à nouille, l’étaler finement en rectangle, de la recouvrir d’une couche de restes de pot-au-feu hachés bien assaisonnés, et de rouler tout ça comme on le ferait pour une bûche de Noël avant de se saisir de son meilleur couteau pour découper en tranches de deux centimètres d’épaisseur. Mais voilà, en cette saison et pour deux je n’ai pas trop envie de me lancer dans la cuisson d’un plat qui, pour être bon, nécessite trois gros morceaux de viande… Alors il était plus simple de les acheter prêts à cuire.
Je les dépose sur une noix de beurre fondue.
4 gidouilles dans le beurre
Les escargots de viande sont dorés sur une face, je les retourne.
Le retournement de l'escargot
Puis j’arrose de bouillon de bœuf bien chaud et laisse mijoter à feu moyen une quinzaine de minutes.
Le bain des gidouilles
Il ne me reste plus qu’à répartir les Fleischschnaka avec le bouillon dans deux assiettes creuses.
Nous sommes...
...des sœurs jumelles
Devant la lance menaçante d’un brin de ciboulette, je ne puis m’empêcher de voir les écus de preux chevaliers.
Au blason d’or à un gouffre de trois tournans en ligne spirale de gueule.
Un peu comme celui-ci, qui lui était d’azur et d’argent.
Gouffre /Gurges: Claude-François Ménestrier, La Nouvelle
méthode raisonnée du blason...1754, p.
245.
Mais certes la gueule me convient mieux…
Sur le champ de bataille, j’attaque aussi un monceau de feuilles de salade…
La salade pourfendue
Serais-je devenu le Don-Quichotte du manche de couvert ?
En tout cas ma Dulcinée a concocté un bon dessert : un gâteau au sarrasin.
Le sarrasin est là !
Encore une recette de Christophe Felder… Décidément, il y a encore de l’Alsace dans l’air avec la région natale de ce pâtissier.
Le pauvre Basque déterre deux poireaux de son lopin de terre. Il les nettoie, les fend en eux dans la longueur et les plonge dans l’eau bouillante salée durant sept minutes. Pendant qu’égouttés ils refroidissent, il sort le petit morceau de jambon Xintoa niché dans un torchon à carreaux bleus et y découpe une dizaine de tranches, pas trop fines - on peut être pauvre et généreux…
Il sort deux vieilles assiettes en porcelaine blanche, dont l’une légèrement ébréchée, mais ça ne se voit que si on la retourne. Sur chacune il allonge deux moitiés de poireaux à côté des tranches de jambon disposées en éventail. Il arrose ses asperges du pauvre avec de l’huile d’olive et un peu du fond de la bouteille de vinaigre balsamique des grandes occasions qui traîne dans un coin.
Et comme il ne veut rien perdre, il fait frire les racines des poireaux dans de l’huile d’olive à laquelle s’ajoute l’huile de coude exigée pour laver, brosser et sécher les disques chevelus.
Asperges du pauvre Basque
« Ah, on a quand même des joies simples quand on vit pauvrement… Sauf que ce chignon coriace est imbouffable ! »
Le riche Alsacien va à la noce.
La mariée et ses demoiselles d’honneur sont là, arrivées tout droit de leur village natal au pied des Ballons des Vosges.
Une botte alsacienne
Le riche Alsacien pare ces grandes bringues, leur donne un bain chaud d’une douzaine de minutes dont elles sortent toutes guillerettes.
Pendant qu'égouttées elles refroidissent, il déballe ses tranches de jambon blanc braisé et jambon cru fumé, jambons tout aussi alsaciens à l’instar de l'artisan qui les a préparées et des cochons dont elles proviennent.
La tradition est de servir les asperges blanches avec trois variétés de jambon et trois sauces différentes. https://asperges.alsace/asperges-aux-3-jambons/
Mais aujourd’hui la recette sera binaire : deux jambons, deux sauces.
Il fait durcir deux œufs de qualité bio (huit minutes seulement pour obtenir le cœur du jaune légèrement mollet). Il verse dans un cul-de-poule deux cuillerées de moutarde douce (d’Alsace, bien évidemment !) qu’il dilue par quatre cuillerées de Melfor et y fait fondre une bonne pincée de sel. Il ajoute huit cuillerées d’huile de colza (de Touraine, nobody is perfect…). Il mélange bien au fouet, puis incorpore les herbes cueillies dans la matinée au jardin (persil, ciboulette, cerfeuil, estragon) qu’il vient de ciseler. Il hache grossièrement les œufs durs, les ajoute à la préparation. Il donne un tour de moulin de poivre rouge, puis brasse délicatement avec une spatule. La sauce vinaigrette est prête.
Il dépose un jaune d’œuf au fond d’un bol avec une demi-cuillerée de moutarde mi-forte (d’Alsace ? mais oui !) et monte une mayonnaise en débutant avec de l’huile d’arachide et en finissant avec de l’huile de colza. La seconde sauce est prête.
Il sort deux pimpantes assiettes en porcelaine blanche de forme rectangulaire.
Il assure un dressage alliant tradition et modernité avec les sauces versées dans des ramequins.
Asperges du riche Alsacien 1
Asperges du riche Alsacien 2
« L’Alsace est bien dans l’assiette ! Et c’est copieux comme là-bas. Heureusement qu’il y a la bouteille de ce subtilement fruité muscat d’Alsace… »
Renseignements pris, il semblerait que le pauvre Basque ne soit pas si pauvre que ça et que le riche Alsacien ne soit pas si riche que ça…
J’ai loupé mon plat.
Il était pourtant beau, mon petit gigot d’agneau de lait…
J’ai fait revenir ce pâlichon dans de la graisse de canard au fond d’une cocotte.
Tendre agneau
Je l’ai évacué provisoirement pour le remplacer par une garniture aromatique composée de carotte, oignon, échalote et force ail. J’ai ajouté un gros branchage de thym, une feuille de laurier. J’ai assaisonné, ajouté un chaton de poivre Timiz aux notes résineuses et fumées, des grains de poivre blanc de Penja. Le petit gigot est revenu s’étendre au fond de la cocotte.
J’ai versé un verre d’eau sur tout ce petit monde, j’ai arrosé de vinaigre balsamique traditionnel et j’ai coiffé du couvercle. Le tout est parti au sein du four réglé à 180 °C pour 20 minutes, avec retournement du gigot à la dixième minute.
Puis j’ai enlevé le couvercle et remis au four pour 20 nouvelles minutes. J’ai terminé par 5 minutes à 200 °C afin de bien dorer la surface de ma pièce d’agnelet.
Il a bronzé
Le gigot reposait tranquillement sur une planche quand j’ai entrepris de déglacer avec un verre d’eau, un nouveau trait de vinaigre balsamique. Et j’ai cru malin de verser un petit verre de liqueur de myrte évoquant des folles gambades de tendres agnelets dans le maquis…
Pendant que cette sauce réduisait doucement sur une miniflammèche, je transvasais les haricots blancs de garniture dans un plat.
Tarbais dans la résistance
J’avais suivi à la lettre les instructions écrites sur le sachet de ces haricots tarbais Label Rouge, y ajoutant simplement quelques rondelles de carotte :
Ingrédient : -280 g de haricots tarbais secs -2 cuillères à soupe de graisse d’oie -1 oignon -1 tête d’ail et bouquet garni (persil, thym, laurier) et du sel. Tremper une nuit dans l’eau froide (pas salée) 1 1 d’eau pour 400 g de haricot Tarbais. Après avoir jeté l’eau de trempage, amener à ébullition dans l’eau renouvelée. Faire fondre un oignon dans la graisse d’oie. Ajoutez les haricots blanchis avec l’ail et le persil, Mouillez avec une infusion de thym et laurier. Laisser cuire pendant une heure et dégustez.
En démarrant les cuissons de la viande et du légume au même moment, tous deux devaient donc franchir en même temps la ligne d’arrivée…
Je tranche le gigot. La cuisson me semble réussie : il se découpe comme du beurre, la texture est soyeuse, au centre, près de l'os, on aperçoit des reflets délicatement rosés. Je dispose les morceaux sur un plat et les arrose de la sauce.
Agneau de lait pascal
Je pense que nous allons nous régaler !
Eh bien non. Si effectivement la viande de l’agnelet est parfaite, la sauce est désagréablement douceâtre et on y cherche vainement le parfum du myrte. J’aurais dû goûter… Peut-être aurais-je pu la sauver en ajoutant une acidité que le vinaigre balsamique n’a pas été capable de conférer suffisamment. Le jus d’un demi-citron ?
Mais ce n’est pas tout. Les tarbais sont durs. Des shrapnels, aurait-dit mon père..., Là encore j’aurais dû goûter plutôt que de me fier aveuglément à une impression sur cellophane… Mais de toute façon, c’était irrattrapable pour le service. Fi de la synchronisation ! Il vaut mieux préparer ce type d’accompagnement à l’avance et remettre en température…
Bref, pour Pâques, je méritais de me faire sonner les cloches…
Ils sont là, se ressemblant comme deux gouttes d’eau.
« Je me présente, capitaine Haddok de la police judiciaire.
- Et moi, capitaine Haddoc, de la police judiciaire. »
Bon sang de bon sang, comment les distinguer ? Mais ils poursuivent :
« Nous enquêtons dans le cadre d’une accusation portée contre vous. Vous avez fait passer une de vos médiocres pâtisseries pour un gâteau de Christophe Felder. Vous êtes un aiglefin !
- Je dirais même plus, un aiglefin de haut vol nageant dans des eaux troubles. »
Je tombe des nues, et ça fait mal…
« Mais de qui provient ce mensonge ? Quant à moi, je n’ai rien d’un aiglefin et encore moins d’un aigrefin. Je nie tout en blog, pardon, en bloc !
- Oui, c’est plutôt aigrefin, mais ce lapsus ne change rien à votre affaire.
- Je dirais même plus, votre attitude narquoise l’aggrave. »
Et les Haddock se mettent à fouiller la maison.
« Tiens tiens, un livre de Felder. Même trois. Si ce n’est pas un indice…
- Je dirais même plus. Trois indices ! »
Ils entrent dans la cuisine et reniflent.
« Eh eh, ça sent la culpabilité ici… »
Je rétorque que ça sent plutôt les pommes de terre sautées découpées dans le reste des patates en robe des champs qui avaient accompagné des tripes la veille.
« On arrache les robes, on étripe. C’est pire que je pensais.
- Un violeur, un assassin pervers. Passons lui les menottes ! »
C’en est trop ! Dans une grande casserole frémit du lait. J’y balance Haddok et Haddoc.
Cinq minutes plus tard, je les sors et les étends. Ils sont encore plus petits morts que vivants, dis-je avant de me tourner vers mes mignons poireaux. À peine arrivés du jardin, je les ai lavés et j’en ai ciselé la partie tendre. Je jette cette découpe sur une noix de beurre moussant au fond d’une petite casserole, ajoute un demi-verre d’eau, une pincée de sel et un trait de balsamique blanc. Je couvre et laisse cuire à feu doux jusqu’à évaporation presque complète.
Je passe à la réalisation de ma célèbre sauce Mornéerlandaise - une sauce Mornay où le gruyère est remplacé par du gouda vieux.
Tous les éléments du plat sont prêts. Je dépose les Haddock et les nappe de sauce. Je construis un chemin en opus incertum traversant le plat avec comme dalles les pommes de terre sautées. J’emplis les vides avec ma compotée de poireau. Un peu de gouda râpé et de curry sur elle, un saupoudrage de paprika sur la sauce.
J'enfourne cinq minutes à 170 °C. Le plat est bien chaud : je l’apporte sur la table.
Haddok et Haddoc sont dans un plat chaud
Je sais désormais ce qui différencie Haddok de Haddoc : l’un a des arêtes, l’autre pas.
Confronté à la problématique de servir rapidement mes hôtes afin d’éviter de cuisiner au milieu des glapissements d’infantes en état d’hypoglycémie, et bien incapable de connaître à l’avance l’heure de leur arrivée, la durée nécessaire pour trouver une place de stationnement autour de mon pâté d’immeubles se trouvant dans une fourchette comprise entre 30 secondes et ½ heure (voire plus), j’ai choisi cette fois-ci de servir des tranches d’espadon.
Je me contente dans un premier temps de les recouvrir de gros sel, puis de les essuyer consciencieusement avant de leur faire subir un bref aller-retour sur une poêle bien chaude ointe d’huile d’olive. Je les dépose aussitôt sur un plat en inox, les arrose du jus récupéré dans la poêle et les saupoudre de quelques pincées de ras el hanout.
Je réserve.
Espadon en attente
Comme accompagnement, ce sera du riz, facile à garder tiède et remettre en température.
Mais cette fois-ci, ce ne sera pas mon bête riz pilaf habituel : je confectionnerai un kabuli palaw, enfin presque, car il n’intégrera pas les morceaux de poulets traditionnels, mais seulement un bouillon de volaille.
J’avais goûté ce plat pour la première fois pendant les années 70 dans un petit restaurant afghan aujourd’hui disparu et situé rue Saint-Martin, non loin de Beaubourg. Et il m’avait plu…
J’ai quelque fois tenté de le reconstituer avec mes souvenirs de présence de carotte et de raisins secs, et maintenant Internet me permet de m’approcher encore plus de la version authentique.
Deux préparations pour commencer : les carottes et les raisins secs.
Je prépare une julienne avec une très grosse carotte épluchée. Par facilité, j’ai utilisé un disque, mais même en choisissant les plus gros trous, le résultat me emble un peu trop fin. J’aurais mieux fait de m’astreindre à une découpe manuelle… Quoi qu’il en soit, je plonge le résultat avec une bonne cuillerée de sucre en poudre au fond d’une casserole au fond d’une casserole où frémissent deux cuillerées d’huile d’olive. Je poursuis la cuisson une dizaine de minutes et réserve.
À côté je fais revenir une poignée de raisins secs pendant cinq minutes dans de l’huile d’olive. Je les vois gonfler. Je réserve.
Il me faut passer aux oignons. Il s’agit de trois oignons paille de taille moyenne que je taille en lamelles.
Je les mets à suer et à brunir dans trois cuillerées d’huile d’olive au fond de la grande casserole qui servira à la cuisson du riz.
J'en traîne, des casseroles !
Bon, ça y est les oignons ont bruni sans cramer...
Du paille au brun...
Je pile dans un mortier une cuillerée de graines de coriandre et une cuillerée de grains de cardamome avec une pincée de gros sel. Je déverse le résultat obtenu au milieu de l’oignon caramélisé, y ajoute une petite cuillerée de cumin en poudre et une autre de cumin moulu.
Je fais nacrer 300 g de riz basmati dans l’huile chaude mélangée d’oignon et d’épices.
Plongée de spatule
Puis je recouvre de 40 cl de bouillon de volaille obtenu avec un sachet Ariaké.
Je laisse bouillir cinq minutes, le riz a commencé à gonfler.
Oui, ça a bouilli...
J’y insère trois gousse d’ail en chemise et une feuille de laurier. Je recouvre avec la carotte et les raisins.
Bombardement en Afghanistan
Je pose un cercle de papier siliconé destiné à minimiser l’évaporation. Je ferme la casserole avec son couvercle et je laisse sur une toute petite flamme durant une demi-heure.
Le riz est cuit et attend l’arrivée des convives.
Quelques minutes plus tard, le téléphone sonne. « Ça y est, on a enfin trouvé une place ! »
Je découvre le riz ; Il a bonne allure, encore tiède.
KABULI PALAW
Je touille et le verse dans un plat réservé au chaud ans le four à 120 °C. Je remets le plat dans le four.
Les invités sont là, je sors le riz du four. Je place le thermostat à 150°C, j’introduis le plat avec les tranches d’espadon, allume le gril. Je laisse 5 minutes. Le poisson est cuit à point, ce qui n’était pas a priori gagné pour l’espadon, espèce devenant facilement d’un consistance ouateuse peu agréable en cas de surcuisson.
L'afghanistan s'ouvre sur la mer
Mais je suis récompensé de mes efforts : tout le monde aime. Les infantes finissent leur poisson et leur riz et même en redemandent. Miracle !
Tout comme elles se régaleront du dessert préparé par Madame, un flan parisien préparé sur la recette de Christophe Felder figurant dans son livre Gâteaux écrit en collaboration avec Camille Lesecq. Ouais, enfin... Plutôt un recueil de belles photos...).
Voici la mienne, de photo. Minable à côté de celles du livre.. Mais le goût était là !
Jadis j’ai souvent croisé dans le Quartier Latin une personne qui mettait beaucoup d’opiniâtreté à aborder les passants afin de leur vendre son édition du superbe pamphlet Le Droit à la Paresse.
Je possède un exemplaire de ce livre fort intéressant écrit par Paul Lafargue, et je le relirais volontiers si j'avais assez d'ardeur pour me livrer à des fouilles dans ma bibliothèque afin de le retrouver.
Et puis, comme toujours, on brandit les droits, mais on oublie les devoirs. Eh bien, moi, je prône le devoir de paresse.
Mais hélas peu me suivront, car la paresse demande beaucoup de travail, certes pas physique, mais des petites cellules grises, celles chères à Hercule Poireau qui résolvait les énigmes assis dans son fauteuil. Pourtant ma revendication est bien tendance : toute économie d’énergie est bonne à prendre. Hélas je n’ai pas le courage de me lancer dans l’écriture d’un manuel de paresse raisonnée, à l’image de la culture raisonnée pratiquée en maraîchage ou en viticulture… Et puis je sens que je commence à fatiguer le lecteur.
Alors je reviens à mes oignons culinaires, tout en avertissant que les recettes suivantes sont placées sous le signe de la paresse…
Recette n° 1 : ROUGAZOTTO
Dans mon armoire, un paquet de riz thaï qui traîne et un bocal de sugo all’arrabiata Rummo dont la date limite de consommation optimale est dépassée de quelques semaines, ce qui n’est pas grave en regard du destin que je lui réserve.
Dans le réfrigérateur, un petit pot entamé de pâte de piment vert des Antilles.
Mais surtout dans le congélateur quatre saucisses fumées péi de l’île de la Réunion, sœurs rescapées mises sous vide de celles que j’avais cuisinées en septembre. Leur tour est venu !
Je hache finement un oignon paille et deux échalotes que je mets à suer dans un bon trait d’huile d’olive. J’ajoute les saucisses préalablement mises à décongeler au frigo durant une journée, je les fais revenir saupoudrées d’une bonne cuillerée de safran péi, c’est-à-dire du curcuma de la Réunion. Il y a aussi une feuille de laurier, une branche de thym, quelques grains de poivre blanc de Penja, de poivre noir sauvage de Madagascar ainsi que trois gousses d’ail. Je vide sur tout ce petit monde mon pot de sauce, que je relève encore avec une petite cuillerée de pâte de piment. Eh oui, ça commence à ressembler à un rougail (sauf que dans le rougail il n’y a en principe pas de curcuma…).
Mais le paresseux que je suis a décidé de ne salir qu’une casserole. Le riz cuira directement dans la sauce. Je complète donc de trois verres d’eau. Je laisse cuire à petits bouillons un quart d’heure, puis je déverse un verre de riz dans la casserole que je laisse à découvert sur une petite flamme.
Ils ont plongé, ces grains de riz
Je touille sans discontinuer avec une spatule jusqu’à ce que presque tout le liquide soit absorbé, prenant garde à ce que le fond n’attache pas, ce qui prend environ un nouveau quart d’heure. Je vérifie la cuisson du riz : c’est parfait.
Je sors les saucisses, les dépose au fond du plat de service et partage chacune en trois. Je les recouvre du riz imprégné du parfum de tous les ingrédients, donne un tour de moulin de poivre noir et brasse le tout.
Rougazotto, pas ragougnassotto
Divine surprise : je craignais l’infâme ragougnasse, et finalement c’était de la bombe. Une explosion de saveurs. Et si l’on ne me croit pas, j’ai une témoine qui pourra le confirmer !
Recette n° 2 : POULET AU VINAIGRE
Pour cette recette, je ne vais pas me fatiguer à la narrer.
Perplexe sur ce que le samedi suivant je pourrai servir compatible à la fois avec la gourmandise des adultes et les phobies de mes petites filles, je suis tombé sur cette recette de Météo à la Carte sur France3 exécutée à deux mains et à deux voix :
Du poulet, des pâtes, je devais bien être sur un terrain de consensus…
Le samedi matin, je me lance donc dans la copie quasi conforme, si ce n’est que, mes cuisses (enfin celles des poulets…) étant visiblement plus grosses que celles du bouchon, j’ai augmenté les durées de cuisson, passant de 20 minutes à 30 minutes…
Les cuisses sont sorties de la cocotte
...pendant que la sauce réduit
...puis arrive la crème que je vais mélanger
Comme au bouchon !
J’ai confectionné moi aussi un gratin de pâtes comme accompagnement.
Les poulets veillent sur le gratin
Bingo ! Tout le monde s’est régalé, même si je me suis un peu ennuyé dans mon rôle d’exécutant discipliné. Et les infantes ont fini leur assiette…
En dessert, une découverte, un gâteau de voyage breton 100 % sarrasin, le Keryoun.
Rien de traditionnel je pense, une création pâtissière récente, mais c’est vraiment délicieux, alliant moelleux et croustillant, pas trop sucré, avec un bon goût de beure rehaussé par une touche salée. Je craignais l’étouffe-druide, mais non, une réussite ! Pas très régime avec ses 33 % de beurre, mais concession à nos ennemi/e/s les pisse-froid qui pourront ronger cet os, garanti sans gluten !
Recette n° 3 : LA SOUPE DE POISSON FRAIS « PETITE PÊCHE »
Dans ce cas, la paresse poussée à l’extrême, offrant un excellent repas pour une tâche réduite à Ɛ…
Je me suis contenté d’ouvrir un bocal confectionné par l’excellente maison Azaïs-Polito et de la réchauffer doucement.
Ah, si, un petit travail : découper des tranches dans une baguette un peu rassise, les frotter avec une gousse d’ail et les dorer légèrement à la poêle sur une cuillerée de bonne huile d’olive italienne.
Ensuite chacun (c’est moi) et chacune (c’est l’autre) a déversé quelques louchées de soupe dans son assiette, y a fait flotter quelques croutons de pain et a déposé un peu de rouille prélevée dans un petit bocal provenant de la même maison.
Sans légende
Tout ça m’a préservé de plonger une ligne dans la Méditerranée et de toute façon ne sortir aucune prise…
Merci, Monsieur Appert !