mardi 1 février 2022

Confidences sur l'Oreiller

Il n’était pas question de me vautrer dans le grabat sordide du crépuscule des vieux sans avoir connu un jour le somptueux oreiller de la belle Aurore…

Il y a plusieurs années que j’ambitionnais de plonger mes canines dans cet acmé de la création charcutière. Mais c’est un pâté quasi-impossible à réaliser chez soi tant il exige de chairs différentes dans sa préparation – sans oublier la taille du four pour sa cuisson et le nombre de convives gastronomes à réunir pour partager sa dégustation. Mais ce sont des pièces qui ne sont confectionnées que par de rares artisans, et encore de façon très épisodique. Mais il faut réserver sa part, ce qui relève de l’exploit pour moi qui gère mes envies au jour le jour, pour ne pas dire à l’heure l’heure… Aussi n’est-ce qu’en cette fin de janvier 2022 que j’ai pu goûter – en tout bien tout honneur - les délices de la literie de la mère de Brillat-Savarin, née Claudine Aurore Récamier.

C’est à la maison Vérot que je me suis adressé pour me procurer ce plaisir trop longtemps différé.

Je n’étais plus à un jour près… Aussi, n’ayant pu résister au chant des sirènes porcines du catalogue vérotien, je me suis mis en jambes la veille du grand jour par la dégustation d’une autre spécialité : une terrine baptisée Cochon de la tête aux pieds. Ce produit n’est d’ailleurs pas sans rappeler par la multiplicité de ses composants ce fameux oreiller, sauf que pour lui le « c’est le retour de la chasse » se voit remplacé par un « on a tué le cochon » ! En effet on y trouve des strates de fromage de tête, jambonneau, boudin noir, saucisson à l’ail, andouille de Guéménée, pommes et confit d’échalotes.

cochon de la tête aux pieds
Voyage en Cochonie

Je craignais la déception, mais non, Vérot a su, ni basculer dans un magma genre jyfoutou et qu’on se débrouille où la papille y perdrait son latin, ni s’égarer dans une litanie charcutière discordante faisant regretter le buffet campagnard où au moins l’on peut choisir. Une Quintuple Alliance où chacun trouve son compte : un chef-d’œuvre de diplomatie !

 

Et voilà, c’est le grand jour. Je sors les tranches d'Oreiller de la belle Aurore de leurs écrins et les étends sur le plat.

Les variations de tonalités et de texture semblent confirmer que le contrat est rempli, la mosaïque est aussi impressionnante que la liste des ingrédients : pigeon, chevreuil, perdreau, faisan, canard sauvage, canard d’élevage, foie gras, ris de veau, cochon, poulet, sans oublier la farce de cochon, la farce de gibiers et l’insert de lamelles de truffe des Alpes-de-Haute-Provence.

Je laisse reposer le temps que le produit s‘ébroue hors du vide où il a été conservé et se réoxygène à plein poumons. Quand je reviens une heure et demie plus tard, la durée nécessaire pour qu’il se remette à température ambiante, de doux effluves sialogènes montent vers mes narines. Je m’éloigne pour ne pas ressembler au chien Waldi de mon grand-père maternel, boxer au regard triste qui inondait le carrelage de la cuisine de la bave poisseuse dégoulinant de ses babines froncées quand la moindre molécule aromatique se frayait un passage par ses narines simiesques.

D’ailleurs j’ai autre chose à faire que de humer l’oreiller, je dois préparer la salade qui l’accompagne - bien entendu un mesclun, la variété étant à l’ordre du jour. Dans la vinaigrette de vinaigre de cidre et huile d’arachide, j’incorpore une cuillerée d’huile de noix.

Une partie vient rejoindre le plat en tant que décor, le restant demeure confiné dans le saladier où je viens de brasser les feuilles dans leur sauce.

Oreiller de la belle Aurore
Jouer à KoiKès au bout de ma fourchette


Mes sensations sur l’oreiller ne regardent que moi. Je dirai cependant que c’est une belle expérience, et que la belle Aurore mérite sa réputation.

È Vérot, è ben trovato…

jeudi 27 janvier 2022

Mort d'une truffe voyageuse

 

Toute guindée dans son austère habit noir, mon invitée du jour n’était pas d’humeur à plaisanter. À sa décharge, le coup de canif que l’on lui avait donné pour valider son titre de transport n’avait rien dû avoir d’agréable…


Aussi elle me déclara sans ambages que mes pitreries blogueuses ne l’incitaient guère à fraterniser avec moi – de la rigueur, Monsieur, de la rigueur, rien que de la rigueur ! 

Alors point d’allusion douteuse à l’air de mandoline que je m’apprêtais à lui jouer, point de parallèle abusif entre son aspect et celui de la truffe du chien qui l’avait débusquée, mais surtout point de récit approximatif du déroulement de ses obsèques.

« Vous voyez, Monsieur, j’arbore déjà le deuil de moi-même. Mourir, soit, mais avec dignité. Si vous voulez que je consente à vous mettre au parfum dans mes derniers instants, je mets une condition : je veux que vous narriez le récit de mon trépas sous la forme d’une recette empreinte de précision aussi bien dans les pesées que dans les températures et les durées, avec un déroulement que vous voudrez bien transmettre au lecteur éventuel sans les fioritures ou les digressions abusives dont vous êtes coutumier - et dont le plaisir qu’elles vous procurent en les écrivant n’est pas partagé par le malheureux qui s’égare dans la lecture vaine de votre prose, d’où seulement effleure parfois un parfum fugace s’élevant d’un plat qu’il sera bien incapable de reproduire tant l’anecdotique l’emporte sur l’opérationnel… Puis-je vous faire confiance, Monsieur, pour respecter mes dernières volontés ? »

J’ai juré mes grands dieux que je tiendrai parole. Alors voici ma recette de

 

CROZETS GUANCIALE, GRUYÈRE, TRUFFE NOIRE

 

Ingrédients :

Truffe noire du Périgord : 50 g

Guanciale : 1 tranche de 60 g (épaisseur 5 mm)

Gruyère : 1 morceau de 60 g

Crozets au sarrasin : 200 g

Beurre doux d’Échiré : 40 g

Poivre : 1 tour de moulin de poivre noir de Sarawak

Sel : 20 g de gros sel et une pincée de fleur de sel

 

Mise en place :

Découper le guanciale et le gruyère en petits morceaux en préservant six grands rectangles de 1 à 2 mm d’épaisseur pour le fromage.

Illustration 1


Prélever 8 belles tranches fines sur la truffe épluchée et concasser le reste.

Illustration 2


 

Cuisson :

Allumer le four réglé thermostat 160 °C.

Jeter les crozets dans une casserole de 2 d’eau bouillante salée avec le gros sel. Les retirer au bout de 15 minutes de cuisson et les égoutter.

Pendant la cuisson des crozets, faire fondre 30 g de beurre au fond d’une poêle antiadhésive et y faire nacrer le guanciale. Ajouter une louchée d’eau de cuisson des crozets et laisser réduire doucement à petit feu.

Transférer les crozets égouttés dans la poêle. Ajouter les morceaux de gruyère, donner un tour de moulin de poivre, mélanger et laisser trois minutes sur le feu.

Compléter avec les morceaux de truffe, retirer du feu et brasser rapidement.

Illustration 3


Verser le contenu de la poêle dans le plat de service en porcelaine Disposer à la surface les tranches de gruyère et de truffe.

Faire fondre le restant de beurre dans une petite casserole avec la pincée de fleur de sel.

Remettre le thermostat du four à zéro et introduire le plat. Le sortir au bout de deux minutes et arroser les tranches de truffe avec le beurre fondu.

Apporter aussitôt sur la table et partager entre les assiettes.

CROZETS GUANCIALE, GRUYÈRE, TRUFFE NOIRE
CROZETS GUANCIALE, GRUYÈRE, TRUFFE NOIRE


 

Bon, mission accomplie. Enfin, presque… Car ma truffe faisant 104 g, il m’en reste encore la moitié.

Devrais-je vraiment continuer à tenir parole ? Car j’ai l’impression que finalement c’est moi qui ai été pris pour une truffe…

mardi 25 janvier 2022

La part du Lyon

 

Oui, j’étais là quand il est tombé dans l’eau. Bon, c’est vrai, je l’y ai un peu aidé, et je reconnais que je l’ai laissé barboter pendant presque une demi-heure.

Mais j’ai fait attention que l’eau ne devienne pas trop chaude, et surtout quand je l’en ai sorti, je l’ai débarrassé de sa trop mince pelisse toute trempée qui ne réussissait même pas à dissimuler les diamants noirs qu’il trimballait – et auxquels je n’ai pas touché, je tiens à le souligner.

sucisson lyonnais à cuire, cervelas
Lyonnais sauvé des eaux


Bien mieux, je l’ai emmailloté d’une moelleuse couverture. Il a même pu se plonger dans une béate somnolence durant un couple d’heures au sein d’une chambre à 28 °C.

        

cervelas en brioche
Porte maillot

Ben oui, une couverture écologique bien sûr, que des produits naturels. Plus précisément ? Alors là, c’est le secret du chef !

Ne vous fâchez pas, je plaisantais. Le secret d’un chef, mais celui du chef Ducasse – qu’il partage sur les bonnes pages de l’Académie du Goût : et que j’te balance dans la cuve du batteur mélangeur 400 g de farine, 32 g de sucre, 20 g de levure boulangère 80 g de beurre, 215 g de lait et 8 g de sel, que j’te fais tourner le crochet à petite vitesse 4 minutes, puis 9 minutes à vitesse double, sitôt pétri, sitôt étalé.

Avouez que je l’ai gâté, le lyonnais… 

Et c’est tout pimpant qu’il est sorti du four après une vingtaine de minutes passées à se dorer.

cervelas en brioche
le maillot jaune


Et tout ça pour qui ?

 

Vôtre cervelas pistaché et truffé en brioche, Madame :


Et le vôtre, Monsieur :


Accompagné d’une sauce maison. Plus précisément ? Alors là, c’est le secret du chef !

Ne vous fâchez pas, je plaisantais, je ne suis pas de ces gargotiers qui dissimulent leurs ingrédients douteux et leurs médiocres tambouillages en se nimbant de fallacieux arcanes. J’ai tout simplement fait réduire la moitié d’une bouteille de bordeaux rouge, un verre de porto et un trait de Worcestershire parfumés d’une feuille de laurier, d’un clou de girofle et de deux baies de piment de la Jamaïque. J’ai ajouté une pincée de sucre et une pincée de sel. Quand le mélange est devenu sirupeux, je l’ai tamisé et vivifié de quelques gouttes de jus de citron. J’ai aussi ajouté un trio d’oignons grelots glacés. Enfin les quelques feuilles d’une salade de mâche discrètement assaisonnée viennent conférer une note de fraîcheur.

J’ose espérer que mes assiettes sauront vous plaire, et je vous souhaite, Madame, Monsieur, une bonne dégustation.

samedi 22 janvier 2022

Un fil rouge

 

C’est du gâteau ! C’est d’autant plus du gâteau pour moi qu’il ne m’a pas donné grand mal pour le préparer. Il s’agit d’un gâteau de foie lyonnais qu’il m’a suffi d’enfourner à 180 °C pendant une vingtaine de minutes dans son petit moule d’alu. Et hop, je retourne sur la porcelaine, une petite tape et ma préparation au foie de poulet (et même un peu de foie d’oie… ) assiettit en douceur.

Mon droit à la paresse n’était cependant que partiel. Il m’a fallu parer les choux de Bruxelles achetés au marché avant de les plonger une dizaine de minutes dans l’eau bouillante salée sans modération. Maintenant ils baignent au fond d’une poêle dans du beurre fondu dont ils vont s’imprégner à petit feu. Sur une autre flamme réduit le coulis de tomates du jardin sorti d’un bocal monté de la cave où il se prélassait depuis plusieurs mois. Je me contente de le parfumer d’un tour de moulin de poivre rouge de Kampot.

Tout est désormais prêt pour passer au dressage sur une assiette chaude. Je nappe le gâteau de foie en y déversant le rutilant coulis de tomate. Je dispose les choux de Bruxelles que je parfume d'une râpure de noix de muscade.

Et une assiette flashy, une !

gâteau de foie lyon  nais
Sous une nappe rouge

Flashy à l’œil, mais pas aux papilles. Elle exprime ses saveurs avec une réserve toute lyonnaise. Ce qui n’exclue pas pour autant l’efficacité…

 

Il s’agissait de napper, pas de noyer. Aussi me reste-t-il du coulis de tomates du jardin, les deux tiers du bocal. Le lendemain je vais utiliser ce bon produit maison pour confectionner la sauce du plat de fusilli aux joues de raies que j’ai inscrit au menu.

Pour ce faire, j’ai carrément perdu mon droit à la paresse, car parer les joues de raies achetées le matin même à un poissonnier des halles locales est un travail fastidieux. Saletés de raies ! Est-ce que moi j’ai les bajoues fourrées d’osselets ? Pas plus d’ailleurs que les veaux, les cochons, ou même les morues ou les lottes pour rester dans le registre marin…

Ouf, ça y est, les joues sont débarrassées de leur malencontreux fourrage et de leur peau disgracieuse * et je peux passer à l’action culinaire.

Je verse au fond d’une poêle une cuillère d’huile d’olive dans laquelle je vais sauter à feu vif les joues de raie assaisonnées d’une pincée de fleur de sel. Quelques secondes seulement, car je ne veux pas me retrouver avec une chair en bouillie, d’autant plus que la cuisson va se poursuivre dans le reste de bocal de coulis de tomates que je viens de verser et fais réduire à frémissement. J’ajoute une pincée de sel, une cuillerée de curry Shichimi Togarashi, une feuille de laurier et des feuilles arrachées à un bouquet de persil frisé offert par le poissonnier.
Sur un feu voisin une grande casserole d’eau salée suivant la formule traditionnelle 10 100 1000 (10 g de sel pour 100 g de pâtes dans 1 000 g d’eau) je verse une moitié de sachet de fusilli, c’est-à-dire 250 grammes. Je les laisse 7 minutes, une minute de moins que le temps prescrit car la cuisson se terminera dans la sauce de la poêle.

Le minuteur sonne. Je transfère les pâtes à l’aide d’une araignée dans le coulis réduit et parfumé que j’allonge d’une cuillerée de la mousse farineuse tapissant la surface de l’eau de cuisson. Je brasse bien, même si la raie, sans doute habituée à l’immersion cachée, a bien du mal à émerger**.Avant d’apporter la poêle sur la table, je parsème d’une nouvelle pincée de curry japonais et de quelques feuilles de persil au rôle plus décoratif que gustatif.

joues de raie, fusilli
Le mur des fusilli

Je regrette de ne pas avoir pris le temps de réaliser un petit jus avec les parures des joues de raie, néanmoins les saveurs marines sont bien présentes - peut-être aussi grâce à l’algue nori figurant dans la composition du curry*** – et je retrouve le goût incomparable de tomates de jardin. Une recette basique, mais un régal !

   

*Droit de réponse de la raie : Je t’en ficherai, de la peau disgracieuse, est-ce moi qui ai la bajoue tapissée d’une barbe hirsute plus fanée que fleurie ?

**Deuxième droit de réponse : Eh, le guignol, ne tente pas de masquer ta maladresse sous des assertions abracadabrantesques, tu es infoutu d’effectuer un tourne et retourne correctement, point barre !

***Troisième droit de réponse : Mais quand est-ce que cet abruti finira de me dénigrer, la mer, c’est moi, pas de la poudre de perlimpinpin nippone – ni mauvaise, je le concède, car moi j’ai l’esprit ouvert.

 

dimanche 16 janvier 2022

Bonne hure, arrête ton char !



Voiscience


         Exclusif !  Le Web Space Telescope nous livre sa première  photo !


Lever de son satellite Hure sur l'exoplanète Patacra

Cette image provenant des confins de l'univers a bravé les ténèbres pendant des siècles pour nous parvenir. Un monde à peine sorti du chaos originel... Glaçant !




Voilà ce que l’on pouvait lire dans une certaine presse. Or ce ne sont que mensonges. Des journalistes sans vergogne, méprisant la déontologie qui devrait être leur, se sont emparés de photos qui étaient miennes pour se livrer à un montage grossier.


Satellite de l’exoplanète: il s’agit d’un plat où j’avais disposé la semaine dernière une tête roulée pistachée arrivée non pas des confins de l’univers mais de Lyon, et qui n’avait connu que les frimas de la réfrigération, bien éloignés de ceux de l’espace intersidéral.

tête de porc roulée
Salut, les cornichons !

Surface de l’exoplanète : tout simplement une pâte destinée à préparer des acras réservée dans un cul-de-poule, dont la photo n’a pas mis des années-lumière pour nous parvenir, car elle date de mai 2020.



Glaçant, non ?

vendredi 14 janvier 2022

Ni wok ni woke

 

Qui pourrait croire à la domination des boudins blancs, fussent-ils hétérosexuels, à part pendant la période où les boudins noirs de nos campagnes et de nos îles lointaines sont victimes de la magie de Noël qui les oblige à se tapir dans les arrière-boutiques ?

Les quatre boudins blancs que je viens de déballer font les farauds avec leur truffe du Périgord, mais ils savent bien que le temps de la poule de luxe à se farcir est désormais révolu pour eux.

blanc de volaille, lait, œuf entier et 3 % de truffes fraîches françaises


Aussi vais-je m’efforcer de les traiter avec le respect inspiré par une compassion envers leur sort malheureux encore plus que par leur prétendue arrogante supériorité.


Je commence par leur préparer une couche douillette.

Je découpe la moitié d’un chou rouge de taille moyenne en lanières de 3 à 4 mm. Je partage en quatre un oignon long du jardin que je mets à suer parsemé d’une pincée de sel dans une cocotte en fonte où fond une cuillerée de bon saindoux hongrois.


Trois minutes plus tard j’ajoute le chou rouge que je brasse dans la graisse avant de verser le fond de bouteille de margaux S de Siran rescapé d’agapes précédentes – un verre environ préservé par le vide – et je complète d’un verre d’eau. Suivent une feuille de laurier, cinq baies de la Jamaïque, une pincée de quatre-épices. Pas plus. Je ne veux pas gâcher le parfum de truffe qui m’est agréablement sauté aux narines au moment du déballage des boudins par une présence trop marquée d’épices. Quant au sel, je rectifierai en fin de cuisson. Je laisse ma cocotte couverte mijoter à feu doux une quarantaine de minutes seulement : pour une fois je souhaite conserver un peu de croquant à mon chou rouge, pas question d'en rajouter dans la mollesse, les boudins suffisant bien dans ce domaine.

Plutôt que les pruneaux traditionnels, je vais incorporer à, ma préparation de chou rouge des champignons faisant écho à la truffe de la spécialité charcutière. Ce seront des chanterelles que je fais tomber au fond d’une poêle au sein d’une nouvelle cuillerée de saindoux. Je les réserve une fois cuites pour les mélanger au dernier moment avec mes lanières de chou.

Plus conventionnel, une pomme, mais qui ne cuira pas dans la cocotte. Il s’agit d’une variété vendue au marché comme pomme à compote, mais d'une meilleure saveur que beaucoup de pommes à couteau de plus aimable apparence. De petite taille, ses irrégularités et ses taches superficielles cachent une chair ferme et parfumée avec la légère acidité qui émoustille les papilles. Pour tout dire, je m’en régale en tant que dessert frugal. Aujourd'hui, une fois épluchée et débarrassée de son cœur pépineux, je la partage en deux hémisphères que je barbouille de jus de citron pour éviter l’oxydation jusqu’à ce que je la mettrai à cuire à côté des boudins.

L’heure est venue de passer précisément à cette cuisson. C’est au fond d’une poêle où s’est liquéfiée une noisette de saindoux que j’étends mes quatre boudins que je colore légèrement à feu doux. Ma pomme subit le même sort. Puis j’enfourne à 150 °C pour une douzaine de minutes.

J’incorpore les chanterelles à ma préparation de chou rouge, vivifie d’un léger trait de balsamique blanc. Je sors mes boudins et ma pomme du four. Tout est là pour dresser mes deux assiettes. Je termine par un tour de moulin de poivre noir de Sarawak.

boudins blancs truffés, chou rouge, chanterelles
La fête se finit


Et j’ai bien fait de ne pas traiter mes boudins façon WOKE…

Même ma cocotte approuve...

dimanche 2 janvier 2022

22, le v'là !

 

21     31 décembre

 

Je finis l’année paresseusement. Pour les entrées du repas de réveillon, j’ai fait appel à un traiteur de mon quartier, la maison Matignon

Sur la table, une bûche de saumon aux écrevisses et un gâteau d’effiloché de gambas et sa crème de mangue.

bûche de saumon aux écrevisses
J'ai pris une bûche


effiloché de gambas, mangue
C'est du gâteau


Cruel dilemme : choisir ou partager. Finalement, chaque pièce est coupée en deux, découvrant des entrailles appétissantes. Mais pas que - savoureuses à souhait, aussi bien l’une que l’autre. Le prédécesseur, qui faisait ronronner cet établissement dans la médiocrité depuis vingt-cinq ans, a bien fait de prendre sa retraite. Je vais enfin pouvoir remettre les pieds dans cette maison qui me régalait dans les années quatre-vingt avant que son patron ne retourne à Menetou-Salon, son pays d’origine, me privant de ses charcuteries, plats, voire pâtisseries, tous produis de qualité, sans oublier les vins monestrosaloniens qu’il avait su me faire aimer.

 

23 h 59 - 00 h 01

 

Il faut franchir le pas. Ce sera en compagnie de pieds de cochon Cendrillon concoctés par Girardeau à Saumur. Là, un peu plus de cuisine : j’ai râpé des pommes de terre pour préparer à la poêle des pommes paillasson et allumé le four pour y flasher les pieds à 220 °C et les laisse y terminer leur cuisson pendant une dizaine de minutes.

pied cendrillon

Allez, vite sur les assiettes chaudes, il ne faut pas laisser refroidir !

Je connais bien ce produit, donc point d’émerveillement, simplement un grand plaisir pour les papilles - un bonheur gastronomique qui traverse les années…

 

22    1er janvier

 

Je commence l’année paresseusement. Pour les plats, toujours le même traiteur…

Sur la table, arriveront un pavé de cerf en croûte sauce grand veneur et un tournedos rossini revisité au vin de Chinon.

Pour cette étape, aucun dilemme : Madame a choisi le cerf, et Monsieur le tournedos 

Ben si, dilemme quand même : selon la notice jointe, le gibier est censé être réchauffé à 170 °C durant une quinzaine de minutes et le bœuf à 180 ° pendant une dizaine de minutes. Seulement. Voilà où me mène mon goût de la diversité qui fait qu’au restaurant je fais la tronche si le vis-à-vis qui partage ma table dit au serveur « Pour moi, ce sera la même chose… » - à la maison je n’ai pas la brigade qui se pliera à mes caprices et doit me maudire quand la famille attablée fait inscrire six plats différents sur le bon de commande. Je me livre donc à une cote mal taillée, transigeant à 175 °C et prolongeant le séjour du tournedos, emballé dans l’alu comme prescrit, d’un couple de minutes. Quant aux sauces, jointes dans des barquettes, je les remets en température au micro-ondes.

Pendant ce temps je réchauffe au bain-marie la purée de céleri-rave du jardin préparée l’après-midi précédent : une demi-boule mixée avec deux cuillerées de crème fraîche et rehaussée d’un tour de moulin de noix de muscade.

Je place sur de grandes ardoises chaque plat, son supplément de sauce et un ramequin de purée de céleri maison.

 

cerf, sauce grand veneur
J'ai évité de jeter le pavé dans la mare

tournedos rossini
Où Rossini s'est fait rouler...

Certes, je ne pourrai prétendre « c’est moi qui l’ai fait ! », mais ces plats sont fort bons et ne donnent pas l’impression de banalité consensuelle que donnent trop souvent les tablées de traiteur. Je n’ai donc aucun remords pour ma paresse.

Paresse qui se poursuivra au moment du dessert. Mais on n’en est pas encore là, car contrairement au réveillon de Noël je me sens en capacité d’attaquer le fromage. Et pourtant ce plateau auvergnat est imposant, c’est plutôt un massif avec son demi-roquefort Coulet Castelvieil de 16 mois d’âge, son gros morceau de cantal au lait cru, son demi-Thérondels au lait du Carladez, sa tomme au lait cru de brebis Elutcha des Cabasses.

fromages d'Auvergne
Les tours d'Auvergne

Après l’assaut, un état des lieux pratiquement inchangé… Les pièces trônent toujours dans leur majesté. Mais on en viendra à bout, j’en fais le serment !

 

C’est le tour des desserts. Elles proviennent de la pâtisserie Fine où œuvre le chef pâtissier Sébastien Serveau. Là encore, les choix sont faits. Ce qui n’empêche pas qu’une cuillère inquisitive puisse venir par instant taster l’assiette voisine…

Il y a une bûche roulée amande et noisette et un joyau dont les textures variées au cacao enrobent un sabayon de chocolat au lait.

bûche amande noisette
In fine...

gâteau chocolat
Quand je peux m'offrir un joyau...


Pas trop sucrées, bien équilibrées dans les saveurs et les textures, ces deux pièces sont sans nul doute le résultat d’un travail de pro, et doué de surcroît… Une belle façon de conclure ce repas de transition.

Et que le champagne coule à flots* !

 

 *Un souci de vérité m’oblige à dire qu’il reste le quart de la bouteille, bien au frais sous le bouchon préservateur adéquat.